De Gaulle et le pouvoir Gaulliste sacrifient sciement les pieds noirs le 5 juillet 1962 à Oran, en ce qui concerne les harkis il s'agit d'un crime contre l'humanité permis par De Gaulle qui considérait les harkis comme un "magma".
Un mensonge français
Enquête sur la guerre d’Algérie, essai et document
Georges-Marc Benamou.
Parution : 27 octobre 2003
Format : 153 x 240 mm, 352 pages, 21 euros
ISBN : 2-221-09668-1
Robert Laffont. le dossier de presse

«Un mensonge français»: une plongée historique et autobiographique dans le dernier trou noir de l'Histoire de notre pays.

1961-1962: la France décide de se séparer de l'Algérie, et d'en finir avec le rêve d'un Empire français. «Un mensonge français» est une enquête sur les coulisses de cette dernière guerre franco-française, celle impitoyable, terrifiante, brouillonne, pathétique, que mena la mystérieuse OAS contre le pouvoir gaulliste renaissant. Une histoire secrète où l'on retrouve les pétainistes et les gaullistes acharnés à se servir de l'Algérie française pour faire tomber la IVe République et, à leur tête, un homme, le plus ardent défenseur de l'Algérie française, qui finira par concéder la plus dangereuse des indépendances, Michel Debré, le pire des comploteurs.
Ce livre emprunte autant à l'autobiographie, l'auteur avait cinq ans au moment des faits, qu'à l'investigation historique et au journal de bord idéologique , c'est le «retour gidien» sur ce que Pierre Nora appelait, en 1963 déjà, «l'anticolonialisme totalitaire» qui participa, avec le gaullisme, à l'occultation


Georges Marc Benamou
d'une tragédie humaine et politique. Celle qui nous intéresse. Car ce livre est aussi le récit de l'agonie silencieuse et injustement effacée des Européens d'Algérie, ce million de Français moyens, plutôt de gauche, généralement modestes qui, comme le disait Camus, «étaient loin d'être des colons portant cravache, fumant le cigare et montés sur Cadillac» et qui vont vivre, avec les huit millions de musulmans, le temps de «La Peste».
Biographie
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Georges-Marc Benamou est journaliste à la Provence et écrivain. Il a publié, entre autres, «Les Années tournantes» (Seuil, 1992), «Mémoires interrompus» (Odile Jacob, 1996), «Le Dernier Mitterrand» (Plon 1997) et «C’était un temps déraisonnable» (Robert Laffont, 1999).
Quelques extraits du livre de Georges-Marc Benamou.

Le général Joseph Katz, un gros mangeur à la digestion difficile
un carriériste.
5 juillet 1962 la Saint-Barthélemy
des pieds-noirs de la ville de ORAN en Algérie.

Officiellement, la guerre d Algérie s'achève le 3 juillet 1962, avec la proclamation de la République algérienne. Deux jours plus tard, à Oran, la population musulmane se livre à une chasse à l'européen sans que l'armée française réagisse. Une véritable n Saint Barthélemy des pied-noirs y, dont le bilan exact n'a jamais été établi...

Vers midi, le général Katz, commandant militaire de la zone, sort enfin de son bureau. Il survole la ville en hélicoptère pour se rendre compte par lui-même de la situation. De là haut, il peut voir ? mieux que quiconque ? les soldats musulmans embusqués sous les porches, tirant à l'aveuglette sur tout ce qui bouge; ou, sur le boulevard du Deuxième Zouave, une mitrailleuse lourde qui se déchaîne, puis une autre; ou encore ces grappes d'hommes et de femmes qui courent vers la caserne des Zouaves pour y demander refuge. Le général Katz est en liaison constante avec ses services. II sait tout cela. Il a même été informé de ce qui se déroule dans le hall de l'immeuble de L'Echo d'Oran assiégé. Des fuyards affolés cherchent à s'y réfugier. Ils frappent aux portes du journal, supplient qu'on les laisse enter ; à leurs , trousses, les émeutiers se rapprochent en hurlant. Le général est également informé que des musulmans ont cherché, eux aussi, à se réfugier à

