Chirac en Algerie, visite du 3 mars 2003 au 4 mars 2003, le président Chirac remet le sceau du dey Hussein Pacha, le président Chirac chaleureusement reçu par la population de Bab El Oued, "La dignité des Algériens est piétinée", Chirac nous fait la morale, Visas pour la France : ouverture ou restriction ?, le président chirac doit présenter, au nom du peuple français, ses excuses aux Algériens pour les crimes de guerre commis contre lui, comme il a eu à le faire avec les juifs." Retour sur la première partie du sujet, Troisième partie du sujet
FIGARO 03/03/03
FRANCE-ALGÉRIE
Au premier jour de sa visite d'Etat, le président français, accompagné d'Abdelaziz Bouteflika, a été accueilli par des centaines de milliers de personnes.
L'accueil réservé, hier à Alger, à Jacques Chirac a montré la dimension historique de cette première visite d'Etat d'un président français depuis la fin de la guerre d'Algérie.
Alger : de nos envoyés spéciaux Luc de Barochez et Anne Fulda 03 mars 2003.Les tempes et la nuque mouillées par la sueur. Le visage et les cheveux constellés de confettis envoyés par la foule. Des gardes du corps le ceinturant littéralement et lui passant discrètement de temps en temps une serviette pour s'essuyer. Des poignées de main et des embrassades à la pelle. A droite. A gauche. Des saluts aux centaines de personnes perchées aux balcons des immeubles fraîchement repeints en blanc du boulevard Zirout-Youcef qui longe la baie d'Alger. Des sourires, des sourires, des sourires. Adressés à ceux qui crient «Chirac ! Chirac ! Chirac», à ceux qui réclament «Chirac, amène-nous des visas», agitent des banderoles toutes neuves «les citoyens d'Alger souhaitent la bienvenue à Chirac» ou encore qui scandent «tous contre Bush». Le tout sur un fond de musique entêtant, avec des forces de l'ordre algériennes et françaises sur les dents, des policiers en civil et en uniforme essayant vainement de contenir la foule des journalistes derrière une corde. Hier après-midi, sur les quelques centaines de mètres séparant la place Mauritania de la Wilaya d'Alger, pas de doute, la star, c'était Jacques Chirac. On ne voyait que lui, on n'acclamait que lui. Et, même s'il s'efforçait d'associer le plus possible Abdelaziz Bouteflika en l'entraînant par la main et même par le cou vers la population, on avait la vague impression comme l'avait dessiné Dilem le caricaturiste du journal Liberté, la veille que c'était le président français qui recevait dans sa ville son homologue algérien.
En effet, pour Jacques Chirac qui a toujours conçu la politique comme une espèce de corps à corps avec les électeurs, ce bain de foule plus ou moins programmé restera dans les annales. Il montre bien qu'il y a affectivement entre les populations des deux pays, mais plus encore entre Jacques Chirac et ce pays qu'il aime «viscéralement» selon son ami Bernard Stasi, «quelque chose de charnel». Combien étaient-ils exactement à être venus, plus ou moins spontanément, saluer le chef de l'Etat français ? Le matin, les estimations, côté algérien et français, annonçaient près d'un million de personnes. Un million et demi, annonça même un membre de la délégation française peu de temps après l'arrivée de Jacques Chirac. En réalité, ils étaient peut-être quelques centaines de milliers. Mais qu'importent les chiffres. L'accueil réservé, hier, à Jacques Chirac entendait montrer avant tout la dimension historique de cette première visite d'Etat d'un président français depuis la fin de la guerre d'Algérie. Il s'agissait avant tout de poser des gestes et des marques d'attention afin de prouver que cette visite marquait bien les retrouvailles, si souvent différées, entre l'Algérie et la France. Des retrouvailles cette fois possibles, comme l'analysait Hervé Bourges, le président de l'année de l'Algérie en France, parce que «Bouteflika et Chirac ont des points communs, ce sont des hommes chaleureux, directs et qui ont l'un et l'autre l'ambition d'imprimer leur marque au plan national». Hier, lorsque l'Airbus présidentiel