Outrages sous la coupole comme ailleurs la chronique de Anne Cazal
 
 
                       
   
La France compte une nouvelle «immortelle» , première du genre parce que maghrébine et francophone; dont la mission essentielle, selon le voeu d'une de ses consoeurs, est de servir l'identité et la cause arabe, sous prétexte de renforcer les liens entre l'Orient et l'Occident.
Mme Aïssa Djebar (de son vrai nom Fatima Imalayène, nom fleurant bon le pays berbère qu'elle semble avoir oublié) a appelé à son aide, lors de son discours de réception prononcé sous la Coupole le 22 juin dernier, nombre d'hommes de génie, philosophes, poètes ou écrivains, citant pêle-mêle, outre son auguste prédécesseur, M. Georges Vedel, Dante, Cocteau, Rabelais, Descartes, Baudelaire, Kant, sans oublier ce cher Césaire et, comme un lointain ancêtre, Saint Augustin, Père de l'Eglise.
Puis, elle a évoqué, et cela aurait pu être émouvant, ses soeurs d'Algérie dont elle quêtait la mémoire en sollicitant le « souvenir des douleurs écorchées ». Seulement ces femmes d'Algérie, d'après Mme Djebar, ont la douleur bien sélective. Elles évoquent davantage la guerre d'Algérie que leur quotidien de soumission, de labeur, de privation de toutes les libertés, non seulement celle de s'exprimer, celle de vivre libre, mais aussi celle de penser par elles-mêmes...
 
             
 
Jeunes filles à peine sorties des montagnes berbères, tout juste pubères, qu'on jette de force dans les bras d'un inconnu, qu'on place sous sa férule pour le restant de ses jours, non pas, autrefois, comme le dit gentiment notre historienne, mais de nos jours, avec, sur elles, le droit de vie et de mort de leur époux, venu des fins fonds de la barbarie, et je citerai comme exemple un fait divers, banal, hélas, dans l'Algérie indépendante, mais qui m'a écorché le coeur, mon vieux coeur de féministe prête à lutter encore pour améliorer le sort de ces femmes que l'Islam réduit à la condition d'esclaves.
C'est dans la presse algérienne que j'ai relevé, il y a peu, l'histoire de cette malheureuse Jeune femme, quotidiennement battue par son époux, sans que sa famille, estimant que le Mari est maître chez lui, ne juge utile d'intervenir. Celui-ci, par la suite, ne trouvant plus plaisir à ces jeux, sans doute trop doux, s'était essayé à brûler sa victime. On devait la retrouver avec une jambe carbonisée... Transportée à l'hôpital, elle devait décéder peu après sans que son barbare meurtrier ne soit inquiété, le moins du monde.
Ce lot n'est, certes, pas celui de toutes les femmes algériennes, et Mme Djebar est le vivant exemple de la femme affranchie. Mais il est, hélas, celui d'une immense majorité silencieuse qui ne peut évoquer d'autres souvenirs que ceux des douleurs écorchées, non par la France ou la colonisation française, comme le sous-entend notre académicienne, mais par l'impitoyable joug islamique qui fait des femmes des êtres inférieurs.
Mme Djebar aurait-elle échappé à un tel sort si elle n'avait pas faite sienne une autre langue, le français, qui lui fut généreusement enseigné - Où ai-je entendu la fable selon laquelle les indigènes n'avaient pas accès à la scolarité ? - en Algérie coloniale par une certaine Mme Blasi qui lui aurait fait découvrir, au collège de Blida, avec les poèmes de Baudelaire, ce qui a fait la légende de la France, ce que les hommes de notre pays ont apporté, en vingt siècles au monde, nos penseurs qui ont trouvé un sens à la vie, nos savants qui l'ont rendue plus facile, et nos hommes de lettres qui l'ont parée des grâces de la fiction...
   
       
Et puis, notre académicienne dérape... On croirait presque entendre là les vociférations du raïs : « Un siècle et demi durant, l'Algérie a subi la dépossession de ses richesses naturelles, la déstructuration de ses assises sociales, et, l'exclusion dans l'enseignement, de ses deux langues identitaires, le berbère séculaire et la langue arabe. » .
A-t-on perçu, ce jour-là sous la Coupole l'once d'une protestation ? Nous comptons pourtant, parmi nos immortels, nombre d'historiens de talent... Monsieur Decaux, voyant cette Algérienne, méconnaître à ce point l'Histoire de son pays, ou en faire négation, ce qui est plus grave, n'aurait-il pas été charitable de votre part de l'instruire sur une Histoire qu'elle semblait ignorer ?
Quelles étaient les assises sociales de cet immense pays pressuré par les occupants turcs, soumis aux pillages permanents des janissaires, plongé dans une stagnation et une misère indescriptibles... Les « assises sociales » ? Lesquelles, Grand Dieu, alors que n'existaient là-bas que luttes intertribales et exactions perpétrées par tous, y compris les Turcs ?...
   
