La vérité sur le 17 octobre 1961
Identité réelle du 13 mai 1958 par Jean-Claude Perez
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Bulletin
A.M.E.F N° 31
   
 
   

LA VÉRITÉ SUR LE 17 OCTOBRE 1961


A Paris, dès 12 h 30, le 17 octobre 1961, Europe 1 signale un attroupement de nord-africains dans le secteur de l'Opéra. Environ 150 manifestants sont interpellés sans difficulté par la police. Deux heures plus tard, la même radio signale d'autres arrestations dans la capitale. Il s'agirait d'Algériens  qu'une grève de la SNCF à Saint-Lazare empêcherait de rejoindre leur travail. D'autres rumeurs prétendent que ces manifestants se sont trompés d'heure... Ou qu'ils ont pris les devants afin d'être interpellés sans histoire avant les affrontements probables de la fin de la journée.
     La présence de nombreuses femmes et de très nombreux enfants parmi les manifestants incite les autorités à répudier l'emploi des grenades lacrymogènes et des lances à incendie pour venir à bout des  concentrations. Les forces de l'ordre reçoivent  les consignes de sang-froid habituelles, celles d'éviter les provocations et de ne répondre par la violence qu'en cas de légitime défense. Leurs unités vont être dispersées en multiples détachements. Les uns protégeront les points sensibles habituels : l'Elysée, Matignon, les ministères, la Préfecture de Police... Mais également certaines installations essentielles à la vie économique de la capitale et même de la Nation. C'est Gennevilliers. Le souvenir des sabotages perpétrés par le FLN au cours de l'été 1958 est d'autant plus vivace que des projets de destruction de cet objectif par l'O.S. ont été découverts récemment. De multiples détachements, postés à proximité des bouches de métro situées près de points de rassemblement fixés par le FLN, intercepteront les arrivants. D'autres  interdiront les principales voies d'accès à l'agglomération parisienne qui, depuis le nord et le nord-ouest, risquent de déverser des foules considérables. Il faut reconnaître que malgré les recommandations de discipline et de sang-froid faites aux policiers par leur hiérarchie, la tension et la rancune sont fortes chez ceux dont le FLN a fait ses cibles privilégiées depuis plusieurs mois (nombreux agents de police ont été lâchement assassinés).
     En fin de journée, les premiers groupes importants de manifestants sortent du métro. Ils sont interceptés et ne font pas de difficultés lorsqu'ils sont conduits aux cars de police qui les emmènent aux divers centres de regroupement.
          Mais la situation, du fait de l'afflux algérien, s'aggrave, contrairement aux propos de la propagande FLN largement répandus depuis, en dehors de quelques harkis destinés à servir d'interprètes aux détachements d'intervention les plus exposés, les "calots bleus" n'interviendront pas dans les opérations de maintien de l'ordre le 17 octobre 1961.
     Rapidement, le flot humain qui aborde le pont de Neuilly submerge le barrage de policiers qui tente d'interdire l'entrée du pont près de la  Défense. La foule est difficilement contenue par le détachement qui tient l'autre extrémité de l'ouvrage. Il reste dans la nasse, sur le pont, les femmes et les enfants que le FLN, fidèle à sa tactique, a fait marcher en tête du cortège. Les  heurts sérieux se sont produits à l'entrée du pont située sur la rive droite. Menacés de disparaître dans la foule excitée, les policiers utilisent généreusement leurs bâtons. Si force horions sont échangés (plusieurs agents sont blessés), sauf une rafale de PM tirée en l'air afin d'impressionner la foule, il n'est pas fait usage d'arme à feu. La propagande du FLN et de ses complices prétendra que de nombreux Algériens ont été blessés, jetés à l'eau (l’un d'eux repêché avouera qu'il avait volontairement plongé dans l’eau pour échapper à la police). La simple logique démontre la fausseté de ces affirmations. On ne signalera aucune victime parmi les femmes et les enfants pourtant en tête du dispositif.
