Réactions aux propos de Dominique de Villepin, qui a affirmé jeudi 8 décembre 2005
sur France-Inter qu'il ne revient pas "au Parlement d'écrire l'Histoire".

 
       
 
 

A droite


Christian Vanneste, député UMP du Nord, à l'origine de l'article controversé de la loi de février 2005 : "La dénonciation de cet amendement comme une apologie de la colonisation, ou pire de l'esclavage, que la présence française a, au contraire, aboli par exemple, en Afrique équatoriale, la comparaison de cette présence à l'occupation allemande sont proprement scandaleuses. Devant la déferlante médiatique au sujet d'un amendement voté en juin 2004 et confirmé trois fois depuis lors, je tiens à préciser, puisque j'en suis l'auteur, que c'est la présence française qui est le terme employé et non celui de colonisation, que ce terme beaucoup plus large vise le rôle de la France dans les domaines de l'éducation et de la santé, à travers les instituts Pasteur par exemple.
La formulation de cet article n'impose rien, mais rappelle qu'il y a eu aussi un rôle positif qu'il ne faut pas oublier. Par ailleurs, il souligne la place éminente des soldats issus d'outre-mer dans les guerres de la France et leur rend un hommage appuyé". (Communiqué, jeudi 8 décembre)

Brice Hortefeux, ministre délégué aux Collectivités territoriales, proche de Nicolas Sarkozy : "Je suis favorable à l'apaisement. Voyons les modalités pratiques qui peuvent entraîner cet apaisement. Est-ce que cela doit être de revenir sur la loi? Est-ce que c'est une concertation avec les intéressés? Est-ce que c'est, effectivement, en se rendant sur place? La panoplie est large, je n'ai pas la réponse ce matin. (…) Le législateur n'avait pas vocation à faire autre chose que légiférer. Il n'a pas vocation à écrire une histoire officielle, il y a des spécialistes pour cela". (RTL, jeudi 8 décembre)

Christian Kert, député UMP des Bouches-du-Rhône, rapporteur de la loi sur les rapatriés : "On ne peut pas changer en permanence la loi, et il y a une incompréhension sur le sens de la disposition controversée.
Jamais il n'est écrit qu'il faut faire fi des aspects les plus négatifs de la colonisation. Ce que nous voulions dire, c'est que la présence française avait eu aussi des aspects positifs. Il s'agissait de rééquilibrer des programmes scolaires trop exclusivement consacrés, selon beaucoup de députés, aux aspect négatifs de la présence française. Il ne s'agit pas de faire un bilan de la colonisation. L'article controversé pourra, peut-être, être revu lorsque la Fondation créée par la même loi pour mettre au clair l'histoire de la colonisation aura rendu ses travaux". (Déclarations, mercredi 7 décembre)

Christian Kert, député UMP des Bouches-du-Rhône, rapporteur de la loi sur les rapatriés :
Le député UMP Christian Kert, rapporteur du texte de loi, a indiqué qu'il demanderait « la semaine prochaine » au gouvernement un « élargissement des missions » de la fondation afin d'y « inclure l'étude de l'ensemble de la colonisation française ». Cela permettrait de rendre caduque l'application de l'article 4 incriminé, qui stipule que « les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la présence française outre-mer

Bernard Accoyer, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, a regretté de façon générale que le "législateur se soit éloigné de son rôle" en "légiférant sur des questions réglementaires, sur le mode déclamatif".
"Ce n'est pas le travail des législateurs que d'écrire l'histoire. On ne doit pas écrire l'histoire dans la loi. Il faudrait peigner toute la législation afin de supprimer tout ce qui n'est pas nécessaire au cadre institutionnel".
Interrogé sur le refus des députés UMP, la semaine dernière, de supprimer la mention controversée de la loi de février 2005 comme le demandait le groupe socialiste, il a fait valoir qu'il y avait une "attitude politique" des socialistes sur ce sujet.
Il a rappelé que les députés PS avaient voté cette disposition en juin 2004 ainsi que les sénateurs PS en décembre de la même année.
"On ne peut pas un jour décider d'écrire l'histoire et le jour suivant décider le contraire". (Déclarations, mercredi 7 décembre)