atterrit à 13 heures à l'aéroport Houari-Boumediene, Jacques Chirac est reçu avec tous les honneurs. La garde républicaine est sur son trente et un, certains militaires ont revêtu une tenue traditionnelle (avec des burnous blancs et verts et une chéchia sur la tête). Tandis que Jacques Chirac et son épouse Bernadette foulent le tapis rouge déroulé devant la passerelle de leur avion et que les ministres du gouvernement invités leur empiètent le pas Dominique de Villepin et Jean-Jacques Aillagon en tête, vingt et un coups de canon sont tirés. Puis, résonnent les deux hymnes nationaux. Le cortège se met alors en branle, direction la place Mauritania, où Chirac et Bouteflika prennent place dans une imposante Mercedes 600 décapotable, précédée d'une escorte de cavaliers. Dès l'aurore, les habitants sont descendus par centaines des hauteurs d'Alger, convergeant vers le centre, le long de la mer. D'autres ont été convoyés en bus de tout le pays. Les autorités leur ont distribué des portraits de Jacques Chirac et d'Abdelaziz Bouteflika qu'ils tiennent à bout de bras. Des ballons sont lâchés, des confettis sont lancés. Beaucoup de jeunes désoeuvrés sont là, mais aussi des groupes folkloriques. Plusieurs heures avant l'arrivée du cortège présidentiel, ils dansent, jouent de la flûte et font résonner leurs tambourins. Des Berbères tirent en l'air avec leurs fusils. Des cavaliers en chèche blanc et cape verte, montés sur de magnifiques destriers arabes, attendent, sabre au clair, la voiture des deux présidents pour l'escorter. Sur le boulevard du Colonel-Amirouche, les balcons sont bondés. Alger la blanche s'était faite belle pour Jacques Chirac. Tentant d'effacer en quelques jours des années d'incurie, de gabegie et de violences, les services municipaux ont badigeonné en hâte les avenues du centre. Le blanc éclate partout. «Les Algériens ont appliqué un bon vieux principe de marin, souriait un diplomate français, tout ce qui bouge, on salue, tout ce qui ne bouge pas on repeint.» Les portes et fenêtres, traditionnellement peintes en bleu ciel, ont cette fois-ci été recouvertes d'un bleu plus foncé que les habitants d'Alger appellent, Dieu sait pourquoi, «le bleu Khalifa» du nom de cet homme d'affaires milliardaire dont le groupe connaît quelques ennuis avec la justice ces jours-ci. Hier, quelques heures avant l'arrivée du cortège du président, des peintres s'affairaient encore à badigeonner murs et balcons. La voirie a été refaite à toute vitesse avec du bitume frais, les canalisations ont été réparées. Oubliés les nids-de-poule, les effluves nauséabonds et les murs décrépits. Quatre mille tonnes d'ordures accumulées depuis la grève générale de la semaine dernière ont été nettoyées en un temps record. Même la météo s'est mise de la partie. Un soleil radieux brille sur Alger, où règne une température clémente. Après les pluies diluviennes de la semaine dernière, la végétation resplendit d'un vert intense.
«Vive l'amitié algéro-française»,proclame une pancarte sur la route de l'aéroport. De nouveaux rosiers viennent d'être plantés le long de la voie. Les portraits de Chirac et de Bouteflika voisinent avec des drapeaux français et algériens, parfois collés l'un à l'autre. Jamais on n'avait vu autant de drapeaux français à Alger depuis l'indépendance. Le quotidien El Watan tonne contre la «tartuferie» des pouvoirs locaux qui usent de trompe-l'oeil pour «renvoyer à l'étranger en visite chez nous l'image d'un pays assez bien portant».
La plupart des jeunes Algérois venus acclamer Chirac n'ont pourtant pas l'impression de vivre dans un pays «bien portant».Ce serait même, à les écouter, une immense prison dont ils ne cherchent qu'à s'enfuir pour gagner la France. «Des visas, des visas» : c'est ainsi que beaucoup d'entre eux résument à l'intention des journalistes français leurs attentes du voyage présidentiel. L'un d'eux a même écrit «visas» en lettres capitales et au marqueur bleu sur un drapeau bleu-blanc-rouge qu'il tient à la main. L'autre a écrit «visa» sur son front.
