Honte à la République Française de 1962 !
Le 5 juillet 1962 à Oran


 
   
 




           
 

Témoignage d'un prêtre à Oran


Quarante-cinq ans ont passé, et il serait bon qu'en ce quarante-cinquième anniversaire de l'indépendance algérienne, nous revenions un peu en arrière. Beaucoup des très graves faits commis à cette époque sont encore inconnus !
Et c'est l'Autorité de la France qui les a voulus car il fallait qu'aboutisse coûte que coûte - et au plus vite - le « grand dessein ». Mais, entre autres choses, cette politique a abouti, aussi, à la journée du 5 juillet 1962 à Oran !

   
       

Pendant ces heures tragiques, dans une ville encore française cinq jours auparavant, et sans la moindre réaction de la France, des milliers d'hommes, parmi lesquels près de quatre milliers d'Européens, furent horriblement massacrés, sous les yeux de notre Armée, réduite à l'inaction par des ordres formels !
Nous qui étions là, et qui y sommes restés, ensuite, nous avons pu, sans faire d'enquête, entendre assez de doléances, et confronter suffisamment de témoignages, pour voir apparaître, évidente, par la carence voulue des forces de l'ordre, par la non-assistance caractérisée à personnes en danger, et même par la complicité des gardes mobiles, L'IMMENSE RESPONSABILITE DE LA Ve REPUBLIQUE DE LA FRANCE !
Souvenons-nous, tout d'abord, qu'à la date du 5 juillet 1962 en Algérie, tous les Français, qui avaient des raisons de se sentir particulièrement en danger du fait de l'indépendance donnée à ce pays, étaient de l'autre côté de la mer depuis plusieurs jours, et que seuls étaient restés les gens de bonne volonté, trop modestes ou trop faibles pour partir.
Le lundi 25 juin, l'Armée française sillonnait, en voitures munies de hauts parleurs, les quartiers européens assez nerveux à l'approche d'un 1" juillet qui s'annonçait effervescent.


A  20  heures,  à Saint Eugène, j'entends, très distinctement :
« ORANAIS, GARDEZ VOTRE CALME ET VOTRE SANG FROID. NE SUIVEZ PAS LES MENTEURS QUI VOUS MENENT AU DESORDRE. L'ARMEE FRANÇAISE RESTERA, APRES LE 1" JUILLET ET  PROTEGERA, PENDANT 3 ANS, VOS PERSONNES ET VOS BIENS ».


J'entends encore exactement le même texte, à 23 heures, place des Victoires.
Dix jours après, jeudi 5 juillet : contrordre INTERDICTION FORMELLE DE BOUGER, QUOI QU'IL ARRIVE ! Et cependant, ce qui va arriver est prévisible. Les préparatifs du massacre ont été menés tambour battant dans les quartiers musulmans par les tueurs de Si Attou. Les gens se sont armés sans se cacher.
Et quand, vers midi, la tuerie commence, place Foch et dans les grandes artères, d'un même geste, les mauresques tirent leurs couteaux de leurs costumes de fête pour égorger, torturer et dépecer les clientes des boutiques de la rue de la Bastille. C'était donc prévu.
Pourquoi rien n'a-t-il été fait pour prévenir ce massacre ? Quelques particuliers européens ont pu être avertis. La veille au soir, le 4, les ouvriers de M. T... agriculteur à Arcole, l'ont supplié de ne pas quitter sa maison le lendemain. Certaines Autorités civiles ont été prévenues. Pourquoi n'a-t-on pas mis en garde la population européenne qui, dans son ensemble, ne se doutait de rien et fut surprise à badauder dans les rues ou aux terrasses des cafés ?
Mieux encore : L'AUTORITE MILITAIRE FUT MISE AU COURANT ! Le colonel X..., le matin de ce 5 juillet à 8 h 30, à l'Etat-major de Châteauneuf, a été témoin de l'avertissement pressant donné, au cours d'une réunion, par un officier de l'ALN venu, tout exprès, dénoncer ce qui se tramait. J'ai vu, moi-même, à 10 heures du matin, un capitaine français, prévenu, lui aussi, par un militaire algérien, venir conseiller la prudence au Centre d'Accueil du Secours Catholique.


