Algérie débat assemblée nationale : L'amendement n° 64 est important, bien que la mesure qu'il propose n'ait pas nécessairement à être inscrite dans un projet de loi. Mon but est plutôt d'alerter le Gouvernement et l'Assemblée sur la nécessité de faciliter les voyages des harkis en Algérie.
 
 
M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Je ne suis pas du tout d'accord avec vous, monsieur le ministre. Dire qu'il n'y pas eu de massacre après le 19 mars 1962 n'a rien d'injurieux à l'égard des harkis ou des membres des formations supplétives. Ce n'est pas une injure que de contester un fait d'histoire, à moins que nous ne le précisions dans la loi. A défaut - je suis désolé de devoir le rappeler -, on ne pourra pas considérer, à proprement parler, qu'il s'agit d'une injure.
Je maintiens donc ces amendements. L'Assemblée, dans sa sagesse, tranchera. Nous examinions l'autre jour une proposition de loi déposée par le groupe socialiste dont le thème est le même, bien qu'il concerne une autre communauté. Il n'a en effet rien de spécifique à celle des harkis et des supplétifs.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 63 tombe.
Je suis saisi de deux amendements, nos 64, de M. Vercamer, et 57, de M. Hamelin, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. L'amendement n° 64 est important, bien que la mesure qu'il propose n'ait pas nécessairement à être inscrite dans un projet de loi. Mon but est plutôt d'alerter le Gouvernement et l'Assemblée sur la nécessité de faciliter les voyages des harkis en Algérie.
Je connais l'existence d'accords de libre circulation vers l'Algérie. Par ailleurs, on nous assure que les anciens harkis y sont bien accueillis. Mais ce n'est pas l'écho que j'en ai. L'amendement requiert donc, pour améliorer la libre circulation des anciens harkis, l'intervention de l'État français.
M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour présenter l'amendement n° 57.
M. Georges Fenech. Le problème de la libre circulation des harkis en Algérie est un véritable drame humain. Nous attendons que le Gouvernement nous apporte une réponse, même si nous avons bien conscience - je rejoins M. Vercamer sur ce point - qu'une telle mesure ne relève pas nécessairement de la loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Christian Kert, rapporteur. Nos collègues l'ont dit : cette question ne relève pas de la loi, puisqu'on ne décrète pas la fraternité. La commission a donc rejeté les deux amendements, non sans considérer que de gros efforts devaient être faits pour faciliter les liens entre les harkis et l'Algérie.
Monsieur le ministre, les parlementaires continueront à exercer sur vous une pression amicale, afin que vous insistiez auprès des autorités algériennes pour que des solutions soient trouvées à ce problème. M. Vercamer l'a rappelé à juste titre : si certains harkis sont parfois bien accueillis, d'autres le sont beaucoup plus mal.
Considérant que ces dispositions n'ont pas à figurer dans la loi, la commission est défavorable à la lettre des amendements, mais elle est favorable à leur principe. Elle pense en effet que des actions diplomatiques doivent être menées dans ce domaine et, à cet égard, monsieur le ministre, elle vous fait une entière confiance.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le ministre délégué aux anciens combattants. L'an dernier, lors de son voyage en Algérie, le Président de la République a évoqué le problème de la libre circulation des ressortissants français auprès de son homologue algérien. En effet, il n'est pas admissible qu'une catégorie particulière de citoyens français fasse l'objet de mesures discriminatoires.
Ce dossier relève de la coopération entre États. Je puis vous assurer que le ministre des affaires étrangères reste vigilant. Le Gouvernement ne manque pas de saisir les autorités algériennes chaque fois qu'une entrave à la circulation normale d'un de ses ressortissants est signalée. Le gouvernement algérien se retranche, pour sa part, derrière l'application des dispositions régissant la circulation des personnes entre les deux pays. Par conséquent, dès lors qu'un ressortissant français détient un visa algérien, il doit circuler librement. Chaque fois qu'un abus est signalé, la mission interministérielle aux rapatriés intervient et le Premier ministre est alerté sur le champ.
Telles sont les mesures que nous appliquons. Nous veillerons à ce que nul ne soit indûment refoulé et à ce que le principe de la libre circulation des personnes soit respecté.
M. le président. Si je comprends bien, monsieur le ministre, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 64 et 57 ?
M. le ministre délégué aux anciens combattants. Oui, je demande leur retrait.
M. Francis Vercamer. L'amendement n° 64 est retiré.
M. Georges Fenech. L'amendement n° 57 également.
M. le président. Les amendements nos 64 et 57 sont retirés.
Article 2
M. le président. Sur l'article 2, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à M. Jacques Domergue.
M. Jacques Domergue. L'article 2 du projet de loi, consacrant le principe de solidarité de la communauté nationale envers les Français d'Algérie, détaille les modalités d'indemnisation de nos compatriotes rapatriés, dans un double but de justice et de réparation. Avec le devoir de reconnaissance, consacré à l'article 1er, cette indemnisation constitue leur principale revendication.
