Disparition de Claude Raymond , présidente des Amitiés Oraniennes le 21 mars 2013


Claude vient de nous quitter, elle était entourée de sa famille et de ses amis.
C'est entouré des siens, sa famille, ses amis, et de la communauté des Français d’Algérie, que Claude Raymond, 73 ans, a reçu un dernier hommage, lors de la célébration d'adieu, qui s'est déroulée à l’église en l'église Saint-Louis de Hyères le lundi 25 mars 2013
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Un malaise l'a emportée en pleine nuit la semaine passée, malgré les soins qui lui ont été prodigués. À toute sa famille, BEO Story adresse ses sincères condoléances.

Née en 1939 à Ain Témouchent, membre active de l’OAS, Mlle Claude Raymond habitait à Oran dans un appartement situé au 8ème étage du "Panoramic", grand immeuble au numéro 1 du boulevard Front de Mer.
C’est dans son appartement qui a eu lieu le dimanche 25 mars 1962 l'arrestation du Général Edmond Jouhaud, chef OAS alors qu'il tenait une réunion. Étaient présents l'aspirant de réserve Jean-Claude Joudain (propriétaire terrien à Mostaganem), l’ex-commandant Julien
Camelin (alias Dr Sabatier) et cinq hommes. Jouhaud possédait de faux papiers au nom de Gerbert. Les huit hommes et la jeune femme sont emmenés.
Claude Raymond
 
Vers 19h.00, le jour même, un commando OAS tenta le tout pour les délivrer, en attaquant à l’arme automatique la caserne de la gendarmerie mobile située à proximité de la rue de Mostaganem à Oran. Les assaillants ont supposé que le groupe s’y trouvait. L’attaque échoue, mais un officier de gendarmerie perd la vie, tandis que 18 gendarmes sont blessés.
Le lendemain, un appareil de l’aviation aérienne déposa Edmond Jouhaud, Claude Raymond et le reste du groupe à Willacoublay (France).
Transférée à Paris, Claude Raymond était conduite auprès du juge Guy Courcol qui l’a fait écrouer à la prison de la Petite Roquette, après l’avoir inculpée de complot contre l’autorité de l’Etat. Melle Claude Raymond avait 23 ans, et était étudiante. Amnistiée comme tous les autres activistes de l’OAS, elle est libérée.
       
Devant la dépouille de Claude RAYMOND
en l'église Saint Louis d'Hyères

 

Un coup du sort terrible a eu raison de ta vaillance.

Ton courage, ta ténacité si souvent affirmés tout au long de ta vie n'ont pas suffit à surmonter une épreuve dressée dans ton dos et alors que tes forces physiques étaient atteintes.
Mais cette adversité fatale n'a pas terni l'image de la combattante que nous garderons de toi, bien au contraire, car elle n'a nullement entamé tes forces morales,celles que nous saluons en nous inclinant devant
Tu vas rejoindre aux cieux tous les purs auxquels tu appartiens.
Ta vie aura été un combat exemplaire, mené sur plusieurs fronts : Le plus grand, le plus terrible, celui de notre jeunesse, le combat que nous avons perdu sous les coups de ceux qui n'ont pas cru à la poursuite de l'œuvre française en Algérie, comme de ceux qui ont cru qu'un pays comme celui que nous avons bâti puisse survivre à l'exode de ses fondateurs.

     
 
 
     

Et sur ce sol de France, tu as surmonté avec cran d'autres adversités. Mais tu as aussi connu le bonheur d'une mère exemplaire et la satisfaction de bien mener une entreprise florale

Claude, petite Claude, nous te pleurons de larmes aussi sincères et aussi pures que les sentiments qui t'animaient dans les engagements que tu as pris dans ta vie et que tu as tenus dans la droiture, ta ligne constante.

Tu resteras ainsi l'exemple d'une mère que ses deux fils ne cesseront de pleurer l’exemple d'une cousine bien-aimée et toujours recherchée, d'une sœur pour celui auquel tu as donné le gentil nom de "frérot" et l'exemple, pour tous, d'une femme de cœur et de devoir qui n'a jamais failli.
Tu as beaucoup donné à notre association que tu as portée, sans ménager ni ton temps ni ta peine et dont la revue, notre Echo de l'Oranie, toujours attendue de ses nombreux lecteurs, a grandi en qualité grâce à ton travail incessant.

Petite sœur, nous resterons inconsolables devant le vide que tu laisses !

Alors resurgit la question : Mort, où est ta victoire ?

- Jean-Claude SIMON

En hommage à Mme Claude Raymond, Présidente des Amitiés oraniennes L’Echo de l’Oranie

De Cléopâtre à Claude

 

Comme nombre d’enfants de Pieds-Noirs, j’ai été bercé par les récits de cette Algérie française qui me serait à jamais inaccessible. Une culture particulière, essentiellement culinaire et linguistique d’ailleurs.
J’ai dû chercher par moi-même pour en savoir plus, notamment sur les dernières heures sombres de cette Atlantide d’au-delà de la Méditerranée, ce « là-bas » si souvent évoqué dans le cercle familial. J’ai découvert entre autres les résistants de l’Organisation. L’une de ces figures m’a immédiatement interpelé, une jeune fille de bonne famille, comme on disait, qui avait tout sacrifié pour un idéal.
Cléopâtre… c’était son nom de combattante. Et le 25 mars 1962, dans son appartement du Panoramic à Oran, elle fut arrêtée avec le Général Jouhaud, Camelin et Jourdain. Menottée, jetée dans un avion militaire, elle était envoyée en métropole, direction la prison de la Petite Roquette. Elle ne revit jamais sa terre natale. Une part de sa vie s’arrêtait déjà ce jour-là.

