Grandes manœuvres dans les cimetières chrétiens d'Oranie

 


Des Pieds-Noirs remuent ciel et terre dans la région d’Oran pour sauver les sépultures ; les sépultures des cimetières français d’Algérie ont été dégradées.

Le bon docteur Jean-Jacques Lion n’en finit plus de revenir sur la terre de sa naissance et de ses ancêtres. Rentré d'Algérie en 1962 à l’âge de 17 ans. Il y retourne désormais régulièrement pour mener à bien le grand œuvre de sa retraite de cardiologue: sauver les sépultures de centaines de milliers de Pieds-Noirs inhumés là-bas durant les 132 années de présence française.


Des tombes ont été pillées et les ossements dispersés.
Un travail de réhabilitation est mené dans la région d’Oran. /PHOTO ARCHIVES B.S.

Rien qu'en Oranie, où intervient son Collectif de sauvegarde des cimetières (CSCO) basé à Marseille, on dénombre 168 nécropoles "françaises" englobant essentiellement des tombes chrétiennes et israélites pour lesquelles le collectif a mandat.

Débuté en 2004 dans l'ancien département d'Oran, quelques années après le secteur d'Alger, ce travail (boosté alors par le plan Chirac) consiste à faire un inventaire, à s’assurer du soutien des autorités locales puis à engager des travaux, souvent financés conjointement par la France et l'Algérie.

"En 2004, tout était usé par le temps et dégradé, certains cimetières étaient devenus des dépotoirs, d'autres ont été profanés, raconte Jean-Jacques Lion. On a regroupé les ossements des sépultures des petits cimetières dans de plus grands. Les Algériens s'engageant à mettre des clôtures et assurer la propreté et le gardiennage, l’État français se chargeant de l’exhumation, du transfert et de la construction de monuments en béton pour accueillir le regroupement des dépouilles.’

Les Pieds-Noirs engagés dans ce combat se félicitent du travail conduit avec les autorités algériennes, mais ne mâchent pas leurs mots. "On est actuellement sur le cimetière d’Oran, 16 hectares au centre-ville, ajoute le président du CSCO.

Des ossements seront exhumés sur la moitié du site pour être regroupés, et cela deviendra un espace vert, le préfet s’est engagé à ne pas céder aux propositions immobilières. On a relevé des écoulements d'eaux usées dans des tombes, certaines servaient de fosses septiques.

Rendez-vous chez Estrosi

Demain, le collectif sera au Conseil régional pour présenter à l’équipe Estrosi la restauration du cimetière de Rio Salado (El Mellah). "C'était un cimetière-écrin, modèle à l’époque. Il est dégradé à un point incroyable, la partie israélite encore plus que le reste, c’est rempli d’ordures.

Les Algériens vont faire une partie des travaux, nous on doit trouver 60000 €.

On espère que la Région en financera la moitié," comme Estrosi l'avait fait au nom de la Ville de Nice en 2011 pour le cimetière d’Aïn Témouchent."

D’autres dossiers sont sur le feu comme les nécropoles de Saïda, Sidi Bel Abbes (menacée par un projet routier) ou d’Arcole, "là, il semble que le cimetière ait été vendu à des promoteurs s’étrangle le Dr Lion, qui n’exonère pas pour autant les Pieds-Noirs de leurs responsabilités non assumées pendant longtemps sur un grand nombre de lieux.

Les relations apaisées entre l'Algérie et la France facilitent les chantiers. "Il y a une prise de conscience des autorités locales pour réhabiliter ce qui était décrié. Certains monuments sont désormais considérés comme un patrimoine artistique et historique, avec l’aide de l’Unesco", savoure le Dr Lion.
Qui termine par une nouvelle qui réjouira les Pieds-Noirs de la région très attachés à Notre-Dame-de-Santa-Cruz dominant Oran.
" On a la chance d’avoir un évêque d'Oran fantastique, et très efficace, qui était avocat dans sa première vie: Mgr Jean-Paul Vesco.
Il pilote la rénovation du sanctuaire estimée à près de 6 millions d’euros, et on vient d’apprendre que l’État algérien et le président Bouteflika en personne auraient alloué un mil-lion d'euros "

Philippe Schmit, La Provence 11 avril 2016