Les autorités ne préviennent pas les familles des victimes de la tuerie du 26 mars 1962.
 
     
 



 
     
 
 
     
 
SimoneGautier
 

"Simone Gautier épouse d'une victime ,
« JE ME SUIS MISE À MOURIR »...

« ...J'ai passé l'après-midi avec les enfants et je n'ai pas écouté la radio. Et puis, le soir est venu avec le couvre-feu. Philippe ne rentrait pas.
J'ai téléphoné à mon père, lui disant que Philippe n'était toujours pas là, S'était-il passé quelque chose ? Mon père a poussé un cri, je crois, me disant qu'il allait le chercher, qu'il devait être pris dans les différents couvre-feu...
« Au matin, les enfants déjeunaient et mon père est passé devant la fenêtre de la cuisine... Alors j'ai compris. Il me semble que je tombe... les enfants crient... et puis je ne me souviens plus... sauf que j'entre dans l'hôpital de Mustapha et là une autre moi se met à hurler, que j'entendais de loin et qui m'assourdissait pourtant. La douleur naissait au creux du ventre, montait en s'irradiant, arrivait dans ma poitrine comme une brûlure intolérable et le hurlement s'échappait tout seul de ma gorge avec mon souffle. J'ai couru m'enfermer dans le service du docteur Sutter, chez qui j'avais fait un stage. Je ne me souviens plus combien de temps je suis restée là à hurler.
« Et puis on est venu me chercher pour m'amener dans une grande salle où des corps, tous nus, étaient allongés en vrac, par terre. Il fallait passer par-dessus, c'était un spectacle effroyable, tous ces corps mutilés entortillés de bandages au milieu desquels je le cherchais. Philippe était habillé et il était allongé sur une table. Il avait un gros pansement sur le côté de la tête. Il nétait pas défiguré, il était lui. Je me suis jetée sur lui alors que tout s'en allait de moi. Je me suis mise à mourir...
« J'ai dû passer l'après-midi avec lui, le serrant dans mes bras, l'embrassant. Et puis on m'a arrachée de lui. Et puis je ne sais plus... »
Simone GAUTIER-RAMOS
Conseillère d'orientation psychologue ; directrice C.I.O. Éducation nationale.