     Par ailleurs, il est impensable que des policiers, totalement submergés par la foule, aient pu impunément procéder à ce type d'exaction C'est mal connaître la férocité latente d'une foule musulmane, que laisser supposer qu'elle ait pu, sans réagir, subir pareil traitement. Des coups sévères ont été échangés, il y aura des blessés des deux côtés. Finalement le flot humain renoncera à franchir la Seine et se répandra de part et d'autre de l'entrée du pont, sur la rive droite du fleuve.
D'autres heurts violents se produiront sur les Grands Boulevards, à Saint-Germain où tourbillonnent des milliers d'Algériens (20000 manifestants), se heurtant aux policiers peu disposés à la discussion et à la mansuétude.
     La manifestation proprement dite durera à peu près trois heures. Le communiqué émanant à 22 heures de la Préfecture de Police fait état du rétablissement de l'ordre dans Paris. On apprendra le lendemain que 11 730 interpellations, ont conduit autant d'Algériens dans les Centres de regroupement (Centre de triage de Vincennes, Palais des Sports, Porte de Versailles, stade de Coubertin, Cour du 19 août à la Préfecture de Police). Les cars de police étant insuffisants, il a fallu réquisitionner des autobus. De nombreuses femmes ont été rassemblées à l'hôpital Sainte-Anne.
     D'après le Préfet, les échauffourées auraient provoqué la mort de deux Algériens et d'un Français, une dizaine de gardiens de la paix ont été hospitalisés.
     Ces chiffres seront vivement contestés par le FLN qui  affirmera qu'il y eu 85 morts. On sait que pour sensibiliser l'opinion, le FLN multiplie toujours par 10 le nombre des victimes, et qu’aucun cimetière de la région parisienne n’a recensé 85  enterrements de musulmans. A Marseille le nombre de cadavre en partance pour l'Algérie est resté constant.
      Il est hors de question de reconnaître les massacres systématiques et délibérés imputés au sadisme et au racisme des policiers, par leurs adversaires. Toutefois il est certain que certains agents de l'autorité ont, dans certains secteurs, perdu leur sang-froid et ont eu sans vraies raisons, ou peut-être la peur, la main lourde. A ce sujet, le préfet Papon lui-même est intervenu pour calmer ses hommes dans la journée du 19 août.
     Ce comportement est imputable à la terreur qu'a fait régner antérieurement le terrorisme de l'OS et des groupes armés au cours d'opérations  réputées  de guerre, au réflexe de peur engendré par la menace impressionnante d'une multitude déclarée hostile. S’il n'est pas admissible, il peut cependant être compris.
 Le GPRA se désolidarisera de la manœuvre, laissant entendre qu'il s'agit d'une initiative malencontreuse de la Fédération de France.
     Il n'y aura pas d'autres  manifestations à Paris les jours suivants, ni en province. Celles prévues, très importantes, pour la commémoration du 1er novembre 1954, date du début de la rébellion, n'auront pas lieu. Mais, surtout, l'OPA a perdu le contact avec une population qui a très mal apprécié les résultats de sa manipulation. Dans la  région parisienne, la collecte de fonds chute de l50 %. Les renseignements affluent auprès des  services de police et surtout auprès du service de coordination des Affaires musulmanes et de  la FAP. De très nombreuses arrestations s'ensuivent, provoquant l'écroulement de réseaux et des saisies d'armes importantes. D'autre part, les cadres de l'OPA et des groupes armés, identifiés et repérés à la suite de leur participation à l'organisation des cortèges, deviennent les cibles des militants du MNA et du FAAD. De nombreuses exécutions sommaires sont constatées. L'échec de la manifestation au 17 octobre fait subir à l'organisation du FLN en métropole des coups irréversibles. Ce sont les accords d'Evian qui assureront son succès et ses dirigeants pourront affirmer que l'indépendance de l'Algérie a été gagnée à Paris. Mais très vite, par le biais de  ses complices français, ceux que le Préfet Papon appelle "le grand orchestre rouge", du moins du  point de vue politique, le FLN va, en partie, pouvoir récupérer sa mise.
    
