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La responsable des documentaires
sur Fance 3 Muriel Rosé
 
Nicole Guiraud
victime poseuses bombes
Cafétéria 1 mort
59 Blessés dont
12 personnes amputées
décès de Madame Chiche
 
Bombe Milk Bar
9 morts
5 enfants amputés

France 3


LES MESSAGÈRES DE L´ENFER


 

Aucune cause ne justifie la mort de  l´innocent.

Si je peux comprendre le combattant d´une libération,
je n´ai que dégoût devant le tueur d´enfants.

                                      Albert Camus

                   Le 26 janvier 2008, en fin de soirée, France 3 présentait dans le cadre de sa série Passé sous silence un documentaire : Les porteuses de feu de la réalisatrice algérienne Faouzia Fekiri.    Le documentaire est constitué principalement par des interviews de femmes terroristes, entrecoupées d´extraits du film de Ponte Corvo La bataille d´Alger et de commentaires de l´ex-sous officier Le Cloarec.    Les attentats eurent lieu dans des lieux publics : arrêts d´autobus, cinémas. cafés, stades, et firent de nombreuses victimes, des innocents, dans la population algéroise, sans distinction de religion, d´âge ou de sexe (en quatorze mois selon Maurice Faivre, 314 morts et 917 blessés). De juin à août 1956, seulement, on compte 150 attentats terroristes en Alger. Le but avéré de ces attentats pour le FLN était de créer un climat de terreur, de creuser un fossé de haine entre les communautés, d´attirer l´attention des médias français, de l´opinion internationale, et notamment à l´ONU, d´affirmer la puissance, dans la capitale, du FLN. Il s´agissait d´une stratégie délibérée misant sur le sacrifice de l´innocence.
L´émission provoque de nombreuses protestations de personnes privées mais aussi d´associations ; à la suite de quoi le Médiateur de France Télévisions Alain Le Garrec propose dans le cadre de la série La Télé et vous  une émission :    La télévision doit-elle réveiller les blessures de l´histoire ?
Et ce 8 juillet 2009, l´une des victimes de ces attentats, Nicole Guiraud, estimant avoir été atteinte dans sa dignité de victime, assigne France 3, la société de production BCF et la réalisatrice Faouzia Fekiri devant le Tribunal de Grande Instance de Paris.
Voilà, résumé en quelques phrases sèches, l´évocation de ce qui constitua un événement important du conflit algérien et fut à l´origine de ce que l´on appelle ordinairement la bataille d´Alger.

Comme si je condamnais le terrorisme !
Sartre

         Que se passe-t-il dans le film de Faouzia Fekiri ?   La caméra s´attarde aux gros plans, à des visages, à des paroles, à des personnalités, à des familles: focalisation de la caméra sur le sujet, sur l´auteur, sur l´héroïne, sur le détail de l´exploit, sur la motivation. C´est humain, c´est vivant. C´est merveilleusement intime. Le but, la cible sont l´objet d´un plan large, mots des titres des journaux, images d´une fiction, celle de Pontecorvo, coproduit avec l´assassin en chef Yacef Saadi, en noir et blanc :  le rouge ferait désordre et la couleur un peu trop vrai.    Des victimes il n´est question que globalement, discrètement. Car en réalité, contre qui, contre quoi se battent ces jeunes-filles? Il s´agit d´affronter par les armes l´armée française, car l´adversaire est constitué par l´armée et par une partie de la population française, les extrémistes (Z. Drif). L´objet s´éloigne,  se perd dans le flou d´une généralité:  il ne s´agit pas d´enfants, de femmes, de familles, de civils, il ne s´agit pas de paroles, de gros-plans sur des visages ou des corps. Plus tard dans l´interview, Z. Drif parle de sauver des vies !  

