Proposition de loi du 16 juillet 2003 tendant à instituer une Journée nationale du souvenir des morts pour la France pendant la guerre d'Algérie et les combats de Tunisie et du Maroc fixée au 5 décembre.
 
   

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Jacques MYARD, Jean-Claude ABRIOUX, Manuel AESCHLIMANN, René ANDRÉ, Mme Martine AURILLAC, MM. Jean-Louis BERNARD, Marc BERNIER, JérÔme BIGNON, Roland BLUM, Bruno BOURG-BROC, Mme Christine BOUTIN, MM. Richard CAZENAVE, Philippe COCHET, Louis COSYNS, Alain COUSIN, Francois d'AUBERT, Olivier DASSAULT, Marc-Philippe DAUBRESSE, Lucien DEGAUCHY, Richard DELL'AGNOLA, Jean-Jacques DESCAMPS, Éric DIARD, Jean-Pierre DOOR, Jean-Pierre DUPONT, Marc FRANCINA, Mmes Arlette FRANCO, Cécile GALLEZ, MM. Alain GEST, Georges GINESTA, Jean-Pierre GIRAN, Louis GISCARD d'ESTAING, Claude GOASGUEN, Jean-Pierre GORGES, Jean-Pierre GRAND, Jean-Claude GUIBAL, François GUILLAUME, Emmanuel HAMELIN, Pierre HÉRIAUD, Jean-Yves HUGON, Mme Maryse JOISSAINS-MASINI, MM. Pierre LELLOUCHE, Daniel MACH, Richard MALLIÉ, Thierry MARIANI, Jean MARSAUDON, Philippe-Armand MARTIN, Jacques MASDEU-ARUS, Jean-Claude MATHIS, Mme Nadine MORANO, MM. Hervé NOVELLI, Robert PANDRAUD, Mme Juliana RIMANE, M. Jean ROATTA, Mme Marie-Josée ROIG, MM. Michel SORDI, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Guy TEISSIER, Mme Catherine VAUTRIN, MM. René-Paul VICTORIA et Gérard WEBER,