On est en droit de se demander pourquoi ce « devoir de mémoire » ne s’est pas fait dans le cimetière musulman, devant les 85 tombes.
     Tout simplement parce qu’elles n’existent pas …..et Mohamed Ghafir n’a pas été inquiété pour la mort des policiers et civils.

   

IDENTITÉ RÉELLE DU 13 MAI 1958


Le Docteur Jean-Claude Pérez, un des chefs historiques de l'OAS à l'échelon national, n'hésite pas à bousculer les idées reçues. Il remet en cause certaines vérités "bibliques et canoniques", défendues par ceux qui restent soumis au carcan du politiquement correct.        
     Entre 1957 et 1965 il a connu la prison, à Barberousse, à Maison-Carrée, à la Santé, en Espagne, en Amérique latine et en Suisse. Il fut condamné à mort par contumace. Amnistié le 30 juillet 1968, il effectua une seconde carrière de médecin à Paris dans le XVème arrondissement.
     Agé de 80 ans il jouit de la retraite des justes.     Il tient à préciser qu'il n'a jamais été parachutiste.

     Chaque fois qu'il m'est donné de lire une relation historique des événements du 13 mai 1958, j'éprouve un même sentiment. Je constate à quel point le goût de l'à-peu-près a imprégné les rédacteurs de cette page capitale de notre histoire. Tout se passe comme s'ils voulaient nous inviter à une attitude de découragement. A poser des questions du genre de celle-ci :


     "A quoi bon ? Pourquoi chercher à comprendre ?"


Les différents intervenants, Tunisiens, FLN et Français dans la préparation du 13 mai 1958.



Dans ces événements du 13 mai 1958 nous avons identifié plusieurs intervenants.     - Tout d’abord une volonté stratégique. Celle qui a conduit une fraction dominante du capitalisme financier à se débarrasser de l’Algérie française. Dans le but de faire produire une plus forte valeur ajoutée à leurs investissements, ils ont prôné le "délestage économique" de l’Algérie française. C’est l’unique motivation stratégique. Celle qui fera naître la République algérienne. La "liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes", "les droits de l’homme", ne sont jamais invoqués dans le libellé de cette motivation stratégique. 
   - En deuxième lieu, on a mis en marche un agent d'exécution tactique, dominant : le FLN avec ses deux organes de direction, le CNRA et le CCE. Le 18 septembre 1958 naîtra le GPRA.
     - En troisième lieu, un groupe de protagonistes qui, lui même, va se subdiviser  en deux sous-groupes d'intervenants tactiques successifs :
     a) Le premier fonctionne en grand secret sous le couvert de l'autorité officielle. Il est constitué de personnalités de la IVème République qui ont joué un rôle dans différents gouvernements. Le secret de leurs activités pro-FLN est motivé par un constat : l'opinion nationale française, dans son ensemble, est encore hostile à l'abandon de l'Algérie. Ce sous-groupe s'appuie essentiellement sur les partis de gauche. Sur le marxisme-léninisme protéiforme, avec ses différents ersatz et dérivés. Mais cette structure de gauche s'essouffle. Elle n'arrive à rien de concret. Elle va être concurrencée par l'autre sous-groupe, qui veut lui damer le pion sur l'échiquier des contacts, sur l'échiquier où s'élabore la défaite de la France en Algérie.
     b) Ce second sous-groupe, quant à lui, s'identifie à une structure qui se dit de droite. Elle prétend être seule capable d'obtenir un "cessez-le-feu en Algérie avant la victoire". De l'imposer aux Français. Conduisant ainsi une fraction importante de nos compatriotes de droite à souscrire à l'abandon de l'Algérie par ruse, par tromperie, par envoûtement. Ces manœuvriers, conduits par le général De Gaulle, cette fois, fourniront à la première structure socialo-communiste l'appui décisif qui lui manque. L'appui d'une fraction non négligeable de la France traditionnelle. Celle qui va à la messe, qui défend l'école libre, qui parfois a chanté "Maréchal nous voilà", qui a adhéré en 1946 au MRP¹, plus tard au RPF², et qui ne veut plus affronter un conflit. La paix, la tranquillité, voilà ce qui la motive et qui la conduira à être complice, en se couvrant les yeux d'une main capitularde, de l'assassinat de la province française d'Algérie. Puis de porter une grande responsabilité dans les massacres de harkis par dizaines de milliers, dans la fusillade d'Alger du 26 mars 1962, dans le massacre d'Oran du 5 juillet 1962. Qui portera sa responsabilité dans l'enlèvement de plusieurs centaines de nos concitoyens, jamais retrouvés. Qui n'exigera pas que nous soient rendus nos soldats prisonniers du FLN, disparus à jamais.


