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– Revue de presse N° 05–06–07

– 5 et 6 janvier 2025 – { 2003–2025 } – 22ème année }

https://ouillade.eu/agenda/p–o–memorial–de–rivesaltes–les–harkis–sous–oqtf/309725

P–O/ Mémorial de Rivesaltes : “Les Harkis sous OQTF !”

par le Jan 5, 2025 • 17 h 53 min https://www.memorialcamprivesaltes.eu/la–programmation/10–ans–du–memorial–journee–de–lancement–tables–ouvertes–conference–musique–et

(Communiqué)

A l’occasion des dix ans d’existence du mémorial du camp de Rivesaltes, la composante Harkie qui a été par la durée et par le nombre la plus importante à avoir transité par le camp de Rivesaltes se retrouve aujourd’hui frappée par une mesure d’éloignement (OQTF) du mémorial.

En effet , la programmation de la journée du dixième anniversaire du mémorial prévue le 14 janvier prochain, ne fait état d’aucun intervenant issu de la communauté Harkie, ni même d’un sujet en hommage aux sacrifices consentis pour la France , de la part de ces valeureux soldats qui ont combattus pour la Patrie pendant la guerre d’Algérie et dont on connait le traitement indigne qu’ils ont eus à subir sur ce camp.

Il apparait comme une évidence, que l’on cherche délibérément à effacer de la mémoire nationale le drame Harkis, tout comme ont disparus les corps des sépultures du « cimetière » du camp de Rivesaltes.

Devant tant d’injustice, nous appelons l’état et les responsables du mémorial de Rivesaltes, à faire respecter les Harkis, citoyens français par le sang versé”.

Djelloul Mimouni
Président de l’association « Harkis, Citoyens, Français »

https://www.memorialcamprivesaltes.eu/la–programmation/10–ans–du–memorial–journee–de–lancement–tables–ouvertes–conference–musique–et

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10 ans du Mémorial : journée de lancement (tables ouvertes, conférence, musique et danse)

Vous le savez, 2025 marquera les 10 ans d'existence du Mémorial du camp de Rivesaltes. Tout au long de l'année, de nombreux événements en relation avec cet anniversaire viendront marquer notre programmation.

Ce cycle d'événements débute le 14 janvier prochain, date de l'ouverture du camp d'internement en 1941, avec une journée sur le thème "De la mobilisation citoyenne à l’institutionnalisation" dont vous trouverez le programme détaillé ci–dessous.

Cette journée commencera à 15h par une "table ouverte"  faisant intervenir différentes personnalités ayant accompagné le projet du Mémorial depuis sa préfiguration jusqu'à aujourd'hui.

Elle se poursuivra à 17h30 par une conférence de Sarah Gensburger sur les relations entre la mémoire et l'action publique.

Et elle se clôturera à 18h30 par une cérémonie de vœux à l'occasion de laquelle nous rendrons hommage à Joël Mettay, figure emblématique du combat pour la mémoire du site, avec des mots, des images, de la danse et de la musique autour du trio de jazz "Steeve Laffont / Thomas Kretzmar / Dominique Di Piazza" et de l'ensemble de danse SYB (Synopsis Youth Ballet) de l'école Synopsis de Perpignan.

photo ©Hugues Argence

https://fr.le360.ma/monde/algerie–les–origines–du–systeme–racontees–par–mohammed–harbi_4SPWHU4UWVASFI7FH7JPA3YIDA/

Algérie: les origines du «Système» racontées par Mohammed Harbi

Karim Serraj.

ChroniqueDans ses «Mémoires filmées» (2021), Mohammed Harbi —ancien membre du GPRA et négociateur des accords d’Évian, puis prisonnier politique de Boumediene— livre un témoignage de première main sur le coup d’État de l’été 1962 et sur cette période charnière qui a posé les bases du «Système» ayant précipité la domination militaire sur le pouvoir civil, une démocrature qui dure toujours en Algérie.

Par Karim Serraj

Le 05/01/2025 à 11h58

Le coup d’État de Houari Boumediene en 1962 a marqué l’instauration de ce que les Algériens désignent encore aujourd’hui sous le nom de «Système»: une structure militaro–politique à la fois opaque et autoritaire, où l’armée s’arroge un contrôle absolu sur les rouages de l’État et les ressources économiques du pays.

Dans ses «Mémoires filmées» (1), Mohammed Harbi —ancien membre du Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA) et négociateur des accords d’Évian, emprisonné par Boumediene de 1965 à 1971 avant de s’évader et de trouver refuge en France— revient sur les moments clés de cette prise de pouvoir. Celle–ci débute lorsque Boumediene engage un conflit ouvert, dès 1956, avec la classe politique civile et légitime du gouvernement provisoire algérien (GPRA): «L’une des principales revendications de l’état–major, à savoir de Boumediene, était adressée au GPRA: c’était de mettre les wilayas sous la dépendance de l’état–major.»

