Séparé de sa famille après avoir été rapatrié d’Algérie au printemps 1962, Gabriel Gimenez a consacré sa vie à retrouver ses proches.

 
       
 
       
 
 
 

Lorsque Gabriel Gimenez évoque ses souvenirs en Algérie et ses recherches pour retrouver sa famille, il est bouleversé.

Séparé de sa famille après avoir été rapatrié d’Algérie à la fin de la guerre, Gabriel Gimenez a consacré sa vie à retrouver ses proches.

C’est l’histoire d’un déracinement. D’une déchirure vécue par un gosse de 9 ans, pied-noir et profondément attaché à sa terre natale, l’Algérie.
Gabriel Gimenez, âgé aujourd’hui de 60 ans, se rappelle : « Deux personnes de la mairie » sont venues le chercher, lui, son frère, ses deux sœurs et ses parents dans leur petite maison de Mers El-Kebir, un village situé tout près d’Oran.

On est au printemps 1962, l’Algérie gagne son indépendance. La famille Gimenez, installée là depuis la fin du XIXe siècle, doit partir.
« Ma mère a juste eu le temps de décrocher les rideaux pour en faire des baluchons dans lesquels on a mis un peu de linge. » Le retraité auxerrois se souvient de cette journée. « On nous a fait monter à l’arrière d’un camion benne mais sans vraiment nous donner d’explication. Je revois encore mon petit chien qui court derrière le camion. »
Direction le port d’Oran.

Le bateau.

L’arrivée à Marseille. « Je me rappelle avoir trouvé le voyage extrêmement long, il y avait beaucoup de monde. » Puis le train, en route pour Paris avant de poser les baluchons dans un centre de rapatriés dans la région d’Evreux. « Le ciel n’était plus le même, le climat non plus, c’est comme ça, qu’avec ma vision d’enfant, j’ai compris que nous n’étions plus en Algérie. »

Séparé de son frère et de ses sœurs

Dans les mois qui suivent son arrivée au centre, la famille Gimenez est à nouveau déchirée, cette fois par la séparation. « Ma mère a beaucoup souffert du départ d’Algérie, elle est tombée malade, a été hospitalisée.

Elle est décédée en 1964. Mon père était lui aussi à l’hôpital mais je l’ai jamais revu. »

La fratrie est divisée. Les quatre enfants sont placés en foyer d’abord, chez une nourrice ensuite. « Durant plusieurs années je ne savais pas où étaient mon frère et mes sœurs et j’étais habité par l’envie de les retrouver. » Alors qu’il n’est qu’adolescent, Gabriel Gimenez cherche sa famille et retrouve d’abord sa sœur.

Elle était « chez les sœurs », pas loin d’Evreux. « J’ai pu la revoir, c’était bouleversant. » Son frère, il le retrouve près de quinze ans plus tard, « après avoir fait ma petite enquête ». Mais toujours aucune nouvelle de sa plus grande sœur.

« D’Evreux, je suis parti à Auxerre car j’ai appris qu’un oncle et une tante s’y étaient installés. Ils avaient eux aussi quitter l’Algérie, peu de temps après nous. » Gabriel Gimenez fait alors sa vie dans l’Yonne, se marie, travaille. « Avec toujours dans un coin de ma tête, l’objectif de retrouver ma sœur et d’autres membres de ma famille », de reconstituer ce que les conséquences de la guerre ont brisé.

Ce n’est qu’au milieu des années 80, plus de vingt ans après leur séparation, qu’il découvre que sa sœur vit près de Versailles. « Dès que j’ai su, le soir même, je suis parti la voir. » Ca y est. Gabriel Gimenez sait où sont ses frères et sœurs mais il ne veut pas en rester là.

« Mes parents étaient tous les deux sourds et muets et, mis à part qu’ils étaient nés en Algérie de parents originaires d’Espagne, je ne savais pas grand-chose. »

De ses oncles et tantes laissés en Algérie, l’homme ne sait donc rien. Il se souvient juste du nom de son village, de sa rue où son père avait une petite boutique de cordonnerie. «

Sur Internet, j’ai posté des messages sur les sites en lien avec Mers El-Kebir en expliquant où j’habitais et en demandant si quelqu’un avait connu ma famille. »

Gabriel Gimenez frappe à toutes les portes, demande partout les actes d’état civil de ses parents, de ses grands-parents.

S’il parvient à découvrir que son grand-père paternel est né dans le sud de l’Espagne, il a beaucoup de mal à retrouver les traces de son père. « Je savais juste qu’il était né en 1907, à Saïda, dans l’arrière-pays oranais. »
C’est finalement via Internet qu’il va avancer. « Un Algérien m’a contacté et m’a envoyé l’acte de naissance de mon père. » Un cadeau immense pour cet homme qui vit avec des bribes de son passé.

Sur sa terre natale, 48 ans après

En 2010, 48 ans après avoir été arraché à l’Algérie, son pays natal, Gabriel Gimenez y retourne (lire par ailleurs). Il veut revoir sa terre, son village. « Quand j’ai atterri à Oran, j’ai ressenti une émotion très profonde et en arrivant à Mers El-Kebir, une amie d’enfance, une femme qui jouait avec nous, était là et m’a serré dans ses bras. » Quand il raconte, Gabriel Gimenez ne peut contenir ses larmes. « J’ai revu la maison de mon enfance, le lieu où j’ai vécu avec mes parents.

La porte d’entrée n’a pas été repeinte depuis notre départ. La seule différence, c’est qu’aujourd’hui, il y a l’électricité. À l’époque, nous nous éclairions à la lampe à pétrole. »

Patiemment, Gabriel Gimenez recolle les morceaux de son histoire. Il a récemment découvert, via des sites spécialisés en généalogie, qu’il avait des petits cousins du côté de Saint-Dizier, en Haute-Marne. Il est d’ailleurs allé les voir. « Nous gardons le contact », insiste-t-il.

C’est sa façon à lui de prendre une revanche sur une guerre qui a fait « des dommages collatéraux douloureux ». Envers les Algériens, Gabriel Gimenez ne porte ni jugement ni haine. « Ils ont voulu être indépendants, c’est tout à fait normal. »

À l’État français, en revanche, il en veut « un peu ». « Il aurait fallu que ça soit organisé autrement pour éviter à des familles d’être dévastées. »

   
 
source : http://www.lyonne.fr/yonne/actualite/2012/03/19/gabriel-gimenez-de-parents-espagnols-a-du-quitter-l-algerie-au-moment-de-l-independance-1121501.html