Les véritables motivations de De Gaulle à propos de l’Algérie, avant son arrivée au pouvoir.


    - En quatrième lieu, c'est le général De Gaulle. Le FLN par l'intermédiaire de Ferhat Abbas et Boumendjel, mais aussi par l'intermédiaire de ses alliés tunisiens Bourguiba et l'ambassadeur de celui-ci à Paris, Mohamed Masmoudi, sait depuis le printemps 1956 que De Gaulle est partisan de l’Algérie indépendante. "Du délestage économique du boulet algérien", a-t-il déclaré.
     Il 1’a affirmé sans ambiguïté à Boumendjel, au printemps 1956, ainsi qu'à l'écrivain autrichien Arthur Rosenberg. C'était à Paris rue de Solferino, dans les locaux de l'ancien RPF. Il entretient par ailleurs des contacts avec le CNRA grâce aux deux personnalités que nous venons de nommer et grâce à Gaston Palewski, ambassadeur de France au Vatican.
     Le champion de l'Algérie indépendante est ainsi élu. Par le FLN et ses alliés tunisiens. C'est De Gaulle, "le plus illustre des Français", déclarent Masmoudi et Ferhat Abbas.
      Il faudra donc canaliser le "torrent Algérie française". Comment faire naître l'événement qui va le transformer en "torrent anti-Algérie française ?" C'est en réalité Bourguiba qui se situe à l'origine des manœuvres, tragiques et sanglantes, qui déclencheront le 13 mai 1958.
      Au début de l'année 1958 Bourguiba accorde une interview publiée dans la revue des Deux Mondes. Dans cet article le "Combattant suprême" divisait les Français en deux catégories :
les Sudistes et les Nordistes. D'après lui les Nordistes acceptent la mort de l'Algérie française.
     "Les Sudistes ne l'accepteront jamais" dit-il. Il précise :
     "Les Sudistes sont prêts à tout pour garder l'Algérie. Ils se préparent à un coup de force militaire."
     Il ajoute en substance :
     "Seul, le général De Gaulle sera capable de les contrôler et de les mater. D'autant plus facilement que ce sont ces mêmes Sudistes qui feront appel à lui et qui l'installeront au pouvoir."
     Mais comment mettre en marche cette conjuration anti-Algérie française ?


Les événements de Sakiet-Sidi-Youssef en janvier 1958.


     Voici la succession des événements ou plutôt des opérations.
     Le capitaine Allard commande un quartier tout près de la frontière tunisienne. Pas loin d'un cantonnement de fellaghas situé en territoire tunisien. Pas loin de Sakiet-Sidi-Youcef. Dans la nuit du 10 au 11 janvier 1958, il est informé par son commandant de secteur, d'une tentative de passage de la frontière par une bande rebelle. On lui certifie que le renseignement est parfaitement recoupé. En conséquence, il reçoit l'ordre de monter une embuscade et d'intercepter le détachement ennemi. Pour le capitaine Allard, ce n'est pas un problème. C'est un officier aguerri. Il dispose d'un effectif de soldats expérimentés. Il sélectionne 43 hommes du 23ème RI et du 18ème Dragon. Pour ces hommes courageux et entraînés, c'est suffisant pour monter une embuscade.
     Mais surprise ! Il tombe sur une force de 300 fellouzes ! 3 katibas fortement armées. C'est, certes, un traquenard. Mais ce sont nos soldats qui y tombent ! Car le renseignement était un piège tendu par le FLN et par la Tunisie, dans le seul but de faire du bilan. 300 hommes passent donc la frontière. Ils disposent de toute la logistique conventionnelle : liaisons radio, renseignements fournis par l'armée tunisienne. Par dessus le marché ces 300 hommes sont véhiculés par des camions de la garde nationale tunisienne jusqu'à la frontière. L'accrochage est dur. Les fells sont repoussés avec de lourdes pertes. Mais ils sont pro­tégés dans leur repli vers la Tunisie par des tirs de mitrailleuses et de mortiers qui partent des crêtes tunisiennes. 14 de nos soldats sont tués.
     Et surtout, 4 hommes sont faits prisonniers par le FLN. Ils sont emportés en territoire tunisien. Parmi eux, Richomme, Decourtreix, du 23ème RI et Feuillebois du 18ème Dragon.
Retenons les noms de ces trois fils de France. Insistons, avec vi­gueur, sur cette anomalie opérationnelle de ramener des prisonniers en Tunisie. Car l'accrochage avait été dur. Ils avaient eu le temps, avant l'arrivée des renforts français expédiés de toute urgence, de massacrer, d'éventrer et d'émasculer 14 soldats français. Pourquoi donc s'encombrer de prisonniers et les transporter de l'autre côté de la frontière ? Nous verrons l'usage tactique décisif qui sera fait par l'ennemi de ces soldats capturés.
     A la suite de ce drame, le colo nel Duval commandant de l'aviation du Corps d'Armée de Constantine, ordonne l'intensification des opérations de reconnaissance sur la Tunisie, tout près de la frontière. Il faut à tout prix localiser les assassins de nos soldats. Et si possible découvrir le lieu de détention de ces infortunés prisonniers.
     Le 13 janvier 1958, un de nos avions est abattu par un violent tir de la DCA tunisienne. L'équipage est sauvé. Au début du mois de février 1958, un autre appareil est sévèrement touché. Il réussit néanmoins à atterrir à l'ouest de la frontière tunisienne. Son équipage est recueilli par une patrouille française.


