Entretien avec Jean - Jacques Susini
sur son engagement pour l'Algérie Française
 
     

Né à Alger en 1933, militant d'extrême droite, Jean-Jacques Susini préside, en 1959, l'Association générale des étudiants d'Algérie. Interné à la prison de la Santé à l'issue de la semaine des barricades, il s'enfuit en Espagne, où il crée, à Madrid en février 1961, avec le général Raoul Salan, Pierre Lagaillarde et Joseph Ortiz, l'Organisation de l'armée secrète. De 1962 à 1968, il vit sous une fausse identité en Italie. Condamné deux fois à mort par contumace par la Cour de sûreté de l'Etat, il est amnistié par décision du général de Gaulle en 1968. Il a été candidat du Front national aux élections législatives de 1997 dans les Bouches-du-Rhône. Il nous donne ci-dessous son interprétation, toute personnelle, des faits.

 

Question : L'OAS a-t-elle commis des actes que vous regrettez ?

Jean-Jacques Susini : Politiquement, oui. L'attentat contre le domicile d'André Malraux, où la jeune Delphine Renard est défigurée par l'explosion d'une de nos bombes, est une erreur. Tout comme l'opération des centres sociaux à Alger où sont tués six éducateurs, dont l'écrivain Mouloud Feraoun. Mais les derniers mois tout devenait de plus en plus difficile à maîtriser. La montée de l'angoisse nourrissait les décisions les plus radicales.

Quels étaient les atouts qui vous ont fait penser que l'OAS pouvait gagner ?

Il faut se rappeler qu'une partie importante de l'armée ne pouvait concevoir que l'Algérie cesse d'être française. Nous étions donc en droit d'espérer que nos amis militaires réagiraient comme ils l'avaient fait le 13 mai 1958. L'OAS devait avoir pour objectif une mobilisation totale de la population européenne d'Algérie. Notre fer de lance devait être les unités territoriales, composées de civils faisant quelques jours de service par mois et dont certaines intervenaient déjà sur le terrain au côté de l'armée. Enfin, il y avait en Algérie de nombreuses troupes musulmanes qui combattaient le FLN depuis plusieurs années et que leurs officiers avaient promis de ne pas trahir.

De quels exemples étrangers vous êtes-vous inspiré ?

Deux événements historiques ont prouvé que le combat d'un peuple contre une puissance illégitime et tyrannique était possible. L'insurrection de Varsovie, d'abord, où 50 000 hommes attaquent brutalement les troupes de la Gestapo et de la Wehrmacht qui occupent la ville et qui l'auraient libérée si Staline n'avait pas ordonné à l'Armée rouge d'arrêter sa progression. Ensuite, Israël, bien sûr, qui a démontré que le terrorisme pouvait pousser l'occupant anglais à quitter la Palestine en attendant qu'une armée israélienne soit en état de combattre avec succès les armées arabes.

Il fallait donc déclencher une insurrection ?

Tout à fait. Nos commandos n'étaient que l'avant-garde. Mais il est vrai que nous n'avons pas réalisé le saut quantitatif voulu. Nous n'avons pas réussi à mobiliser et à contrôler la population pied-noire. Le but était de prendre les bâtiments officiels en espérant qu'une partie de l'armée nous rejoindrait.

Quelles sont les autres raisons qui expliquent l'échec de l'OAS ?

La première, et c'est une constatation d'ordre général, la force de caractère s'était affaiblie en France comme dans tous les autres pays développés face à la seule valeur économique. Ensuite, il y avait la méconnaissance de nos officiers à l'égard de la réalité de la guerre révolutionnaire et ce malgré les expériences d'Indochine et d'Algérie. Nous connaissions également une terrible pénurie financière empêchant tout achat d'armes. Le général Salan avait reçu le chef de la CIA en poste à Paris pour obtenir 50 000 armes destinées au combat de rue. Nous n'avons pas eu de réponse. D'Israël non plus. En avril 1962, nous avons donc décidé de prendre contact avec la tendance indépendantiste la plus proche de la France et de sa culture (voir Le Point n°1862 du 22 mai 2008). Un accord a été conclu. Les libéraux d'Alger qui y avaient participé firent une démarche auprès de l'Elysée, qui opposa un refus. Il ne nous restait donc plus qu'à quitter l'Algérie.

Source : http://www.lepoint.fr/actualites-societe/l-oas-vue-de-l-interieur/920/0/293322 Publié le 20/11/2008 N°1888 Le Point Interview Jean-Jacques Susini fondateur de l'OAS - L'OAS vue de l'intérieur Propos recueillis par Philippe Houdart et François Malye

 
   


Précision - Une lettre de Jean-Jacques Susini

« M. Rémi Kauffer affirme que jamais le général Salan n'aurait dit : " Il faut tuer de Gaulle." Il s'agit d'une contre-vérité flagrante. J'arrive à Madrid en décembre 1961 pour me mettre à la disposition du général dont je deviens avec le commandant Jean Ferrandi (alors capitaine) l'un des principaux collaborateurs. J'assiste, à ce titre, aux entretiens que Salan poursuit avec des officiers venus l'assurer de leur dévouement. Il est déjà question de préparer un attentat contre de Gaulle et, bientôt, une première tentative a lieu au Pays basque, où des obus piégés doivent exploser au passage de la voiture présidentielle.

L'affaire échouera et Salan s'exclamera comme il le fera plusieurs fois par la suite : " Et ce canard est toujours vivant ! "

Plus tard, lors de la constitution de l'état-major de l'OAS à Alger, c'est sur ordre du général que sera impartie au colonel Godard la responsabilité d'une opération que ce dernier baptisait dans ses messages au codage discutable : " Opération Grande Zohra ".

Je pourrais en dire bien davantage sur ce sujet, mais j'ai voulu apporter un simple témoignage sur les convictions profondes du général Salan, " convictions que nous avons tous d'ailleurs partagées. "

Source : : http://www.lepoint.fr/actualites-societe/une-lettre-de-jean-jacques-susini/920/0/297107
Publié le 04/12/2008 N°1890 Le Point

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