En offrant aux bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance mentionnée dans la loi de finances rectificative de 2002 la possibilité de choisir entre différentes modalités de dédommagement, vous allez, monsieur le ministre, satisfaire plus largement nos compatriotes. Toute la nation vous en sera reconnaissante.
Allant au-delà des modalités inscrites dans la loi, la commission propose une solution associant au maintien d'une rente de 1 830 euros le versement d'un capital de 20 000 euros.
De plus, la revalorisation de la rente à 2 800 euros, à compter du 1er janvier 2005, est en mesure de satisfaire les nombreuses veuves de harkis, qui sont souvent les seules survivantes de cette première génération. Elles sauront, comme leurs enfants, nous en remercier.
Nous ne devons cependant pas méconnaître que, malgré les efforts de dédommagement consentis par la nation, beaucoup de Français d'Algérie garderont un goût amer dans leur coeur. Aujourd'hui, nous devons rassurer ceux de la deuxième et de la troisième génération afin que, sans qu'ils oublient leur histoire, ils se sentent entièrement et définitivement membres de la communauté nationale.
M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Nous abordons la partie la plus délicate du projet de loi. Elle touche aux indemnisations ou, pour reprendre le terme qui figure dans le texte, au « capital ». Nos compatriotes rapatriés attendent de nous une réparation, même si l'Assemblée a décidé de ne pas considérer qu'il y avait préjudice et d'attendre que la fondation fasse son oeuvre, afin d'analyser les faits ultérieurement.
Il y a quelques années, j'avais déposé une proposition de loi et rencontré à cette occasion de nombreux représentants d'associations ou de groupes de harkis. Ils demandaient une somme de 500 000 francs, chiffre qui semble avoir été promis - je n'ai pas retrouvé d'écrit à ce sujet - par le gouvernement de l'époque. Les années ont passé. De nombreuses lois prévoyant une indemnisation ont été votées. Mais ce chiffre n'a jamais été atteint, puisque 170 000 francs seulement ont été versés, de sorte que les harkis considèrent qu'on reste à leur devoir 330 000 francs.
Je ne puis m'appuyer sur aucun document qui mentionne clairement ces chiffres, mais ma proposition de loi prévoyait, en plus de l'allocation de reconnaissance, une indemnisation de 55 000 euros qui correspondait à ces 330 000 francs, majorés des intérêts.
C'est pourquoi, lorsque le projet de loi est arrivé, j'ai été étonné qu'il propose de choisir entre un capital ou une allocation. Je m'apprêtais à devoir être un peu dur en commission. Mais le rapporteur a ouvert la discussion en indiquant qu'il ferait une troisième proposition, consistant à maintenir l'allocation et à prévoir un capital légèrement inférieur à celui offert en échange de la suppression de l'allocation.
Je suis heureux de cette mesure. Toutefois, si elle satisfait le groupe UDF, le montant initial n'est toujours pas atteint. C'est pourquoi je tenais à faire remarquer au Gouvernement que sa proposition ne correspond pas à la somme demandée par le monde harki. Je voudrais donc qu'il nous indique clairement sa position. La demande des harkis, formulée par le Haut conseil aux rapatriés, n'a donné lieu à aucun document écrit. Et même si je connais la position de M. le ministre, il ne me l'a indiquée que de manière officieuse. Je souhaiterais une réponse officielle.
Je signale par ailleurs qu'il manque au projet de loi une indemnisation ou un capital destiné à ceux de la deuxième génération, qui ont vécu les mêmes drames que leurs parents : nés en Algérie, ils ont été rapatriés, ont connu les camps et ont souffert de l'exclusion.
Leur dédommagement sera certes moins élevé que celui de la génération précédente, mais quelque chose doit être fait pour les veuves ou les orphelins.
M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher.
M. Michel Diefenbacher. Nous abordons un article essentiel. Nous connaissons tous la revendication très ancienne des familles de harkis, qui, ayant perdu le toit qu'elles possédaient en Algérie, souhaitent pouvoir en retrouver un dans l'hexagone.
La solution proposée par le Gouvernement est évidemment intéressante, au sens où elle permet aux familles de choisir entre la revalorisation substantielle de l'allocation de reconnaissance, portée à 2 800 euros, et un capital de 30 000 euros. Mais le dispositif présente tout de même un inconvénient puisque, pour toucher le capital, il faut renoncer complètement à la rente.
C'est pourquoi la troisième formule, celle de l'amendement gouvernemental n° 92, me paraît tout à fait opportune. Le dispositif qu'il propose est particulièrement intéressant. Puisque les familles de harkis sont dans des situations différentes, il est souhaitable qu'elles puissent choisir, entre différents dispositifs, celui qui leur convient.
