« Pas d’amalgame
»
Sur ce point, Geneviève Levy, député
du Var, à l’origine de la pétition avec le député
de Paris et vice-président du groupe UMP, Claude Goasguen,
s’empresse de clarifier les choses : « le Président
Bouteflika aurait pu venir pour autre chose, nous aurions attiré
son attention sur la situation des harkis de la même manière.
Je ne fais aucun amalgame entre les deux événements.
Nous sommes dans le cadre d’un devoir de mémoire, qui
m’importe à un plus haut point. Je suis très
favorable à la normalisation de la situation avec l’Algérie,
mais il faut que cette visite soit au moins l’occasion de
revenir sur ce dossier ». La député explique
en effet avoir été « sensible à la situation
dans laquelle se trouvent les harkis, leur marginalisation, leur
interdiction de circuler en Algérie », alors qu’elle
travaillait avec leurs associations dans la ville de Toulon, dont
elle est adjointe au Maire. Elle précise d’ailleurs
faire le même travail côté français. Afin
que les autorités reconnaissent leurs responsabilités
vis-à-vis de la communauté harki, notamment leur abandon,
en 1962, aux représailles du Front de libération national
(FLN).
Le son de cloche est différent du côté des associations
de Harkis. « Le FLN, dont M. Bouteflika faisait parti, a fait
des anciens combattants de la seconde Guerre Mondiale des cibles
privilégiées durant la guerre d’Algérie.
Et je trouve un peu déplacé qu’il vienne aujourd’hui
nous rendre hommage », argue Mohamed Haddouche, président
de Ajir pour les harkis (Association, justice, information, reconnaissance).
L’association, qui a contresigné la lettre ouverte
au Premier ministre en compagnie d’associations d’anciens
combattants, ajoute que « si l’invitation de chefs d’Etat
de pays amis d’Afrique, aujourd’hui indépendants,
apparaît naturelle, le cas de l’Algérie est bien
particulier (...) Elle était la France en 1944 ». Qui
alors pour représenter l’Algérie lors de la
commémoration ? Jacques Chirac en vert-blanc-rouge ?
Mea Culpa
« Evidemment non », coupe Mohamed Haddouche. «
En 1944, l’Algérie étant un département
français, on parlait de « sujets algériens ».
Mais ce sont effectivement des autochtones, des indigènes,
comme on les appelait, qui sont allés se battre. Les Algériens
ont débarqué !... même si l’Algérie
n’existait pas », explique-t-il. Il se désole
du fait que le travail historique sur la guerre d’Algérie
n’ait pas été fait, la France et l’Algérie
n’en retenant « que ce qui les intéresse ».
Mais plus qu’une querelle historique, la présente lettre
répond à une querelle d’hommes.
« Je ne voudrais absolument pas choquer le peuple algérien
», assure le président d’Ajir. Mais, explique-t-il,
en reconnaissant à demi-mot être allé trop loin,
« la lettre n’aurait sans doute pas été
de cette vigueur s’il n’avait pas été
question de M. Bouteflika ». La communauté harki reste
en effet choquée par la sortie du chef de l’Etat algérien,
en 2000, sur l’antenne de la télévision publique
française. L’ancien diplomate du FLN, fraîchement
élu à son premier mandat de Président, s’était
alors montré intransigeant sur la question des harkis, notamment
sur leur demande de circulation sur le territoire algérien.
« La seule raison qui pourrait expliquer sa venue serait qu’il
annonce des décisions en direction des Harkis », estime
Mohamed Haddouche. « Et qu’il se comporte aussi dignement
que le chancelier allemand lors de la commémoration du débarquement
de Normandie ».
Le ministère des Affaires étrangères, à
qui la lettre ouverte des députés était adressée,
n’a pas encore officiellement réagi devant l’Assemblée
nationale. Mais on indique au Quai d’Orsay qu’il n’y
a pas de vrai problème, dans la mesure où le ministre
des Affaires étrangères, Michel Barnier, a évoqué
la question des harkis lors de son voyage officiel en Algérie,
et que les autorités algériennes sont conscientes
de la nécessité d’ouverture, notamment sur la
question de la circulation et des archives. Le secrétariat
d’Etat français aux Anciens combattants n’a pour
sa part pas réagi, pas plus que l’ambassade d’Algérie
à Paris - la Présidence algérienne était
injoignable. L’Elysée, qui s’est occupé
des invitations à la commémoration, indique «
avoir invité 22 chefs d’Etats ainsi que des vétérans
de pays qui ont versé leur sang pour la libération
de la France, et être très fière que le Président
Bouteflika ait accepté d’y participer au nom de l’Algérie
».
http://www.afrik.com/article7481.html
|