Chronologie d'une tragédie gaullienne Algérie:
13 mai 1958- 5 juillet 1962.
Henri-Christian Giraud
Petit-fils du célèbre général, et ancien directeur de rédaction du Figaro-Magazine, Henri-Christian Giraud avait déjà consacré plusieurs études à De Gaulle, qui avait évincé son grand-père à Alger en 1943.
Il avait notamment souligné ses accointances avec les communistes pendant la Seconde Guerre mondiale, et réfuté le témoignage complaisant de son fils, l'amiral du même nom. Le voici qui démonte aujourd'hui sa dernière imposture, consistant à travestir en succès sa liquidation précipitée de l'Algérie française.
Certes, d'autres auteurs avant lui avaient montré la duplicité du personnage, mais la méthode qu'il emploie donne à son ouvrage une efficacité particulière. En effet, il suit la chronologie, jour après jour, du printemps 1958 à l'été 1962, tout en rassemblant faits, déclarations d'hommes politiques, opinions et témoignages, notes de militaires et citations d'historiens, notamment les historiens américains qui ont souligné l'importance de la pression internationale dans l'affaire algérienne.
Cette méthode permet de montrer le décalage entre le discours officiel tenu par De Gaulle vis-à-vis de l'armée et des Pieds-Noirs, et la réalité de son action, visant à abandonner coûte que coûte l'Algérie au seul FLN.
Sont ainsi mis en lumière, notamment, ses intentions cachées dès mai 1958, la véritable portée du discours du 16 septembre sur l'autodétermination, sa capitulation progressive devant les exigences des rebelles, son alliance avec le FLN dans la lutte contre l'OAS, puis, après les « accords d'Evian », et encore après l'indépendance, sa volonté d'ignorer les enlèvements d'Européens ou le massacre des harkis.
Au passage, la précision de ses analyses laisse affleurer d'inquiétantes hypothèses: la victoire militaire demandée au général Challe serait-elle destinée, non pas, comme on le croit souvent, à négocier en position de force, mais à chercher à dissimuler à l'armée sa politique d'abandon?
Si, contrairement aux usages, il reçoit lui-même le chef rebelle Si Salah prêt à se rallier, à la place de son Premier ministre Michel Debré, n'est-ce pas pour éviter que ce dernier n'apporte à cette affaire une solution plus française?
Au final, la satisfaction de s'être débarrassé du « boulet algérien » ne l'emporte-t-elle pas chez lui sur la perception qu'il a du résultat catastrophique de sa politique?
Catastrophe qu'il sait, en tout cas, par la magie de son verbe, présenter comme un succès devant une opinion métropolitaine passive, voire complice. Et dont les conséquences, nous dit l'auteur, se font toujours sentir de nos jours, avec une immigration algérienne massive sur notre sol.
Et de faire sien en conclusion ce jugement d'Hélie de Saint-Marc: « On peut discuter sans fin de l'indépendance... Mais cette indépendance-là fut plus douloureuse qu'une amputation. La France a laissé dans l'affaire une part de son âme et de son génie propre.
Elle s'est abaissée à des actes monstrueux: non-assistance à des hommes en danger de mort, livraison d'innocents, mensonges d'Etat.
Elle a cru donner la liberté à un peuple en la donnant à un clan; elle a condamné l'Algérie aux convulsions des nations bâties sur un malentendu.
Elle l'a amputée d'une grande partie de ses forces... ». Abondamment documenté, et dédié à notre regretté Jean Brune, ce livre permettra aux Français d'Algérie de mieux comprendre les tragiques circonstances de leur exode.
Georges-Pierre Hourant. In Algérianiste N° 140 de décembre 2012
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