Il - L INDOCHINE EN 1940 : L’ARRIVEE DE L'AMIRAL DECOUX.

     
     
   
Amiral Jean Decoux
 
 

Le 20 juillet 1940, le Vice-amiral Decoux, qui exerçait depuis mai 1939 les fonctions de Commandant de la Marine en Indochine, était nommé Gouverneur général de l'Indochine(4), en remplacement du général Catroux.
L'amiral Decoux héritait d'une situation particulièrement périlleuse. La France de la Troisième République n'avait pas eu, du début du vingtième siècle jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, de politique continue et cohérente. Paul Doumer, Gouverneur général et véritable fondateur de l'Indochine française, avait rêvé d'une "plus grande Indochine", qui eût englobé une grande partie de la Thaïlande actuelle. Cette Indochine serait devenue un centre de rayonnement français, non seulement dans la péninsule indochinoise, mais aussi vers la Chine du sud. Doumer rêvait d'un "Grand Jeu", la troisième République préféra un "Petit Jeu", c'est-à-dire confier le Gouvernement général, à quelques exceptions près, à des politiciens sans envergure ou à des Gouverneurs généraux à la petite semaine (6). Des fautes graves furent commises à l'occasion de la première guerre sino-japonaise en 1931. Préoccupés par le danger allemand, les gouvernements de la troisième République condamnèrent brutalement les entreprises japonaises sur la Chine du Nord, sous prétexte de créer un précédent juridique en prévision d'une éventuelle agression allemande. C'était méconnaître complètement la situation de l'Extrême-Orient fort différente de celle de l'Europe.

 
 

La situation s'aggrave encore au début de la seconde guerre sino japonaise en 1937. Le Maréchal Chang-Kai-Chek demanda aux diverses puissances, intéressées au maintien du statu quo en Chine, et, en premier lieu aux Etats-Unis, de lui faire des envois massifs de matériel de guerre. Ce matériel fut assez souvent acheminé par le Tonkin, en utilisant le chemin de fer français du Yunnan, qui était la voie la plus sûre. La situation était d'autant plus grave que des prises de positions idéologiques, sans aucun rapport avec la réalité, envenimèrent les relations franco japonaises.
Une campagne de presse tendait à faire pression sur le gouvernement français, pour aider la démocratie chinoise contre le fascisme japonais. Qualifier de "fascisme" le pouvoir à prédominance militaire du Japon impérial, et de "démocratie" l'oligarchie politico financière des Soong ne pouvait que faire sourire quiconque avait une connaissance rudimentaire de l'Extrême-Orient.
Le général Catroux, passant le service à l'Amiral Decoux, lui conseilla de revenir, dans une certaine mesure, sur les concessions unilatérales que lui-même avait cru devoir faire aux Japonais. C'était bien mal connaître ceux-ci.(7) En effet, Paul Baudouin, alors Ministre des Affaires Étrangères, devait souligner dans ses mémoires que les Japonais n'abandonneraient aucun des avantages qu'ils avaient obtenu du général Catroux.(8)

     
     
   
Georges Catroux
 

Troupes japonaises
 

Dès le 2 août, les Japonais s'appuyant sur les concessions accordées avec imprudence par le général Catroux, réclamaient le passage des troupes japonaises en Indochine et l'utilisation des aéroports. C'était un véritable ultimatum. La situation ne fut provisoirement dénouée que par l'accord du 30 août 1940.
Le Japon reconnaissait la souveraineté de la France sur l'Indochine et s'engageait à respecter l'intégrité territoriale de celle-ci dans toutes ses parties. La France, de son côté, acceptait d'accorder, au Tonkin, certaines facilités militaires aux forces nippones.
Un message du Maréchal Pétain, en date du 31 août 1940, fut envoyé à l'Amiral Decoux :
"Je comprends vos appréhensions, vos angoisses. C'est après mûre réflexion que j'ai ordonné à mon Gouvernement d'ouvrir des négociations avec le Japon, qui, en évitant un conflit total pour l'Indochine, doivent sauvegarder l'essentiel de nos droits. Je compte sur vous pour nouer au mieux les négociations d'ordre militaire et pour donner l'exemple de la discipline à tous les Français".

 

Pendant la première quinzaine de septembre 1940, des incidents devaient se produire à la frontière sino-tonkinoise. Le 20 septembre, le général japonais Nishihara prétendit introduire dans la Convention en préparation avec le Gouvernement général, deux nouvelles clauses jugées inacceptables par l'État-major français. Du 22 au 26 septembre, l'Indochine française se trouvait, en fait, en guerre avec l'Empire du Soleil Levant.
Les combats furent particulièrement durs dans la région de Langson. Sur l'ordre venu de Tokyo et émanant de l'Empereur lui-même, les troupes nippones cessaient le 25 au soir leur progression sur le front de Langson. Les hostilités s'arrêtaient définitivement le 26. La situation devait se stabiliser dans les semaines suivantes, mais, dès le 25, d'autres incidents sanglants se produisaient à Haiphong II fallu attendre le 3 octobre avec l'arrivée d'un nouveau général japonais, à la tête de la mission nippone en Indochine, pour que le gouvernement de Tokyo exprimât "un regret profond de l'incident inattendu de Langson". Les prisonniers français étaient immédiatement libérés, et le gouvernement japonais émettait le vœu d'une amitié grandissante entre la France et le Japon. La division japonaise de Langson (vingt cinq mille hommes et leur matériel) quittait le territoire tonkinois.


(4) L'amiral Jean Decoux (1884 / 1963) a publié ses souvenirs. A la barre de l'Indochine Plon - 1949, et Adieu Marine. Pion 1957
(5) Paul Damier-1857/1932 - fut Président de la République de 1931 à 1932.11 fitasBsanéfeômai 1932.
(6) Amiral Decoux A la barre de l'Indochine 1940 -1945 p. 60. Les exceptions sont Albert Sarraut, René Robin, Pierre Pasquier et Jules Brevié, notamment.
(7) Amiral Decoux. Op. cit. p.92.
(8) Paul Baudouin, Neuf mois au Gouvernement -Plon - 1949.

 
     
   
 
Amiral decoux et général Nishikara