L'Echo d'Oran et que, pour éviter un drame bien pire, on les a rendus aux fellaghas qui les réclamaient à l'extérieur... Survolant le front de mer, cette artère à la vue dégagée, le général Katz ne peut pas ne pas avoir vu non plus ces dizaines de voitures calcinées avec, à l'intérieur, leurs passagers tirés comme des pigeons. Ou savoir que, près du cinéma Rex, une femme venait d'être pendue à un crochet de boucher.
A 12 h 15, une fois son inspection aérienne terminée, le général donne l'ordre formel à ses troupes de... ne pas bouger. L'armée française restera consignée dans ses casernes. Le général Katz part ensuite déjeuner à la base militaire de la Sénia. A un officier inquiet qui le presse d'intervenir, il répond: " Attendons 17 heures pour aviser. . Le général ne donna finalement l'ordre de protéger les Européens qu'à partir de 14 h 20 ? une fois son déjeuner terminé. Sans grande détermination, semble t il. Les premiers gendarmes mobiles ne furent opérationnels qu'à 15 h 30. Et le calme ne revint dans la ville qu'à partir de 17 heures, une fois l'armée française déployée dans Oran. II aura fallu cinq heures pour qu'elle vienne secourir ses compatriotes.
Au lendemain du 5 juillet, l'affaire était claire pour les responsables algériens, comme pour les autorités françaises. Une provocation de l'OAS, une manifestation qui avait mal tourné. Vingt cinq morts officiellement ? l'évaluation avait été faite par le directeur de l'hôpital local, un militant du FLN.
La réalité du massacre du 5 juillet est tout autre. Le premier rapport du général Katz, en date du 12 juillet 1962, fait état " d'une centaine de morts" ? on ne peut pas suspecter celui ci d'exagérer le nombre des victimes, il passe la fin de sa vie à minorer l'événement.
Un autre témoignage direct mérite d'être pris en considération. Il émane d'un jeune haut fonctionnaire français, assurant l'intérim du préfet à Oran ce jour là. II est énarque à l'époque, et s'appelle Jean Pierre Chevènement. Il confirme que le 5 juillet 1962, au terme de cette terrible journée, les services de la préfecture effectuèrent un pointage ? comme on dit ? du nombre de victimes. Il s'élevait à 807 personnes ce chiffre doit cependant être sensiblement minoré, car certains Européens ont pu fuir la ville par avion ou par bateau avant la fin de la journée. Il serait plus proche de la réalité de parler de centaines de morts. Les historiens semblent s'accorder aujourd'hui, mais à voix basse, sur deux à trois cents disparus. Des centaines de morts, et pas vingt cinq!

