L'Historial Charles de Gaulle: un musée révolutionnaire inauguré aux Invalides le 22 février 2008


L'Historial aménagé sous les Invalides en hommage à l'homme du 18 juin et au fondateur de la Ve République plonge le visiteur dans un bain d'images interactives.
Signé Alain Moatti et Henri Rivière, inauguré le 22 février 2008.

 

     

Jeune Pied-Noir demande que l’Historial De Gaulle des Invalides soit transformé en Mémorial national des 150.000 Harkis, des milliers de Pieds-noirs et militaires assassinés par le « crime d’Etat » du 19 mars 1962.


LES TEMOIGNAGES ET LES ARCHIVES OFFICIELLES ACCUSENT
LE GÉNÉRAL DE GAULLE
DE CRIME CONTRE L'HUMANITÉ


En ce jour où le Président de la République va inaugurer l’Historial Charles De Gaulle, le rappel des ordres criminels donnés par le général De Gaulle lors des séances du Comité des Affaires algériennes, qu'il présida de 1959 à 1962, confirme les inquiétudes exprimées par Raymond Aron dans ses mémoires (1) : "les harkis, pour la plupart, furent livrés à la vengeance des vainqueurs sur l'ordre peut-être du général de Gaulle lui-même qui par, le verbe, transfigura la défaite et camoufla les horreurs...". Cette action criminelle fut dénoncée au Parlement dès mai 1962 par le Bachaga Saïd Boualam, Vice-Président de l'Assemblée Nationale, et par le Professeur Maurice Allais, Prix Nobel d'Economie, dans son ouvrage "L'Algérie d'Evian" (L'Esprit Nouveau - mai 1962 – réédition JPN - mars 1999). Le président algérien Abdelhaziz Bouteflika a reconnu ce massacre en déclarant sur Radio-Beur FM, en octobre 1999, parlant de la répression contre le GIA : « Nous ne faisons pas les mêmes erreurs qu’en 1962 où, pour un harki, on a éliminé des familles et parfois des villages entiers ». (La Croix du 17 juin 2000).

Dans ses ouvrages « Les archives inédites de la politique algérienne – 1958-1962 » et « Les combattants musulmans de la guerre d'Algérie, des soldats sacrifiés » (L’Harmattan) (2) le général Maurice Faivre a publié les ordres donnés par le général de Gaulle à ses ministres qui se traduisirent par le fameux télégramme de Louis Joxe et par les directives sur le terrain des généraux Ailleret et Katz. Ces ordres aboutirent aux massacres annoncés par le général de Gaulle lui-même dans son allocution radio-télévisée du 23 octobre 1958, et prévus par Alain Peyrefitte dans son ouvrage d'octobre 1961 "Faut-il partager l'Algérie ?" (Plon) (3). Plus de 150.000 harkis et 25.000 pieds-noirs furent victimes de ces directives (4). Devant cette accumulation de preuves officielles et de témoignages concordants, les Associations représentatives des Français d'outre-mer, réunies le 22 septembre 1995 au Sénat, ont adressé un message au Président de la République en lui demandant de reconnaître officiellement la responsabilité de la Ve République dans les massacres ayant suivi le 19 mars 1962. Ce message a été depuis co-signé par plus d’une centaine associations et par plus de 15.000 Français. Le 30 août 2001, les Harkis déposaient une première plainte pour crime contre l’humanité. Les 13 mars et 5 juillet 2003, 40 familles de disparus pieds-noirs déposaient deux nouvelles plainte pour crime contre l’humanité. Depuis de nombreuses personnalités, comme Michel Tubiana, G-M Benhamou, Jean Daniel et Jean Lacouture, demandent la reconnaissant de ce crime.

La responsabilité des faits est désormais reconnue par la majorité des acteurs, des historiens (5), par la quasi-totalité des responsables politiques actuels (6) et par la loi du 23 février 2005. Le candidat Nicolas Sarkozy s’était s’engagé le 31 mars 2007 devant les représentants de la communauté harkie : « Si je suis élu Président de la République, je veux reconnaître le massacre et l’abandon des harkis et de milliers d’autres « musulmans français » qui lui avait fait confiance, afin que l’oubli ne les assassine pas une nouvelle fois ». En honorant aujourd’hui leur bourreau et en oubliant ses victimes, le Chef de l’Etat se rend à la fois complice d’un crime contre l’Humanité et d’un génocide mémoriel.
Bernard Coll - Secrétaire général de JPN (7)