M. le président. Sur l'article 2, je suis saisi d'un amendement n° 92 du Gouvernement.
La parole est à M. le ministre.
M. le ministre délégué aux anciens combattants. Nous arrivons, en effet, à un moment clé de notre discussion. Le Gouvernement a entendu les députés de la majorité, qui souhaitaient améliorer encore le choix qui sera proposé à nos compatriotes harkis. Ainsi, l'amendement n° 92, qui reprend celui que vous aviez adopté en commission, leur permettra d'opter pour la poursuite du versement de l'allocation de reconnaissance à son niveau actuel - dont je rappelle qu'elle a été revalorisée de 33 % au 1er janvier 2004 et qu'elle se monte à 1 830 euros par an -, complétée par le versement d'un capital de 20 000 euros. Il s'agit de maintenir un revenu régulier et indexé, tout en répondant à la demande fortement exprimée d'une indemnisation en capital. Dès lors, il me semble que cet amendement peut recueillir, comme je le souhaite, un large accord.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Kert, rapporteur. La commission est, bien entendu, très favorable au dispositif proposé par le Gouvernement. Nous avions, dès l'origine de nos travaux, indiqué qu'il était assez cruel de proposer l'alternative allocation ou capital à la population harkie, dans la mesure où celle-ci a déjà été contrainte de choisir entre son pays d'origine et la France. Nous sommes donc heureux que le Gouvernement ait repris à son compte une initiative de notre commission. Il s'agit de l'une des améliorations les plus importantes du texte.
M. le président. La parole est à M. Patrick Delnatte.
M. Patrick Delnatte. Les députés de l'UMP avaient proposé un amendement identique à celui du Gouvernement, mais ils se sont vu opposer l'article 40 de la Constitution. Aussi, nous vous remercions, monsieur le ministre, d'avoir repris cette disposition.
Devoir choisir entre le capital et l'allocation de reconnaissance, même réévaluée, était très mal vécu par les intéressés, qui sont de condition modeste. La solution mixte qui est proposée me paraît donc de nature à leur donner satisfaction. Peut-être le montant n'est-il pas à la hauteur de celui qui a pu être évoqué, mais compte tenu de la conjoncture économique et financière difficile, l'effort est réel. J'ajouterai simplement que les modalités de paiement du capital doivent être souples, pour tenir compte de l'âge et de l'état de santé de certains harkis.
M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Il est vrai, monsieur Delnatte, que l'état des finances françaises est actuellement difficile - et je souhaite qu'il s'améliore -, mais l'indemnité versée en réparation d'un préjudice est calculée en fonction du préjudice et non des revenus de celui qui l'a causé, sinon certaines victimes ne recevraient rien.
Cela dit, je ne veux pas faire de surenchère, monsieur le ministre. Il ne s'agit pas ici, contrairement à ce dont m'a accusé M. le président de la commission, de faire de la démagogie, mais de répondre aux attentes de nos compatriotes rapatriés. C'est pourquoi j'aurais aimé que vous répondiez à la question que j'ai posée dans mon intervention sur l'article 2 : pourquoi avoir limité le montant du capital à 20 000 euros ? J'aimerais savoir ce qu'il en est officiellement, car des associations de harkis et de rapatriés nous rappellent sans cesse que des promesses leur ont été faites. Si le Gouvernement nous dit que ce chiffre correspond à ses promesses, je suis prêt à le croire. En tout état de cause, il me paraît important de mettre les choses à plat. Sinon, nous risquons de devoir débattre à nouveau de cette question dans trois ans parce que l'on nous dira que le compte n'y est pas. Crevons l'abcès une bonne fois pour toutes !
M. le président. La parole est à M. Kléber Mesquida.
M. Kléber Mesquida. Nous avions déposé un amendement semblable, qui fixait le montant de l'indemnité de réparation à 30 000 euros et prévoyait que les femmes d'anciens supplétifs ou assimilés, divorcées en métropole et de nationalité française percevraient, avant le 31 décembre 2005, une indemnité forfaitaire de 20 000 euros. Cet amendement a été repoussé en commission au titre de l'article 40 de la Constitution, ce que l'on peut comprendre.
Il est bien que le Gouvernement reprenne cette disposition, mais s'il acceptait de fixer le montant de l'indemnité de réparation à 30 000 euros, il ferait un geste significatif, d'autant que, comme l'a dit M. Vercamer, les bénéficiaires de cette mesure ne sont pas légion. Dans le cas contraire, les propositions du Gouvernement pourraient être assimilées à de la petite cuisine.
Enfin, je souhaite que soit versée aux femmes d'anciens supplétifs divorcées, qui sont aussi des mères, une indemnité forfaitaire de 20 000 euros.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 25 de la commission | page suivante |