tendant à redéfinir certaines modalités d’attribution de l’allocation de reconnaissance nationale aux rapatriés membres des formations supplétives de l’armée française,
pendant la guerre d’Algérie, (Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Philippe VITEL, Didier QUENTIN, Lionel TARDY, Éric CIOTTI, Annie GENEVARD, Patrice VERCHÈRE, Jean-Sébastien VIALATTE, Alain CHRÉTIEN, Jean-Marie TETART, Jean-Claude BOUCHET, Yannick MOREAU, Élie ABOUD, Jean-Louis COSTES, Philippe LE RAY, Éric STRAUMANN, Dominique LE MÈNER, Julien AUBERT, Claude STURNI, Jean-Pierre VIGIER, Patrice MARTIN-LALANDE, Alain SUGUENOT, Étienne BLANC, Alain MARTY, Jean-Frédéric POISSON, Sébastien HUYGHE, Jean-Pierre DOOR, Lionnel LUCA, Marcel BONNOT, Jean-Pierre DECOOL, Olivier AUDIBERT-TROIN, Jean-Jacques GUILLET, Dominique NACHURY, Jean-Pierre BARBIER, Gérald DARMANIN, Jacques Alain BÉNISTI, Guy TEISSIER, Bernard GÉRARD, Camille de ROCCA SERRA, Georges FENECH, Philippe GOSSELIN, Dino CINIERI, Damien ABAD, Alain GEST, Bernard PERRUT, Patrick HETZEL, Michel HEINRICH, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Olivier DASSAULT, Alain LEBOEUF, Jean-Luc REITZER et Valérie LACROUTE,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’article 52 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013, relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, redéfinit certaines modalités d’attribution de l’allocation de reconnaissance nationale aux rapatriés membres des forces supplétives de l’armée française pendant la guerre d’Algérie.
Comme souligné dans l’objet des amendements n° 33 rectifié ter et 34 rectifié bis déposés avant les débats en séance au Sénat, en première lecture du projet de loi, l’article 33 du texte, devenu l’article 52 de la loi, est un « cavalier », ne concernant en effet, ni la programmation militaire pour les années 2014 à 2019, ni la défense ni la sécurité nationale. Il aurait pu être abrogé par le Conseil constitutionnel si celui-ci avait été saisi comme certains le souhaitaient.
Bien plus, cet article est anticonstitutionnel dans la mesure où il réintroduit dans la loi une disposition faisant référence au critère de nationalité déclarée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-93 QPC du 4 février 2011 non conforme à la Constitution.
Cet article insère après les mots « formations supplétives », les mots « de statut civil de droit local », dans le premier alinéa de l’article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l’indemnisation des rapatriés.
Il rétablit ainsi le distinguo entre harkis « de statut civil de droit local » faisant référence aux Arabo-Berbères, membres des harkas, et harkis « de statut civil de droit commun », c’est-à-dire de souche européenne. Cette insertion vise à exclure ces derniers du bénéfice de l’allocation de reconnaissance nationale, alors qu’ils se sont également engagés aux côtés de l’armée française pendant la guerre d’Algérie.
En réservant aux seuls supplétifs, au « statut civil de droit local », le bénéfice de l’allocation de reconnaissance nationale et qui plus est de façon rétroactive, le texte s’oppose donc à la décision du Conseil constitutionnel mentionnée.
Sur la base de cette décision, le Conseil d’État statuant au contentieux a considéré, dans sa décision n° 342957 du 20 mars 2013, que « la portée de cette déclaration d’inconstitutionnalité s’étend à celles de ces dispositions qui, par les renvois qu’elles opéraient, réservaient aux seuls ressortissants de statut civil de droit local le bénéfice de l’allocation de reconnaissance allouée aux anciens membres des forces supplétives ayant servi en Algérie ».
Telles sont les considérations qui l’ont conduit à abroger « les dispositions du 1 du II de la circulaire du 30 juin 2010 relative à la prorogation de mesures prises en faveur des anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie et de leurs familles (...) en tant qu’elles réservent le bénéfice de l’allocation de reconnaissance aux personnes de statut civil de droit local ».
Dans ces conditions, le législateur ne peut cautionner une disposition qui va à l’encontre des décisions du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État et dépourvue de base légale. Moralement, il dérogerait à sa mission en agissant autrement. Il se doit donc d’abroger l’article 52 de la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019.
Tel est l’objet de l’article 1er de la proposition de loi.
Plus de 50 ans après la fin de la guerre d’indépendance de l’Algérie, il est temps que les harkis et mokhaznis, membres des forces supplétives qui durant ces hostilités ont participé aux mêmes actions civiles et militaires au péril de leurs vies aux côtés de l’armée française, bénéficient de la reconnaissance de la France, une fois pour toutes et sans discrimination.