   

Et dans la journée, quand toutes les rues de la ville furent transformées en coupe-gorges, pourquoi les gendarmes français, qui, pourtant, s'y connaissaient en barrages, n'ont-ils pas paru aux entrées de la ville ? Même discrètement, ils auraient pu détourner les voitures qui venaient du bled pour les empêcher d'aller se jeter dans ce guêpier. Beaucoup sont morts ainsi, aux arrivées des banlieues. Certains allaient s'embarquer sur le Kairouan qui partit, à moitié vide, au milieu de la fusillade.


INERTIE VOULUE. ENCORE. APRES LE DECLENCHEMENT DU MASSACRE !


 

Une partie de l'hôpital d'Oran était occupée par l'Armée française. A l'angle de la rue Claude Bernard, il y avait un poste, avec des sentinelles. Dès le début de la fusillade, vers midi, ORDRE FUT DONNE AUX MILITAIRES DE DISPARAITRE !
Au même moment, le personnel et les clients de la Grande Poste, ayant réussi à s'enfermera l'intérieur, envoyaient un appel téléphonique à la Marine qui répondit NE PAS AVOIR D'ORDRES et qui transmit la commission aux gendarmes. Ceux-ci ne vinrent qu'après 17 heures, avec des tanks, pour délivrer les prisonniers !
Le directeur de la Société Générale des Transports Maritimes à Oran était, à 15 heures ce 5 juillet, au balcon du Docteur Blanc, 16 rue Paixhans, en face des cuisines du Lycée, occupées par l'Armée. Il a vu, sous la fenêtre, un Européen poursuivi par des Arabes. Un capitaine et quelques hommes sont sortis pour se porter à son secours. C'est alors qu'un colonel a surgi, leur intimant l'ordre de rentrer, immédiatement. Ce directeur, comme ceux des autres compagnies postales d'Air France, était, quelques jours après, chez LE GENERAL KATZ QUI LEUR DONNAIT LE CHIFFRE DE 254 POUR LES VICTIMES EUROPEENNES DEJA IDENTIFIEES*.
De la cour de la caserne du 28e Train, boulevard de Mascara et boulevard Joseph Andrieu, à travers les barbelés, les militaires ont vu les Arabes couper des têtes et jouer au football avec, de 14 heures à 17 heures ! Un sous-officier    Pied    Noir,    DEVANT L'INTERDICTION QUI LUI ETAIT FAITE D'INTERVENIR, ARRACHAIT EN VAIN SES GALONS CAR  LE COLONEL   AVAIT MENACE DE PASSER IMMEDIATEMENT PAR LES ARMES QUICONQUE TENTERAIT D'INTERVENIR !
N'est-ce pas vrai ? A-t-on fait une enquête quelconque ? Qui était responsable de ces ordres criminels ? N'y avait-il plus ni téléphone, ni télex avec Paris ? Est-il vrai que ce soit seulement à 17 heures,quand le calme commençait à revenir faute de gibier, et à la demande de FALN noyée dans ses désordres internes,
QUE LE GENERAL KATZ A, ENFIN,ORDONNE UNE INTERVENTION ?


Veut-on d'autres faits ?