J.P Chevenement
Des Européens et des musulmans pris dans l'autodafé de l'indépendance. Quel symbole gênant! On comprend pourquoi la France gaulliste, l'Algérie Ben Bel liste et les anticolonialistes myopes ont cherché à occulter ce massacre. Alain Gérard Slama explique ce durable désintérêt celui des journalistes et des historiens par la " mauvaise place" qu'occupe le massacre du 5 juillet dans la chronologie de la guerre d'Algérie. Nulle part. A la charnière de deux histoires; pris entre deux histoires, celle de l'Algérie française qui s'achevait, et celle de l'Algérie algérienne qui n'avait pas encore commencé, le massacre d'Oran du 5 juillet fut, comme le martyre harki, jeté dans les basses fosses du silence.
Un massacre d'Etat disparut.
[.. .)
Katz n'est qu'un homme de paille. Derrière il y a de Gaulle, encore lui. Si l'armée française a mis six longues heures
à intervenir, c'est pour obéir à des ordres présidentiels précis. Le 18 avril 1962, de Gaulle déclare à ses ministres :
" A Alger, à Oran, c'est à nous d'agir, dans cette période transitoire ?c'est à dire jusqu'au 1er juillet 1962. Mais, dès que nous le pourrons, nous céderons les responsabilités aux Algériens... La France n'aura plus la responsabilité de l'ordre public sur cette terre là. " Après nous, le déluge... ! Le 24 mai 1962, il renouvelle le diktat à ses ministres: " La France ne doit plus avoir aucune responsabilité dans le maintien de l'ordre après l'autodétermination. Elle aura le devoir d'assister les autorités algériennes, mais ce sera de l'assistance technique. Si les gens s'entre massacrent, ce sera l'affaire des nouvelles autorités. "
Pourtant l'examen des faits établit qu'en l'absence d'un protocole intérimaire sur le maintien de l'ordre la France pouvait juridiquement ? selon l'article V des accords d'Evian ? protéger ses ressortissants au moins jusqu'à la fin du mois de septembre! Et a fortiori le 5 juillet. Or c'est de Gaulle lui-même qui, quelques jours avant le massacre du 5 juillet, refusa toujours ? selon Alain Peyrefitte d'user de ces prérogatives sur la protection des citoyens français. Rien n'ébranlait la détermination du Général. Pas même l'insistance de Pierre Messmer, ministre des Armées, qui demanda au Comité des affaires algériennes que l'intervention des forces armées puisse être aussi ? déclenchée sur l'initiative de la France. Cette idée d'une intervention dite d'initiative fut aussitôt bloquée par le général de Gaulle. Le 23 juin, une nouvelle instruction rappela que " la France n'exerce plus de responsabilités de maintien de l'ordre, même en dernier ressort, et sauf menaces directes et graves sur ses ressortissants. Cette instruction fut reprise par le chef d'état major, le général Fourquet, qui ne l'appliqua pas à la lettre ?surtout concernant les " menaces directes et graves sur les ressortissants. Plusieurs versions de cet ordre circulèrent. Au bout de la chaîne de commandement, des officiers supérieurs comme le général Katz ignorèrent les subtilités introduites dans les instructions du Comité des affaires algériennes. Il reste l'essentiel: ne pas s'en mêler.

 

Harkis: un crime d'Etat du pouvoir Gaulliste.

Selon Georges Marc Benamou, le massacre de 70 000 supplétifs algériens de l'armée française, victimes des représailles atroces du FLN, à partir de mars 1962, fut pire qu'un abandon: un " crime d'Etat", impulsé au plus haut niveau de l'Etat français.

