Disparus :
"Assez de nous traiter d'assassins"

" L'affaire Donnat ", du nom de cette famille inscrite sur le mur des Disparus par erreur, secoué les pieds-noirs de Perpignan et d'ailleurs. Hier, ils étaient près de 200 à brandir les portraits de leurs disparus pendant que se tenait une conférence de presse.

" L'affaire Donnat a pas mal secoué notre communauté ". Un euphémisme. Au regard des lettres reçues. Des coups de téléphone interrogatifs, et de certains plus virulents. Non, la communauté pied-noire n'a pas été secouée. Elle a été blessée. Parce que " l'affaire Donnat ", du nom de cette famille qui s'est retrouvée par erreur inscrite sur le Mur des Disparus, ravive des plaies encore à vif.

Des plaies que beaucoup pensaient avoir refermées le 25 novembre 2007 en inaugurant ce mémorial, seul cénotaphe obtenu après 45 années de vide. Et hier, c'est par centaines que les familles de Disparus sont venues montrer leur profonde détermination devant le restaurant Café Vienne, soudées par des années de peine partagée. En sous-sol, entourant la présidente du Cercle algérianiste de Perpignan, Suzy Simon-Nicaise, et le président national, Thierry Rolando, une dizaine de proches de disparus attendaient, à leur tour de pouvoir s'exprimer. " Cette conférence nous permet de rappeler la vocation de ce mémorial entamait Thierry Rolando. Il permet de réparer un oubli, puisque depuis 45 ou 46 ans, ces familles sont dans la souffrance, dans le deuil, et n'ont pas de lieu pour la mémoire de leurs familles. Nos détracteurs nous ont accusé de faire le tri des victimes, or ils se rendent compte, aujourd'hui, avec la présence de la famille Donnat sur le Mur, que nous n'avons pas fait le tri Nous nous réjouissons que cette famille n'ait pas disparu, mais comment M. Donnat n'a pas eu le temps, depuis 4 ou 5 ans que le projet est en préparation, de contacter l'Etat afin de se faire "désinscrire" de la liste de disparus du ministère des Affaires étrangères ? Et puis, à 9 jours des élections, avec l'appui des organisations politiques, cela s'apparente à delà manipulation politique. Ce que nous voulons, c'est qu'il y ait une équité dans les mémoires, loin des propos outranciers de nos détracteurs". Quoi qu'il en soit, les noms de Gaston Donnat, décédé en 2007, de son épouse, de ses filles et de son petit-fils ont été supprimés du Mur, confirme Suzy Simon-Nicaise. " Parce qu'ils n'ont pas disparu, c'est un fait, et parce qu'il aurait été insupportable pour les familles enlevées par le FLN que ces noms soient là. Tout comme est insupportable l'analyse qui est faite de ce Mur par M. Donnat. Son père et sa mère ont eu eux la chance de vivre une vie normale, avec leurs enfants !"

" Nous supprimer le Mur, c'est criminel "

De l'analyse de ce Mur il était d'ailleurs beaucoup question, hier matin. " Assez de nous traiter d'assassins ! Mon père n'était pas un assassin, ce n'était pas un meurtrier ", s'écriera d'ailleurs Josette Gonzalez. Un cri du cœur repris par Renée Ivanès, qui insiste: " Nous avons fait ce mur dans un esprit de communion ". "Et puis, poursuivait Suzy Simon-Nicaise, un peu de décence pour tous ces enfants disparus, qui n'étaient engagés dans aucun combat. Il faudrait que la famille Donnat pense à ce que vivent ces familles depuis plus de quarante ans". Des enfants dont aurait pu faire partie Nicole Guiraud, victime à 10 ans de l'attentat du 30 septembre 1956 à Alger qui lui a emporté un bras. "Et les fabricants de ces bombes étaient membres ou sympathisants du PC, il est temps de le dire ! " Pour Marie-Claude Teuma, en attaquant l'idée même du mémorial, c'est à toutes les victimes que l'on s'attaque. " Et le respect ? Ils ont existé, ces gens-là ! Nous supprimer le Mur, c'est criminel. C'est notre seul lieu de réconfort, de recueillement!". C'est peut-être Yves Sarthe, membre du Cercle algérianiste, qui sera le plus incisif. "Ce M. Donnat essaie de noyer le poisson et de distiller le poison. Cette haine, qui s'attaque à ce que nous sommes, pourrait être du racisme. Quant à dire que Gaston Donnat était un humaniste. .. Pour Yvan Donnat, un humaniste, c'est quelqu'un qui lit l'Humanité ? Quand, en 56, on soutient le FLN, on est un humaniste terroriste. Quand on apporte son soutien à Maillot pour tuer des soldats du contingent, on est humaniste collaborateur de l'ennemi. Ce monsieur n'était pas un humaniste". Mais c'est par un vœu d'apaisement, et de reconnaissance du drame des familles de disparus, que s'achevait la conférence de presse. " Aujourd'hui encore, au niveau de l'État, ce scandale est méprisé. S'il vous plaît, ouvrons ce livre et essayons de nous entraider pour pouvoir enfin tourner cette page".

In L'Indépendant de Perpignan - Barbara Gorrand - | Lire aussi le communiqué de Presse du Cercle Algérianiste |