Recteur de la Basilique NOTRE-DAME D’AFRIQUE A ALGER
Monsieur l'Abbé,
Nous apprenons que vous avez ouvert les portes de la Basilique si chère à notre cœur de Français « Rapatriés » pour accueillir un concert de musique andalouse donné par M Farid Khodja, spécialiste reconnu venu de Blida pour l’occasion. Nous n’ignorons pas la difficulté de votre mission et sommes très conscients du mérite qui est le vôtre de maintenir une présence chrétienne en terre très majoritairement devenue musulmane. Mais présence n’est pas synonyme de compromission.
Nous n’aurions pas eu de commentaire particulier sur cette initiative d’ouverture devenue de règle dans notre Eglise, si la date choisie n’avait été celle du 5 juillet dernier.
Anniversaire de liesse pour la population devenue algérienne ce jour-là, en 1962... rappelant à s’y méprendre le déferlement de la foule venue de la Casbah sur le Forum d’Alger quatre ans plus tôt, le 13 mai 1958, toujours gravé dans notre mémoire de Français d’Algérie. Phénomène bien connu de versatilité des foules. ..
Anniversaire d’horreur pour nous, chassés d’une terre qui était aussi la nôtre, livrés sans protection à la vindicte générale et contraints à un exode de masse qui nous a tous marqués, au fer rouge.
Il est possible, bien que peu vraisemblable, que vous ignoriez les détails des massacres qui ont ensanglanté Oran et sa région le 5 juillet 1962. Sachez combien nous voudrions le croire, très sincèrement.
Il serait en tout cas grand temps que vous vous informiez du déferlement de passions, de haine et de cruauté qui, à cette date précise s’est emparé d’une populace déchainée et avide de sang.
La chasse à l’Européen a été ouverte au faciès et a duré des heures avant que l’armée française, consignée dans ses cantonnements ne se décide à intervenir.
Des centaines et des centaines de personnes ont été massacrées ou, pire encore, enlevées et ont disparu à jamais. Chacun de nous prie encore aujourd’hui pour que leur mort ait été la plus rapide possible. Vous comprendrez dans ces conditions combien votre décision, assortie des commentaires qui vous ont été prêtés par la presse algérienne, pour qui vous auriez « estimé que le choix de la date du concert était une manière de fêter «l’anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, la liberté retrouvée et l’unité du pays» a pu nous heurter. Que vous l’ayez voulu ou non, vous avez réveillé en nous des réactions de colère légitime car jamais, aucun de ces criminels n’a demandé pardon pour les abominations commises ce jour noir.
Notre Basilique, édifiée par nos aïeux, et dont nous gardons le souvenir pieux au fond de notre cœur, ne méritait pas cet affront.
Et, malgré tout le respect que nous devons à votre fonction, nous avons le devoir de vous demander de prier pour obtenir le pardon de nos Martyres dont la mémoire a été ainsi offensée.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur l’Abbé, l’expression de notre fidélité à nos Morts qui n’ont pas trouvé de sépulture ou dont le repos est hélas trop souvent troublé sur cette terre devenue hélas impie, du moins dans ce domaine particulier.
En union de prière
La Vice-Présidente de l’ANFANOMA Nicole Ferrandis
Le Président de l’ANFANOMA Yves Sainsot |