     
   

Quelle impudence de la part de cette porteuse de mort, de ce bourreau (dommage que bourreau ne puisse se mettre au féminin), de civils innocents ! Mais qu´importe, ce sont bien là des paroles de vérité, la vérité d´une criminelle, et il est bon qu´on la présente telle qu´elle se donne, et même avec le sourire et la satisfaction du travail bien fait, décrit dans les plus humbles détails.
Mais il incombait alors de dire, et là je pense à la réalisatrice et je pense à la rédaction de FR3, que cette vérité-là avait un pendant, qu´il y avait un autre son de cloche, que l´on devait à la victime une parole, un visage, un sentiment, le droit d´expression, et tout simplement, le droit à l´existence, le simple droit de paraître comme victime, de déchirer le voile de l´abstraction et de la généralisation, le droit de questionner: j´étais là. Pourquoi moi?
Je n´aurais pas demandé à ces terroristes d´exprimer des regrets, puisqu´elle ne regrettaient rien et qu´elles se glorifiaient du crime. Je n´aurais pas eu la prétention de les mettre face à leurs victimes. Elles l´auraient refusé, avec leur souci de garder la vedette. J´aurais laissé les choses en l´état, dans leur lumière crue.
Je n´aurais pas demandé à Faouzia Fekiri de s´adresser à Nicole Guiraud pour lui donner un visage et une voix, puisque ce visage et cette voix lui auraient été insupportables  comme le sont le visage et la voix  de l´innocence face au bourreau, face aux complices du bourreau que sont leurs thuriféraires.
J´aurais espéré en revanche, de la part de la rédaction de France 3, une réflexion sur l´orientation idéologique du documentaire,  sur une évaluation de sa portée affective, et sur l´opportunité qu´il y aurait, tout en respectant la liberté de la réalisatrice, de recadrer ce documentaire. Il suffisait d´organiser un débat,  de donner une voix et un visage aux victimes. La liberté d´expression aurait été respectée. France 3 a choisi de ne pas le faire. Ce choix a une signification qui n´est pas innocente .
Si cette négation est avant tout celle d´une réalité, celle du sang versé, des vies supprimées ou détruites, elle développe une argumentation, elle rationalise et elle banalise le mal, bien évidemment.   Au bout de cette justification du crime commis contre des victimes, se détache en filigrane la question de savoir si,  au bout du compte,  il n´y aurait pas la responsabilité collective d´une communauté, enfants compris, et cela est grave. La négation, écrit Yves Ternon dans Au siècle du génocide, révèle une pratique dont le premier principe  est la mise en question de l´innocence des victimes. Or mettre en question l´innocence des victimes est en relation directe avec l´idée d´une culpabilité collective.
J´ai plusieurs fois souhaité et l´ai exprimé par écrit, dans les semaines ayant suivi la diffusion du film, que les différents responsables de Fr 3, que Faouzia Fekiri expriment simplement qu´aucune raison au monde ne peut justifier le sacrifice délibéré de civils innocents, en aucun temps,  en aucun lieu.
 Je n´ai pas eu l´honneur d´une réponse jusqu´à présent.