A l'entrée du port, à 200 mètres du  peloton de service,  devant l'Inscription Maritime, un Européen est poursuivi par des Algériens... Malgré les objurgations de M. T. qui se trouvait là, LES GENDARMES REFUSENT DE LUI PORTER SECOURS ET IL EST MASSACRE SOUS LEURS YEUX !
Ce genre de scène est maintes fois renouvelé, en de multiples endroits...
On ne saura jamais tous les excès de cette journée... Je connais un homme auquel les mauresques ont arraché les joues, par lambeaux, avec leurs dents, pour les manger ! Il n'est pas beau, mais il vit toujours... Il était ouvrier tôlier.
Des Français furent étouffés dans des fours, gelés dans des frigidaires, crochetés aux Abattoirs, vendus dans des boucheries, sciés dans des menuiseries. Des enfants ont été ficelés dans des sacs de pommes de terre, jetés sur la chaussée, écrasés par des camions ou aplatis contre les murs. Et combien de femmes et de jeunes filles ont subi les pires des sévices, presque toujours jusqu'à la mort...
Un certain M. Sanchez allait tranquillement, avec ses enfants, de Saint Hubert à la plage de la Corniche. Boulevard Joseph Andrieu sa camionnette est arrêtée par des Algériens. Il se retourne et voit un homme se précipiter, couteau levé pour égorger son fils, derrière lui. Il en voit un autre, en uniforme, ALN ou ATO, bondir sur cet assaillant et le jeter au bas de la voiture. Il en profite pour accélérer et traverse un spectacle de cauchemar : TOUT LE LONG DU BOULEVARD, DES CORPS D'EUROPEENS GISAIENT, LES UNS SANS TETE, D'AUTRES SANS MEMBRES, ORGANES EPARPILLES...
LES EVENEMENTS, AU PETIT LAC, FURENT PARTICULIEREMENT SINISTRES : Il y a, encore maintenant, des traces. M. X... est à la fois instituteur et étudiant en médecine. Ses élèves musulmans, ayant su récemment qu'il avait besoin d'un crâne pour ses cours d'anatomie, lui en ont apporté un. « Il y en a des dizaines et des dizaines au Petit Lac » lui ont-ils indiqué. Là, en effet, fut jeté un grand nombre de corps. Un musulman qui habitait là, m'a dit avoir dénombré, le lendemain, trois convois de douze camions remplis de cadavres qu'on a déversés là. Il m'a dit aussi que lui, et la grande majorité de ses amis, étaient terrorisés par les tueurs. EUX-MEMES, EN VILLE NOUVELLE, ONT EU PLUS DE VICTIMES QUE NOUS ! Et un certain nombre de Français furent protégés, cachés, sauvés par des musulmans.
Au Petit Lac même, eurent lieu de nombreuses exécutions. Des familles entières, qui passaient en voiture, furent décapitées à la hache sur des billots. Un jeune Arabe que je connais, qui a lavé le sol, le lendemain, à grands seaux d'eau, et dont le cerveau est resté très choqué, a encore dans les oreilles les invocations à la Sainte Vierge, criées en espagnol au moment de mourir, par un papa, une maman et leur garçonnet, arrachés d'une 4 chevaux... D'autres faisaient des prières ou chantaient des cantiques avant que leur voix ne se brise sous la hache.
Des groupes étaient obligés de se noyer eux-mêmes en avançant dans la vase. Ils étaient fusillés dans le dos quand ils s'arrêtaient.
Une étudiante algérienne de la Faculté de Médecine, militante convaincue du nouveau régime, a récemment reconnu, avec violence, dans un groupe d'amis : « OUI, L'ALGERIE A COMMIS, CE JOUR-LA, LE CRIME LE PLUS BAS ET LE PLUS HORRIBLE QU'IL AIT ETE DONNE A UN PAYS DE COMMETTRE. N'en parlons plus, c'est du passé... Nous avons vu des choses trop horribles... ». POUR L'ALGERIE, C'EST DU PASSE...   MAIS POUR LA PART DE RESPONSABILITE DE LA FRANCE ? AMNISTIE ?
Aussi évidente que les ordres de passivité EST LA COMPLICITE INDUBITABLE DES GARDES MOBILES. Je ne parle pas de l'amitié, vieille de plusieurs mois, entre certains gendarmes et les gens de Si Attou à l'hôpital FLN de Victor Hugo où l'on trinquait joyeusement ensemble dans les pièces même où agonisaient les Pieds Noirs arrêtés sur la route et vidés de leur sang... NON, JE PARLE SEULEMENT DU 5 JUILLET 1962.
Tout le monde sait que pour n'importe qui, et pour n'importe quoi, depuis des mois les vérifications d'identité faisaient partie de la vie quotidienne. Chaque fois, une fiche était établie et mise au fichier de la gendarmerie, à son P.C. d'Ardaillon. Or, on a prétendu qu'il avait été oublié, et, EN REALITE, ON A REMIS AU FLN CE FICHIER CONTENANT DES MILLIERS DE NOMS ! En voici les conséquences :

 

 