«Tous les Algériens veulent aller travailler en France», affirme sans nuance Samir Boukhebache, 22 ans et déjà à moitié édenté. Il est électricien automobile. «Ici, il n'y a pas beaucoup de travail, et en plus, la vie en France, c'est mieux», croit-il savoir. «Mon cousin habite à Paris, dans le XIVe arrondissement. Il gagne bien sa vie», dit-il en guise d'explication. Le nombre de visas délivrés par la France s'est établi à 183000 l'an dernier. C'est trois fois plus que pendant les années noires des années 90, lorsque la crainte du terrorisme a incité Paris à fermer les frontières aux Algériens. Mais c'est encore très loin du pic de 800000 visas délivrés pendant les années 80. Devant l'université d'Alger, le son de cloche est le même. Jamal Mirassem, 30 ans, qui se présente comme étudiant, dit qu'il est venu voir Chirac «pour le visa». «Ça fait trois mois que j'ai déposé ma demande. Au consulat, ils me disent que je dois attendre. Moi, je veux aller à Paris. Je suis prêt à faire n'importe quoi pour travailler en France», raconte-t-il. Les filles en revanche semblent plus attachées à Alger. «Je ne veux pas partir, explique Nabila, une étudiante en sciences politiques de 20 ans, qui a de l'ambition à revendre. Je veux terminer mes études et ensuite devenir ministre.» Nait Hamed, administrateur de l'université, a un jugement plus nuancé. Il explique que l'Algérie «est un pays riche» grâce aux hydrocarbures. «Si Chirac vient pour notre pétrole, si c'est pour que la France s'enrichisse et que l'Algérie s'appauvrisse, alors nous sommes contre sa visite, dit-il. Mais si c'est pour nous aider, alors on est d'accord. La France nous a colonisés pendant 132 ans. Qu'on le veuille ou non, il y a des traditions françaises ici, une langue et une culture partagées. Alors, nous sommes très heureux que Chirac vienne donner un coup de main à notre pays.» En attendant la concrétisation de ce coup de main, Chirac et Bouteflika ont multiplié les actions symboliques. Après leur bain de foule, ils se sont rendus à Bab el-Oued où ils ont déposé une gerbe au pied de la stèle Saïd Naâmane, érigée à la mémoire des victimes de la catastrophe naturelle du 10 novembre 2001. Puis, Jacques Chirac a déposé une gerbe au monument des Martyrs, érigé en souvenir des morts de la guerre d'Algérie. Il a remis à Bouteflika le sceau du dey d'Alger, précieux pendentif d'argent et de cornaline que les conquérants français avaient emporté avec eux en 1830. Il s'est enfin rendu à la présidence de la République pour entamer ses entretiens politiques. La première journée de sa visite a été chaleureuse et triomphale. Les images de la réconciliation ont été nombreuses. Il reste maintenant à la mettre en chantier.

La Tribune 03/03/2003
Le président Chirac chaleureusement reçu par la population de Bab El Oued le Lundi 3 mars 2003.