La technique utilisée par Faouzia Fekiri  est simple et efficace:  le crime est présenté comme exploit, la criminelle comme héroïne, et la victime n´est plus qu´un objet symbolique chargé de tous les péchés du monde. La dialectique du mal est ainsi inversée. Le caractère héroïque du terrorisme exige dans ce cas précis l´occultation de la victime.
On pourra certes nous rétorquer, et non sans raison, qu´il faut replacer le terrorisme dans le contexte de l´époque, dans le contexte intellectuel français, et qu´après tout, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Maurice Merleau-Ponty, Frantz Fanon justifiaient le terrorisme comme la seule alternative à l´oppression coloniale, et qu´ils trouvaient dans le monde intellectuel de l´époque de nombreux soutiens et que ce soutien allait jusqu´à une aide directe, celle des porteurs de valises,  et qu´en Algérie même un Timsit fabriquait les bombes du terrorisme algérois. Force est bien de reconnaître que l´argument est de poids, je le reconnais. J´en donnerai deux exemples, parmi d´autres. Souvenons-nous, nous sommes en pleine période mondiale de décolonisation, de tiers-mondisme, de panarabisme, de panislamisme et de guerre froide. Nasser règne au Caire.
Écoutons Simone de Beauvoir dans La force des choses, à propos de l´affaire Ben Saddok. Ben Saddok, tueur du FLN, assassine en plein Paris Ali Chekkal, ancien vice-président de l´Assemblée Algérienne. Cour d´Assises: Me. Stibbe, avocat de Ben Saddok, cite à la barre des témoins Germaine Tillon, Sartre et Camus en faveur d´un homme à propos de qui Simone de Beauvoir écrivait: ilavait accompli un acte analogue à ce que, pendant la résistance on appelait héroïques. Simone de Beauvoir traite la victime de plus important des collabos algériens, et Sartre transforme Chekkal en Chacal. La conclusion du récit est intéressante:
Pour se consoler de la tension à laquelle toute la journée il avait été soumis, Sartre but du whisky. [...] Bientôt il tomba dans une morosité furieuse: ”dire que j´ai fait l´éloge de Chekkal! Et j´ai parlé contre le terrorisme: comme si je condamnais le terrorisme! Tout ça pour plaire aux poujadistes du jury !  Vous vous rendez compte  ?"
Le dépit, la rage lui mettaient les larmes aux yeux.
La phrase sans doute la plus célèbre de Sartre pendant la guerre d´Algérie, se trouve dans sa préface à l´ouvrage de Frantz Fanon Les damnés de la terre :
"En le premier temps de la révolte, il faut tirer. Abattre un Européen, c´est faire d´une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé: restent un homme mort et un homme libre".
Cette phrase souvent citée retient l´attention par son caractère violent d´incitation au meurtre, mais l´on passe un peu vite sur le mot d´Européen. Or il faut bien saisir la véritable portée du terme et de l´injonction: l´Européen anonyme, parce qu’il est solidairement responsable, renvoie à la notion de collectivité, de collectivité coupable et conséquemment digne d´être dûment sanctionnée. Sartre diabolise une collectivité, la désigne au sacrifice expiatoire de caractère thérapeutique. Nous voilà plongés dans la symbolique du bouc émissaire. Voilà une logique de la psychose, telle qu’Ionesco l´exprime en un raccourci saisissant, dans La leçon, au moment où le professeur vient d´assassiner son élève: C´est bien fait. Ça fait du bien.