Jean-François Copé, porte-parole du gouvernement :"Cet article n'est absolument pas une disposition à caractère normatif mais à caractère déclaratif. Il n'y a pas d'histoire officielle et rien dans ce dispositif (...) ne saurait porter atteinte à la liberté des historiens d'une part et des professeurs d'autre part en ce qui concerne l'enseignement de l'histoire dans les collèges et les lycées. Pour le reste, naturellement il faut se tourner vers l'avenir". (Déclarations, mercredi 7 décembre)

Léon Bertrand, ministre du Tourisme : "J'estime que l'histoire ne doit pas être déguisée. (...) Le fait historique se suffit à lui-même.
Par conséquent, je comprends que, sur le terrain, quelques associations, quelques partis politiques puissent effectivement réagir. Ceci dit, je ne comprends pas non plus que les hautes personnalités politiques ne puissent pas recevoir le ministre de l'Interieur. Il s'agit d'une affaire très sensible".

François Baroin ministre de l'Outre-mer : "Ce n'est certainement pas aux politiques de dire l'histoire officielle. L'article contesté n'est pas le choix de l'UMP mais l'initiative d'un parlementaire UMP. Cette initiative est sujette à caution, mais la réponse du PS qui a proposé fin novembre de supprimer cet article "pouvait être interprétée comme sujette à caution. L'article de loi n'a pas de valeur normative, n'a pas d'impact mais nécessite de l'explication. C'est l'honneur de la République de savoir que les programmes d'enseignement d'histoire sont constitués par des experts, des historiens dont c'est le métier. Il n'y a pas d'histoire officielle.
Dès qu'on touche politiquement à quelque chose qui peut rappeler en écho une part d'identité sur laquelle les uns et les autres, génération après génération, s'interrogent, on touche à quelque chose d'extraordinairement sensible".

Gilles de Robien, ministre de l'Education nationale : "Je fais pleinement confiance aux enseignants pour faire apprendre l'histoire en toute neutralité, toute objectivité, de façon factuelle plutôt qu'interprétative. Leur liberté pédagogique doit leur permettre d'objectiviser les choses et ne pas se lancer dans l'idéologie". (RMC, mercredi 7 décembre)

Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense : "Ce n'est pas aux politiques de réécrire l'histoire. C'est le travail des historiens. L'amendement qui a ajouté cette mention à la loi sur les rapatriés a été voté comme cela. (Europe 1, mercredi 7 décembre2005)

Valéry Giscard d'Estaing a déclaré le 11 décembre 2005 que "la loi n'écrit pas l'histoire" et estimé que les parlementaires UMP devraient, "le moment venu", "retirer" l'article de loi controversé sur le "rôle positif de la présence française outremer, notamment en Afrique du Nord". Invité du "Grand rendez-vous" Europe 1/TV5, l'ancien président de la République a, à son tour, affirmé qu'il fallait "laisser l'histoire aux historiens" car "l'objectivité est très difficile" et "l'histoire de l'humanité très violente"."Les députés ont le droit de parole, c'est dans la Constitution. Ils peuvent exprimer les opinions qu'ils veulent. Le point critiquable, c'est qu'ils aient mis ça dans une loi parce que ce n'est pas un sujet législatif (...) La Constitution ne permet pas de mettre une disposition de caractère historique" dans la loi, a-t-il dit.Il faut, selon lui, réparer "très calmement" cet "incident", qui n'est "pas un drame". "Ca a été une erreur, c'est curieux qu'on l'ait laissée passer", a déclaré M. Giscard d'Estaing, en critiquant implicitement le président Jacques Chirac pour avoir accepté de promulguer cette loi, et les parlementaires pour n'avoir pas saisi le Conseil constitutionnel.


A gauche

François Hollande, premier secrétaire du UMPS : "Je demande au nom du Parti socialiste solennellement à Dominique de Villepin de prendre la seule décision qui s'impose : le retrait d'ici la fin de l'année de l'article reconnaissant le rôle positif de la colonisation. En déclarant que ce n'est pas au Parlement d'écrire l'histoire, le Premier ministre désavoue implicitement son propre gouvernement et la majorité UMP qui, il y a encore une semaine, repoussait à l'Assemblée nationale l'amendement de suppression du texte contesté, présenté par le groupe socialiste. Mais en n'annonçant pas aujourd'hui l'abrogation immédiate de ce texte, il laisse persister la cause même du malaise et de l'émotion qui, on le sait, va au-delà des sensibilités politiques traditionnelles. Dominique de Villepin reste comme souvent dans la généralité des mots et en définitive dans le faux-semblant.

Toute tergiversation sera de la seule responsabilité du Premier Ministre".

