François Le Normal (FLN) répond au courrier d'un Français D'algérie

 
       
 
 
 

Monsieur Christian SIMON

Paris, le 29 MARS 2012

Monsieur, J'ai bien reçu votre courrier et vous en remercie.

Rappelons, pour mémoire, que le 8 mai 1945 ne fut pas seulement marqué par la victoire des Alliés sur l'Allemagne et la fin de la Seconde Guerre Mondiale en Europe, mais aussi par le début des massacres de Sétif où furent perpétrées des répressions sanglantes en réponse aux émeutes survenues dans le département de Constantine.
Lesquelles visaient clairement à réclamer la reconnaissance dans la République française. Elles firent plusieurs dizaines de milliers de morts, côté algérien.
Cette date a servi de référence à l'insurrection de 1954 qui a donné lieu à la Guerre d'Algérie (1954-1962). Depuis lors, ce pays n'eut de cesse de réclamer son indépendance, au même titre que ses deux voisins, la Tunisie et le Maroc. Ce qui valut au président de Gaulle, le 16 septembre 1959, de prononcer un discours remarqué, dans lequel il évoqua le droit des Algériens à l'autodétermination.
Mais si les Français de la métropole acceptèrent globalement une décision inéluctable -l'esprit mondial était alors à la décolonisation -, nos compatriotes d'Algérie manifestèrent leur désapprobation.
Il fallut attendre, ensuite, le 19 mars 1962 pour que la France accepte le principe de l'Indépendance de l'Algérie, via les Accords d'Évian, après huit années de guerre et de nombreux événements, dont la fameuse semaine des barricades à Alger - action de l'OAS, tentative de putsch des généraux.
Le bilan est naturellement terrible. Côté algérien, les pertes humaines sont évaluées à 500 000 victimes environ, contre 24 614 militaires, côté français, parmi lesquels 5 000 « Français musulmans». 2 788 civils français furent également tués auxquels il faut ajouter 3 018 enlèvements. La guerre d'Algérie est un drame, avec ses déchirures, ses vies brisées, ses destins broyés.

Vous vous souvenez peut-être qu'en hommage aux Algériens morts lors de la manifestation du 17 octobre 1961, j'ai déposé une gerbe, le 17 octobre 2011, au pont de Clichy, où des Algériens furent jetés à la Seine, il y a cinquante ans, par des policiers, placés sous les ordres de Maurice Papon, préfet de police. Au cours de cette commémoration, j'ai tenu à témoigner ma solidarité aux enfants et petits-enfants des familles endeuillées par ce drame. Il faut que la vérité soit dite. Reconnaitre ce qui s'est produit. Ce jour-là, j'ai agi en tant que socialiste. À l'avenir, ce sera sans doute à la République de le faire.

Mais, au-delà de cette démarche, mon souhait, si je suis élu, est d'apaiser et de normaliser les relations entre la France et l'Algérie. Et ce, alors que nous allons célébrer, cette année, le cinquantième anniversaire de l'indépendance algérienne. Ce sera l'occasion de rappeler le passé : l'Histoire et ses douleurs multiples.

Il ne faut pas nous figer dans une commémoration qui sera forcément différente dans l'évocation du souvenir, en Algérie et en France. Nous devons être dans une relation de confiance mutuelle et dans la construction de projets communs. Tant de liens humains, culturels et économiques nous unissent.

J'espère vous avoir convaincu et vous prie de croire, Monsieur, à l'assurance de toute ma considération.

       
 

Dans le courrier de diffusion du courrier de François Le Normal (FLN) du 2 juin 2012  Gilbert Sandmayer autorise les commentaires ce que fait le Général Maurice Faivre.


La lettre du 29 mars de François Hollande à Christian Simon contient un certain nombre d'erreurs historiques


1. La répression des manifestations de Sétif-Guelma en mai 1945 n'a pas fait des dizaines de milliers de morts.
C'est le chiffre des nationalistes algériens (45.000) et de certains historiens français (20.000).
Le général Duval a fait un décompte de 2.600, porté à 6.000 par Ageron, 
Les dernières recherches (Vétillard ) indiquent le même chiffre.
Le décompte des victimes par ville et village ne dépasse pas 3.000.
Le général Tubert fait une estimation de 3 à 4.000 (déclaration au Lt Smith des Services britanniques).

2. Le total des victimes musulmanes de la guerre d'Algérie n'est pas de 500.000.
Yacono et Ageron l'ont estimé inférieur à 300.000, y compris les tués du FLN-ALN (140.000) et les harkis (60 à 80.000).
Quant au chiffre des enlèvements d'Européens, il n'est pas de 3.018; la récente étude de Jordi le situe à environ 1.600.

3. Le discours sur l'autodétermination du 16 septembre 1959 doit être replacé dans la succession des politiques gaullistes. 
En 1958, de Gaulle se déclare pour l'intégration (Français à part entière…).
En 1959 il propose l'association. En novembre 1960, il choisit la sécession.
Ses prises de position sont personnelles, sans consultation des responsables civils et militaires.

4. Les Algériens jetés dans la Seine le 17 octobre 1961 posent problème, parce que les archives de la Brigade fluviale n'ont pas été conservées.
Tous les noyés ont cependant été acheminés à  l'Institut médico-légal.
D'après le professeur Brunet, seul historien à avoir consulté toutes les archives (après Mandelkern) leur nombre est de 34 pour tout  le mois d'octobre, et la majorité n'est pas imputable à la police.
Il est vrai que des groupes anti-terroristes ont pratiqué des noyades, mais selon les harkis de Paris, la majorité est imputable au conflit FLN-MNA.

5. La repentance, si on l'estime nécessaire, ne peut pas être unilatérale (voir Pervillé).
Il faut rappeler aux Algériens :
- la piraterie barbaresque du 17° au 18° siècle (1.250.000 esclaves européens selon R. Davies)
- la violences inexpiable en 1830 selon Daniel Rivet : " les collaborateurs de l'Etat français sont brûlés vifs ou ont les yeux arrachés".
- la répression brutale de mai 1945, août 1955 et année 1957 est due au terrorisme aveugle, justifié par Sartre mais condamné par A.Camus et Badinter.
- les enlèvements de 1.600 Européens à partir d'avril 1962 jusqu'à 1964
- le massacre de 60 à 80.000 harkis en 1962.
- le non respect des accords d'Evian

6. Il faut rappeler enfin que la colonisation au 19° siècle relève d'une idéologie républicaine, inspirée des Lumières, de la propagande révolutionnaire, du saint-simonisme, elle est illustrée par Victor Hugo: "un peuple éclairé va trouver un peuple dans la nuit".
Elle présente des aspects positifs et négatifs.
L.Blum a repris les arguments "racistes" de Jules Ferry.

Maurice Faivre, historien militaire (vice-président CFHM et membre Académie outremer)