Par Lyes Malki
Liesse populaire à Bab El Oued. En se rendant hier vers 15h00 au coeur de ce quartier populaire d’Alger, le président français a profondément impressionné les Algérois avec sa cordialité qui a fait que beaucoup de personnes ont pu l’approcher et lui serrer la main. Attroupés par des milliers tout le long des rues du quartier, ils ont accueilli l’hôte de Bouteflika à bras ouverts, l’ont applaudi et chaleureusement acclamé. Bref, l’ambiance et le décor, hier à Bab El Oued, étaient à la fête tellement le quartier, retapé à neuf pour l’occasion, luisait de propreté. Les drapeaux des deux pays et les photos grandeur nature des présidents algérien et français, accrochés à chaque coin de rue, redonnaient un look resplendissant à «ce quartier cher aussi au coeur de beaucoup de Français», comme l’a affirmé le président Chirac lors de sa dernière visite à Alger, au lendemain des inondations qui ont endeuillé Bab El Oued en 2001. Deux années plus tard, Chirac revisite les lieux et dépose, en compagnie de Bouteflika, une gerbe de fleurs sur une stèle érigée à la mémoire des 700 morts de la catastrophe du 10 novembre 2001. Il faut dire que le passage à Bab El Oued était, de toute façon, le moment le plus attendu de la visite de Chirac. Les services de sécurité arrivaient à peine à maîtriser la foule massée derrière les barrières : «Vive Chirac, vive Chirac», crie la foule dans une cohue indescriptible. Des jeunes chantent : «Aatina l’visa, Aatina l’visa» (donne-nous le visa !) et «Bab El Oued houhada», le slogan des émeutiers d’octobre 1988, cher aux habitants du quartier. D’autres ont préféré interpeller Chirac sur la crise irakienne en scandant : «L’armée, le peuple sont avec Saddam» ou encore « Pas de guerre en Irak». Au sortir du jardin abritant la stèle, Chirac préfère marquer une halte pour saluer la foule. Main dans la main, les deux présidents sont ovationnés et des youyous fusent de partout. Pour exprimer ses remerciements, le président Chirac brise, à plusieurs reprises, le cordon de sécurité pour se diriger vers la foule et serrer les mains tendues. La foule devient alors quasiment hystérique et les policiers chargés de la surveillance sont presque dépassés par les bousculades. Le convoi présidentiel reprend alors son parcours et se dirige vers Triolet, où le président Chirac retrouve la même ambiance : bain de foule, scène de liesse et acclamations. C’est dire que les habitants de Bab El Oued, à force de malheurs, ont offert hier l’image d’une population soudainement guérie des blessures d’une catastrophe qui a durement endeuillé le quartier. Les demandes de visa qui ont fusé de toute part traduisent, elles aussi, tout le désespoir d’une jeunesse en mal de vie. L. M.


La Tribune 3/03/2003

Le président Chirac remet au chef de l’Etat le sceau du dey Hussein Pacha le lundi 3 mars 2003, la cérémonie s'est déroulée au siège de la présidence de la république.
Le président français Jacques Chirac, en visite d’Etat en Algérie, a remis, hier, au président de la République, Abdelaziz Bouteflika le sceau du dey Hussein Pacha. La remise de ce cadeau de haute valeur symbolique au chef de l’Etat s’est déroulée au siège de la présidence de la République, peu avant l’entretien en tête-à-tête entre les deux présidents. Se présentant sous la forme d’un précieux pendentif d’argent et de cornaline, le sceau du dey d’Alger est orné de versets du Coran. Datant de la fin du 17ème siècle et symbolisant le pouvoir de l’époque, il servait à authentifier les décisions, les traités et les actes officiels du dey. Il fut remis en 1830 au maréchal de Bourmont qui commandait le corps expéditionnaire français. En remettant ce sceau, le président Chirac a déclaré que «nous savons les conséquences des événements de 1830 sur notre destinée commune». Ce sceau, a-t-il dit, marquera «un tournant dans notre relation à la fois si complexe, si riche, si douloureuse et finalement tragique». Chirac, qui a estimé que «ce temps appartient désormais à l’histoire», a considéré que «le retour de ce symbole de souveraineté à l’Etat algérien, vient sceller les retrouvailles entre nos deux pays». Dans ce contexte, Chirac s’est déclaré «conscient d’ouvrir [avec l’Algérie] un chapitre nouveau de notre histoire commune, celui de la confiance, de l’estime, de l’amitié et de la souveraineté». En recevant ce symbole de souveraineté, le président Abdelaziz Bouteflika a présenté au chef de l’Etat français, au nom du peuple algérien, ses sincères remerciements. Par ailleurs, le président Chirac a remis au chef de l’Etat les documents originaux des mémoires de guerre du général de Gaulle se rapportant à la guerre d’Algérie. (Algérie Presse Service).

Le Matin 03/03/2003
« La dignité des Algériens est piétinée » Chirac est accompagné par le secrétaire d'état aux anciens combattants un ancien Harki.
Abdelaziz Rahabi, ancien ministre de la Communication et de la Culture et ancien diplomate, est un fin observateur de l'actualité nationale. Il nous donne son point de vue sur la visite du Président Chirac et sur tout ce qui l'a entourée comme préparatifs.
Le Matin : A votre avis, qu'est censée apporter la visite du Président Chirac à Alger que ne l'ont pas encore fait les visites de MM. Bouteflika et Benflis à Paris ?
