Le 15
août 1944 débute le Débarquement de Provence,
dix semaines après celui de Normandie. Environ 350.000 hommes,
dont plus de 200.000 soldats français, prennent part à
l'opération »Dragoon» qui, si elle est moins
célèbre, n'en demeure pas moins complémentaire
de l'opération «Overlord» car elle permettra
aux forces alliées de prendre en tenaille les troupes nazies
et de remonter victorieusement jusqu'en Allemagne.
La décision de mener une opération amphibie de grande
ampleur sur les côtes de Provence est arrêtée
lors de la conférence de Téhéran, qui réunit
Joseph Staline, Franklin Roosevelt et Winston Churchill à
la fin de l'année 1943. D'abord nommée «Anvil»,
l'opération est rebaptisée «Dragoon» (forcer
quelqu'un à faire quelque chose, NDLR), le Premier ministre
britannique affirmant avoir été contraint de l'accepter.
L'opération est confiée à la VIIe armée
américaine, qui regroupe le 6e corps d'armée, une
division aéroportée anglo-saxonne et ce qui allait
plus tard devenir la Ière armée française,
le détachement d'armée B du général
de Lattre de Tassigny. Préparée avec le concours de
la Résistance, elle a pour objectif la saisie d'une tête
de pont à l'est de Toulon pour pouvoir, par la côte,
saisir Marseille et remonter vers le nord par le couloir rhodanien.
Comme en Normandie, le Débarquement de Provence est précédé
d'une opération d'intoxication aérienne -baptisée
«Vendetta»- de largage de parachutistes et d'une arrivée
de troupes et de matériel en planeurs. Ces opérations
débutent sur la région de la Ciotat (plusieurs kilomètres
à l'ouest du débarquement) par des largages de faux
parachutistes et de bandelettes métalliques censées
simuler la présence d'une escadre aérienne sur les
radars ennemis.
Profitant des bombardements sur l'aviation allemande au cours des
semaines précédentes, plusieurs centaines de bombardiers
et de chasseurs pilonnent ensuite les défenses côtières
afin de favoriser le parachutage des troupes aéroportées.
Baptisées «First Airborne Task Force», celles-ci
sont essentiellement composées de soldats britanniques, parachutés
les premiers avec pour mission de sécuriser le terrain. Les
vagues suivantes font intervenir des parachutistes américains.
Initialement prévus dans les plans, les Français ne
participent finalement pas à la mission. L'opération
totalise un effectif de 9.730 hommes, 535 avions et 456 planeurs.
Les forces navales prennent le relais pour assurer le débarquement
au sol. L'armada alliée est impressionnante: 500 bâtiments
de combat, dont neuf porte-avions d'escorte, cinq navires de ligne,
25 croiseurs, 87 destroyers, 64 escorteurs et 118 dragueurs. Trente-quatre
bâtiments français y figurent également.
Appuyées par des tirs de barrage, les premières troupes
alliées débarquent à terre à 8h. L'assaut
des plages est divisée en trois secteurs. A l'ouest, la force
Alpha prend position sur les plages de Cavalaire, Sylvabelle et
Pampelonne. La force Delta doit occuper la zone centrale qui s'étend
de Nartelle au Val d'Esquières. Le secteur le plus oriental
est réservé à la force Camel, qui doit prendre
pied sur les plages entre Fréjus et Anthéor.
Le 15 août à 22h, 60.000 hommes et 6.000 véhicules
sont à terre. Saint-Raphaël n'est pas encore prise,
mais l'opération «Dragoon» est néanmoins
un succès. On ne déplore que peu de pertes et la tête
de pont est fermement établie.
Le 17 au matin, le gros des forces françaises débarque.
Pour une grande part des 110 à 120.000 soldats provenant
des colonies et d'Afrique du Nord, c'est le premier contact avec
le sol de la métropole. La 3e Division d'infanterie algérienne,
la 1ère Division française libre, la 9e Division d'infanterie
coloniale et les reliquats de la 1ère Division blindée
constituent la première vague. La deuxième débarquera
quelques semaines plus tard et les troupes françaises seront
renforcées par les 2e et 4e Divisions marocaines et la 5e
Division blindée.
La marche débute tout de suite vers Toulon et Marseille,
qui sera libérée le 25 août. Les Allemands battent
alors en retraite pour resserrer leurs forces plus au nord, permettant
aux troupes françaises de remonter rapidement la vallée
du Rhône.
