Grâce à Facebook 4 françaises d'Algérie se retrouvent 52 ans après à Cannes .

 
   

En 1962, la guerre d’Algérie dispersait les destinées de quatre jeunes femmes.
En 2014 leur lien d’amitié indéfectible a pu être renoué grâce à Internet, soit un demi-siècle après!

C’est le plus beau jour de ma vie!» lâche Edwige, submergée par l’émotion. Cette journée-là restera gravée dans leurs cœurs. À jamais. Dany, 63ans, Jacqueline, 72ans, Edwige, 74ans et Danielle, 70ans se sont donné rendez-vous ce matin-là à la gare de Cannes. Fébriles. Sur le quai, les retrouvailles, baignées de larmes de bonheur, sont bouleversantes. Elles ont pleuré. Ri. Sont tombées dans les bras les unes des autres. Amies d’enfance, ces quatre-là ne s’étaient pas revus depuis... 52 ans !

 
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" Rendez-vous à Bab el Oued "


« Nous avons grandi dans le quartier populaire de Bab el Oued. Mais en 1962, la guerre d’Algérie et l’exode vers la France nous ont séparées. Nous avions alors une vingtaine d’années» explique Jacqueline, retraitée cannoise. Après cet arrachement au pays, il a fallu s’intégrer en métropole. Chacune est repartie de zéro. À Châtellerault, Lyon, Toulon et Paris. A eu mari et enfants. A tracé son chemin. Avec dans un coin de leur tête, le souvenir précieux de ces amitiés de jeunesse et des parfums d’Algérie.

C’est Dany, la benjamine, qui a pris l’initiative de rechercher ses anciennes camarades. Grâce à Facebook, réseau social sur lequel elle crée il y a quelques semaines le groupe « rendez-vous à Bab el Oued ». Dany a permis ainsi à Edwige, dont elle est la cousine, de retrouver Jacqueline, dont elle était très proche. Et les anciennes relations de se reconnecter grâce à la magie de la Toile. Improbable! « Par chance, elles avaient gardé leur nom de jeune fille!» sourit Dany.

Malgré les décennies, le lien inaltérable, mêlant la grande Histoire à leurs destinées de pieds-noirs expatriées, est renoué. D’autant que, par chance, toutes ont choisi le soleil des Alpes-Martimes, à Nice, La Turbie et Cannes, pour couler leur retraite. Clin d’œil sans doute à la douceur du climat d’Afrique du Nord...


« Retrouver ses racines »


Alors, ce matin-là, à Cannes, la machine à remonter le temps a embarqué les quatre dames dans un voyage intime vers leur passé, « celui qui nous lie à vie ». Des sentiments à la fois douloureux et enivrants. «On nous a arrachées à notre pays et nous avons été si mal accueillies en France... En nous retrouvant, nous retrouvons aussi nos racines... Car nous sommes des déracinées», glisse Jacqueline. Après une si longue séparation, promis, elles ne devraient plus se quitter. Panser leurs blessures, partager, se raconter, mais surtout « parler de là-bas », elles ont toute une vie à rattraper!

 
 
             

Jacqueline : « C'était la valise ou le cercueil »

C'est une photo de classe jaunie que Jacqueline serre contre son cœur. Danielle et elle sont en maternelle à l'école Saint-Vincent-de-Paul à Alger, année scolaire 1946/47.
Elles ont trois et quatre ans, ne se quitteront plus jusqu'en 1962.
Un vestige sépia miraculeusement conservé par Jacqueline.
Aucune de ses trois amies ne détient de photos de cette époque. « En juin 1962, le départ d'Algérie a été si précipité que la plupart ont tout laissé sur place.

C'était la valise ou le cercueil.

Cette année-là, mes parents sont retournés à Alger en octobre et ont pu récupérer chez nous, escortés par la police, quelques biens dont cette photo » raconte Jacqueline, les yeux plein de larmes.

Beignets arabes et « Oublie »

Malgré une vie heureuse, un mari, trois enfants et six petits-enfants, elle « n’arrive pas à parler de l'Algérie sans pleurer ». Les souvenirs de là-bas charrient un flot d'images, de fragrances et de chaleur humaine. « Mes parents et ceux d'Edwige étaient amis. J'ai beaucoup de souvenirs de fêtes en famille et notamment mon mariage en 1961 dont les cadeaux ont été perdus dans la débâcle. » Et puis, le parfum encore tenace des beignets arabes de chez Blanchette.
Le croquant des « oublie », cornets en gaufrettes dont les enfants raffolaient.
Les paniers de poissons vendus à la loterie sur la place. « Nous vivions dans la rue une vie communautaire.
Par exemple, les mamans du quartier venaient cuire leurs gâteaux dans le four à pain de mon père boulanger. » Des valeurs de partage, de convivialité que cette grand-mère rayonnante perpétue. « On est resté clan et coutumes, notamment la cuisine chaleureuse et épicée... »
Mais jamais Jacqueline n'est retournée sur sa terre natale, son pays depuis cinq générations. « Trop peur d'être déçue... »

 
 
 
     
 
Source : http://www.nicematin.com/cannes/separees-par-l%E2%80%99histoire-et-enfin-reunies-52-ans-apres.1586343.html