Disparition de Jean Sassi vétéran des forces spéciales  
 
     

Jean Sassi un rapatrié de Tunisie

C'était un homme de l'ombre, taiseux de nature, discret par nécessité. Vétéran des forces spéciales, rompu aux opérations-commandos et aux missions estampillées "secret défense", le colonel Jean Sassi est mort vendredi 9 janvier, à l'âge de 91 ans.

1944
Participe à la libération de la France au sein des forces spéciales alliées "Jedburgh"

9 janvier 2009 Mort à Eaubonne (Val-d'Oise)

Né à Tunis le 11 juin 1917, ce fils d'une institutrice et d'un receveur des postes rêvait de faire carrière dans le sport de haut niveau, et participa même, à la fin des années 1930, aux championnats de France de natation. S'il dut renoncer à son ambition, ses capacités physiques exceptionnelles allaient lui être d'un grand secours pour la suite.
C'est en novembre 1942 que commence l'épopée de celui qui travaille à l'époque comme opérateur-radio dans le Sahara algérien. Alors que les Alliés viennent de débarquer en Afrique du Nord, Jean Sassi intègre la Légion, puis les corps francs d'Afrique. Quelques mois plus tard, il se rend à Londres, où il est affecté au sein du Bureau central de renseignements et d'action (BCRA), le service d'espionnage de la France libre.

PRÉPARER LE TERRAIN

Parfois rétif à l'autorité, mais apprécié pour son courage, Jean Sassi est sollicité à l'automne 1943 pour participer au projet "Jedburgh". Piloté par le Haut Commandement allié, celui-ci consiste à former des unités d'élite qui devront, le moment venu, assurer la liaison entre la Résistance et les armées libératrices.
Pendant quelques mois, ces trois cents hommes - des Américains, des Britanniques, des Français, mais aussi quelques Belges et Hollandais auxquels un livre vient de rendre hommage (Les Jedburghs, de Will Irwin, éd. Perrin) - suivent un entraînement spécial à Milton Hall, au nord de Londres.
C'est au lendemain du débarquement en Normandie que les "Jeds" entrent en action. Jean Sassi, pour sa part, est parachuté à Dieulefit (Drôme) le 29 juin 1944. Avec ses deux coéquipiers, "Jean Nicole" - son pseudonyme dans la clandestinité - rallie le Vercors puis les Hautes-Alpes. Sa mission, baptisée "Chloroform", vise à préparer le terrain aux troupes alliées, à la veille de leur débarquement sur les côtes provençales, le 15 août 1944.
La guerre, pour le jeune homme, ne s'arrêtera pas là. En Extrême-Orient, les combats continuent, et les services spéciaux recrutent des volontaires pour combattre les Japonais. Jean Sassi se porte candidat. Au sein de la Force 136, une unité interalliée basée à Calcutta, il intervient au Laos avant d'être rappelé en France début 1946, quelques mois après la capitulation japonaise.
Jean Sassi retrouvera l'Asie sept ans plus tard, après être devenu entre-temps officier instructeur au 11e Bataillon parachutiste de choc, le bras militaire du service action du Sdece (l'ancêtre de la direction générale de la sécurité extérieure, DGSE).
Sur les hauts plateaux laotiens transformés en maquis, il participe à ce que l'on appelle alors une "guerre non conventionnelle", faite de sabotages et d'actions ciblées, contre les indépendantistes du Vietminh.

FAIT D'ARMES

C'est toutefois au printemps 1954 qu'aura lieu son fait d'armes le plus éclatant. Mobilisant 2 000 hommes appartenant au peuple montagnard des Méo (ou Hmong), il lance l'"Opération D" (pour Desperado), qui a pour but de soutenir les soldats français postés à Dien Bien Phu. La chute du camp retranché, le 7 mai 1954, transforme l'opération en mission de sauvetage. Environ deux cents combattants français auraient ainsi été exfiltrés à travers la jungle.
Jean Sassi - qui quittera l'armée à l'âge de 54 ans avec le grade de colonel, avant de travailler à la direction du personnel de Citroën - restera marqué à vie par le souvenir de l'Indochine. " Dans la maison de retraite où il vivait ces derniers temps, il avait fait de sa chambre un véritable musée, rempli de centaines de soldats de plomb, d'armes blanches et d'objets pittoresques qui lui rappelaient ces années-là ", confie Jean-Louis Tremblais, grand reporter au Figaro Magazine, qui s'apprête à publier les souvenirs de l'ancien "Jedburgh" (Opérations spéciales. Vingt ans de guerres secrètes, éd. Nimrod).

 
Jedburgh est une opération menée par les forces alliées pendant la Seconde Guerre mondiale, qui avait pour objectif de coordonner l'action des maquis avec les plans généraux du Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force et d'équiper les résistants, en France, en vue d’immobiliser les forces de l'Axe loin des côtes au moment du débarquement de Normandie. Des hommes du Special Operations Executive britannique, de l’Office of Strategic Services américain, du Bureau central de renseignements et d’action de la France libre ainsi que des militaires des différentes armées des pays concernés (France, Belgique, Pays-Bas) ont été parachutés, par équipes de trois, derrière les lignes allemandes, en vue de conduire - en uniforme - des actions de sabotage et de guérilla contre les Allemands, et de diriger l'action des Résistants.
nom [modifier]
En juillet 1942, l'opération est rebaptisée du nom d'un village écossais, Jedburgh.
Les équipes parachutées derrière les lignes ennemies opèrent en uniforme avec un officier appartenant aux pays d'accueil (belge, français, néerlandais). Elles seront parachutées dans des zones prises en charge par le Special Operations Executive, à plus de soixante kilomètres en arrière des lignes pour agir et disposer de transmissions avec les états-majors ou avec Londres.
Les équipes Jedburgh sont des équipes de trois hommes spécialement entraînées et parachutées en zones ennemies pour préparer le Jour J. Chaque équipe comprend deux officiers et un opérateur radio.
Les opérateurs radios assureront le contact entre maquis et centrale de Londres d'une part et troupes régulières amies d'invasion d'autre part. On compte 66 sous-officiers américains de l'Office of Strategic Services au départ. Ils reçoivent une formation intensive à Henley-on-Thames et subissent des tests psychologiques, un entraînement physique important et des entraînements au tir et au combat.
Sur la centaine d'équipes prévues en 1943, 94 seront constituées. Sur l'ensemble, on compte 14 radios français. Les radios assurent le contact avec les troupes régulières amies approchant les zones de maquis.
Le seul contact des radios avec l'extérieur est la Station Charles dont les opérateurs sont formés aux changements de fréquences et aux prises de contact et d'appel. Deux contacts quotidiens sont permis ; les heures de contact sont fixes, les fréquences peuvent varier. La Station Charles assure la liaison avec 64 équipes Jedburgh et 24 stations mobiles régulières au nord de la Loire en juillet 1944.
    29/30 juin, Blida
Dieulefit (Drôme)
Vercors, puis Hautes-Alpes
Jacques Martin, J. Martino « Joshua »
Henry D. McIntosh « Lionel »
Jean Sassi, J.H. Nicole « Latimer »
CHLOROFORM
S/E - R2