Le 14 septembre, c'est la jonction avec ceux d'Overlord. Les éléments
français débarqués en Normandie font la jonction
avec les troupes commandées par le général
de Lattre de Tassigny à Chatillon-sur-Seine (Côte d'Or).
Le 27 septembre, cette force prend l'appellation de Ière
armée française et regroupe désormais toutes
les forces militaires et combattantes du pays.
Près de trois mois après le Débarquement de
Provence, les Alliés franchiront le Rhin avec à leur
tête cette Ière armée française. L'Allemagne
capitulera le 8 mai 1945.
Une fois de plus, la France se rappelle
aux bons souvenirs de ses anciens combattants venus d'horizons divers.
Après ce qu'il est convenu d'appeler le rappel sur pension
du mois de mai, lequel rappel a fait autant des heureux que des
déçus, c'est le tour des médailles pour les
vieux nègres. Deux de nos vaillants tirailleurs voltaïques
en bénéficieront le 15 août à Toulon
en France à l'occasion des manifestations commémoratives
du 60e anniversaire du débarquement de Provence. En l'honneur
des deux vétérans, a eu lieu à la résidence
de l'ambassadeur de France à Ouagadougou, le 9 août
2004 à partir de 17h, une cérémonie suivie
d'un vin d'honneur.
Elle se prépare à honorer ceux qui ont ouvert un second
front en débarquant le 15 août 1944 en Provence. Le
succès des alliés fut immédiat. Dès
le 23 août, Toulon fut libéré, puis vint le
tour de Marseille (le 28 août. Parmi les forces engagées
dans l'opération Dragon, de nombreux régiments d'Afrique
se sont illustrés au cours d'âpres combats. Ce sont
par exemple des "
tirailleurs sénégalais"
du 6e RTS qui ont pénétré les premiers dans
Toulon. Ils comprenaient dans leurs rangs de nombreux Voltaïques
parmi lesquels
Tibila Ouédraogo et
Christophe
Bambara. Le 15 août 2004, en rade de Toulon, une
cérémonie internationale réunira sur le porte-avions
"Charles de Gaulle" des chefs d'Etat africains, qui ont
combattu, il y a 60 ans, pour la libération de la France.
Sous le regard du président du Faso, qui a répondu
à cette invitation, la France décorera ces deux anciens
combattants burkinabé.
En attendant, ils étaient les invités d'un soir de
la résidence de France le 9 août 2004. La cérémonie
pour les honorer s'est tenue en présence du ministre Yéro
Boly. Les deux anciens combattants, Tibila Ouédraogo et Christophe
Bambara, sont arrivés avec leurs accompagnateurs à
la résidence de France. Le dernier, à l'aide de sa
canne et coiffé d'une chéchia rouge (souvenir du Sénégal
?), Laquelle chéchia en a connu des vertes et pas mûres,
car, dira-t-il, il la porte depuis sa mobilisation en 1941. A l'écouter
on se convainc davantage que les tirailleurs sénégalais
ont beaucoup fait pour l'ancienne métropole. Dans un français
à faire retourner Victor Hugo dans sa tombe, mais vibrant
de sincérité, il confia : "Nous avons marché
à pieds de Tenkodogo jusqu'à Niamey en passant par
Ouagadougou. A Oran (NDLR : Algérie), nous avons prend bateau
Pasteur". Dans sa déclaration liminaire, la chargée
d'affaires de l'ambassade de France, Mme Sophie Bès, comme
pour abonder dans son sens, ajoutera : "Vous faites partie
de ceux qui sont venus nous libérer". Prenant à
témoin le ministre de la Défense Yéro Boly,
il dira : "Midaille-là c'est bon, mais pension-là,
ça suffit pas. Même à Paris. Par exemple, moi
j'ai 9 femmes. 50 000 pour partager 9 femmes, c'est combien. Et
puis un autre problème : tu as femme en pagaille, tu as mort,
l'enfant y en a. Comment ils vont faire ?" A ces différentes
questions, Chirac répondra peut-être le 15 août
à Toulon, car le vaillant tirailleur voltaïque a promis
de les lui poser si on lui en donne l'occasion. Reconnaissons malgré
tout qu'il a beaucoup de chance. Car recevoir une décoration
60 années après, et de son vivant, ce n'est pas à
la portée du premier Burkinabé venu. Surtout dans
un pays où l'espérance de vie tourne autour de 40
ans.