L’exarque patriarcal des Melkites catholiques
Monseigneur Pierre Boz est décédé, le vendredi 15 février 2013.

 

Père blanc à Fort national, en Algérie assistant de Mgr Lacaste évêque d’Oran en 1962, chargé de mission par le cardinal Feltin en 1965, arabisant et islamologue, Mgr Boz connaissait bien la culture berbère.
Monseigneur Pierre BOZ, devient  exarque patriarcal des Melkites catholiques (1)

A l'occasion de la parution de son dernier livre : « Une fin des temps : fragments d'histoire des chrétiens en Algérie (2) ».

 Monseigneur Pierre BOZ, était un spécialiste de la langue arabe et de l’islam, ancien Père Blanc (3) ayant exercé son ministère en Kabylie pendant les années terribles, juste avant l’indépendance de l’Algérie, il tentait tente, dans ce livre, d’éclairer l’histoire des chrétiens d’Algérie à travers ses souvenirs personnels et sa connaissance de l’histoire du pays. Il rappelle, avec la figure emblématique de Saint Augustin, évêque d'Hippone-Annaba (354-430) et Père de l'Eglise, que les Berbères, population d’origine du Maghreb formaient une florissante communauté chrétienne dans les premiers siècles de l'Eglise.
La prise de Kairouan par les troupes arabes en 670, et l'envahissement à la fois démographique, culturel et religieux qui s'ensuivit, provoqua la disparition totale de cette communauté chrétienne.

Conquise par l'armée française en 1830, sous régime militaire, puis colonial et devenue ensuite partie du territoire national, l'Algérie a vu s'installer une importante population venant de France, d'Espagne, d'Italie, de Malte.

 
 
Plus d'un million de personnes se réclamaient de la religion  chrétienne. Au cours du siècle de présence française, quelques milliers d'autochtones, principalement Kabyles (berbères) étaient devenus chrétiens, tolérés plutôt qu'acceptés dans leur environnement musulman.
       

Ses missions l’ont amené à faire une enquête approfondie sur l’enlèvement (peut-être par les barbouzes) du Père Montet et de deux enfants, à libérer des femmes qui étaient séquestrées à Oran, à retrouver un chaouch chrétien isolé dans le djébel.
Il condamne la violence de cette guerre révolutionnaire, les promesses trahies du Congrès de la Soummam, la technique de la razzia héritée du passé, la torture pratiquée sans être généralisée, les enlèvements destinés à faire fuir les Européens, les prisonniers saignés à blanc par les médecins du F.L.N., le massacre du 5 juillet 1962 à Oran.
L’indépendance n’a pas éliminé la violence contre les chrétiens et les religieux, qui nombreux furent enlevés et assassinés en 1993 et 1996.

 
 
     

Ayant vécu les derniers jours de l’Algérie française, il témoigne dans son ouvrage ici de la fin programmée de l’Eglise d’Algérie, et de la responsabilité qui fut celle du cardinal Duval, une personnalité complexe qui, dès les années 1950, a pris la défense de la communauté musulmane et a prôné une solution politique soutenue par la violence la plus extrême.
Il lui est arrivé une seule fois, lors des barricades, de se soucier de protéger les chrétiens. Son attitude pose plusieurs problèmes : celui de sa parenté avec la théologie de la libération, celui de la juridiction des évêques dans les pays non chrétiens, celui de la politique du Vatican.

Une autre théologie est mise en question, celle de l’enfouissement, incarnée par le Père de Chergé et les moines de Tibéhirine, dont Pierre Boz rappelle l’histoire de l’Eglise en Algérie depuis saint Augustin, les échanges de Mgr Dupuch avec l’émir Abd el Kader, l’hostilité de l’administration au cardinal Lavigerie et l’interdiction de prosélytisme, la solidarité franco-musulmane et les symboles de piété mariale. Les personnalités de Mgrs Scotto et Claverie, et de l’abbé Berenguer, sont également évoquées.

 
 
     

Etait-ce la fin de la présence chrétienne en Algérie ? Pas vraiment, mais d'autres faits douloureux viennent à la mémoire : le massacre d’européens, pendant la crise déclenchée par le fondamentalisme musulman à partir de 1993, tel celui des moines trappistes de Tibhirine en mai 1996 et deux mois plus tard l’attentat qui coûta la vie à Pierre Claverie, évêque d'Oran et à son chauffeur. Ces actions, nettement orientées contre la présence de chrétiens, ont encore affaibli le christianisme sur cette terre musulmane sourcilleuse.
Depuis le 24 mai 2008, l'évêque d'Alger est arabe. Le père Ghaleb, Moussa, Abdallah Bader, prêtre jordanien, appartient au patriarcat latin de Jérusalem. Une façon d’éviter l’amalgame entre présence chrétienne et présence occidentale avec son ancienne connotation coloniale.
Cela suffira-t-il à assurer la survie d’une petite communauté chrétienne ? Difficile de répondre.

1- Exarque : dans l’église catholique, l’exarque patriarcal a reçu juridiction sur les catholiques d’un rite oriental. Il représente le patriarche en charge de ce rite. Les Melkites sont les chrétiens de rite grec-catholique. Leur patriarche réside à Damas.
2- publié en septembre 2009 chez Desclée de Brouwer
3- La Société des Missionnaires d'Afrique - Pères Blancs : fondée au XIXe s. par le cardinal Lavigerie (1825-1892), premier archevêque d'Alger, pour la propagation du christianisme en Afrique (Maghreb et Afrique noire).

- Décès de Mgr Pierre Boz, à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce, à Paris par Didier BÉOUTIS. -
- Homélie de Mgr Boz à Notre Dame de Paris, le 5 juillet 2012.-