Loin
de l'esprit de concorde qui avait prévalu lors des célébrations
du «Jour J» en Normandie,
le 60e anniversaire du Débarquement allié en Provence
suscite des remous, entre la présence contestée du
président algérien Abdelaziz Bouteflika et les absences
remarquées de l'Ivoirien Laurent Gbagbo, du vice-président
américain Dick Cheney et du Premier ministre britannique
Tony Blair.
Seize chefs d'Etat et de gouvernement sur les 22 invités
doivent participer à ces célébrations, qui
seront présidées dimanche par le président
Jacques Chirac à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle,
en rade des Vignettes à Toulon. Ils assisteront à
une revue navale, à une remise de décorations à
des anciens combattants et à un défilé aérien.
Dix semaines après le 6 juin 1944, le Débarquement
en Provence associait Américains, Britanniques et Français,
de la métropole et de l'Empire. D'où la volonté
de Paris d'associer à ces festivités les chefs d'Etat
d'Afrique noire ou du Maghreb.
Mais ces célébrations ont réveillé d'autres
blessures encore ouvertes, à commencer par le sort réservé
aux harkis à l'issue de la guerre d'Algérie. Quelque
150.000 de ces supplétifs de l'armée française
avaient été massacrés après la signature
de l'accord d'Evian en 1962.
Deux députés UMP -Geneviève Levy (Var) et Claude
Goasguen (Paris)- se sont faits l'écho des «remous»
suscités par l'invitation du président algérien
parmi les harkis, qu'Abdelaziz Bouteflika «a toujours ignorés,
voire bafoués». Le président algérien
les avait comparés aux «collabos» en juin 2000.
Dans une lettre ouverte adressée au ministre des Affaires
étrangères Michel Barnier, cosignée par 63
autres députés UMP, les deux élus souhaitent
donc que M. Bouteflika fasse un geste en annonçant «un
certain nombre de mesures très attendues», telles que
»la libre circulation des harkis».
Depuis la visite officielle du président français
en Algérie en mars 2003, l'heure est au réchauffement
des relations entre les deux pays. Un traité d'amitié
est même en préparation pour 2005.
Mais la question des harkis «ne donne pas l'impression d'avoir
véritablement progressé», a déploré
lundi Geneviève Levy à l'AP. Dans ce contexte, elle
a jugé «un petit peu décevant» l'absence
de réaction des autorités françaises un mois
après l'envoi de la lettre ouverte, le 13 juillet.
Le ministre délégué aux Anciens combattants
Hamlaoui Mekachera a simplement souhaité vendredi qu'»aucune
confusion» ne soit faite »entre cette page d'histoire
écrite en commun en août 1944 et d'autres événements
ultérieurs, aussi douloureux soient-ils».
Le conflit en Côte d'Ivoire risque pourtant de planer également
sur ces célébrations, alors que Laurent Gbagbo a décidé
de décliner l'invitation de la France. Prévue de longue
date, cette absence ne reflète en rien un froid entre Abidjan
et Paris, selon une source diplomatique française.
Le conseil des ministres ivoiriens devant se réunir lundi
pour la première fois après plusieurs semaines de
suspension, on jugeait à Paris «compréhensible
que le président Gbagbo préfère rester chez
lui en cette période particulièrement importante».
Mais le président ivoirien a peut-être souhaité
aussi éviter ainsi les pressions que n'aurait pas manqué
d'exercer sur lui Jacques Chirac pour qu'il applique effectivement
les accords de paix signés à Marcoussis en 2003. Par
ailleurs, M. Gbagbo a décidé de rester en Côte
d'Ivoire alors qu'un journaliste proche du pouvoir ivoirien vient
d'être interrogé par la justice française dans
le cadre de l'enquête sur la disparition du journaliste franco-canadien
Guy-André Kieffer.
Reste qu'il n'aurait probablement pas été inquiété.
«Tout chef d'Etat étranger en visite en France bénéficie
de l'immunité diplomatique», a rappelé lundi
le quai d'Orsay. Le président djiboutien Ismaël Omar
Guelleh, dont les avocats d'Elisabeth Borrel, veuve du magistrat
Bernard Borrel décédé en 1995 à Djibouti,
ont demandé vendredi l'audition comme témoin, pourra
donc assister tranquillement aux célébrations dimanche.
Le vice-président américain Dick Cheney et le Premier
ministre Tony Blair ont quant à eux décliné
l'invitation française. Les Etats-Unis devraient être
représentés par le numéro deux de l'ambassade
américaine à Paris, Alex Wolf, et par le commandant
des forces navales américaines en Europe, l'amiral Gregory
Johnson. M. Blair sera représenté par son ministre
des Anciens combattants Iver Caplin. |