Christian Paul, député, ancien Secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer : "Les français des outre-mers et de l’hexagone ont entendus ce matin les réactions du Premier ministre devant le choc et la révolte provoqués par l’aveuglement et l’entêtement de la majorité parlementaire acharnée à positiver et à réviser l’histoire de la colonisation. Le report, accompagné de commentaires provocateurs du voyage du ministre de l’intérieur n’est en rien un gage d’apaisement. Il appartient désormais au Premier Ministre et au gouvernement d’inscrire sans délai à l’ordre du jour du Parlement un projet de loi abrogeant ce texte infamant ci justement condamné par Aimé Césaire .
Par ailleurs, le Premier ministre honorerait notre République en donnant des suites concrètes à deux projets laissés sans réponse depuis plus de trois ans : la date de la commémoration de l’abolition de l’esclavage, reconnu en 2001 comme crime contre l’humanité, et la création à Paris d’une cité des outre mers destinée à favoriser le dialogue des mémoires et des cultures."

Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, s'adressant à Dominique de Villepin : "Je vous demande de prendre une initiative parlementaire avant la fin de l'année qui permette de supprimer cet article, afin de clore une polémique qui ne peut qu'affaiblir la cohésion nationale".
Il rappelle que son groupe avait déposé une proposition de loi visant à supprimer l'article contesté et regrette que "le gouvernement et la majorité (n'aient) pas saisi cette main tendue au risque d'accentuer le trouble des esprits. L'article 4 de la loi du 23 février 2005 est vécu comme une blessure par de nombreux compatriotes, comme en a témoigné l'émotion suscitée en Martinique et en Guadeloupe et qui a conduit votre ministre de l'Intérieur à renoncer à son déplacement". (Lettre ouverte au Premier ministre, jeudi 8 décembre)

Ségolène Royal, députée socialiste des Deux-Sèvres et présidente de la région Poitou-Charentes, a demandé l'abrogation de la "loi révisionniste" sur la colonisation.
"La loi révisionniste sur la colonisation heurte toutes celles et tous ceux pour qui l'adhésion à la France ne peut s'inspirer que des valeurs républicaines de liberté, d'égalité et de fraternité bafouées en son temps par le colonialisme".
Elle rappelle "la réalité de l'esclavage, du travail forcé et de la sujétion coloniale ainsi que l'engagement en masse des Antillais dans le combat pour la libération de la France".
"L'honneur de la République, ce n'est ni la repentance ni l'amnésie organisée : c'est la lucidité d'une histoire partagée dans une France accueillante à tous les siens". (Lettre ouverte à Nicolas Sarkozy, jeudi 8 décembre)

Laurent Fabius, député UMPS, a demandé l'"abrogation" de l'article 4 de la loi du 23 février 2005, un texte "provocateur" qui "offense beaucoup de Français. Ce texte a profondément blessé en particulier nos compatriotes d'outre-mer. Leur indignation est légitime. Le Premier ministre Dominique de Villepin a critiqué implicitement la tentative par les parlementaires UMP d'établir une histoire officielle, mais ne s'est nullement engagé à supprimer cet article de loi.
Je demande donc une nouvelle fois au chef du gouvernement de faire inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale l'abrogation de ce texte provocateur qui offense beaucoup de Français et choque les enseignants dans l'exercice de leur mission pédagogique" (Communiqué, jeudi 8 décembre)
Laurent Fabius avait auparavant dénoncé "le refus de la droite de revenir sur un article qui dit que les programmes scolaires doivent insister sur l'aspect positif de la colonisation. Cet article est infondé, il faut le retirer". (France 2, jeudi 8 décembre)

Claude Lise, sénateur et président du conseil général de la Martinique (apparenté PS) en a appelé à Jacques Chirac pour obtenir l'abrogation de la loi du 23 février 2005 mentionnant le "rôle positif" de la colonisation.
"La Commission permanente du Conseil général de la Martinique a adopté le 1er décembre, à l'unanimité, une motion à la suite du rejet par l'Assemblée nationale d'une proposition de loi socialiste visant à abroger l'article en cause. Les élus de la Commission permanente ont tenu à exprimer leur indignation face au rejet par la majorité de cette proposition.
C'est pourquoi les élus de la Commission permanente ont émis le souhait que vous puissiez intervenir pour que le gouvernement saisisse de nouveau le Parlement de cette question en vue d'aboutir à l'abrogation de l'article incriminé".