Mémorial national de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie.

LIEU DE MEMOIRE
Inauguration par le président de la République du Mémorial national de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie le 5 décembre 2002 vers 11 h CET.

Jacques Chirac, président de la République, inaugure le Mémorial national de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, le 5 décembre, Quai Branly (Paris 7e). En présence de Mme Alliot-Marie ministre de la Défense et de M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'état aux Anciens combattants qui ont participé à cette cérémonie. Le Mémorial est composé de trois colonnes de six mètres, sur lesquelles se trouve un afficheur électronique où s'inscriront les noms des soldats morts pour la France. La recherche d'un nom particulier sera également possible par le biais d'une borne interactive.

Un "mémorial national" à la mémoire des soldats français et harkis tués en Algérie, au Maroc et en Tunisie de 1952 à 1962. "C'est un mémorial qui rend hommage à toutes les victimes mortes pour la France, avec 24000 à 27000 noms accrochés au mémorial", a indiqué le secrétaire d'état aux Anciens Combattants Hamlaoui Mekachera. Ce mémorial, situé quai Branly à Paris, a la particularité d'afficher les noms des soldats morts dans cette guerre, dont 3 000 supplétifs, via un dispositif informatique, rappelant ainsi le mémorial de la guerre du Vietnam à Washington.
La guerre d'Algérie, c'est "sa" guerre. La seule que Jacques Chirac, enfant durant la Seconde Guerre mondiale, ait vraiment vécue comme acteur. Sur le terrain. Le président de la République n'en parle que rarement mais cette expérience l'a durablement métamorphosé, marqué à tout jamais, ne lui laissant d'ailleurs pas que de mauvais souvenirs. "Pour moi, et contrairement à ce que l'on a pu penser, ce fut un moment de très grande liberté et probablement un des seuls moments où j'ai eu le sentiment d'avoir une influence réelle et directe sur le cours des choses", déclarait-il en 1978 dans une interview à Paris-Match.
Il y a quarante-six ans, à la tête du troisième escadron du 11e RCA, le sous-lieutenant Chirac, en poste à Souk-el-Arba, près de Montagnac, fait, de son propre aveu, l'apprentissage du pouvoir, mais aussi des rapports humains. Est-il gaulliste ? Selon le sous-lieutenant Paul Anselin, cité par Franz-Olivier Giesbert, pas franchement. "A l'époque, témoigne ce compagnon d'armes, Chirac aimait bien de Gaulle, c'est vrai, mais ses héros du moment s'appelaient Guy Mollet et Robert Lacoste. En un mot, il était de gauche et "Algérie française. ".Des années plus tard, voilà le chef de l'état contraint d'évoquer à nouveau le passé. A l'aube de l'année de l'Algérie en France, Jacques Chirac sait bien qu'il est temps de tourner une page d'histoire entre la France et l'Algérie. Et il sait bien que pour cela, certains, en France, estiment que la République doit être moins pudique et enfin accorder à tous ceux qui se sont battus sous le drapeau français la "reconnaissance des sacrifices consentis".
En cette année 2002 qui marque le quarantième anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie, le chef de l'état entend donc, aujourd'hui, à l'occasion de l'inauguration du mémorial du quai Branly, "rendre hommage à tous les soldats morts pour la France, en Algérie, mais aussi au Maroc et en Tunisie, indique-t-on à l'Elysée. Il entend élever les victimes de cette guerre au même titre que celles des deux grandes guerres mondiales".
Dans cet instant de concorde, le chef de l'état n'évoquera donc pas les sujets qui fâchent. Il ne se prononcera pas sur le choix d'une date de commémoration nationale qui, comme il l'avait déclaré le 19 février 2002, en recevant à l'Elysée le Haut Conseil de la mémoire combattante, "doit être le fruit de la concertation et du dialogue" et "être un facteur de rassemblement plutôt que de division" (lire le discours ci-dessous).
Mais il répétera probablement en partie les paroles qu'il avait prononcées, le 11 novembre 1996, à l'occasion de l'inauguration, à Paris, d'un monument à la mémoire des victimes civiles et militaires tombées en Afrique du Nord. A l'époque, Jacques Chirac, déjà, avait rendu hommage à ces millions d'hommes "intégrés à l'armée active, appuyés par les volontaires venus des douars et des villages d'Algérie, (...) à ces soldats de métier, jeunes du contingent, français musulmans (qui) ont défendu côte à côte les mêmes idéaux, ceux de la République et de la liberté".
Ce monument national fait figure d'une première mondiale pour sa technologie de pointe. Son coût est estimé à 6 millions de francs (0,91 M EUR).
Les colonnes seront animées par des afficheurs, sur lesquels défileront en continu les prénoms et noms d'une première liste de plus de 22.300 soldats dont quelque 3.000 harkis (supplétifs musulmans) morts durant les dix ans de guerre.
Des messages électroniques, relatifs à cette guerre, défileront sur une des colonnes, tandis que sur une autre les visiteurs pourront rechercher le nom de chacune des combattants tombés dans les trois pays de l'Afrique du nord.
Gérard Collin-Thiébaut, "artiste de techniques modernes" dont le projet a été retenu par le jury explique sa création en précisant qu'il s'agit "de provoquer chez les gens une émotion, par cette espèce d'arrêt sur image, leur rappelant le sacrifice de ces jeunes vies à des fins patriotiques".
A noter la réaction du journaliste Jean Lanzi, ancien d'Algérie et animateur du groupe de réflexion en vue de l'érection du mémorial, qui s'est réjoui de l'aboutissement du projet, dû en grande partie, selon lui, au vote unanime des deux chambres du Parlement pour la reconnaissance de la guerre d'Algérie.

