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Entretien avec un représentant de AJIR.
A l'occasion de la journée hommage nationale des Harkis du 25 septembre 2006
 

 





 
  - Cet Hommage national est il important? Pourquoi ?
- Cet hommage est il la reconnaissance de la responsabilité de la République?
- Quels problèmes restent à résoudre?
- L'allocation pour les Harkis (loi du 23 février 2005) est elle satisfaisante ?
- Mékachéra a présenté cette loi comme la dernière. Qu'en pensez vous?
- L'art 4 a fait coulé beaucoup d'encre. Quelle est votre position ?
- Les insultes de Frêche ont ému l'opinion. Quelles sanctions a-t-il reçu?
- Une association de Harkis appelle à boycotter cette cérémonie. Qu'en pensez vous?
- AJIR, l'association la plus importante de Harkis et le Cercle algérianiste, l'association la plus importante de Pieds Noirs ont démissionné du HCR (Haut Conseil des Rapatriés), pourquoi ?
- Le traité d'amitié semble enterré. Pourquoi et faut il s'en réjouir ou le déplorer ?
 
 

Cet Hommage national est il important ? Pourquoi ?

Cette journée est importante parce qu'elle reste une grande occasion d’information : même si on peut regretter le faible écho dans les médias nationaux, en revanche, les journaux régionaux sont toujours preneurs des textes et réflexions sur ces pages d’histoire mal connues.
Au-delà de la cérémonie officielle aux Invalides, au-delà des discours officieux parfois convenus, cette journée d’Hommage nationale doit être un outil pédagogique qui doit aider à faire comprendre à tous les Français que l’Etat français a une dette envers les Harkis, et faire savoir que tout n'a pas encore été réglé ni pour les harkis, (indemnisation, retraites, libre circulation vers l’Algérie) ni pour leurs enfants (chômage, logement, discrimination…).
Cet hommage est il la reconnaissance de la responsabilité de la République?
Non. Mais c’est un premier pas dans ce sens. Le discours du 25 septembre 2001, les débats à l’occasion de la loi du 23 février 2005 ont rappelé la fin dramatique de l’Algérie française. Plus personne ne nie aujourd’hui la non protection des Harkis et Pieds Noirs en Algérie après les Accords d’Evian du 18 mars 1962. Personne, de gauche comme de droite ne nie les massacres de dizaines de milliers de Harkis et leurs familles ni les disparitions par millier de Pieds Noirs après le prétendu cessez-le-feu. Pour autant, le gouvernement et le parlement n’ont pas osé aller jusqu’à la reconnaissance claire, pleine et entière de la responsabilité de l’Etat de 1962.