L'inspirateur de la "politique harki", c'est bien de Gaulle. Pas un instant 'ce n'est le Premier ministre ?tout juste pourrait on reprocher à Michel Debré d'avoir été "imprévoyant" durant son passage à Matignon, en n'anticipant pas sur un repliement des harkis; ou à Georges Pompidou d'avoir eu des sentiments humanitaires à l'égard des supplétifs, qui s'avérèrent inconséquents. Les harkis, c'est "De Gaulle en direct", comme on dit dans les rouages de l'Etat. Sur ce sujet comme sur toute chose algérienne, le présidant non seulement inspire la politique comme le veut la toute fraîche Constitution de 1958, mais la conduit. Et la contrôle jusqu'au moindre détail. Dès le 25 janvier 1962, alors que le flux de rapatriés européens grossit, il donne ses instructions au conseil des ministres: " On ne peut pas accepter de replier tous les musulmans qui viendraient à déclarer qu'ils ne s'entendront pas avec leur gouvernement! Le terme de rapatriés ne s'applique évidemment pas aux musulmans; ils ne retournent pas dans la terre de leurs pères! [... ]. " Le 3 avril 1962, il lance à cette même table du conseil: "Les harkis... ce magma qui n'a servi à rien et dont il faut se débarrasser sans délai. " Le "magma ", ce mot terrible prononcé devant les ministres au garde à vous ?on ne plaisante pas dans les conseils des ministres ?vaudra consigne.
En détaillant cet abandon des harkis par de Gaulle, on peut distinguer trois motivations. Elles furent longtemps indicibles, et elles saisissent d'effroi quand on croit les avoir mises à nu.
La première " crainte " de De Gaulle, c'était qu'à cause d'un " imprévu " la paix en Algérie ne puisse se conclure. Or les harkis comme les pieds-noirs étaient bien ce grain de sable qui risquait de venir enrayer la belle ? et artificielle ?mécanique des accords d'Evian.
La seconde découle de la première. Au printemps et à l'été 1962, entre de Gaulle et le FLN, comme entre Joxe et le GPRA, va s'établir une connivence. Ils ont les mêmes objectifs à court terme, le même empressement à conclure, et, de fait, adversaire commun, l'OAS, les pieds-noirs et les harkis, ce " magma.
Et puis il y a une autre motivation, peu glorieuse et occultée par l'historiographie gaulliste. Les préjugés dix neuviémistes de De Gaulle. Sa volonté farouche de préserver une France blanche, en rupture avec une conception moins ethnique, véhiculée par la Ille République. Le refus d'une " invasion algérienne " : "Nous ne devons pas nous laisser envahir par la manœuvre algérienne, qu'elle se fasse passer ou non pour des harkis ! Si nous n'y prenions garde, tous les Algériens viendraient s'installer en France! " Ou encore " Colombey les Deux Mosquées " et autres grâces... En clair, le racisme de De Gaulle. S'agissant des harkis, dans les conversations du Général, les notations méprisantes, ridicules, toujours inhumaines, fourmillent: " Des Français, ces gens là ! Avec leurs turbans et leurs djellabas... "
Jusqu'au bout du génocide harki, de Gaulle reste intraitable, contrairement à Pompidou et à Messmer. Rien en dehors du plan! Aucun harki ne doit dépasser du rang! Même lorsque la machine à tuer les harkis tourne à plein régime, en juillet 1962, ces affaires sont, pour lui, de la responsabilité du gouvernement algérien, en violation de l'esprit et de la lettre des accords d'Evian. Dès lors, jamais le problème harki ne fut abordé ni au conseil des ministres ni au Comité des affaires algériennes. Jusqu'en janvier 1963, alors qu'il est encore possible de tirer des geôles algériennes des milliers de harkis, de Gaulle s'obstine dans sa criminelle attitude. Ainsi de Gaulle savait. Et il a laissé faire. Joxe lui aussi savait pour les harkis; et il a entravé, en connaissance de cause, leur véritable sauvetage.
Les Premiers ministres successifs savaient. Dès les premiers massacres de harkis de mars et avril 1962, les gouvernants français furent informés.
L'armée savait, Les chefs militaires savaient, comme les officiers et la troupe. Le général Ailleret, commandant supérieur en Algérie, révélera dans ses Mémoires posthumes qu'" il était certain que les harkis auraient à subir le contrecoup d'une haine féroce en cas d'accession de l'Algérie à l'indépendance.
Le ministre des Armées savait, mieux que quiconque probablement. Il traîna les pieds, comme on l'a dit, grogna contre l'inhumanité des mesures de De Gaulle et de Joxe, mais il ne rompit jamais: la presse savait. Dès le mois de mai 1962, Algérie française ou anticolonialiste, elle dénonçait les tristes résultats " de cette politique imprévoyante. Le Figaro du 28 juillet n'annonçait il pas que "tous les anciens harkis, moghaznis, et autres partisans armés ou non de la France ont été arrêtés en masse" ?
Le monde entier redoutait un massacre des harkis. Fin mai 1962, le président Kennedy lança un appel solennel pour les sauver. Son retentissement est oublié; mais c'est la prise de position publique de Kennedy ? et la pression internationale suscitée ? qui obligea alors le gouvernement français à accueillir les harkis " au compte gouttes" en juin 1962. Il proposa même de les accueillir aux Etats-Unis.
Leçon de démocratie américaine. L'homme dont on a tant dit qu'il avait influencé de Gaulle pour accorder l'indépendance aux Algériens ne pouvaient concevoir l'abandon des supplétifs.

Cette liste de livres et publications n'est évidemment pas exhaustive et est en perpétuelle évolution. Malgré nos soins, il est possible qu'une des adresses ne soit plus valide, signalez le nous ainsi que les livres qui vous semblent digne d'intérêt.
Merci d'avance
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