A. Rahabi : La visite du Président Chirac fait partie de ces visites tout à fait ordinaires dans la vie des nations. Il ne faut pas s'étonner de l'aspect protocolaire, c'est une visite qui n'apportera rien aux Algériens. Ceci nous semble vrai d'autant que nous n'avons pas noté d'exigences ou de préalables de la partie algérienne. Cette visite semble cependant se tenir sous le signe d'une volonté commune de normalisation des relations. Toute idée de normalisation ne peut qu'être bénéfique pour les deux pays, et tout effort doit être encouragé dans les limites des intérêts de chacun. Et étant donné que cette visite a été construite sur le thème de la refondation, elle doit aussi se faire autour de la reconnaissance officielle par la France de la guerre d'Algérie et le pardon pour les crimes commis contre tout le peuple algérien. Ce qui ne semble pas être encore le cas aujourd'hui.
Dans ce même ordre d'idées, le Président Chirac vient justement de se faire accompagner par un Algérien qui avait choisi le camp de l'armée coloniale, élevé aujourd'hui au rang de secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants. Qu'en pensez-vous ?
C'est inamical et inconvenant de se faire accompagner dans un pays indépendant par quelqu'un qui a choisi le camp du colonisateur de ce même pays. La France a le droit d'assumer son histoire, elle doit aussi reconnaître le privilège de discernement entre ceux qui ont défendu leur pays et ceux qui ont trahi la cause nationale. Que je sache, la normalisation avec l'Allemagne ne s'est pas faite aux dépens de la mémoire de chacun des deux pays. Mais on ne peut pas faire ce reproche à la France lorsque l'Algérie officielle a choisi de faire la primauté de l'apparat et de donner dominance aux aspects protocolaires.Justement, les préparatifs pour cette visite ont été grandioses. Quel est votre commentaire ? Ce matin quelqu'un m'a dit : « S'ils n'ont plus de dignité au moins qu'ils ne le fassent pas au nom de tous les Algériens. » Ce n'est pas une mauvaise chose de réserver un accueil aussi chaleureux, mais il est à déplorer la dominance des aspects protocolaires qui nous donnent le sentiment de le faire avec un peu trop d'indignité, alors que nous sommes dans l'attente d'une demande de pardon. Je veux dire que dans tout cela, il ne faut pas oublier que toute refondation doit se faire sur une base nouvelle à l'instar de ce qui a eu lieu entre la France et l'Allemagne par la reconnaissance de ce qui est essentiel pour l'Algérie contemporaine, à savoir la guerre de Libération. Cette visite est malheureusement une autre occasion ratée pour les relations des deux pays, car la refondation ne s'arrête pas aux seules apparences protocolaires. A quoi pourrait servir alors une autre visite, et y aurait-il un lien à établir avec les présidentielles de 2004 ? Elle semble plutôt être une tentative de se prévaloir d'amitiés supposées ou réelles à compter désormais dans des arbitrages internes. M. Bouteflika va profiter de la popularité de M. Chirac car les Algériens s'identifient beaucoup plus au courage de Chirac qu'au mutisme des officiels algériens. Il est à regretter cependant que nous vivions le paradoxe où la diplomatie devient un élément de politique interne au lieu d'être un outil de politique étrangère et de sécurité nationale. Ceci fait partie du microcosme algérien. Les Français sont avertis du débat interne en Algérie et ils évitent de s'y impliquer. Pour la France, la normalisation est une approche régionale, rien de plus. Le Président Chirac consolide de plus en plus cette normalisation avec la Tunisie où il se rendra à la fin du mois de mars. Une normalisation également bien avancée avec le Maroc où il se rend régulièrement. Entretien réalisé par Yasmine Ferroukhi
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le matin 03/03/03
Chirac nous fait la morale