Députés. Cérémonies publiques et fêtes légales.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Entre 1952 et 1964, le gouvernement de la République a envoyé en Algérie, au Maroc et en Tunisie plus de 2,5 millions de jeunes français du contingent et de l'armée d'active.
24 000 d'entre eux ont été tués et plus de 250 000 en sont revenus gravement mutilés ou blessés à jamais dans leur âme.
Les accords d'Evian, signés le 18 mars 1962 et promulgués le 19, prévoyaient pour cette date un cessez-le-feu bilatéral, la liberté de circulation pour tous les Algériens ayant servi dans l'armée française, la protection des personnes et des biens, et le respect des droits de l'homme.
Si l'armée française a bien respecté le cessez-le-feu de façon unilatérale, il n'en a pas été de même pour le FLN qui n'en a pas tenu compte, avec les suites dramatiques que l'on connaît :
- des centaines de militaires français tués ou disparus ;
- des milliers de civils musulmans ou européens enlevés, mutilés ou tués ;- des dizaines de milliers de harkis, tirailleurs, SAS ou territoriaux, etc., souvent avec femmes, enfants, vieillards ont été torturés, mutilés, égorgés par les tueurs du FLN dans des conditions que la conscience humaine ne peut imaginer.
Les historiens et observateurs les plus avertis avancent le chiffre de 130 à 160 000 victimes, et il est malheureusement à craindre que cela constitue un minimum.
Leur seul crime était de vouloir rester français, comme des centaines de milliers de leurs compatriotes.
Pour la première fois, il y eut plus de morts pendant les six mois qui ont suivi le cessez-le-feu que pendant les huit années de ce qui a longtemps été injustement appelé « les événements d'Algérie » ou « la guerre sans nom ».
Le 16 octobre 1974, le corps d'un soldat inconnu d'Algérie était rapatrié en France et enterré à la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette.
Depuis cette date, l'ensemble des anciens combattants d'Afrique du Nord, sauf deux associations, rend hommage à la mémoire des morts civils et militaires en Algérie, au Maroc et en Tunisie, refusant la date du pseudo cessez-le-feu du 19 mars, date qui divise et qui, par ailleurs, est commémorée comme fête de la victoire en Algérie.
Mais il fallait reconnaître le sacrifice des dizaines de milliers de jeunes soldats et supplétifs de l'armée française. Cela fut fait par le Parlement après un débat de haute tenue à l'issue duquel les parlementaires, debout (le 10 juin 1999 à l'Assemblée nationale et le 5 octobre 1999 au Sénat), ont voté la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 reconnaissant l'état de guerre en Algérie, rendant ainsi l'honneur et la dignité aux anciens combattants d'AFN.
Le langage officiel était enfin mis en conformité avec le langage courant. Pour autant, le monde combattant restait divisé quant à une date qui aurait pu le réunir pour rendre l'hommage dû à la mémoire de ses camarades tués en AFN.
Mais le devoir de mémoire progressait. C'est ainsi que le Mémorial national, érigé quai Branly à Paris, en mémoire des morts pour la France pendant la guerre d'Algérie et les combats de Tunisie et du Maroc, a été inauguré le 5 décembre 2002 par le Président de la République, Jacques Chirac, en présence du Premier ministre, du ministre de la Défense nationale et du secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants.
Cette inauguration a donné lieu à une cérémonie solennelle en présence de toutes les fédérations et associations d'anciens combattants en Afrique du Nord, réunis dans un consensus national qui n'a jamais été constaté jusqu'à cette date.
Le secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants, soucieux de définir une date officielle, a réuni une commission nationale composée des représentants qualifiés des neuf plus grandes fédérations nationales d'anciens combattants d'AFN. Cette commission, présidée par M. Favier, membre de l'Institut et historien reconnu, s'est prononcée, à l'issue de sa réunion du 22 janvier 2003, pour la date du 5 décembre, ce qui constitue un fait nouveau. Cette date consensuelle offre l'avantage de sortir de la dualité des dates du 16 octobre et du 19 mars, cette dernière divisant le monde combattant et les Français comme l'a prouvé le débat à l'Assemblée nationale de janvier 2002.
Les conclusions de la commission ont été transmises à M. H. Mekachera, qui en a informé le Haut Conseil de la mémoire, présidé par M. Jacques Chirac, qui les a accueillies favorablement.
Il est donc urgent, sauf à diviser encore plus les Français, que le Gouvernement prenne toutes dispositions qui s'imposent pour officialiser cette date consensuelle du 5 décembre qui serait la seule date commémorée en présence des pouvoirs publics - préfets et armée - étant entendu que le 16 octobre et le 19 mars garderaient pour ceux qui le souhaitent, leur vocation associative.
La loi reconnaissant l'état de guerre en Algérie lui confère une légitimité incontestable et il doit en être de même pour la reconnaissance d'une Journée officielle du souvenir et du recueillement en hommage à la mémoire des morts civils et militaires en Algérie, au Maroc et en Tunisie, qui ne peut être que le 5 décembre, proposée par la commission Favier, la seule qui a réuni dans un consensus national toutes les fédérations d'anciens combattants sans exception.
Le devoir de mémoire est une nécessité pour transmettre aux jeunes générations les valeurs de civisme et de citoyenneté qui ont fait de la France un pays de liberté et de démocratie.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir voter la présente proposition de loi relative à la reconnaissance du 5 décembre comme Journée nationale du souvenir des morts pour la France en Algérie, au Maroc et en Tunisie.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er
La République française institue une Journée nationale du souvenir des morts pour la France en Algérie, au Maroc et en Tunisie, de 1952 à 1962.
Article 2
Cette journée, ni fériée, ni chômée, est fixée au 5 décembre, jour anniversaire de l'inauguration le 5 décembre 2002 du Mémorial national des morts pour la France en Algérie, Maroc et Tunisie, quai Branly à Paris.
N° 1028 - Proposition de loi : Journée nationale du souvenir des morts pour la France pendant la guerre d'Algérie et les combats de Tunisie et du Maroc le 5 décembre (M. Jacques Myard)

Assemblée Nationale