- Si ce n´est toi, c´est donc ton frère.
- Je n´en ai point. – C´est donc quelqu´un des tiens.
La Fontaine, Le loup et l´agneau

         Le discours développé dans Les porteuses de feu définit l´ennemi comme constitué par l´armée française et les extrémistes. Or si nous avons vu que le raisonnement d´un Sartre ou d´un Fanon recèle une logique rigoureuse, comment une Zorah Drif glisse-t-elle de la désignation d´un ennemi bien défini, militaires de l´armée française ou extrémistes civils à celle d´une population civile de familles, de femmes et d´enfants attablés à une terrasse de café, rejoignant de fait le raisonnement d´un Sartre ou d´un Fanon? Il s´agit tout simplement pour elle de raisonner au niveau d´une abstraction mentale  et d´agir au niveau du corps physique.
Il suffit d´écouter Zorah Drif, parlant de représailles, de légitime défense dans Les porteuses de feu:
         Alger était tellement gai! Eh bien ça suffit. Il fallait que cette guerre soit une réalité pour tout le monde.
Fort bien. Mais tout le monde, c´est qui ?
Science et Vie  consacre  (01.10.2004, no. 19)  un numéro spécial  à la guerre d´Algérie, dans lequel on trouve l´interview de Zohra Drif :  J´ai posé des bombes dans les cafés pieds-noirs. Il est intéressant d´en retenir l´extrait suivant car il illustre parfaitement le glissement rhétorique qui aboutit à la justification du meurtre de l´innocent, dans la même perspective que celle développée dans le documentaire:
         Un jour, nous avons lu qu´il y avait un film sur la résistance française, alors nous avons été dans un cinéma du centre. Quelle imprudence! Au retour, nous avons descendu la rue d´Isly. On n´imagine pas combien Alger était gai à l´époque. C´était l´été, les filles étaient bronzées, les terrasses des cafés bondées, il y avait des bals partout. Mais quand nous sommes arrivées  [la narratrice accompagnée de Djamila Bouhired]  à l´entrée de la Casbah, c´était un silence de deuil. Peu de temps avant, une bombe avait sauté en pleine nuit rue de Thèbes. Un carnage. Quand nous sommes arrivées dans notre planque, Djamila s´est mise à pleurer de rage en disant: “Les salauds, les pourris, même si c´est la guerre, ils vivent”. C´est sans doute à cause de cette rage, de l´audace de la jeunesse, de ma conviction absolue qu´il fallait le faire que j´ai posé les premières bombes dans les cafés chic de la jeunesse pied-noire. Nous n´avions pas le choix. Pour nous, les véritables adversaires, c´étaient les pieds-noirs pour lesquels on nous bombardait, on nous tuait, on nous torturait.
Tout d´abord,  la justification de la tueuse bien formulée part de la résistance française, donnée comme modèle.  Ensuite elle évoque l´attentat de la rue de Thèbes  donnée comme justification des représailles, cet attentat étant donc à interpréter comme la provocation justifiant les représailles et la bombe comme une nécessité: on n´avait pas le choix. Il est évident que l´allusion à la résistance française, encore une fois injurieuse, est un faux alibi: les résistants français n´ont jamais posé de bombes pour tuer délibérément des civils innocents, quelle que fût leur nationalité (contrairement aux bombardements alliés de la Seconde guerre mondiale ou à ceux de l´Allemagne hitlérienne sur l´Angleterre, ou aux crimes commis par l´Armée Rouge en Allemagne). L´évocation de la bombe de la rue de Thèbes fait croire que le terrorisme urbain du FLN est une réponse à un attentat contre-terroriste, ce qui est un mensonge, puisque les attentats terroristes du FLN ont commencé bien avant. Mais incontestablement le plus révélateur, dans cet extrait de l´interview, c´est la logique du raisonnement: la bombe est destinée non pas à  l´armée française ou à des extrémistes, non: à des pieds-noirs, à la race pied-noire au fond. La sale race.  
On a évidemment la tentation de définir ces femmes comme des monstres. Or ne l´oublions jamais, elles ne sont pas des monstres vomis par une catastrophe naturelle ou créées par un savant fou dans son laboratoire, elles sont des êtres humains, horriblement.
Albert Camus, évoquant cette tentation de la vengeance, écrivait dans Le premier homme:
         Un homme, ça s´empêche.
        
         Faouzia Fekiri  expose ce dévoilement avec complaisance, sans distanciation, sans le moindre regard critique, le conforte, le justifie, l´illustre, en fait un tout cohérent, pédagogique, en un mot acceptable. Oui, avouons-le, les terroristes du FLN, hommes ou femmes, sont en bonne compagnie :  les tricoteurs de la dialectique,  suivant le mot de Camus, viennent leur apporter une caution.   Albert Camus, dans ses Carnets,  en parle comme des ténébrions: amis des ténèbres intellectuelles.