Sacré destin que celui de ce petit bout de femme.

Hiver 2009, à mon modeste niveau, j’entreprenais une action pour empêcher la FNACA d’intervenir dans l’établissement scolaire où j’enseigne afin de célébrer « son » 19 mars. Madame Claude Raymond, Présidente de L’Echo de l’Oranie, m’appela pour me féliciter. Quelle fierté ! Rendez-vous compte ! L’Echo de l’Oranie ! Cette revue si chère aux Oraniens… et son carnet où, déjà enfant, je lisais notamment les avis de recherche, tellement émouvants dans ces années qui suivaient l’exode.
Nous nous rencontrâmes pour la première fois  le 14 mars 2009 au cours de la manifestation contre l’inauguration d’un square du 19 mars à Valence. Nous nous étions trouvés. J’étais avide d’apprendre l’histoire des miens, elle était avide de transmettre. Pourquoi ce « coup de foudre » fraternel (et même filial oserai-je dire, si ses fils me le permettent), en dépit du fossé générationnel ? Faut-il tenter de trouver des réponses à toutes les interrogations ? Je plagierai simplement Montaigne parlant de son amitié avec La Boétie : « parce que c’était elle, parce que c’était moi ».
Ce n’est que quelques semaines plus tard que je sus que Claude et Cléopâtre était une seule et même personne.
J’avais admiré Cléopâtre et je me mis à connaître et à aimer Claude.
Nous nous revîmes alors souvent lors de manifestations mémorielles. Et en raison de la distance, le téléphone devint comme un organe greffé entre nous. Plusieurs appels par jour pour une moyenne quotidienne de 2 à 3 heures. Un besoin, comme celui de respirer, qui devint naturel. Des discussions sans fin sur l’actualité de notre « communauté », sur nos doutes, nos enthousiasmes, nos fréquentes désillusions et, bien évidemment, L’Echo de l’Oranie dont elle m’avait convaincu de devenir administrateur (toujours sa volonté de transmettre et d’envisager l’avenir).
L’Echo de l’Oranie… son « bébé ». Un souci permanent, celui des lecteurs. L’obsession de leur offrir à chaque numéro une revue de qualité, diversifiée, qui plairait à tous.
Elle y consacrait 8 heures par jour, minimum ! Je me souviens d’après-midi entières,  en compagnie de notre troisième larron… le téléphone, passées à chercher sur internet une seule illustration pour un article. C’était son quotidien. Toujours au service des siens, comme elle l’avait été en Algérie, comme elle l’avait été ensuite au sein de l’ANFANOMA pour aider ses compatriotes dans leurs dossiers de réinstallation. Une combattante, encore et toujours, y compris dans sa vie professionnelle, passant 14 heures par jour dans les serres de son entreprise d’horticulture avant de prendre une retraite bien méritée…

Retraite ? L’Echo de l’Oranie devint sa « drogue »… Car la « pienoirditude » remplissait son existence.

Mais Claude était avant tout une maman et une grand-mère. Avec quelle fierté elle parlait de ses fils ! Avec quelle affection elle évoquait ses petits-enfants ! Interdiction de s’appeler lorsqu’ils étaient présents ! Elle voulait profiter du moindre instant passé avec eux.
Claude, tu es partie trop tôt, tu avais encore tant à donner… et à recevoir. Tu as toujours hypothéqué ta propre vie pour te consacrer aux autres. Les nôtres en ont-ils eu conscience ?

La légende affirme que la Cléopâtre de l’Egypte antique mourut de la morsure d’un aspic. Toi, notre Cléopâtre oranaise, tu dus avaler de nombreuses couleuvres, mais avec courage tu fis toujours face, jusqu’à ce que tous ceux que tu avais aimés, et qui nous quittaient jour après jour, te demandent de les rejoindre.

Claude, j’évoquerai pour terminer le dernier tour que tu m’as joué. Et je te vois sourire malicieusement de là-haut… Tes fils m’ont demandé, et cela m’a profondément ému, de retrouver ta famille, chez toi, après l’hommage que nous t’avons rendu en ce 25 mars 2013 en l’église Saint-Louis (Oran t’aura poursuivie jusqu’à la fin) de Hyères (51 ans jour pour jour après ton arrestation et ton départ d’une terre chérie). Et que m’as-tu fait perdre dans ton jardin… ? Mon téléphone ! Ce lien qui était notre quotidien… Sacré symbolisme.
Tes fils l’ont retrouvé, mais ne t’inquiète pas, ceux qui restent et qui t’aiment continueront de te parler, mais à présent avec leur cœur et avec leur âme. Le malheur de t’avoir perdue ne nous fera pas oublier la bénédiction de t’avoir connue.
Cléopâtre ce fut un honneur, Claude ce fut un bonheur.
Lionel VIVES-DIAZ