Le 20 décembre, Abbas adressait un message politique aux "autorités responsables" et deux jours plus tard, il devait envoyer un autre texte d'un ton moins violent, à la demande de quelques hauts fonctionnaires du Gouvernement général. Ce texte parlait de réunir une "conférence de Musulmans représentatifs", qui devaient élaborer un statut politique économique et social des Musulmans. Le texte fut présenté au Gouverneur général Peyrouton qui annonçait, le 31 mars 1943, son intention d'utiliser ce document comme "base de réformes à venir". Il devait être considéré comme le "Manifeste algérien", œuvre de Ferhat Abbas.
Le 3 avril 1943, Peyrouton signait un arrêté, instituant une "commission d'études des affaires économiques et sociales musulmanes". Le Commissaire du Gouvernement était Augustin Berque lui-même.
L'attitude nouvelle de Ferhat Abbas a permis de vérifier les effets majeurs du tournant de novembre 1942. Ce fut le début d'une perte de prestige de la France en Afrique du Nord, que la place de l'armée d'Afrique dans les combats de la libération ne pourra pas compenser. Dès cette époque, Ferhat Abbas n'est plus le brillant sujet de l'élite musulmane des années 1930, qui, influencé par Maurras et Maritain, ne connaissait de la pensée islamique contemporaine que ce qu'il avait lu dans les livres français.
En janvier 1943, à la conférence d'Anfa, Roosevelt, au mépris de toute correction diplomatique avait promis au sultan du Maroc, la fin du Protectorat français.
De la même façon, Ferhat Abbas aurait assuré à la fin avril 1943, à quelques-uns de ses proches : " J'ai des promesses des Américains. Nous allons former un gouvernement'. Toutefois, ceci n'est pas encore confirmé par des sources américaines.
Ferhat Abbas et ses objectifs nouveaux
Après ses messages aux autorités françaises de décembre 1942, le Manifeste présenté au Gouverneur général Peyrouton en mars 1943, et "l'additif au Manifeste" présenté au général De Gaulle le 10 juin 1943, Ferhat Abbas rencontrait les élus algériens, et leur faisait espérer qu'après la guerre, l'Algérie recevrait un statut proche d'un dominion.
La commission d'étude des affaires économiques et sociales musulmanes comprenait huit bachaghas liés à l'administration et un seul sympathisant du PPA de Messali.
Ferhat Abbas défendit son texte devant la commission d'étude après l'avoir soumis aux délégations financières. Le procès verbal de la séance est signé de deux délégués financiers proches de Berque, le docteur Bendjelloul et l'industriel kabyle Tamzali, ainsi que par Berque lui-même. Le texte n'apparaît pas trop révolutionnaire et son contenu mêle curieusement une situation analogue à celle des états du Levant et un Protectorat à la tunisienne.
A deux reprises, au printemps 1943, Ferhat Abbas devait rencontrer Messali et il devait en résulter des conséquences graves. Messali comprit qu'il pouvait utiliser l'autorité de Ferhat Abbas à ses fins propres. D'autre part, en dépit des combats en Tunisie et du début de la campagne d'Italie, l'activité politique était intense durant ces années 1943/1944. Les conseils municipaux, dissous par Vichy, étaient rétablis au printemps 1943. Les journaux étaient nombreux malgré les restrictions de papier, et les intrigues ne cessaient pas.
Quelques jours après l'arrivée de De Gaulle à Alger, Peyrouton démissionnait le 2 juin 1943, et le général Catroux le remplaçait.
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