| Accueil | | Théma | Retour pages Harkis |
 
Ahmed Bouteldja responsable régional de l'union nationale de harkis.
 
 
       
 
Il patiente devant l'entrée. Accueille le visiteur avec un franc sourire. S'excuse de ne pas pouvoir partager un café avec son hôte. « C'est Ramadan », rappelle Ahmed Bouteldja.
Dans sa coquette maison cléonnaise, beaucoup d'objets rappellent l'Algérie. Le pays de ses racines. Mais Ahmed est un déraciné. Un harki. Son pays, il ne l'a pas revu depuis le 20 août 1963 .
« Un harki », c'est ce qu'il est. Depuis une dizaine d'années, ce Cléonnais est même délégué haut-normand de l'union nationale des harkis et membre de l'association des harkis de Seine-Maritime.
Ce n'est pas pour l'image. Son engagement est profond. « Nous, les harkis, n'avons toujours pas eu la reconnaissance de l'Etat. » Français, il l'est, « sur le papier ».
 
L'Algérie, il aimerait y retourner mais c'est compliqué. Dangereux, même. Pourtant, il a dû laisser son épouse et ses enfants en fuyant sa terre. « Aujourd'hui encore, les harkis, nous n'avons aucune garantie quant à notre sécurité là-bas. »
Il se rappelle des débordements d'Algériens prenant à partie d'anciens militaires qui tentaient de revenir chez eux. Ou de ces Algériens de France qui accusent toujours les harkis d'être des traîtres au drapeau. « A Dreux, il y a peu, nous avons inauguré une rue des Harkis. Nous avions un comité d'accueil…, regrette tristement Ahmed Bouteldja. Et en France, parfois, on me dit « Rentre dans ton pays ! » Nous sommes les Bâtards de l'Histoire, reconnus par personne. »
Il relit les déclarations des différents gouvernements, salue quelques avancées comme la journée d'hommage, le 25 septembre. « Mais le temps passe, nous sommes de moins en moins nombreux. Et malgré les belles paroles, le jour où les harkis seront reconnus réellement comme militaires français, il n'y en aura plus que cinq ou dix. Ça leur coûtera moins cher… »
Sur une liste, il a aligné le nom de ses camarades connus dans les rangs de l'armée et morts ou exilés au nom de la France. « Avec les accords d'Evian en 1962, 150 000 harkis sont morts », rappelle Ahmed Bouteldja qui, aujourd'hui encore, milite pour la réhabilitation de ces « morts pour la France ». Il jette un oeil sur des notes prises par le passé.
Relit de vieux articles un peu jaunis. Et concède un peu dépité :
« C'est toujours le même combat. » Depuis près de quarante ans.
Retour sur ...son histoire « Un jour, ils ont pris nos armes »
Né en avril 1940 en Algérie, Ahmed Bouteldja s'engage dans l'armée en 1961. Pour lui, comme pour bon nombre d'Algériens et de Français, tout bascule en mars 1962. « Le 18 mars. Nos chefs nous ont proposé une séance de cinéma. Il fallait que l'on laisse les armes. Quand nous sommes partis voir le film, ils les avaient prises », se souvient-il.
Les militaires sont mis en permission d'office. Ahmed rentre donc chez lui rejoindre sa femme et ses enfants. Mais, rapidement, ceux qui veulent que l'Algérie reste française sont alors pris à partie par les défenseurs de l'indépendance.
Une dizaine d'hommes se présentent au domicile d'Ahmed pour l'arrêter. Humilié, torturé, il parvient à prendre la fuite.
Une fois. Il est repris, s'évade à nouveau. Il réussit à prendre une nouvelle fois la poudre d'escampette. Il a la possibilité de partir en France.
Sa femme ne le suit pas. Menacé, il part, abandonnant sa famille et ses biens, le 20 août 1963, aidé par un pied-noir, garagiste à Alger.
Depuis, Ahmed n'a pu revoir ses terres ni ses proches. Sa fille est venue en France, le voir, en 1998. Il n'a jamais revu son fils.
Il s'est depuis remarié en France et a eu des enfants nés ici. Mais jamais il n'a oublié ce matin du 19 mars quand ses collègues militaires et lui ont refusé d'assister au levé du drapeau.
Ni les 62 francs donnés par ce garagiste algérois pour l'aider à fuir et à rester en vie.
Source : Anthony Quindroit - http://www.paris-normandie.fr/article/autres-actus/memoires-dun-homme