DISCOURS DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

A L'OCCASION DE L'INAUGURATION
DU MEMORIAL NATIONAL DE LA GUERRE D'ALGERIE, DES COMBATS DU MAROC ET DE LA TUNISIE

PARIS JEUDI 5 DECEMBRE 2002

Quand le bruit des armes s'est tu depuis longtemps, quand les plaies se sont lentement refermées, non sans laisser de profondes cicatrices, alors, vient le temps de la mémoire et de la reconnaissance.

Aujourd'hui, au nom de tous les Français, je veux rendre l'hommage de la nation aux soldats morts pour la France en Afrique du Nord, il y a presque un demi siècle. Ils furent plus de 22 000. Je veux saluer, avec ferveur et gratitude, leur dévouement, leur courage, leur jeunesse sacrifiée. Je veux dire à leurs familles meurtries que nous ne les oublierons jamais. C'est le message que porte ce mémorial national de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie.

Comme la loi du 18 octobre 1999, votée à l'unanimité, ce monument était attendu par beaucoup de nos compatriotes. Il signifie que les soldats d'Afrique du Nord occupent enfin, comme leurs aînés de 1914 et de 1940, la place qui leur revient dans la mémoire de notre patrie.

Soldats de métier, combattants volontaires, Français musulmans engagés dans les forces supplétives, appelés et rappelés du contingent : tous ont connu les mêmes épreuves. Tous ont lutté pour le même idéal au service de la République et au service de la France.

Près d'un million et demi d'appelés et de rappelés ont participé à la guerre d'Algérie. Ils formaient l'essentiel des effectifs. Ces hommes, jeunes, grandis à l'ombre de la deuxième guerre mondiale dont ils avaient enduré les souffrances et les privations, ont, à l'orée de leur vie adulte, connu l'épreuve d'une autre guerre.

Leur existence en a été marquée pour toujours.

Il y a eu la découverte de paysages grandioses et rudes. Les couleurs et les rythmes de terres familières et lointaines. Il y a eu la mission impérieuse de protéger des populations qui faisaient confiance à la France. L'isolement des unités dans le Djebel. L'alternance de l'attente et des combats soudains contre un ennemi imprévisible, insaisissable. Il y a eu l'expérience de la souffrance, de la mort, de la haine. De retour en France, beaucoup, qui avaient servi avec honneur, ont porté seuls le poids de cette guerre dont on ne parlait pas, et qui a laissé de profonds stigmates dans notre mémoire nationale.

Les Harkis, les membres des forces supplétives, qui ont tant donné à notre pays, ont également payé un très lourd tribut. A eux, à leur honneur de soldats, à leurs enfants qui doivent trouver toute leur place dans notre pays, la France adresse aujourd'hui un message tout particulier d'estime, de gratitude et d'amitié.

C'est autour de ces soldats de toutes armées et de toutes armes que nous nous recueillons, loin des polémiques et des passions. Tous sont unis dans notre souvenir. Tous ont leur place dans le cortège glorieux des fils de France qui se sont illustrés sur tous les continents et ont servi notre pays aux heures les plus tragiques de son histoire.

Tous les soldats tombés en Afrique du Nord, tous ceux que nous avons pu identifier, ont leur nom sur ce monument du souvenir placé au centre de Paris. Aucun ne doit être oublié. Et je remercie les associations d'anciens combattants qui, avec le ministère de la Défense, ont accompli les longues et patientes recherches nécessaires à cette oeuvre de mémoire.

La liste qu'ils ont établie n'est pas close. Elle suscitera peut-être des témoignages qui permettront de la compléter et de rendre ainsi justice à des héroïsmes méconnus.

A côté de ces noms de valeureux, que nous arrachons à l'oubli pour les rendre à l'histoire, nos pensées vont aussi aux victimes civiles, à ces femmes et à ces hommes qui ont tant contribué à l'oeuvre de la France outre-mer, ainsi qu'à tous les soldats inconnus de cette guerre, et notamment aux membres des forces supplétives tués après le cessez-le-feu en Algérie et dont beaucoup n'ont pas été identifiés. Tous ont droit à notre fidélité et à notre reconnaissance.

Quarante ans après la fin de la guerre d'Algérie, après ces déchirements terribles au terme desquels les pays d'Afrique du Nord se sont séparés de la France, notre République doit assumer pleinement son devoir de mémoire.

Au-delà des ombres et des lumières. Au-delà de la mort et des souffrances, elle doit garder vivante la mémoire des deux millions de soldats qui ont combattu, de tous ceux qui ont été tués ou blessés. Fidèle à ses principes et à son histoire, elle associe dans un même hommage ses enfants de toutes origines morts pour la France.

Honneur à leur courage et à leur sacrifice !

Honneur aux soldats d'Algérie, du Maroc et de Tunisie !

Vive la République !

Et vive la France !