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Commémoration de la guerre d'Algérie
Pourquoi nous refusons la date du 19 mars 1962

Par le général de division (CR) François LESCEL, président de la FARAC

     
               
   

Une association d'anciens combattants en Afrique du Nord, la FNACA, et ses soutiens politiques, dont essentiellement le Parti communiste français, avancent trois arguments principaux pour justifier leur commémoration annuelle du 19 mars et rejeter celle du 5 décembre, devenue depuis le 17 septembre 2003 la date officielle du souvenir des événements d'AFN de 1952 à 1962.

     
 
Général F.Lescel

Ces arguments sont aisément réfutables.


La guerre d'Algérie ne s'est pas terminée à cette date

La campagne officielle sur ce théâtre d'opération s'est terminée le 2 juillet 1962 (date de l'indépendance de l'Algérie), comme l'atteste le décompte des services de tous les personnels militaires qui y ont séjourné entre le 19 mars et le 2 juillet 1962.
Pour qu'il y ait véritablement cessez-le-feu, il faut que les deux adversaires le respectent. Or, historiquement, ce ne fut pas le cas. Si, en application des accords d'Evian signés la veille, l'Armée française a effectivement, le 19 mars 1962, respecté le cessez-le-feu imposé à chaque partie en repliant aussitôt ses unités sur leurs bases, l'adversaire FLN, profitant de ce regroupement unilatéral et violant délibérément les dispositions des articles 2 et 3 de ces accords, a occupé l'ensemble du terrain d'où il avait été chassé dans les mois précédents, franchissant même les frontières tunisienne et marocaine au-delà desquelles il était confiné.
Ayant ainsi le champ libre, il s'est livré à des représailles sur les populations que nos troupes avaient jusque là protégées, dont l'ampleur relève du génocide. Il en a résulté un nombre de morts ou disparus civils que les historiens les plus sérieux estiment à un minimum de 150 000 chez les soldats, harkis et autres supplétifs et leurs familles dans la population musulmane, auxquels s'ajoutent plusieurs milliers de morts ou disparus dans la population européenne, dite « Pieds-noirs ».
Ces massacres ont été perpétrés dans des conditions épouvantables qui rappellent étrangement ceux qui, par la suite dans l'Algérie indépendante, ont eu lieu de manière chronique.
De surcroît, plusieurs dizaines de soldats français de l'armée régulière ont été tués ou blessés après le 19 mars, soit dans des accrochages avec le FLN, soit dans des attentats FLN contre nos militaires.
Ainsi, l'histoire devrait-elle retenir que la guerre d'Algérie a fait un nombre de victimes triple APRES sa fin « officielle » qu'avant.
A lui seul, le fait historique de violation des clauses du cessez-le-feu par le FLN interdit qu'on en commémore le souvenir.
En aucune manière le 19 mars 1962 ne peut être comparé aux deux armistices officiellement célébrés en France.
Le 11 novembre 1918 et le 8 mai 1945 mettaient fin aux deux Guerres mondiales au cours desquelles la France avait subi des souffrances considérables et vu son sol occupé pour un cinquième dans la première et en totalité dans la seconde. En aucune manière, ces deux guerres mondiales ne supportent la comparaison avec les événements d'AFN, ni par l'ampleur, ni par les pertes humaines, ni par les dommages de guerre.
D'ailleurs, lorsqu'un terme fut enfin apporté par un armistice (et pas seulement un cessez-le-feu), respecté de part et d'autre, aux épreuves de ces deux guerres mondiales, ce fut jour de liesse extraordinaire sur le front et dans nos villes et villages. Rien de tel, bien au contraire, sur le sol métropolitain et dans nos unités en Algérie. Quant à nos compatriotes de l'autre côté de la Méditerranée et les populations qui nous étaient restées fidèles, ce fut le début de leurs tourments.
La rébellion en Algérie, qui prit naissance le 1" novembre 1954 et qui s'est poursuivie jusqu'à l'indépendance algérienne, le 2 juillet 1962, soit pendant près de 8 ans, s'est toujours déroulée sur le sol français, les départements algériens faisant partie intégrante de la République française au même titre que la Corse, la Réunion et les Antilles - Guyane.
Il s'agissait donc, contrairement aux deux guerres mondiales où l'ennemi principal était allemand, d'une affaire franco-française.
Jusqu'à présent, la France s'est toujours abstenue de commémorer les drames nationaux de la honte.


On ne commémore pas l'armistice du 22 juin 1940.


La date du 5 décembre a une signification historique


Le 19 mars divise fortement le monde combattant.

