Orangina est née de la rencontre, à l’automne 1935 à la foire de Marseille, d’un inventeur, le docteur Trigo, et d’un visionnaire, Léon Beton.

 

Orangina, la petite boisson secouée

Née de la rencontre en 1935 d’un docteur espagnol et d’un négociant d’huiles essentielles installé en Algérie, Orangina a retourné ses inconvénients de naissance (une forme ronde, la pulpe qui colle aux parois du verre) en arguments marketing de choc. Avec son slogan devenu fameux, « secouez, secouez-moi », la marque a gagné le pari de l’audace publicitaire. Aujourd’hui, un milliard de petites bouteilles ventrues sont vendues dans le monde…



Orangina est née de la rencontre, à l’automne 1935 à la foire de Marseille, d’un inventeur, le docteur Trigo, et d’un visionnaire, Léon Beton. Le docteur Trigo Mirallès, pharmacien à Valence (Espagne) est l’inventeur d’un procédé permettant de conserver le jus d’orange plus longtemps : son idée consiste à mélanger un concentré de jus d’orange à de l’eau gazéifiée, le tout étant conditionné dans une bouteille granuleuse et ventrue comme une orange, avec, en guise de bouchon, une fiole renfermant de l’huile essentielle d’orange. Trigo baptise son invention « Orangina, soda de Naranjina » (naranjina signifie « petite orange » en espagnol).
Léon Beton, quant à lui, élabore et commercialise, en Algérie, des huiles essentielles de lavande et de géranium. Il s’intéresse également aux jus de fruit, et se demande comment écouler la production d’orange d’un pays qui se couvre d’orangeraies. « Un jour, se dit-il, nous connaîtrons la formule qui permettra de boire le jus de nos oranges aux quatre coins du monde… » Après sa rencontre décisive avec le docteur Trigo, à Marseille, Beton rapporte la fameuse formule chez lui, à Boufarik, petite ville de la plaine de la Mitidja. Dès sa naissance, la marque est secouée car la guerre d’Espagne et la Seconde Guerre mondiale interrompent son développement.

UNE PETITE BOUTEILLE RONDE

C’est à Jean-Claude Beton, qui a repris les activités de son père en 1947, que revient le mérite de gagner un véritable pari : celui de vendre aujourd’hui plus d’un milliard de bouteilles sur les cinq continents alors que les attributs de la marque tiennent plutôt du handicap ! Au moment de son re-lancement, de nombreux cafetiers boudent la petite bouteille ronde. Sa forme ne convient pas à la dimension des réfrigérateurs et la pulpe colle aux parois des chopes de bière. Pour autant, Jean-Claude Beton ne désarme pas : «Notre seule chance, c’est la confiance que nous avons dans cette petite bouteille ronde qui est, n’en doutons pas, la meilleure trouvaille des boissons françaises depuis la fin de la guerre. La seule chose que nous ayons à faire, c’est d’en convaincre tous les consommateurs. »Un défi relevé avec succès, puisque dès 1953, Orangina se boit sur les Champs-Élysées, et que dix ans plus tard, la marque est devenue l’une des deux premières boissons gazeuses en France. Et ce, malgré la guerre d’Algérie qui aurait pu retarder son essor. Le siège social de la société quitte finalement Boufarik pour Marseille en février 1961.

UN ZESTE DE TALENT PUBLICITAIRE

Orangina doit également son succès à un zeste de talent publicitaire : celui de Bernard Villemot, qui crée, en 1953, la première affiche avec le zeste d’orange en forme de spirale. L’affichiste signera dix-sept affiches et fera de l’écorce d’orange le logo d’Orangina. En 1972, Jean-Claude Beton croise le second bon génie publicitaire de la marque. Avec le slogan « Secouez-moi, secouez-moi », Georges Petit, fondateur de l’agence Publi-Service (Havas), transforme la particularité d’Orangina (la pulpe déposée au fond de la bouteille) en atout.
De jeunes réalisateurs feront leurs débuts cinématographiques avec la marque, tels Jean-Jacques Annaud, Jean-Paul Goude ou Alain Chabat et son homme-bouteille (1994). Sans oublier Michel Berger et sa ligne mélodique « O-ran-gi-na ». De 1972, avec le premier film, le Tic du serveur, à 1982, la communication de la marque utilise le secouement sur le mode didactique : « Il faut secouer la bouteille d’Orangina pour bien mélanger la pulpe et le jus d’orange. » Entré dans le groupe Pernod-Ricard en 1984, Orangina inaugure, en 1985, le parrainage télé avec l’émission Cocoricocoboy de Stéphane Collaro, sur TF1. En 1989, c’est le parrainage musical avec la Lambada, suivie de la Soca en 1990, du Segâ en 1991 et de la Salsita en 1992.

 

« De 1972, avec le premier film, le Tic du serveur, à 1982, la communication de la marque utilise le secouement sur le mode didactique : “Il faut secouer la bouteille d’Orangina pour bien mélanger la pulpe et le jus d’orange”. »

INNOVATIONS



La marque ne se laisse pas pour autant griser par les feux de la rampe. Ses innovations en témoignent : en 1977, Orangina est la première boisson gazeuse, en France, à être habillée d’une boîte métallique. Lancée en 1988, Orangina Light est la première boisson française aux édulcorants de synthèse. En 1991, Orangina crée le marché du « Plus » (de vitamines et de fructose) avec le produit du même nom vendu en boîte. Un petit frère naît en 1996, de couleur rouge, à base d’oranges sanguines et de guarana. De l’état liquide à l’état solide, le pas est franchi en 2001 avec des glaces fruitées.
Après un passage virtuel chez Coca-Cola, Orangina, un peu secouée par la décision du Conseil de la concurrence qui a refusé la vente au groupe américain, est vendue en septembre 2001 à Cadbury-Schweppes pour la modique somme de 700 millions d’euros (la vente portant également sur les marques Pampryl, Champomy, Brut de pomme, Banga et Ricqlès). Après dix ans de saga déjantée autour des hommes-bouteilles, Orangina et Young&Rubicam les abandonnent au profit de nouveaux personnages : les Bulles (les garçons) et les Pulpes (les filles). Deux films montrent ces tribus séparées dans l’ennui d’une bouteille d’Orangina… jusqu’à ce qu’on la secoue pour les mélanger dans une fête d’enfer. Le slogan de la marque, « En cas de soif, appelez Orangina », devient en 2003 « Orangina et sa pulpe ! » avec une campagne publicitaire conçue et jouée par Jamel Debbouze.
La même année, la société Orangina Schweppes, née le 2 janvier de la fusion entre Orangina Pampryl et Schweppes France, arbore une nouvelle identité visuelle : un rond jaune qui symbolise à la fois une planète, un soleil, une bulle ou une capsule de bouteille, autant d’éléments qui évoquent les produits du groupe (Orangina, Schweppes, Oasis, Pampryl, etc.). Changement de planète en septembre 2005 ; la société passe aux mains d’un consortium composé des fonds d’investissements Blackstone Group International et Lion Capital. La signature, elle aussi, change : la marque se veut désormais « Naturellement pulpeuse ». Retour aux sources !

Jean Watin-Augouard
Conseil en patrimoine de marque, auteur d’Histoires de marques (Eyrolles).
Photos : © Groupe Orangina Schweppes

 
 
 
Source : Article paru dans Histoire d'entreprises - N° 7 - Juillet 09
 
   
 
http://www.histoire-entreprises.fr/he-le-magazine/orangina-la-petite-boisson-secouee/
   
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