         
           
 
La France, progressivement et lentement, a extirpé de ce pays l'esclavage, triomphé des pandémies, nourri les populations, tout cela avant de faire bondir cet immense territoire du Moyen-âge au XXe siècle, et ceci, entre autres, en ouvrant des milliers d'écoles, des collèges, des lycées, des Universités, sans lesquelles, aujourd'hui, nous ne retrouverions pas, sous la Coupole, une académicienne qui serait encore, soumise et inculte, prisonnière en son gourbi, où elle tenterait vainement d'allumer le feu sous son kanoun !
   
 

Mais ces premières phrases assassines ne suffisaient pas à Mme Djebar, il a fallu qu'elle ajoute : « Le colonialisme, vécu au jour le jour par nos ancêtres, sur quatre générations au moins, a été une immense plaie ! Une plaie dont certains ont rouvert récemment la mémoire, trop légèrement et par dérisoire calcul électoraliste !».
Quelles voix se sont élevées pour la contredire ? Ah ! L'habit vert n'est-il plus porté, de nous jours, que par des bipèdes serviles qui acceptent passivement d'avaler toutes les pâtures et toutes les insolences ! Rarement une telle tourbe de cuistres a siégé dans un haut lieu de la dignité et de l'honneur ! Alors qu'ils ne viennent pas, surtout qu'ils ne viennent pas nous donner des leçons ! Richelieu et Bonaparte doivent se retourner dans leurs tombes !
Où est la vertu française dont, chaque année, les immortels décernaient le prix ? Lamartine, Hugo, Musset, où êtes-vous ? La vertu française a bien changé de nature en quelques siècles... Monsieur d'Ormesson, « La gloire de l'Empire « a fait place à l'abjuration la plus totale. Et vous, Monsieur Giscard d'Estaing, alias 12 B, est-ce la mémoire ou le courage qui vous a fait défaut ?

         
         
           
 

Monsieur Deniau, votre prédécesseur dans le 36e fauteuil, le vaillant Jacques Soustelle, n'aurait jamais fait preuve d'une pusillanimité telle que la vôtre !... Et je pourrais vous citer tous ... Personne n'a protesté, pas un geste de désaveu, personne n'a quitté cette salle qui n'était plus le haut lieu de défense de la langue française, mais une sordide officine du FLN où quelques hommes pervers et invertébrés s'associaient, de leur plein gré, à une démentielle imposture !
Hélas, nos intellectuels sont paralysées par le boulet du politiquement correct !... Mais le discours de Mme Djebar n'était rien à côté de la réponse préparée par Pierre-Jean Rémy (de son vrai nom Jean-Pierre Angrémy, un nom désespérément français, ce qui ne l'empêche en rien de célébrer comme des héros les ennemis de la France en temps de guerre ! ).
Pour plaire à sa consoeur maghrébine et entrer dans son jeu, Monsieur Rémy n'a pas hésité à verser une larme sur le premier condamné à mort de la révolution algérienne, puis il a encensé avec ferveur « les deux Djamilah », c'est-à-dire Djamilah Bouhired et Djamilah Boupacha, deux terroristes, poseuses de bombes responsables de dizaines de morts, et de mutilations dont nombre de nos compatriotes invalides ont souffert - ou souffrent encore - pendant toute leur vie !
A moins de supposer cet immortel encore plus ignorant qu'il ne l'est, ce qui paraît impossible, comment accepter, sans réagir, de le voir ainsi auréoler des meurtrières forcenées et sadiques, et s'apitoyer sur le fait qu'elles aient connu « la douleur et la prison », alors qu'elles étaient encore ruisselantes du sang de leurs victimes'?
Là est l'outrage !... Là est la honte !... Là, et pas ailleurs ! Une honte telle que l'Académie Française n'en avait encore jamais connu depuis sa création en 1635 ! Le diplomate Rémy n'a pas seulement manqué de diplomatie, il a réagi en romancier de gauche, magnifiant les terroristes d'hier pour satisfaire leurs féaux d'aujourd'hui, faisant silence sur la géhenne dans laquelle a été englouti un nombre infini de ses propres compatriotes français, occultant les supplices indicibles qui leur ont été infligés, glorifiant les crimes des uns, et occultant le martyre des autres !
Ah ! Jamais, même dans mes cauchemars les plus sombres, je n'aurais pu imaginer que, dans cette enceinte vouée au mécénat, un immortel puisse aller aussi loin et descendre aussi bas, avec la passivité complice des autres membres de cette Institution qui, en un moment et par leur silence avilissant, l'ont affranchie de son glorieux passé, en l'abandonnant aux illusions de paroles aussi vaines que mensongères !
N'avez-vous pas, comme moi, l'impression que cette prestigieuse Coupole est devenue, aujourd'hui, une poubelle renversée ?

Extrait de la chronique d’Anne Cazal de la lettre de VERITAS N° 105 de septembre 2006