Le vieil homme gardien du cimetière Chrétien de Tamazouhet
 
       

Comme chaque année au mois d’août, je me retrouve en Algérie pour les grandes vacances. Et comme à chaque fois, c’est mon oncle qui vient nous chercher à l’aéroport de Bougie avec son taxi. Très pratique pour nous, l’oncle taxi, on ne se fait pas arnaquer question transports. Nous sommes en famille dans le taxi et allons rejoindre notre maison située à 50 kilomètres de là, dans un village kabyle. En chemin, nous passons devant un cimetière, toujours le même depuis des lustres. Ce cimetière n’est pas comme les autres. Il est rempli de croix. C’est un cimetière chrétien. Je n’avais encore, jusque-là, jamais vu de signe de la religion chrétienne en Algérie. Ça m’a fait tout bizarre sur le coup. Mais en y repensant, je me suis dit : « Bah oui, des Français ont vécu ici pendant plus d’un siècle. »

Une fois installés dans notre maison, je demande à mon oncle de m’y emmener. On se met en route un samedi matin ; l’après midi, avec la chaleur, ça ne serait pas supportable. Ça atteignait les 45 degrés. Dans ce cimetière qui m’intrigue tellement se trouvent une cinquantaine de tombes. Surprise : le sol était recouvert de pelouse.

Je n’avais jamais vu de pelouse aussi verte en Algérie. Sur les bordures des tombes sont plantées des fleurs bien rouges et en bonne santé, chose très rare à cette époque de l’année à cause de la sécheresse. Les croix ont visiblement été nettoyées. J’ai l’impression de me trouver dans une oasis au milieu du désert.

Des tas de questions me viennent à l’esprit. Mon oncle me propose : « Tu veux rencontrer le type qui s’occupe de ce cimetière ? » C’est avec grand plaisir que j’accepte sa proposition. La maison de ce mystérieux « type » se trouve dans une allée. Mon oncle me conduit devant une porte métallique de couleur rouge. On frappe, un vieil homme nous ouvre. Je lui demande si c’est bien lui qui s’occupe du cimetière chrétien. Il se lance immédiatement dans de le récit de son histoire.

Cet homme seul, sans enfant, d’une cinquantaine d’années, n’a plus de famille. Il s’est retrouvé orphelin pendant la guerre d’indépendance. Il y a vingt ans, il a décidé d’entretenir le cimetière chrétien laissé à l’abandon depuis le départ des familles françaises. D’après ce monsieur, les personnes enterrées là, sont mortes bien avant la guerre d’indépendance. Elles auraient vécu pas très loin et vivaient du travail de la terre du temps de l’Algérie française. Elles produisaient des oranges. Il nous raconte aussi comment il a confectionné un moyen d’amener de l’eau d’un puits voisin jusqu’au cimetière. Il dit qu’il a toujours travaillé la terre pour se nourrir.

Il y a quelques années de cela, des membres des familles des défunts sont venus à la recherche de leur histoire. Ils ont retrouvé les traces de leur lieu de vie. Ils ont pu découvrir l’endroit où reposent leurs ancêtres pour toujours. Ils ont été stupéfaits de la manière dont le cimetière avait été entretenu par cet homme et décidèrent de le récompenser financièrement. Le vieil homme a reçu une somme d’argent nécessaire à l’entretien du cimetière et qui l’aidera à finir ses jours dignement. L’homme me dit qu’avec cet argent il pourrait vivre ailleurs, et dans de meilleures conditions. Mais pour lui, c’est hors de question de partir de là, car il considère que sa place est de vivre près de ce cimetière chrétien et de s’en occuper.
Idriss K
Source - http://20minutes.bondyblog.fr/news/200811210001/le-vieil-homme-et-le-cimetiere-chretien-de-kabylie