Dans celui-ci, seule la FNACA réclame avec insistance la commémoration du cessez-le-feu en Algérie dont nul ne peut ignorer dans quelles conditions politiques il fut négocié à Evian et, pire encore, de quelle manière il fut immédiatement violé par le FLN et donna lieu à l'abandon à sa vengeance de populations qui avaient cru jusque là en la parole de la France.
Dès lors que toutes les autres associations étaient fermement opposées au 19 mars, il fallait bien trouver une autre date, aussi symbolique que possible, permettant de rendre un hommage solennel à toutes les victimes des événements d'AFN. La commission nationale Favier, réunissant à cet effet en 2003 toutes les associations représentatives de ces conflits, s'est prononcée à l'unanimité, à l'exception de la FNACA qui s'y est évidemment opposée et d'une autre association qui s'est abstenue, pour la date du 5 décembre. L'addition des adhérents représentés place ainsi la FNACA en très forte minorité.
Alors, pourquoi le 5 décembre ? La date ne pouvant être que postérieure au 19 mars, puisque la guerre d'Algérie s'est prolongée largement APRES dans les conditions dramatiques que l'on sait, deux choix étaient possibles : celui du 16 octobre (1977), date de l'inhumation du Soldat inconnu d'AFN à la nécropole nationale de Notre-Dame de Lorette et celui du 5 décembre (2003), date de l'inauguration du monument national érigé quai Branly à Paris à la mémoire de tous les soldats morts en AFN de 1952 à 1962. Dans un souci d'apaisement et de recherche d'unité, la commission Favier s'est prononcée pour cette dernière date.
Le Monument national du 5 Décembre conserve désormais les noms de tous les combattants morts pour la France en AFN. C'est le seul lieu où leur mémoire est ainsi totalement rassemblée. Depuis 2003, il prend donc désormais une signification historique.
Mais, au-delà des arguments énoncés par la FNACA pour justifier son choix de la commémoration du cessez-le-feu en Algérie, la question se pose de savoir pourquoi cette association s'accroche-t-elle avec autant d'acharnement à cette date et pourquoi est-elle aussi vivement soutenue par le Parti communiste français et un certain nombre de personnalités et prétendus historiens ou « spécialistes » de la guerre d'Algérie.


Le choix du 19 mars une signification politique


Pendant toute la campagne d'Algérie, le principal opposant à la politique française en Algérie fut le Parti communiste. A l'époque de la Guerre froide où ce parti appliquait avec conviction les consignes qu'il recevait de Moscou, il ne pouvait, à l'instar du Bloc de l'Est, que soutenir lui aussi la rébellion algérienne. C'est ce qu'il fit, et pas seulement par son opposition politique parlementaire et journalistique. Plusieurs affaires dévoilées à l'époque ont montré qu'il pouvait aussi avoir recours à des soutiens plus directs, concernant notamment la désertion de certains de ses membres (comme, par exemple, l'aspirant Maillot) vers les rangs du FLN, l'appui matériel et financier dont l'aboutissement, entre autre, a été l'acheminement d'armes de pays de l'Est vers les camps extérieurs du FLN qui ont ensuite été utilisées contre des soldats français, en particulier des appelés du contingent.
Or, les militants communistes ont toujours été très actifs au sein des instances nationales de la FNACA où ils ont occupé des postes clés et ce, depuis sa création en pleine guerre d'Algérie en septembre 1958 (elle portait alors le nom de FNAA, Fédération-' Nationale des Anciens d'Algérie, le « C » de Combattants ayant été rajouté à son 4" congrès en mars 1963).
Pour se convaincre de l'action convergente des dirigeants de la FNACA et du Parti communiste, il suffit de se reporter aux débats des 15 et 22 janvier 2002 à l'Assemblée nationale sur le projet de loi tendant à officialiser la date du 19 mars pour la commémoration des événements d'AFN. La lecture des explications de vote des députés communistes et l'étude des scrutins sont édifiantes. Parmi les votes positifs : aucune défection communiste (35 inscrits, 35 votants, 35 voix "pour"). Quant aux défections dans tous les autres groupes parlementaires de la majorité dite « plurielle » d'alors, qu'elles soient sous la forme d'abstentions ou sous celle de votes négatifs, elles sont importantes et à peu près également réparties. Aussi, est-il permis de s'interroger sur les véritables instigateurs de ce projet de loi, adopté à l'issue du débat du 22 janvier 2002, dont on observera cependant qu'il ne connut aucune suite sous le gouvernement Jospin de l'époque.
Il est significatif d'observer que les personnalités ou les organisations les plus engagées dans les campagnes antimilitaristes ou de dénigrement systématique de l'action de l'Armée française en Algérie sont aussi celles qui se déclarent les plus attachées à la commémoration du 19 mars. On y trouve, notamment, un certain nombre de noms que l'on a pris l'habitude de regrouper sous l'éloquent vocable de « porteurs de valise ».
Ainsi, tout naturellement, la date du 19 mars, commémorée en Algérie comme celle de la « victoire » du FLN sur l'Armée française (comme l'a illustré un timbre célèbre de la poste algérienne édité au 35e anniversaire du cessez-le-feu), marque-t-elle aussi la victoire idéologique des Communistes français et de leurs alliés à l'issue de cette guerre. On comprend assez bien qu'ils tiennent à la « célébrer ».
Source : FARAC (Fédération des Amicales Régimentaires et d’Anciens Combattants )

     
 
La date du 19 mars, commémorée en Algérie comme celle de la « victoire » du FLN sur l'Armée française (comme l'a illustré un timbre célèbre de la poste algérienne édité au 35e anniversaire du cessez-le-feu).