Monsieur le Député,
J’ai lu attentivement l’exposé des motifs
concernant le dépôt d’une proposition de loi
visant à abroger l’article 4 de la loi du 23 février
2005.
Je souhaiterais apporter quelques remarques mais je ne vous ferai
pas l’injure de vous dire : « Vous avez juridiquement
tort parce que vous êtes politiquement minoritaire. »
Tout d’abord, vous évoquez les grands principes de
la démocratie française mais il semblerait que vous
n’ayez pas remarqué que cette loi était discriminatoire,
puisque ne traitant pas à égalité Harkis
et Pieds-Noirs. D’autre part, s’il est vrai
qu’il n’appartient pas au législateur de décider
des programmes scolaires, il est, par conséquent, étonnant
qu’il n’y ait eu aucune réaction de votre part
lors du vote de la loi du 21 mai 2001 ,| en
savoir plus | dont l’article 2 a été
systématiquement repris dans l’article 4 de cette
loi, que vous souhaitez abroger. Il y a là une incohérence
qui m’échappe. Je relève que « l’enseignement
doit être exemplaire » Justement, l’enseignement
concernant la colonisation et la guerre d’Algérie
n’a jamais été exemplaire. Loin s’en
faut. Sinon cette loi n’aurait pas eu lieu d’être.
Vous affirmez que les auteurs de cet amendement ont volontairement
ignoré la réalité. Est-ce à dire que
vous détenez la vérité et la connaissance
exclusive de ce sujet ? Je vous suggère de vous reporter
à tous les manuels d’histoire (publiés depuis
plus de 40 ans) et vous pourrez constater qu’on y a effectivement
volontairement ignoré la réalité. La torture
y est abordée, illustrée systématiquement
par des ouvrages de Francis Janson ou Henri Alleg, mais, curieusement,
les tortures infligées aux partisans de l’Algérie
française, notamment par les « barbouzes »,
dont personne aujourd’hui n’oserait nier l’existence,
en sont absentes.
Vous affirmez que « certains de nos compatriotes »
(qui sont-ils ?) sont incapables « d’assumer les conséquences
d’une décolonisation qui a engendré des relations
difficiles avec les populations des anciennes colonies ».
Vous commettez une erreur historique, que certains pourraient
appeler « négationnisme » en n’employant
pas le mot « départements français »
à propos de l’Algérie. Quant aux conséquences,
c’est-à-dire le retour catastrophique – et
non prévu – des Pieds Noirs, le refus d’accueillir
les Harkis et la décision de les parquer dans des camps
entourés de barbelés, n’est-ce pas à
ceux qui ont provoqué ces « conséquences »
de les assumer ?
Je note, en passant, que ces « compatriotes » sont
condamnés par vous et vos amis comme, au mieux, des
débiles mentaux, qui n’ont pas votre lucidité,
au pire, comme des coupables. On ne saurait se montrer
plus respectueux des grands principes qui animent la démocratie
française.
D’autre part, je ne vois pas de quelles relations difficiles
il s’agit, puisque les habitants des anciennes colonies,
après avoir obtenu de haute lutte, et avec votre aide,
leur indépendance, se précipitent chez nous. Ils
ne sont pas rancuniers, ou alors sont-ils masochistes ? Mais peut-être
fuient-ils les tortures et massacres en tous genres qui ont lieu
dans leurs pays respectifs depuis leur « libre détermination
». Il suffit, également, d’écouter les
Algériens, les Tunisiens, les Marocains, entre autres,
qui ne vivent pas en France et qui s’expriment dans un français
limpide et de lire leurs journaux entièrement rédigés
en français pour se convaincre que la présence de
la France a sûrement joué un rôle positif.
Cependant, beaucoup plus grave est la menace implicite contenue
dans l’affirmation selon laquelle, le prétendu mépris
dont la France fait preuve « ne manquera pas de rejaillir
sur toutes les personnes issues de l’immigration ».
On ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit
là d’un encouragement à une révolte,
illustrée récemment par des émeutes d’une
gravité sans précédent qui, elles, remettent
gravement en cause « l’image et le rayonnement e la
France. »
C’est pourquoi ce que vous appelez une injonction faite
aux historiens d’enseigner une histoire officielle est totalement
contraire à la vérité. La vision unilatérale
que l’on trouve dans tous les manuels scolaires ressemble
fort à une histoire officielle qui n’a retenu de
la colonisation que les aspects négatifs, sans parler des
historiens « officiels », qui semblent avoir l’exclusivité
de la parole dans les média et qui, par là-même,
écrivent une histoire officielle aux yeux du grand public.
Enfin, j’avoue ne pas très bien comprendre ce que
vous appelez « l’histoire algérienne de la
France ». Il me semble indiscutable qu’il serait préférable
et plus proche de la vérité de parler de «
l’histoire française de l’Algérie ».
Je terminerai en disant qu’un traité « d’amitié
» entre la France et l’Algérie n’aurait
aucun point commun avec le traité de « coopération
» signé avec l’Allemagne en 1963 : Konrad Adenauer
n’avait jamais eu de liens avec le régime nazi. Je
souhaiterais également que vous méditiez cette citation
: « L’Algérie c’est la France et
la France ne reconnaîtra pas chez elle d’autre autorité
que la sienne. » (François Mitterrand
– 7 novembre 1954)
Dans l’espoir que vous comprendrez que la vérité
historique a besoin de tous les témoignages, je vous prie
d’agréer, monsieur le député, l’expression
de mes salutations distinguées.
CENTRE D’ETUDES PIED-NOIR Nice, le 18 novembre 2005
C.E.P.N.
Josseline Revel-Mouroz
14, avenue A. de Vigny
06100 Nice