Sarkozy et le vote des Français d'Algérie

     
   

“Le président ne pourra pas gagner sans les rapatriés”


Le vote des pieds-noirs peut-il se révéler décisif pour faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre, lors du scrutin ? C’est ce que prédit, non sans inquiétude, le député UMP Lionnel Luca, l’un des cofondateurs du collectif de la Droite populaire – présent à Perpignan : « Le président ne pourra pas gagner sans le soutien des rapatriés », confie-t-il à Valeurs actuelles.
Ce que confirme une étude réalisée le mois dernier par l’Ifop pour le Cevipof (Centre d’étude de la vie politique française). Intitulée “Le vote pied-noir 50 ans après les accords d’Évian”, celle-ci insiste en effet, d’abord, sur le poids électoral méconnu de cette communauté soudée par l’exil : entre 1,2 et 3,2 millions d’électeurs – ce dernier chiffre (7,3 % de la population totale !) englobant les pieds-noirs nés en Algérie, Maroc et Tunisie ainsi que leurs descendants. « Sans compter, ajoute un responsable d’association, que les pieds-noirs ont la réputation, justifiée, de beaucoup parler autour d’eux… » Outre son importance en nombre, cette population est aussi traditionnellement l’une des plus “participatives” et surtout des plus droitières : ainsi des 30 % des voix pieds-noires recueillies par Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret au premier tour de la présidentielle de 2002 – soit un “sur-vote” de l’ordre de 10 points.
En 2007, les 31 % obtenus au niveau national par Sarkozy s’expliquent, notamment, par le basculement d’une part importante du vote rapatrié du candidat FN ( – 12 points chez les pieds-noirs en cinq ans) vers le candidat UMP (+ 11 points par rapport à Chirac en 2002). Cinq ans après, concernant le scrutin de 2012, l’étude révèle un “retour aux sources” de l’électorat pied-noir en direction du Front national (voir notre tableau dans "Valeurs actuelles") : Marine Le Pen (19,5 % des intentions de vote générales) obtient 28 % des intentions de vote chez les rapatriés et 24 % chez leurs descendants – contre 26 et 15 % pour Sarkozy.
Autre clignotant au rouge pour ce dernier : François Hollande fait jeu égal avec lui dans la première catégorie et le devance de plus du double (31 %) dans la seconde ! Le signe, comme le dit Denis Fadda, président de l’Académie des sciences d’outre-mer, d’une « profonde déception des pieds-noirs à l’encontre du président de la République ». Selon lui, « Nicolas Sarkozy a eu tort de considérer le vote de 2007 comme acquis. Les rapatriés attendaient en retour des paroles et des actes qui, pour l’essentiel, ne sont pas venus. Beaucoup, je l’entends tous les jours, en tireront les conséquences… »
D’aucuns, parmi les supporters du chef de l’État, rappellent, certes, ses « propos courageux » tenu le 5 décembre 2007 à Constantine, lors de son voyage en Algérie – « Je n’oublie pas […] ceux qui ont dû tout abandonner : le fruit d’une vie de travail, la terre qu’ils aimaient, la tombe de leurs parents… » D’autres citent l’allocution – remarquée – de Marc Laffineur, secrétaire d’État aux Anciens Combattants, lors de ses voeux aux rapatriés du mois dernier à Aix-en-Provence : « L’immense majorité d’entre eux, a-t-il notamment déclaré, ont oeuvré, modestement, honnêtement, pour construire leur vie, mais aussi des écoles, des hôpitaux, des routes et des ponts qui leur ont survécu sur ce sol qu’ils chérissaient tant… » Lionnel Luca rappelle aussi, pour s’en féliciter, la grand-croix de la Légion d’honneur attribuée à Hélie Denoix de Saint-Marc ou encore la prochaine inscription (le 29 février) sur la colonne centrale du mémorial du quai Branly des noms des 1 585 Européens enlevés par le FLN, et dont les corps n’ont jamais été retrouvés.
S’il estime « injuste de dire que rien n’a été fait », le député UMP ne le confie pas moins : « Pourquoi le nier ?
Bien plus aurait dû être accompli, mais la guerre d’Algérie, les pieds-noirs, ça n’a jamais été le “truc” de Nicolas Sarkozy. Ce n’est pas dans sa culture… Que Marine Le Pen obtienne un score très important chez les rapatriés, je peux donc le comprendre, mais pas les socialistes qui ont été les complices des porteurs de valises ! » Un temps, puis : « Compte tenu de sa situation, si Sarkozy arrive troisième chez les pieds-noirs au premier tour, je crains qu’il n’arrive pas au second tour… » Lui reste moins de trois mois pour prononcer un nouveau “discours de Toulon” – les actes en plus.

Source : http://www.valeursactuelles.com/actualités/politique/pieds-noirs-campagne20120209.html