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Pour la France il y a très
peu de chances pour que le traité d'amitié franco-algérien
— comparable au traité de l'Elysée, conclu entre
la France et l'Allemagne en 1963 — soit signé avant
le 31 décembre, comme l'avaient annoncé les deux parties.
"L'aspect technique est bouclé depuis longtemps. Ce
qui bloque, c'est l'habillage politique", reconnaît-on
à l'Elysée et au Quai d'Orsay. Dans l'entourage du
président algérien, on semble encore miser sur la
rencontre qu'auront, dimanche 27 novembre à Barcelone, les
présidents Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika, en marge
du sommet Euromed réunissant les 25 Etats membres de l'Union
européenne et leurs dix partenaires méditerranéens.
Cet entretien sera-t-il suffisant pour débloquer les choses
? Les responsables français paraissent sceptiques. "La
volonté des deux parties d'aboutir n'est pas remise en cause.
Bouteflika et Chirac savent qu'ils ont une opportunité historique
à saisir, souligne un haut fonctionnaire, mais les ajustements
politiques sont délicats. Il faudra peut-être une nouvelle
réunion entre les deux présidents, sans doute à
Paris."
L'"habillage politique" est d'autant
plus difficile à mettre au point que l'année 2005
a exacerbé les tensions. Alors que la France avait admis
le principe de présenter des excuses à son ancienne
colonie, la loi du 23 février a tout remis en cause. Initialement
destinée à indemniser les rapatriés et les
harkis, cette loi comporte un article qui souligne "le rôle
positif de la présence française outre-mer, notamment
en Afrique du Nord" et passe sous silence les aspects négatifs
de la colonisation. Depuis, les responsables algériens crient
leur colère. Le passé colonial a même été
l'un des thèmes de la campagne référendaire
d'Abdelaziz Bouteflika. Le chef de l'Etat algérien a ainsi
parlé des "fours de la honte installés par l'occupant
à Guelma" et les a comparés "aux fours crématoires
des nazis". Il a ensuite qualifié la loi française
d'acte de "cécité mentale confinant au négationnisme
et au révisionnisme".
Comment, dans ces conditions, faire accepter à
la population algérienne la signature d'un traité
d'amitié avec la France ? "Le point d'équilibre
est difficile à trouver. Nous devons nous assurer que les
termes conclus seront acceptables d'un côté comme de
l'autre", admettent les négociateurs français,
tout en notant que le ton employé par le président
Bouteflika a perdu de son caractère acrimonieux.
La loi du 23 février pourrait-elle être
abrogée avant la signature du traité d'amitié
? "Impensable dans l'immédiat", ont répondu
les négociateurs français à leurs interlocuteurs
algériens. L'autre point d'achoppement concerne la question
des harkis. Pour éviter d'être accusé, en France,
de "repentance unilatérale", Jacques Chirac souhaiterait
qu'il soit fait mention de cette tragédie lors de la signature
du traité. Entre 15 000 et 25 000 supplétifs musulmans
ont été massacrés en Algérie après
le départ de l'armée française. Ce dossier
demeurant explosif dans son pays, le président Bouteflika
hésite à franchir ce pas.
Le retard pris dans la signature du traité
n'arrange-t-il pas, en fin de compte, les responsables français,
confrontés aux conséquences de la crise des banlieues
? A l'Elysée et au Quai d'Orsay, on s'en défend catégoriquement.
On fait valoir que, bien au contraire, "tout ce qui pourrait
servir de passerelle avec les Français issus de l'immigration
serait bienvenu".
L'historien Benjamin Stora ne paraît guère
convaincu par l'argument. Pour lui, il est "malheureusement
certain" que le climat actuel n'est pas propice à cette
signature. "Les Français sont-ils prêts à
entendre, par exemple, que 30 000 Maghrébins sont morts pour
eux pendant la première guerre mondiale ? Et 80 000 autres
pendant la seconde guerre ? Qui sait que 50 000 soldats d'origine
maghrébine ont péri en Indochine ? Entre la tentation
sécuritaire, le repli nationaliste et l'exaltation de la
nation française, comment plaider pour l'écoute de
l'autre ?" s'inquiète-t-il, avant d'ajouter : "La
situation actuelle est catastrophique : plus on abonde dans la radicalité
républicaine, plus les saignements de mémoire se poursuivent
et plus les discours fantasmés sur l'histoire coloniale abondent.
C'est ainsi que se noue le drame."
IN JOURNAL LE MONDE Florence Beaugé
Article paru dans l'édition du journal Le Monde du 26.11.05
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