| Accueil | | Théma | Retour pages Harkis |

 
Régularisation de la situation des harkis qui habitent en Algérie avec la possibilité d'une carte d'ancien combattant et retraite
     
 

le Conseil constitutionnel, saisi par le biais de la nouvelle procédure de la question prioritaire de constitutionnalité, a, par décision du 28 mai 2010, décristallisé les pensions des anciens combattants résidant à l'étranger, mettant ainsi fin à une injustice flagrante entre les titulaires de pensions civiles ou militaires de retraités français ou étrangers, résidant dans le même pays.
Les membres du Conseil constitutionnel ont invoqué, à juste titre, le principe d'égalité manifestement violé par cette inégalité de traitement entre combattants ayant servi dans les mêmes conditions et cotisé de la même façon, pour décristalliser les pensions dont les écarts pouvaient alors varier de 1 à 8.
On ne peut que saluer la vigilance du Conseil dans ce dossier pour faire respecter des principes garantis par la Constitution et la Déclaration universelle des droits de l'Homme et mettre un terme à une rupture manifeste du principe d'égalité.
Est-ce à dire pour autant que cette décision ne mettait pas un point final aux injustices subies par les anciens combattants et plus particulièrement la situation des anciens supplétifs algériens de l'armée française.

Harka à cheval d'Azzouna en 1960-61
 
   
 

Car la carte d'ancien combattant et la retraite qui s'y rattache sont refusées aux quelques milliers de supplétifs, en particulier harkis, restés en Algérie après l'indépendance en 1962. Ce refus se base sur l'article L 253 bis du code des pensions militaires qui découle de la loi 9 décembre 1974 (n° 74-1044). Cette dernière devait se traduire à priori par une évolution positive puisqu'elle déclare solennellement :
« La République française reconnaît, dans des conditions de stricte égalité avec les combattants des conflits antérieurs, les services rendus par les personnes qui ont participé sous son autorité aux opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962.
Elle leur accorde vocation à la qualité de combattant et au bénéfice des dispositions du code des pensions militaires. »
La loi concerne donc en particulier l'Algérie, même si elle s'étend à l'ensemble du Maghreb. Les membres des forces supplétives peuvent désormais se voir décerner, de par cette législation, la carte du combattant et les droits qui s'y rattachent.
Comme vous le savez, l'exigence de la domiciliation en France ou de la nationalité française excluait donc implicitement les anciens supplétifs de nationalité algérienne vivant en Algérie. Alors qu'ils ont accompli les mêmes services que leurs compagnons de nationalité française, alors que leurs services sont dûment reconnus par l'autorité militaire française, l'Office national des anciens combattants (ONAC) qui traite cette question (au sein de l'Ambassade de France à Alger), oppose une fin de non-recevoir systématique à leur demande légitime.
Cette disposition législative rompt de façon flagrante le principe d'égalité en instituant une différence de traitement injustifiée entre les anciens combattants qui ont accompli les mêmes services. La « stricte égalité » reconnue par la République se retrouve alors totalement vidée de son sens.
Le juge administratif et notamment sa plus haute autorité le Conseil d'Etat, ne s'y est pas trompé en déclarant, à maintes reprises, cette disposition incompatible avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme :
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
Les Sages du Conseil constitutionnel ont permis indubitablement d'aller de l'avant dans le traitement juste et équitable des pensions.

Ci-dessous le texte de la décision du Conseil Constitutionnel :

Décision du Conseil constitutionnel du 23 juillet 2010

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 juin 2010 par le Conseil d'État (décision n° 338377 du 7 juin 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Lahcène A. et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23 juin 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Jean-Emmanuel N.., avocat au barreau de Paris, pour M. A. et M. Laurent Fourquet, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 12 juillet 2010 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que le troisième alinéa de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dispose qu'ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du titre Ier du livre III du même code et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, « les membres des forces supplétives françaises possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date » ;

2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions en tant qu'elles posent une condition de nationalité ou de domiciliation portent atteinte au principe d'égalité devant la loi garanti par les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'elles méconnaîtraient également l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et les premier et dix-huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

4. Considérant que les dispositions précitées ont pour objet d'attribuer, en témoignage de la reconnaissance de la République française, la carte du combattant aux membres des forces supplétives françaises qui ont servi pendant la guerre d'Algérie ou les combats en Tunisie et au Maroc ; que le législateur ne pouvait établir, au regard de l'objet de la loi et pour cette attribution, une différence de traitement selon la nationalité ou le domicile entre les membres de forces supplétives ; que, dès lors, l'exigence d'une condition de nationalité et de domiciliation posée par le troisième alinéa de l'article 253 bis du code précité est contraire au principe d'égalité ;

5. Considérant que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les mots : « possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date » figurant dans le troisième alinéa de l'article 253 bis du code précité doivent être déclarés contraires à la Constitution,

D É C I D E :

Article 1er.- Dans le troisième alinéa de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, les mots : « possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date » sont déclarés contraires à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 juillet 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 23 juillet 2010.