- (1) - "50 ans de réflexion politique" - p.388 – Juliard
- (2) - Maurice Faivre est aussi l'auteur de l'ouvrage « Un village de harkis » (Edition L'Harmattan)
- (3) A. Peyrefitte confirme les directives du Chef de l'Etat dans "C'était de Gaulle" - Fayard 1995. Les ordres du général étaient déjà connus grâce aux ouvrages de Raymond Tournoux
- (4) - Selon les chiffres de M. André Santini, ancien Secrétaire d'Etat aux Rapatriés (Le Figaro du 15 juin 2000)
- (5) - Cf. les souvenirs de MM. Robert Buron, Pierre Joxe, Pierre Messmer, Alain Peyrefitte, Jean-Pierre Chevènement, Hervé Bourges ... ainsi que les multiples études publiées sur le massacre des harkis depuis 20 ans.
- (6) - Enquête menée par Jeune Pied-Noir lors des élections de 1993-94, 95 et 2007. Les résultats ont été publiés dans le magazine "Pieds-Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui" et sont disponibles auprès de l'association
– (7) Jeune Pied-Noir est l'éditeur du "Livre des Harkis" (1991), ouvrage retraçant la vie, les combats et le drame des harkis à partir de leurs témoignages et de documents d'archives (300 photographies).

     

La surprise est de taille lorsque, après avoir passé les habituelles enfilades de hallebardes et d'uniformes, on plonge dans les profondeurs du Musée des Invalides. Creusé sous la cour de la Valeur, invisible en surface, l'Historial Charles-de-Gaulle est un musée de 2 500 m², qui aura coûté 18 M€.

C'est l'image, fixe ou animée, image d'archives, de témoins ou de commentateurs, image accompagnée de sons explicatifs ou illustratifs, qui occupe ici tout l'espace, voulu en 2002 par Jacques Chirac.

Elle enveloppe d'emblée le visiteur. Face à lui, dès l'entrée, une mosaïque de 80 portraits photo de Charles de Gaulle. Pour éviter de donner le tournis aux anciens et fixer des repères aux plus jeunes, chacun est invité, par groupe de 200, à visionner un film pédagogique de 25 minutes.

Un spectacle en huit langues, inspiré de la polyvision d'Abel Gance, signé Olivier Brunet. Avec un texte de Maurice Druon dit par Francis Huster et une musique de Bruno Coulais (trois césars dont celui de la musique de Microcosmos, le peuple de l'herbe, en 1997). Il sera diffusé sur un jeu de cinq écrans dans une salle en forme de sphère servant de cœur au dispositif. Les sièges y semblent posés sur un dôme inversé, clin d'œil des architectes Alain Moatti et Henri Rivière à la coupole de l'église des Invalides signée Jules-Hardouin Mansart. Les parois sont faites d'alvéoles de 8 700 pièces en bois de merisier dans lesquelles ont été installées 2 400 diodes.

Au-delà de cette coupole de lumière posée à dix mètres de profondeur, tout le reste est flottement d'images. On tourne autour, dans le sens des aiguilles d'une montre, le long d'un "anneau de l'histoire" évoquant sur ses écrans de verre translucide la marche du XXe siècle, des Années folles au premier pas de l'homme sur la Lune.

La promenade est composée de trois séquences, trois «portes» conduisant à des «alvéoles didactiques» l'Appel, la Libération et la Constitution. Originalité : la moitié de ces 2 500 m², d'une capacité totale de 400 personnes, est consacrée à l'après-guerre. On y aborde donc, et cela sans tabou, la décolonisation, la traversée du désert, la naissance de la Ve (sol bleu blanc rouge), Mai 68 (un tunnel rouge tapissé de caricatures et de slogans)…

À l'intérieur de ces espaces, chacun aura tout le loisir de poser les questions qu'il souhaite. Les réponses sont apportées par de nombreux écrans tactiles individuels ou par des cartes et des livres interactifs (dont ceux des Mémoires). On pilote une "sphère de rétroprojection" résumant la politique étrangère du Général dans les années 1960, on interroge les historiens de son choix, hologrammés sur des "bornes miroirs". Ou bien encore une caméra capte le mouvement de la main du visiteur, qui peut ainsi convoquer les documentaires de son choix sur un "dynamic wall". Sur nos oreilles, un audioguide français-anglais se déclenche dès que l'on stationne à proximité d'une archive ou d'un chapitre.