Quels problèmes restent à résoudre?
La reconnaissance sans équivoque de la responsabilité de l’Etat Français dans l'abandon des harkis, désarmés, et leurs famille aux mains du FLN, la reconnaissance de n’avoir pas secouru puis rapatrié tous les Harkis et donc la reconnaissance de sa responsabilité dans les massacres puis dans la gestion indigne des rescapés dont les enfants furent socialement sacrifiés à cause de la politique d’enfermement dans des camps isolés et insalubres.
La libre circulation entre la France et l’Algérie pour les Harkis qui le souhaitent, comme pour tout citoyen français qui désire se rendre en vacances en Algérie. Interdire à des Harkis d’aller en Algérie quelques semaines pour revoir de la famille ou le village de leur enfance est une violence symbolique injustifiée compte tenu du fait que les Algériens, anciens du FLN, peuvent eux venir en France, pour des vacances et souvent plus !
L'indemnisation des enfants qui ont vécu dans les camps pour le préjudice moral subi (perte d’égalité des chances en raison de la scolarisation en vase clos)
Une lutte sérieuse contre les handicaps à l’emploi (manque de formation, délit de faciès,) par des emplois dans la fonction publique, à tous les niveaux, (priorité à compétences équivalentes)
L'allocation pour les Harkis (loi du 23 février 2005) est elle satisfaisante ?
Beaucoup d’anciens disent : c‘est mieux que rien ! Mais ils ont le sentiment qu’on s’est moqué d’eux. C’est vrai que pour des personnes très âgées, aux revenus modestes, « c’est mieux que rien ». C’est vrai que la gauche serait mal avisée de critiquer la modicité de cette allocation de 30 000 euros, elle qui n’a rien donné ! Mais force est de reconnaître que 30 000 euros pour réparer la perte de sa maison, de ses terres, de parents souvent, les risques pris sous l’uniforme français, le drame du déracinement par loyauté à la France, des années dans des camps ou hameaux forestiers coupés du monde, 40 ans d’histoire déformée… Oui, 30 000 euros pour toutes ces souffrances, tous ces préjudices, cela frise l’indécence !
Hamlaoui Mékachéra a présenté cette loi comme la dernière. Qu'en pensez vous?
Hamlaoui Mékachéra a effectivement dit cela car le gouvernement, comme tout gouvernement, espérait que sa loi serait la dernière, pour ne plus être interpellé sur ce dossier « harki » qui gêne les politiques de tous les bords depuis 1962 !
En la circonstance, comme en d’autres (passivité face aux insultes algériennes, clientélisme éhonté vis-à-vis des associations,…) Mékachera a déçu Harkis, Pieds Noirs et anciens combattants. Il n’a pas su défendre ce dossier, se contentant d’être le relais docile du gouvernement. Il a rejeté ainsi les amendements proposés même par des députés UMP de sa propre majorité !
Mais si au début, cette loi était censée « parachever » le dossier Harki, rapidement, face à la colère des associations, Mékachéra, et donc à travers lui le gouvernement, a par la suite concédé que « cette loi ne soldait pas le dossier Harki ». En fait, les 30 000 euros d’allocation forfaitaire ne sont que le paiement en une fois de la rente viagère instaurée par la gauche. Ce n’est ni une indemnisation des biens perdus, ni une réparation des préjudices subis. Cette loi ne fait rien pour les enfants (discrimination positive par exemple) et surtout reste dans une logique d’assistanat social, pas de justice. L'art 4 a fait coulé beaucoup d'encre.
L'art 4 a fait coulé beaucoup d'encre.Quelle est votre position ?
L'article 4 de la loi de février 2005 prévoyait que les programmes scolaires et de recherche universitaire accordent à la présence française outre mer et spécialement à certains de ses aspects positifs en AFN ainsi qu'à l’histoire et aux sacrifices des combattants issus de ces territoires, la place qu'ils méritent. Cela a été une levée de boucliers et une polémique surtout alimentée par des idéologues qui se complaisent à ne parler que des pages sombres de l'histoire de la France, confondent les époques, et font à dessein l'amalgame entre conquête, colonisation, système colonial, esclavage et présence française, plutôt que la position respectable des vrais défenseurs de la vérité sous tous ses aspects et d'une liberté totale pour les historiens d 'interpréter notre passé à l 'abri de toute ingérence du pouvoir politique et souhaitant la suppression de toutes les dispositions législatives récentes concernant l'histoire .

Certes on peut regretter une maladresse évidente dans la formulation d'une partie de l'article mais comment ne pas trouver ridicule et déplacé, ce déchaînement d'hypocrisie et de haine chez certains et la reculade pitoyable ou la volte face et la démagogie de ceux qui ont été à l'origine de cet article, qui l’ont voté 3 fois et promulgué avant de supprimer un alinéa !
Cela ne méritait certainement pas ce tapage médiatique et le seul résultat tangible est que les programmes scolaires et les enseignants, en toute bonne conscience, maintiendront la chape de plomb qui occulte les tragédies subies par les rapatriés, les pages propres de notre histoire Outremer et l 'action "positive "de certains français Outremer ... La recherche de la vérité et le rôle du parlement ne sont pas sortis gagnants de ces polémiques toujours caricaturales et souvent de mauvaise foi.
Les insultes de Frêche ont ému l'opinion. Quelles sanctions a-t-il reçu?
Les propos injurieux qui ont pour caractère l’incitation à la haine raciale ont été condamnés par l’opinion publique mais pas encore par la justice ( c’est prévu pour le 28 sept à Montpellier ). Certains élus de la gauche plurielle dont Laurent Fabius l’ont fait sans équivoque. Mais François Hollande s’est contenté d’une « suspension de Georges Freche du bureau national du P.S », sanction dérisoire qui n’empêche pas Monsieur Frêche de continuer à parader sur les estrades aux cotés de Lang ou Royal !
Le 28 septembre, trois jours après l’Hommage national aux Harkis, Frêche sera jugé à Montpellier (sauf si courageusement il fait repousser dans l’espoir que le temps fera oublier la gravité de ses injures…). Les Harkis invitent leurs amis anciens combattants et Pieds Noirs à venir nombreux assister au procès. Il serait incompréhensible que Frêche ne soit pas condamné sévèrement.
Les Français suivront avec attention le verdict de Montpellier, qui ne saurait être un encouragement à la haine raciale. Ils espèrent une sanction exemplaire à l’encontre de Georges Frêche pour ne pas laisser impunément un élu de la République bafouer les valeurs d’égalité et de fraternité.
Une association de Harkis appelle à boycotter cette cérémonie Qu'en pensez vous ?
C'est une erreur. Même si des Harkis peuvent avoir des raisons légitimes de déception face aux promesses non tenues, voire de la colère contre un gouvernement trop passif face aux insultes et provocation de Bouteflika, il n’en demeure pas moins qu’il ne faut pas tout mélanger. Cette journée n’est pas celle du gouvernement ou de Mékachéra. C’est celle des Harkis et de leurs frères d’armes. C’est une journée pour eux, pour commémorer leur courage.
Profitons de cette journée pour expliquer encore pourquoi « les Harkis ont des droits sur la République » Rendons hommage aux morts et aux vivants, à leur courage, à leur dignité.
AJIR, l'association la plus importante de Harkis et le Cercle algérianiste, l'association la plus importante de Pieds Noirs ont démissionné du HCR (Haut Conseil des Rapatriés), pourquoi ?
AJIR est à ce jour la seule association nationale, avec le Cercle Algérianiste, à avoir démissionné du Haut Conseil aux Rapatriés (HCR). Ce n’est pas pour nous singulariser que nous avons décidé de ne plus siéger dans cet organisme dont le crédit auprès des rapatriés (Harkis et Pieds noirs) est au plus bas depuis sa création.
Nous avons dès l’origine, en 2003 lors de la « désignation » des membres du premier HCR, exprimé notre scepticisme et notre refus d’en faire partie. Les raisons ont été notifiées au Premier Ministre par une lettre du 13 mars 2003 (publiée intégralement dans notre revue « Paroles Données »… de novembre 2003).
Dans ce courrier nous dénoncions une politique sans ambition ni imagination. Nous exprimions aussi notre profond désaccord quant à la méthode utilisée pour la désignation des membres et des vice-présidents de cette énième commission pompeusement dénommée HCR.