Le Président de la République française a exhorté hier les Algériens à panser leurs blessures, d'hier et d'aujourd'hui, à pardonner à leurs assassins de 1830, de 1954 et de 2003, confondant bourreaux et victimes. Ancré dans sa quasi-totalité dans le passé colonial, repère à partir duquel il a d'ailleurs ouvert son propos, le message essentiel du Président français, adressé surtout à la France, doit être compris comme tel : il demande aux Algériens de faire de larges concessions sur un lourd contentieux historique, conditions sine qua non de la refondation des relations algéro-françaises sur de nouvelles bases, objectif essentiel inscrit dans la Déclaration d'Alger. M. Chirac invite ainsi l'Algérie à tourner la page de son histoire, au sens de lui tourner le dos, de la renier, d'abandonner sa mémoire et de se plier à l'ancienne morale coloniale dont il a repris, tout au long de son intervention, le ton et la morale en présence de M. Bouteflika. Et d'abord cette phrase qui choquerait l'Algérien le plus demandeur de visa : « Quelle émotion pour moi de voir aujourd'hui les parlementaires algériens m'accueillir au palais des nations, à quelques kilomètres de cette baie de Sidi Fredj où, il y a 173 ans, a commencé la présence française. » Par cette référence à la conquête coloniale, M. Chirac, au-delà de l'aspect émotionnel et solennel de cette évocation, prend soin de recourir à l'euphémisme « présence française » plutôt que de nommer les choses par leur nom. Ce qui lui permet, subtilement, de construire à partir de cette acception morale de la dénomination coloniale une rhétorique de la réconciliation de laquelle la France, pourtant, reste auréolée de son passé colonial. Et c'est précisément avec cet hommage peint aux couleurs de l'ancienne métropole « généreuse » que M. Chirac a tenu à honorer le sacrifice des Algériens morts pour la France : « Tous ces enfants d'Algérie qui ont participé, lors des deux guerres mondiales, en sacrifiant leur vie à la défense et à la victoire finale de la France, de ses alliés et du monde libre. La France sait ce qu'elle leur doit. Elle ne les oublie pas. » Autre sens tronqué, M. Chirac a parlé de cette « autre guerre » pour éviter d'affronter le contentieux historique de la guerre d'Algérie avec son lot de tortures, de disparus, de massacres sur lesquels il n'a pas dit mot et dont il occulte le caractère de « guerre de Libération » puisque le propos qui l'évoque reste tributaire de cette irréalité grandiloquente qui gomme la mémoire des faits. Pour le chef de l'Etat français, c'est une « tragédie qui, longtemps, ne voulut pas dire son nom ». Certes, il reconnaît qu'elle fut « meurtrière » et que « nous ne devons ni l'oublier ni le renier », mais en appelant au respect de « toutes les mémoires, de toutes les victimes, de ceux qui ont combattu dans la sincérité de leurs engagements », s'agira-t-il de mettre sur les mêmes honneurs « toutes les victimes de l'indépendance » ? Autrement dit, dans ce message de la réconciliation des mémoires, il les brouille pour ne pas avoir à les identifier sereinement, pour la vérité, seul accès qui permet à la décontraction des relations. Or, c'est sur l'irréalité de cette matrice d'une impossible réconciliation sur du vide et de vu pieux que l'hôte de M. Bouteflika a, par des subtilités langagières et protocolaires, reconstruit l'image de la France et ennobli les Algériens qui ont servi la France. La présence de M. Mekachera dans la délégation donnait déjà un avant-goût d'une France réconciliée avec elle-même sur le dos d'une Algérie dont le discours a peint l'ancien indigénat. D'autant que, sur les propositions concrètes, comme aux temps coloniaux, il a annoncé l'installation de quelques pauvres infrastructures culturelles, scientifiques et a promis d'être « l'avocat » de ce pays « conquis » auprès des banques internationales. Rachid Mokhtari

le matin 3/03/2003
Visas pour la France : ouverture ou restriction ?
