Obsèques de Jean - François Mattéi
à l'église de Saint Giniez - Marseille -

 

Les philosophes meurent aussi


Cette mort-là, cette mort improvisée, cette mort inaperçue était précisément celle qui était autrefois redoutée, car il fallait voir venir la mort. La mort est-elle moins absurde lorsqu’on la voit venir ?

Entouré de sa famille de ses amis, de ses élèves, ses collègues de l'Université, des Français d'Algérie, l'église de Saint Giniez de Marseille, était trop petite pour contenir tout le monde.

Albert Camus, philosophe de l’absurde s’il en est, avait dit un jour qu’il ne pouvait pas imaginer de mort plus dénuée de sens qu’un accident de voiture. Albert Camus est mort dans un brutal accident de voiture à 44 ans.

L'été dernier  il avait raconté la crise dont il avait été victime l’année dernière, alors qu’il se reposait en Grèce d’une année surchargée. « Arrivé sur le site magnifique de Santorin, en pleine forme et d’excellente humeur, l’arrêt soudain de toute activité m’a fait basculer dans un état second. J’ai éprouvé une angoisse énorme, comme je n’en avais jamais connu dans ma vie. Une boule de terreur montait et descendait dans ma poitrine. J’éprouvais un épuisement sans fond. Je n’avais plus envie de lire, plus envie de vivre. Les choses avaient perdu tout sens et toute saveur. Ce n’était pas la peur qu’on éprouve face à un danger objectif, fût-ce la mort. Plutôt une panique sourde, indicible, un peu comme l’angoisse, au sens heideggerien du terme, devant le néant, le rien. »

A la fin de la cérémonie religieuse dirigée par le Père Éric LONGUEMARE deux moments émouvants le témoignage de sa fille Isabelle et son épouse Anne.

Il avait le souci de rendre la philosophie accessible à un grand public et participait régulièrement à des événements du Monde des Rapatriés d'Algérie, comme au Colloque du Cercle Algérianiste le 14 décembre 2013 à Marseille.

« Derrière le professeur, un passionné de jazz, pianiste virtuose, doté d’une connaissance saisissante du cinéma hollywoodien »

Également professeur de philosophie politique contemporaine à l'IEP d'Aix-en-Provence, il avait développé une réflexion inquiète sur le « nihilisme » contemporain. Dans Le Regard vide.

Essai sur l’épuisement de la culture européenne (Flammarion, 2007), il dénonçait ainsi le renoncement des Européens, au nom de l’esprit critique et de la pénitence pour les crimes du passé, à assumer leur identité : celle d’une civilisation qui, de Platon à Patocka, avait fait du regard théorique et du « soin de l’âme » sa grande aspiration. Il intervenait régulièrement sur les questions d’actualité, de la crise des banlieues au débat sur l’euthanasie, assumant une position « réactionnaire » sur l’aplatissement généralisé des valeurs et le renoncement à toute forme de transcendance.
Ainsi, affirmait-il dans Le Figaro, à propos du débat autour du cas de Raphael Lambert : « Nous sommes dans une civilisation mortifère, qui sous couvert d'humanisme, voire d'humanitarisme, veut éliminer les personnes dérangeantes, faibles ou malades, qui ne correspondent pas aux critères de l'individu libéral ».

27 mars 2014.