La nomination d’office des vice-présidents bafoue les règles élémentaires de démocratie et traduit la volonté de lmise sous tutelle perpétuelle des Harkis et de leurs représentants. Le choix des membres ne respectait pas, non plus, l’équilibre entre les associations nationales dont beaucoup n’étaient pas représentées et d’autres, dociles, surreprésentées.

A la suite de ce courrier nous avons rencontré le Conseiller du Premier Ministre, un certain … Emmanuel CHARRON, qui s’était déclaré, alors, conscient des problèmes soulevés et pensait qu’ils pouvaient être résolus à l’avenir!
Pour le HCR 2, AJIR a maintenu ses griefs et ses critiques mais a accepté de faire un essai pour voir. Nous avons pris la peine d’expliquer nos motivations et de poser nos conditions pour être membre de cette instance.
Hélas, les mêmes causes produisant les mêmes effets, notre représentant a claqué la porte dès la deuxième séance de travail en dénonçant entre autre, dans une lettre au Président du HCR, l’absence de considération du Gouvernement à l’égard des Harkis, qui était si manifeste que notre présence dans cette instance ne pouvait que servir d’alibi. Car en effet comment expliquer autrement que des évènements portant atteinte aux Harkis et aux Pieds noirs n’ont eu pour écho que le silence « assourdissant » des plus hautes autorités de l’Etat et de ce HCR.



Le traité d'amitié semble enterré. Pourquoi et faut il s'en réjouir ou le déplorer ?



AJIR était pour un traité d’amitié voire de fraternité entre les peuples français et algérien mais à condition que s’expriment amitié et fraternité de part et d’autre de la Méditerranée. Nous sommes intimement convaincus que la majorité des Français et des Algériens est prête à cela. Hélas les gouvernements ne sont pas sur la même longueur d’ondes. Pour des raisons électoralistes internes dit on, Bouteflika et ses Ministres ont poussé trop loin la provocation.
Du coup le projet de traité semble enterré ou pour le moins bien différé ! Tous ceux qui attachent de l'importance au respect entre les Etats et à des relations véritablement apaisées entre l'Etat français et l'Etat algérien ne peuvent qu'être soulagés car l’affaire était mal engagée.
En effet alors que les liens historiques entre les deux peuples rendaient souhaitable une refondation des relations officielles, les étapes politiques préalables et nécessaires entre les deux Etats n 'ont pas été franchies : au-delà des déchirures du passé, il fallait des gestes d'ouverture et de respect mutuel. Or ce furent déclarations de haine, insultes et des demandes de repentance à sens unique de la part du Président Bouteflika en réponse à l'attitude positive et même parfois excessivement accommodante des autorités françaises. Dans ces conditions, un traité dit d’amitié n’avait plus aucun sens. Il faut sans doute laisser encore du temps au temps....

Paris, le 24 septembre 2006