Les harkis et mokhaznis de souche européenne ont partagé les mêmes épreuves, ont manifesté la même fidélité à l’égard de la France que leurs semblables arabo-berbères. Leur transfert en métropole a été pour eux un déracinement similaire à celui de ces derniers : ces supplétifs de l’armée française d’origine européenne et leur famille n’avaient généralement plus d’attaches avec la métropole que leurs ancêtres avaient quittée trois ou quatre générations plus tôt. En fuyant l’Algérie, eux aussi ont perdu tous leurs biens.
L’honneur du législateur aujourd’hui est de régulariser ce dossier.
C’est dans cet objectif que l’article 2 prévoit que soit attribué à tous les supplétifs rapatriés qui se sont engagés aux côtés de l’armée française pendant la guerre d’Algérie, quel qu’ait été leur statut civil, de droit local ou de droit commun, le bénéfice de l’allocation de reconnaissance de notre Nation, ou à leurs ayants droit.
Dans sa décision déjà mentionnée, le Conseil d’État a considéré que « cette déclaration d’inconstitutionnalité prend effet à compter de sa date de publication au Journal officiel, le 5 février 2011, (...). Dès lors, à compter de cette date le refus d’accorder le bénéfice de l’allocation au motif que l’intéressé relevait du statut civil de droit commun est dépourvu de base légale ».
C’est à ce titre que l’article 3 prévoit que les dispositions préconisées entrent en vigueur à la date de publication de la présente loi et s’appliquent à tous les supplétifs de l’armée française en Algérie rapatriés ou à leurs ayants droit, dont la demande a été refusée depuis le 5 février 2011 en raison d’un critère de nationalité ou de statut civil s’y rapportant, désormais déclaré inconstitutionnel, ou qui n’a pas encore été prise en compte durant la même période.
En raison du temps écoulé depuis la fin de la guerre d’Algérie, les harkis blancs, comme se désignent eux-mêmes ces supplétifs de l’armée française de souche européenne, à l’instar de leurs homologues arabo-berbères, ont vieilli.
Aussi, en raison de leur âge et afin de leur laisser le temps de constituer leurs dossiers de demande et d’augmenter leurs chances d’obtenir l’allocation dans de bonnes conditions, est-il proposé qu’un délai de 18 mois leur soit accordé à compter de la date de publication de la présente loi.
Ainsi est-il prévu à l’article 4 que la demande de bénéfice de l’allocation de reconnaissance prévue à l’article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005, portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, soit présentée par les rapatriés anciens supplétifs de l’armée française pendant la guerre d’Algérie dans un délai de 18 mois suivant la publication de la présente loi.
Si les supplétifs de souche arabo-berbère constituaient la très grande majorité des effectifs, il y eut aussi des supplétifs de souche européenne. Les « enjeux du chiffrage » sont, aujourd’hui encore, au cœur des polémiques liées à la destinée des anciens harkis et mokhaznis. L’exposé des motifs du projet de loi de programmation militaire précitée fait état de 9 000 supplétifs de statut civil de droit commun. Or, parmi les harkas et les makhzens créés au sein des 700 SAS (les sections administratives spécialisées) ou SAU (les sections administratives urbaines), tous n’avaient pas de supplétifs au statut civil de droit commun et les autres n’en comptaient que 2 ou 3. L’on peut donc estimer ces « harkis blancs », comme ils se désignent eux-mêmes, à seulement 500. D’ailleurs, les associations qui les représentent avalisent ce nombre.
Le coût supplémentaire concernant leur prise en compte dans l’allocation de reconnaissance ne s’élèverait donc pas à 270 millions d’euros, mais serait de l’ordre de 15 millions d’euros pour solde de tout compte.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
L’article 52 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale est abrogé.
Article 2
L’allocation de reconnaissance, prévue par l’article 47 de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999 modifiée par l’article 67 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, s’applique aux rapatriés ayant la qualité d’anciens membres des formations supplétives de l’armée française pendant la guerre d’Algérie, quel qu’ait été leur statut civil ou leur nationalité, ou à leurs ayants droit.
Article 3
La demande de bénéfice de l’allocation de reconnaissance prévue à l’article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005, portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, est présentée dans un délai de 18 mois suivant la date publication de la présente loi.
Article 4
Les dispositions des articles 2 et 3 s’appliquent aux supplétifs de l’armée française pendant la guerre d’Algérie rapatriés ou à leurs ayants droit, dont la demande a été refusée entre le 5 février 2011 et la date de publication de la présente loi, en raison d’un critère de nationalité ou de statut civil.
Elles s’appliquent également aux supplétifs précités ou à leurs ayants droit dont la demande n’a pas été prise en compte durant la même période.
Article 5
La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. |