La riposte française à l’ exécution et la prise en otage des soldats Français.


     Précisons que ces tirs de DCA constituent en eux-mêmes une véritable provocation. En effet, en cas d'un survol national par des aéronefs étrangers, les tirs de défense aérienne doivent obéir à une procédure prévue et codifiée par les Nations Unies. Or les avions français n'étaient pas agressifs. Ils relevaient des informations dans le but de protéger nos soldats.
      Le général Jouhaud, commandant l'aviation en Algérie, demande à son supérieur, le général Salan, de solliciter du général Ely, chef d'état-major général de l'armée, l'autorisation de déclencher un raid de riposte. Le général Ely ne peut donner cet ordre sans l'accord de son gouvernement. Il transmet très vite cependant son feu vert pour un raid de représailles. Le gouvernement de la IVème République est donc d'accord.
     Se déclenche alors le raid contre la base ennemie de Sakiet-Sidi-Youcef, le 8 février 1958. L'escadrille française est composée de onze B25, six Corsair, huit Mistral. La base est détruite.
     Ce bombardement, après l’enlèvement des quatre prisonniers Français, constitue le moment crucial de la conjuration du 13 mai.
     D'après le général Jouhaud, plusieurs dizaines de fellaghas ont été tués par ce raid aérien. D'après Bourguiba, n'ont été tués que des femmes, des enfants, des combattants blessés. Il est plus logique d'accorder du crédit à Radio Tunis. En effet, ce raid étant la conséquence d'une provocation montée de toutes pièces par une collusion FLN-Bourguiba, il parait impensable de concevoir qu'un effectif de combattants valides ait été volontairement soumis au bombardement de nos avions. Les combattants fellouzes repérés antérieurement par nos appareils furent très opportunément remplacés par des victimes innocentes, pour les besoins de cette conjuration.
      Effectivement Bourguiba nous livra, de l'événement, une exploitation démentielle, délirante.
     "Un crime contre l'humanité !" La France est mise en accusation. Il réclame des sanctions internationales. L'ébranlement émotionnel atteint très opportunément les Anglo-Saxons, qui osent proposer "leurs bons offices", pour la recherche de la paix en Algérie.
     Colère à Paris ! Colère en Algérie ! Cette intervention de l'étranger dans nos affaires est inacceptable ! L'ambiance est telle qu'à Alger on prévoit une manifestation. Une "aimable" manifestation. Pour aboutir finalement au "gentil" défilé du 26 avril 1958 qui regroupe les associa­tions d'anciens combattants et les mouvements nationaux.
     Alger gronde. Alger gueule. Mais Alger "ne se déclenche pas". Tout se déroule "dans le calme et la dignité".
     Le plus déçu par le calme des Algérois, c'est le FLN. Ces Algérois sont vraiment trop mous !  Quand vont-ils se décider à faire la révolution ? Il faut donner un coup d'accélérateur. Car il est impératif qu'un coup de force se déclenche à Alger. C'est nécessaire au FLN, à Bourguiba... et à leur complice parisien. L'âme du complot. L'homme de Colombey, Charles De Gaulle.