L´oral de repêchage

Or que découvre-t-on dans la présentation de l´émission du 15 mars? (La télévision doit-elle réveiller les blessures de l´histoire?). Des mots: ce document: “Les Porteuses de feu” donnait la parole à des femmes algériennes qui s´étaient engagées dans la guérilla urbaine menée par le FLN contre la colonisation française: mais rien dans cette phrase n´indique l´objet réel du documentaire, la glorification du terrorisme touchant d´innocents civils sous le terme abstrait de colonisation.
S´il faut bien considérer que ce qui est au centre du film est ce terrorisme ciblant prioritairement des civils innocents pour leur appartenance à une communauté ethnique résumée du mot d´Européen ou de pied-noir, ou encore de colon, et que ce terrorisme vise à un nettoyage ethnique dont l´histoire montre qu´il fut parfaitement réalisé, la véritable dimension du terrorisme FLN qui s´est déployé pendant les années de guerre et après juillet 1962 a été occultée. Car, le terrorisme, principe de la violence fondatrice et purificatrice défendue par Sartre ou Fanon, la fameuse violence progressive de Merleau-Ponty, matrice de l´homme nouveau ou de l´homme total de Fanon, inhérent aux idéologies totalitaires du XXe siècle, a fait six fois plus de victimes musulmanes, hommes, femmes et enfants que parmi les pieds-noirs, et nous ne prenons même pas en compte l´après-indépendance et ses massacres. Ce terrorisme-là, complémentaire du premier visait à placer sous sa domination la population musulmane. Je me contenterai de préciser ici, que  pour la seule France métropolitaine,  le nombre des victimes musulmanes du terrorisme se monte à quatre mille morts et six mille blessés.  Chiffres jamais contestés.
À Frantz Fanon  qui écrit dans sa Sociologie de la révolution :
Pour l´Europe, pour nous-mêmes et pour l´humanité, camarades, il faut faire peau neuve, développer une pensée neuve, tenter de mettre sur pied un homme neuf,
 Hannah Arendt répond dans Le système totalitaire:
La terreur comme réalisation de la loi du changement dont la fin ultime n´est ni le bien des hommes, ni l´intérêt d´un homme mais la fabrication de l´homme, élimine l´individu au profit de l´espèce, sacrifie les parties au profit du tout.
Que Faouzia Fekiri commette un film de propagande et propage sans le savoir la caricature grotesque d´un héroïsme à l´envers, consacré au triomphe du mal  est une chose,  que l´on comprend parfaitement,  puisque l´entreprise s´inscrit dans une politique gouvernementale. C´est une chose. Mais c´en est une toute autre quand une chaine de la télévision publique française s´associe à cette mauvaise action, lui donne le label du médiatiquement correct et du moralement recommandable. Mais, en agressant une mémoire, la manipulation ici affecte également l´écriture historienne du drame algérien.
La présentation par France 3 de l´émission du 15 mars 2008 s´intitule La télévision doit-elle réveiller les blessures de l´histoire ?  et évoque comme reproche principal le manque de compassion à l´égard des victimes.
France 3 a tout faux. D´abord parce que ce que les victimes réclament, ce n´est même pas de la compassion,  ce n´est pas un sentiment,  c´est tout simplement la reconnaissance qu´elles existent. Or dans ce documentaire elles n´existent pas !
Et il ne s´agit pas de savoir  si la télévision doit ou non  réveiller les blessures de l´histoire ! Il s´agit de savoir si la télévision, orientée par des idéologies, a pour but d´entretenir les blessures des victimes, de s´associer à ces sadiques du FLN qui exposent, sans pudeur et dans la jubilation,  ce qui  dans l´humanité est sa partie  la plus méprisable.
Et enfin, quand Alain Le Garrec, ce médiateur qui se prétend indépendant, parle, à propos de ce terrorisme, de dégâts collatéraux, il fait de cette émission qui se voulait une émission de rattrappage une émission de dérapage. Je ne lui ferai pas l´injure de parler ici de simple inadvertance.

         Puisque ces femmes veulent se montrer, alors oui, regardons-les bien, et prenons conscience de ce qu´elle représentent : leur poids de sang et de misère, la déraison et la dérision. Regardons-les comme des exemplaires de ce que jamais nous ne voudrons être,  gardons-les bien campées sur la scène de l´horreur faite histoire. Nous ne détournons pas le regard, nous les voyons pour ce qu´elles sont, nous ne leur offrons pas le refuge trop commode de l´inhumanité. Comme Albert Camus le faisait pour le Nazi dans ses Lettres à un ami allemand, nous leur garderons le nom d´être humain, nous ne leur ferons pas l´honneur de les traiter de monstres,  nous les déclarons médiocres.
         Et cette leçon, il faudra bien que quelques  uns de ces beaux esprits de France Télévision,  de ceux qui décident du politiquement correct et du moralement souhaitable,  l´apprennent à leur tour, et, s´ils n´ont pas l´intelligence du coeur, qu´ils l´apprennent d´une manière rude. Garder ici le silence, ne pas demander de comptes  aux ténébrions serait nous rendre complices d´une mauvaise action.
         Et quand nous aurons vu ce qu´il y avait à voir, et quand nous aurons dit ce qu´il y avait à dire, encore faudra-t-il songer au plus important : faire exister l´innocence,  rendre leur visage et leur voix aux victimes, les rendre fortes de notre amitié.   Être là.   Le onzième commandement.

            Gérard Lehmann -  Lundeborg, Danemark 15 juin 2009