Avec quelque 400 documents, souvent issus du fonds de l'Institut national de l'audiovisuel, et plus de vingt heures de commentaires, il est bien sûr impossible de tout considérer en une visite. Il est recommandé de choisir plutôt que de zapper si l'on veut éviter l'effet de bombardement d'images.

Peut-on reprocher cette densité aux concepteurs? "L'endroit n'est pas qu'un lieu de mémoire. C'est aussi un lieu de transmission du savoir et qui doit séduire le plus grand nombre, se défend Sharon Elbaz. Pour les Invalides, qui accueillent chaque année 1,5 million de visiteurs dont plus de 80% sont des étrangers, l'enjeu est de relancer le flux des Français, notamment les jeunes".

Séduire pour mieux transmettre? Voilà de la rhétorique bien pensée. "À partir d'une grande image animée et émouvante comme, par exemple, la descente des Champs-Élysées, nous présentons systématiquement son contexte, ce qui nous permet d'expliquer la communion avec la nation. Pourquoi le Général, lorsqu'il arrive à Paris, va d'abord au ministère de la Guerre, qu'il a quitté quatre ans plus tôt ? Pour dire qu'il y a une continuité de l'État et signifier que Vichy n'est plus. Ainsi, derrière le geste, l'image d'Épinal, il y a toujours une politique cohérente, parfois complexe. C'est elle que nous voulons transmettre. Il s'agit toujours d'aller de la vision stéréotypée à son décryptage, de voir ce qu'il y a derrière le voile de l'histoire".

Et Alain Moatti de conclure que son Historial est "comme un cédérom géant et en trois dimensions dans lequel vous êtes convié à entrer pour vous immerger dans l'épaisseur de l'histoire. J'ai voulu différentes profondeurs d'images, des images qui se répondent, qui forment des raccourcis. Un musée qui ne soit pas une suite de salles blanches et de vitrines mais un lieu de mémoire, avec un centre inoubliable, cette grande salle qui est un objet unique, et des films traités comme des mirages flottants, des souvenirs que l'on peut convoquer à sa guise. Cela aussi est unique et spectaculaire". Ils nous appartiennent.

L'Historial Charles de Gaulle: un lieu de transmission vivant

L'Historial Charles de Gaulle est à la fois un sanc­tuaire, un musée, mais aussi un lieu de transmission vivant.

Les nouveaux moyens numériques permettent en effet de l'adapter constamment aux résultats de la recherche la plus récente. En cela, il préfigure le centre d'histoire de la France imaginé par le président. Déjà, dès 2009, deux autres salles pédagogiques s'ouvriront au rez-de-chaussée des Invalides. L'une dédiée à l'éducation à l'image, l'autre conçue pour des expositions temporaires d'histoire contemporaine. Une présentation des rapports entre de Gaulle et Churchill et l'état de la relation franco-britannique y est déjà envisagée, par exemple.

Et pour ceux qui veulent dès à présent aller plus loin dans la pensée gaullienne, l'intégralité des discours du Général, audiovisuels et sonores, sera disponible sur Internet le 22 février prochain. Une coproduction de la Fondation et de l'INA, avec appareil critique et moteur de recherche.

2008: une année très gaullienne

L'inauguration de l'Historial, le 22 février prochain, n'est que le premier événement d'une année très gaullienne. En effet, 2008 marque le 50e anniversaire du retour au pouvoir du Général et l'adoption de la Constitution de la Ve République.

Pierre Mazeaud, président de la Fondation Charles-de-Gaulle, doit en présenter demain le contenu mais on sait déjà qu'un colloque sur la Constitution est prévu au mois d'octobre à l'Institut de France et qu'en novembre Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande, Angela Merkel, pourraient venir ensemble à Colombey-les-Deux-Églises visiter un mémorial inauguré le 18 juin prochain et dédié à un de Gaulle privé, intime, attaché à sa terre.

Cette nouvelle infrastructure de 4 000 m², d'un coût de 15 M€, située non loin de La Boisserie, est réalisée en partenariat avec le département de la Haute-Marne. Elle est signée par le cabinet Millet-Chilou, à qui l'on doit déjà le Mémorial de Caen. Une première exposition temporaire, appelée à tourner dans plusieurs villes d'Europe, se concentrera sur les rapports entre de Gaulle et Konrad Adenauer.