L’exécution des trois soldats Français Decoutreix, Richomme et Feuillebois,
entraîne les manifestations algéroises.


Tout s'accélère tragiquement à partir du 9 mai 1958. Le FLN publie à grands coups médiatiques un effroyable communiqué. Est annoncée l'exécution de trois soldats français : René Decoutreix, Robert Richomme, du 23ème RI et Jacques Feuillebois du 18ème Dragon. L'assassinat de ces hommes s'est accompli le 30 avril 1958. Quatre jours après la manifestation du 26 avril, jugée trop molle par le FLN. Ces quatre soldats faits prisonniers lors de l'accrochage du 11 janvier 1958, ont été jugés à toute allure par un tribunal militaire FLN. Celui-ci prit grand soin d'acquitter l'un d'entre eux. Ce qui permit au FLN, le plus sérieusement du monde, de démontrer son objectivité dans le jugement de ces "criminels de guerre".
     A Alger c'est l'horreur ! La rage évolue vers la haine. Nous réclamons justice. Nous réclamons vengeance. Alger explose ! Alger se jette dans la rue, en masse, et demande que l'on venge nos trois soldats assassinés ! Alger veut mettre à bas un gouvernement qui passe son temps à baisser culotte devant les terroristes de l'anti-France.
     Et le voici ! Il est là ! Il est arrivé ce fameux 13 mai 1958 ! Avec son enthousiasme, son délire, sa connerie ! J'y participe bien évidemment. Je pénètre avec les émeutiers dans les locaux du Gouvernement Général d'Algérie, le fameux GG. En accord avec mon camarade Ortiz, j'essaye de limiter la casse : "Occupez les lieux ! Mais ne détruisez rien !"
     Je balance quelques claques, quelques marrons. Puis, dépassé par les événements, je laisse faire. La foule est décérébrée. Ca gueule, ça chante les Africains et la Marseillaise. Et ça continue de casser. Je remarque tout à coup le général Allard en personne. Le commandant du Corps d'Armée d'Alger. Il observe la manifestation, immobile dans l'angle d'un escalier. D'un calme hautain, sceptique, mais pas hostile. Je n'hésite pas à l'interpeller avec correction. Le chahut est tel que je suis obligé de hurler pour lui dire :"Mon général, l'armée doit mettre à la porte tous les fossoyeurs de l'Algérie française !" En toute sincérité, ce jour-là, le 13 mai 1958, j'ai l'impression d'avoir formulé quelque chose qui ressemble à une imprécation digne d'un Caton ! Aujourd'hui quand il m'arrive d'évoquer le souvenir de cette phrase, j'éclate de rire devant ma naïveté, mon idiotie. J'aurais dû crier :"Mon général, prenez le pouvoir, fusillez tous les traîtres et assassins présents en Algérie. Menacez le FLN d'un massacre. Faites baisser culotte à Bourguiba pour l'assassinat de nos soldats ! Faites la révolution !" Mais le général Allard se situait à des années-lumière de ces considérations martiales et révolutionnaires. Il me répond d'un ton pondéré et courtois : "Mon cher monsieur, si nous faisons tuer nos garçons en Algérie, c'est bien pour la garder. Mais, dites-moi, avez-vous une idée de l'origine de cette journée que nous sommes en train de vivre ? Qui se situe derrière tout ça ? C'est trop beau pour être vrai."
     Quelques heures plus tard on entend le général Massu. Celui-ci, qui n'était au courant de rien, en théorie, s'adresse à la foule depuis le balcon du GG : "Nous n'accepterons jamais les décisions d'un gouvernement d'abandon... Nous supplions le général De Gaulle de faire entendre sa voix."
     Intervient à son tour le général en chef, Raoul Salan : "Vive l'Algérie française !"
     Et, parce que Léon Delbecque le lui souffle, il ajoute : "Vive De Gaulle !"


