Comment expliquer le drame du 17 octobre 1961 ?  
 
 
 
« La tension était extrême »

- Jean-Paul Brunet, auteur de Police contre FLN, le drame du 17 octobre 1961, affirme que Maurice Papon a eu le tort de se laisser surprendre par l’ampleur de la manifestation.

- Jean-Paul BRUNET.- La guerre d’Algérie durait depuis sept ans.
De Gaulle menait des négociations avec le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne), tandis que le FLN commettait de fréquents attentats contre la police parisienne.
Les forces de l’ordre avaient déploré 48 tués et 140 blessés entre 1958 et 1961.
La tension était extrême. Des barrières de béton armé et des guérites en ciment entouraient les commissariats. Certains agents étaient tentés de ne plus obéir à leur hiérarchie et de se faire justice eux-mêmes.

Quelle est la responsabilité de Maurice Papon, préfet de police de l’époque ?

Sa responsabilité est pleinement engagée, mais il ne faut pas trop personnaliser cette affaire. Le préfet n’a fait qu’obéir aux instructions du général de Gaulle en réprimant la manifestation.

Pour le chef de l’État, il était hors de question de laisser le FLN faire une démonstration de force en plein Paris.

Papon a eu le tort de se laisser surprendre par la manifestation. Il n’en a été averti qu’au petit matin du 17 octobre et disposait de peu d’hommes pour réagir. Ce fait a joué un rôle non négligeable. Moins les policiers sont nombreux face à une manifestation, plus le risque existe qu’ils se montrent violents pour la contenir. En outre, Papon avait tenu des propos très douteux qui semblaient encourager les policiers à commettre des bavures et promettre de les couvrir.

     
 

Jean - Pierre BRUNET Normalien , agrégé d'histoire , Professeur émérite à l’université Paris IV , Auteur de Police contre FLN , le drame du 17 octobre 1961

 
 
 

Que s’est-il passé exactement ?

Le soir du 17 octobre, alors que la nuit était tombée, 20 000 à 30 000 Algériens encadrés par le FLN se rendent à Paris par toutes les voies d’accès. Certains sont venus sous la contrainte, de peur des représailles en cas de refus. Mais le FLN était aussi en train de réussir à fédérer le sentiment nationaliste des Algériens en métropole.

Au pont de Neuilly, le choc avec la police a été terrible. Le jour même, on ne compte que 4 ou 5 victimes parmi les manifestants.

Mais plus de 11 000 sont arrêtés et internés. Une partie d’entre eux vont être passés à tabac le lendemain.

En totalisant les morts du 17 octobre, ceux du 18, les blessés ultérieurement décédés et les victimes supposées d’éléments incontrôlés de la police en dehors de la manifestation, j’évalue les victimes à 14 certaines, 8 vraisemblables, 4 probables et 6 possibles, soit un total de 32 en comptant large.

Le chiffre de plusieurs centaines de victimes, souvent avancé, serait donc sans fondement ?

On n’arrive à ce chiffre fantaisiste qu’en attribuant à la police des meurtres d’Algériens perpétrés par le FLN, qui cherchait à raffermir son contrôle sur les Algériens en métropole. Le FLN tuait des Algériens qui refusaient de rejoindre ses rangs, de payer leurs « cotisations » ou d’observer les préceptes coraniques.
Des militants du mouvement rival de Messali Hadj ont aussi été assassinés au cours de ces semaines.

Au total, plusieurs milliers d’Algériens ont été tués par le FLN en métropole pendant la guerre d’Algérie.

Que pensez-vous de l’idée de repentance ?

Pour un historien, cette notion n’a pas de sens. Je suis atterré de voir ma discipline instrumentalisée pour conforter des positions moralisantes ou politiques. L’histoire n’a pas à porter de jugement moral, mais à tenter d’expliquer comment les événements ont pu survenir.

JP BRUNET


Normalien , agrégé d histoire , Professeur émérite à l’université Paris IV , Auteur de Police contre FLN , le drame du 17 octobre 1961