-  M. M..., linotypiste à Oran, était, à 10 heures du matin, sur le pas de la porte de son immeuble à Eckmuhl. Une 403 noire s'est arrêtée et l'a embarqué vers les Planteurs. Là, il a retrouvé des dizaines et des dizaines d'Oranais. En attendant son tour de passer devant le « Tribunal », il fut enfermé dans une baraque aux planches mal jointes. Par les interstices, des mauresques les griffaient et leur crachaient dessus. Il fut introduit dans une pièce OÙ S'ETALAIT LE FAMEUX FICHIER DE LA GENDARMERIE FRANÇAISE ! Son nom n'y figurait pas et, heureusement pour lui, il était d'origine française, car ceux qui étaient fichés, ou qui, simplement, avaient un nom à consonance espagnole, étaient abattus à coups de mitraillette. Il a été relâché à 21 heures dans ce quartier des Planteurs et, par miracle, il est rentré vivant chez lui !

-  Voici encore le témoignage du personnel de la DCAN (civils travaillant pour la section Marine du Ministère de la Guerre). Tout le monde était normalement au travail à Arbal, auprès de la base aéronavale de Lartigues, à une vingtaine de kilomètres d'Oran. Jusqu'à 15 heures, on ignora tout. A ce moment-là, un coup de téléphone mit le feu aux poudres. Tous les ouvriers, affolés pour leurs familles qui étaient en ville, cessèrent le travail. A 15 h 45, le directeur, qui venait de contacter le commandant de la base de Lartigues, reçut les représentants du personnel pour leur exposer ceci : La Marine Nationale se trouvait dans l'impossibilité d'assurer la protection de son personnel pour la rentrée à Oran. Elle invitait l'ensemble du personnel à passer la nuit sur place à Arbal. Et le directeur affirmait que la liaison entre Lartigues et la base de Mers el Kébir était impossible à réaliser, ce qui semble extraordinaire pour des bases aussi importantes, distantes seulement de trente kilomètres. La grande majorité du personnel refusa de rester là. A 18 heures, deux cars de la SOTAC étaient en position de départ. Le chef du personnel se présenta devant les ouvriers et leur déclara : « La SOTAC veut bien rentrer à Oran avec 2 cars (au lieu des 17 habituels), mais les ouvriers qui voudraient les emprunter se trouveraient hors de la protection de la Marine qui n'est pas responsable de ce qui pourrait leur arriver. ». A 18 h 30, les deux cars prirent enfin la route d'Oran, tandis qu'une centaine d'ouvriers restait à Arbal.
-  Et enfin, voici ce que m'écrit, de Paris, le président d'alors du Secours Catholique d'Oran : « Je me trouvais, ce jour-là, dans l'un des centres d'accueil que nous avions organisés pour y recevoir en transit - souvent sur le conseil des Autorités militaires qui les abandonnaient, SUR ORDRE, les Français qui quittaient les villages et localités du département pour se réfugier en France. J'étais donc au centre du Collège du Sacré Cœur, rue de Mostaganem, lorsque commencèrent les fusillades dans les rues à 11 h 45. Durant 5 h 45 d'horloge, c'est-à-dire jusqu'à 17 h 30, les Français furent massacrés dans les rues du centre ville sans qu'intervienne l'Armée française, ni les Gardes Mobiles, pourtant encasernés en grand nombre dans les différents bâtiments militaires, lycées ou collèges. Ce n'est qu'à 17 h 30 que nous vîmes enfin apparaître les gardes mobiles et, tout aussitôt et bien normalement, le calme se rétablit ».
Durant cette journée de honte, beaucoup d'amis très chers ont disparu, à jamais...
Puissent ces différents témoignages nous amener à réfléchir et à juger, plus équitablement, les gens et les choses d'Algérie. Si déroutant soit-il, c'est le réel qui doit être à la base de nos jugements.

REVEREND PERE MICHEL DE LAPARRE DE SAINT SERNIN
Métropolitain né à Paris En mission en Algérie de 1961 à 1964
Témoignage écrit dès son retour en 1965
Publié à l'époque dans la presse
* Joseph Katz a indiqué dans son livre « L'honneur d'un général » publié, peu avant sa mort par les Editions l'Harmattan, que les événements du 5 juillet 1962 à Oran avaient fait 29 victimes françaises ! Ce livre aurait dû s'appeler « Le déshonneur d'un menteur » !

IN VERITAS N° 115 du 15 SEPTEMBRE 2007