De Gaulle arrive, le début de la trahison.


     La nuit est en train de tomber sur le forum d'Alger. Mon vieux camarade Sigüenza est à mes côtés. Je l'entends dire :
"Nous sommes lésés... avec un B majuscule."
     Les gaullistes qui sont présents, ignorent évidemment les intentions du général De Gaulle. Quelques jours plus tard Soustelle arrive. Il veut imposer le gaullisme en Algérie. Inconscience ? Crime ? Pourquoi s'interroger ? Parce que Soustelle est parfaitement informé des projets véritables du général De Gaulle.
     Mon camarade et frère d'armes Serge Jourdes m'a rappelé quelque chose, il y a quelques années :
     "Quelques heures avant l'arrivée de son mari, madame Soustelle converse avec madame Weckel, le grand patron de l'EGA, pour lui déclarer que si les Algérois étaient informés de la teneur des propos confiés par le général De Gaulle à Soustelle sur le sort de l'Algérie, ils lui réserveraient certainement un autre accueil."
     L'opération est déclenchée. De Gaulle entreprend l'assassinat de l'Algérie française aux cris de :
« Je vous ai compris… Des Français à part entière… Vive l’Algérie française... »
     Quand on évoque le 13 mai 1958, il faut éviter les termes de "promesses bafouées", de "parjure". C’est uniquement pour se débarrasser de l’Algérie française qu’il vient de prendre le pouvoir. Mais pour conduire sa mission à bonne fin il lui faut encore manœuvrer. Ces cris d’encouragement étaient les seuls qu’il pouvait pousser, compte tenu de l’ambiance locale et de l’état d’esprit national. Bourguiba, le FLN et lui-même ont réussi cependant à contrôler le torrent Algérie française pour le transformer en rivière rampante et soumise.
A Paris, dans un bureau feutré de la DST, existe un dossier. Bourré de dynamite. C'est le dossier de la collusion De Gaulle-FLN établie depuis 1956. Le dossier des contacts secrets que le général De Gaulle entretient avec les rebelles depuis cette date. Le dossier de la conjuration contre la France. Des influences extrêmement lourdes ont interdit que l'on sorte l'affaire sur le plan juridique. Pour ces fonctionnaires, il est parfaitement établi que l'avènement de De Gaulle sera le résultat d'une manœuvre montée par le FLN avec l'appui de Bourguiba. Manœuvre payée tout d'abord par la mort des quatorze soldats français massacrés dans l'embuscade du 11 janvier 1958. Massacre complété trois mois plus tard par l'assassinat de Richomme, Decourtreix et Feuillebois, exécutés le 30 avril 1958. Ont participé à cette conjuration contre la France des personnalités en renom, Gaston Palewski, ambassadeur de France au Vatican et Olivier Guichard.
Le grand patron de la DST n'y tient plus. Il veut intervenir et faire échouer la conjuration. Il dispose de relations privilégiées  dans les milieux des services secrets français. Il fait expédier à Alger deux officiers parachutistes, anciens SAS auprès du général Massu. Ils l'informent des intentions réelles de De Gaulle. Ils lui proposent une procédure... de neutralisation définitive... Tout cela m'a été confié en 1974, dans une maison d'Argenteuil, par le commandant Botella, ancien combattant SAS lui-même et ancien compagnon d'armes des deux émissaires envoyés auprès de Massu. Celui-ci ne veut rien entendre. C'est en toute connaissance de cause qu'il s'est soumis à De Gaulle. Il joua lui aussi la comédie de l'Algérie française.
Avant d'être l'élu des Français, De Gaulle fut l'élu du FLN. C'est le FLN qui le propulsa au pouvoir, grâce à l'assassinat des trois soldats français le 30 avril 1958.
     Voilà la signification réelle du 13 mai 1958.

Docteur Jean-Claude PEREZ
   
Association pour la mémoire de l'Empire français (AMEF) L'association a pour objet de maintenir le souvenir de l'épopée et de l'oeuvre française outre-mer. Elle défend également la mémoire de tous ceux qui ont fait tant de sacrifices pour le rayonnement de la France à travers le monde.