Traité d'amitié France - Algérie c'est fini
   
 
     
 

Après plusieurs reports et articles fielleux dans la presse algérienne, Philippe Douste-Blazy est arrivé le 10 avril 2006 à Alger. Pendant cette visite de 36 heures du chef de la diplomatie française était censé relancer les relations entre Alger et Paris qui, depuis un an, se battent encore froid après une décennie tendue pour cause de manque d'empressement français à livrer directement du matériel militaire sophistiqué pendant la guerre civile et l'appui de la France au Roi du Maroc au sujet du Polisario.

 
Le projet de traité d'amitié franco-algérien vient de subir un nouveau revers. Porte-voix désigné par Abdelaziz Bouteflika, le ministre des Affaires étrangères algérien, Mohammed Bedjaoui, a renvoyé à un futur lointain l'initiative lancée en février 2003 par le président français. «Les conditions objectives et subjectives nécessaires à la signature du traité ne sont pas suffisamment propices aujourd'hui», a-t-il indiqué. Et d'expliquer : «Ce traité n'est pas un traité entre deux présidents mais entre deux peuples. Il faut préparer l'opinion pour emporter l'adhésion de l'ensemble des acteurs de nos sociétés.» Ce changement d'optique prend des allures de renoncement lorsque Mohammed Bedjaoui ajoute : «Chirac a eu le courage politique vis-à-vis de son opinion de vouloir tourner la page du passé, mais il y a des difficultés sur le plan français, et nous ne voulons pas ajouter aux difficultés.» Assis à ses côtés, son homologue français Philippe Douste-Blazy encaisse.

Tout au long de son premier séjour à Alger, Philippe Douste-Blazy a entretenu la flamme pour tenter de remettre sur les rails un projet mis à mal en France comme en Algérie par des péripéties de politique intérieure. Cherchant à rassurer ses interlocuteurs, il a insisté sur la «volonté de l'opinion publique française de signer le traité». «Les Français sont très pour. Ils considèrent qu'il s'agit d'un plus et ont une volonté profonde d'être liés à l'Algérie», répétait, inlassable, le ministre des Affaires étrangères.

A la repentance pour expier les crimes du colonialisme devait se substituer une qualification moins moralisatrice de la présence française en terre algérienne sur la base d'une déclaration commune. Mais l'idée de pacte lancée lors du voyage du président français en Algérie en février 2003 bute toujours sur la mémoire de la colonisation. Les deux pays ont les pires difficultés à purger le passé, comme l'attestent les divergences sur la question des Harkis. Alger ne veut pas entendre parler de ces «traîtres», alors que Paris souhaite qu'ils «puissent se rendre dignement en Algérie». Et en dépit de l'abrogation par le Conseil constitutionnel des passages litigieux de l'article 4 sur le caractère «positif» de la colonisation, Alger garde durablement ses distances avec Paris.

Le chaud et le froid


En décembre 2005, l'hospitalisation d'Abdelaziz Bouteflika pendant plusieurs semaines au Val-de-Grâce, à Paris, a servi à justifier les retards. Mais, depuis, le président algérien a repris ses activités internationales : il était au sommet arabe de Khartoum en mars, il a reçu Vladimir Poutine pour signer un contrat d'armes qui va permettre à l'Algérie de disposer de la force militaire la mieux équipée de la région et il diversifie les partenariats. Son entretien avec Philippe Douste-Blazy a duré hier deux heures trente, durant lesquelles il a fait souffler comme à son habitude le chaud et le froid. Il a conditionné la signature algérienne à des exigences sur la simplification des procédures de visas octroyés et à l'«approfondissement du travail de mémoire».

Interrogé sur sa santé sur le perron d'El-Mouradia, la présidence algérienne, Abdelaziz Bouteflika a affirmé qu'il se portait «comme un charme». «Il faut continuer à se parler et se dire ce qu'on pense les uns des autres», a, de son côté, assuré Philippe Douste-Blazy dont l'allant contrastait avec le manque flagrant d'enthousiasme des responsables algériens.
Alger estime que les conditions nécessaires à la "refondation des relations entre les deux pays» ne sont pas réunies. "

- Repentance» contre harkis. L'embellie liée au rapprochement entrepris après l'installation au pouvoir d'Abdelaziz Bouteflika en 1999, et après sa réélection en 2004, durera peu. Une méchante polémique a repoussé aux calendes grecques la signature du traité d'amitié prévue «avant fin 2005 » et toujours en attente. C'est l'adoption le 23 février 2005 qui a mis, à nouveau, le feu aux poudres . Du moins officiellement, car le particularisme des rapports franco-algériens réside dans une contradiction : les épisodes de tension se succèdent alors que, fondamentalement, Alger sait pouvoir compter sur le soutien quasi sans faille de Paris, particulièrement sur l'épineux dossier des droits de l'homme.