A croire le quotidien Le Monde, le gouvernement français n'est pas disposé à faire preuve de plus d'ouverture dans sa politique d'octroi de visas aux Algériens. Dans son édition d'hier, ce journal français rappelle que depuis la nomination de Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur, le gouvernement ne cache pas son intention de limiter les flux migratoires par une politique des visas plus restrictive, particulièrement pour les Algériens. « L'augmentation massive du nombre des visas délivrés () est à l'origine de l'accroissement de l'immigration illégale dans notre pays », a déclaré Sarkozy au Monde du 18 janvier dernier, en précisant que son objectif est de « définir une politique précise et revendiquée de délivrance des visas » pour éviter « un véritable détournement de procédure ». Une politique qui débouchera sur le renforcement des contrôles sur les attestations d'hébergement que le candidat au visa doit nécessairement fournir. Le ministre de l'Intérieur français avait également annoncé, selon ce même journal, sa détermination à fixer le nombre de visas que chaque consulat devrait délivrer. Ce durcissement de ton intervient au moment où les Algériens ont cru déceler à travers l'ouverture de deux antennes consulaires, l'une à Annaba et l'autre à Oran, une volonté chez les Français de revoir à la hausse le nombre de visas délivrés aux Algériens. Sachant que pour nombre de demandeurs, satisfaire à l'exigence d'une attestation ou de garantie de revenus suffisants demeure inaccessible. Pour sa part, et a contrario, Jacques Chirac a estimé, hier, que « des améliorations sensibles ont été réalisées au cours des trois dernières années » aux conditions de délivrance de visa. Il a soutenu que la France est disposée à poursuivre cette politique car, dit-il, « les échanges entre les hommes doivent être au cur de la relation franco-algérienne ». N. H.


Le matin 03/03/2003

Les enfants de chouhada dénoncent "Le président chirac doit présenter, au nom du peuple français, ses excuses aux Algériens pour les crimes de guerre commis contre lui, comme il a eu à le faire avec les juifs.".

Dans un communiqué rendu public hier, l'Union nationale libre des enfants de chouhada se dit indignée par la présence parmi la forte délégation accompagnant le Président français en visite d'Etat en Algérie de Hamlaoui Mekachra, secrétaire d'Etat français aux Anciens Combattants. D'autant plus, ajoutent les rédacteurs du texte, qu'il s'agit d'un ancien serviteur de l'armée française durant la Révolution algérienne, doublé de représentant par excellence des harkis auquel a été accordée la nationalité française. Même si la visite de M. Chirac intervient dans une conjoncture internationale peu ordinaire, elle n'en impose pas moins une « halte nationaliste en ce mois des martyrs », lit-on dans le communiqué. Aussi est-il « de notre devoir en tant que citoyens, en premier lieu, et militants par la suite, de nous interroger sur la position de la famille révolutionnaire » quant à cette question, poursuivent-ils. Et de se demander où sont l'Organisation nationale, le ministère des Moudjahidine et les autres organisations qui prétendent défendre les intérêts des ayants droit des martyrs de la Révolution algérienne. Par conséquent, il est demandé à l'hôte de l'Algérie de justifier son geste, de présenter, au nom du peuple français, ses excuses aux Algériens pour les crimes de guerre commis contre lui, comme il a eu à le faire avec les juifs. Il est également exigé de Chirac et de la France « historique » de donner des indemnisations pour tout ce que le peuple algérien a subi durant 132 ans. Les auteurs de cette déclaration tiennent à exprimer, à la fin, leur indignation à tous ceux qui ont ouvert les portes de l'Algérie à ce genre de dépassements. M. C.

Retour sur la premiere partie du sujet
Chirac en Algérie que des mécontents les réactions, Cercle Algérianiste, Association des familles des victimes du 26 mars 1962, Lettre ouverte de Guillaume ZELLER . La lecture des journaux : Ravalement de façades à Alger, Jacques Chirac demain à Algerà la tête d'une importante délégation, la symbolique des invités qui a accompagnent Jacques Chirac, « Des visas, Monsieur le Président ! », Un harki accompagne le président français, Visite d’Etat du président français, hier, les motus de la foule, A Alger, Jacques Chirac invoque la "paix des braves" , poignée de main et Hamlaoui Mekachera mis en cause à tord, allocution de Jacques chirac 2 mars 2003 , allocution de Jacques Chirac lors de la remise du sceau du dey d'Alger le 2 mars 2003.

Suite du sujet sur le voyage du président Jacques Chirac en Algérie en mars 2003

Discours de Jacques Chirac devant le Parlement Algérien, déclaration commune de Jacques Chirac et Abdelazid Bouteflika , Jacques Chirac poignées de main chaleureuses, salue Yacef Saâdi et-Mme Zohra Drif Bitat