Ces six wilayas, placées sous l’autorité directe du GPRA, constituaient des zones administratives autonomes du FLN. Chacune d’elles disposait d’une armée secrète et menait la véritable guerre sur le territoire algérien. Ce sont elles qui, en formant l’Armée de libération nationale (ALN), ont arraché l’indépendance après un combat acharné de 1954 à 1962. Boumediene, cependant, voulait les remplacer par l’armée des frontières qu’il dirigeait et dont les officiers n’avaient jamais porté les armes contre la France: «Le GPRA ne pouvait pas accepter cette proposition. S’il l’acceptait, il perdait la base de son pouvoir.»

Le mot d’ordre du GPRA pour l’après–Indépendance: primauté du politique sur le militaire

Menacé, le GPRA va dès août 1956 organiser une offensive pour couper l’herbe sous le pied de l’armée conduite par Boumediene. Nous sommes six ans avant l’indépendance de l’Algérie: «Les groupes du GPRA et du FLN partisans de Krim Belkacem, mais dirigés en réalité par Abane Ramdane, ont pris le dessus» en Algérie, et ont «organisé le Congrès de la Soummam pour faire adopter deux principes dans son programme: 1) la primauté de l’intérieur sur l’extérieur; 2) la primauté du politique sur le militaire.»

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Combo de portraits des membres de la délégation du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) aux pourparlers d'Evian. De G à D en haut: Ahmed Francis, ministre des Finances et des Affaires économiques du GPRA, Krim Belkacem, vice–président et ministre des Affaires étrangères du GPRA, en bas: Taïeb Boulharouf, délégué du FLN à Rome, Ahmed Boumendjel, conseiller politique du GPRA. Les négociations pour mettre fin à la guerre en Algérie entre le gouvernement français et le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), ouvertes le 20 mai 1961 à Evian, aboutissent aux accords d'Evian le 18 mars 1962. (Photo AFP)

La primauté du politique sur le militaire, doublée d’une préférence pour l’armée nationale intérieure, «donnait une légitimité au bloc d’élite qu’avait créé Abane autour du noyau intérieur des forces militaires». Il reléguait de fait le chef d’état–major Houari Boumediene, et l’armée des frontières, aux oubliettes de l’Histoire et à un rôle ultérieur secondaire en Algérie.

Cette orientation démocratique, qui a opté pour un gouvernement civil, de tendance socialiste, à la libération du colonialisme, va prévaloir officiellement jusqu’à l’indépendance de 1962, mais elle masque les rivalités écloses au grand jour entre le «camp» des officiers des frontières de Boumediene qui privilégie un régime militaire et celui des politiciens du GPRA qui veut placer l’armée sous la tutelle du politique. Avec la bénédiction du gouvernement provisoire, les armées issues des wilayas vont revendiquer leur rôle central dans la lutte armée et chercher une légitimité accrue.

Vers l’Indépendance: «Vive le GPRA! Vive Ferhat Abbes!» clamaient les rues algériennes

Mohammed Habli décrit une Algérie qui a résolument pris position en 1960 pour le GPRA et son président Ferhat Abbes: «En décembre 1960, les gens sont sortis par milliers dans les rues pour crier: vive le GPRA, vive Ferhat Abbes. Ce fut un moment déterminant pour l’évolution de la question algérienne». Jusque–là, dit l’ancien cadre du gouvernement provisoire, «l’Algérie se dirigeait vers un état de droit» et une indépendance «sans crise de relève politique».

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Benyoucef Benkhedda (à gauche), président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), et le vice–président du GPRA, Krim Belkacem (à droite), arrivent en jeep à Alger, saluant la foule en liesse, le 4 juillet 1962. (Photo AFP)

Le GPRA dès l’année suivante sera approché par De Gaulle pour préparer des négociations secrètes qui aboutiront aux accords d’Évian. Ces accords prévoyaient un référendum sur l’indépendance de l’Algérie qui fut organisé le 1er juillet 1962, menant à l’indépendance qui fut proclamée le 5 juillet. Tout ce temps, Boumediene a été maintenu hors des tractations avec la France et il mijote sa revanche, qui sera cruelle, et s’abattra sur tous les Algériens accusés de soutenir le mauvais camp.

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Mohammed Harbi (C), Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA), le 9 août 1962 à Alger, avec le consul soviétique Kaverine (G) lors du déchargement des 6.500 tonnes de blé arrivées la veille à bord du cargo Uglourask. (Photo AFP)

À l’indépendance, le pouvoir civil temporaire du GPRA rentre triomphalement à Alger, le 6 juillet, qui provenant de France, qui de Tunisie, qui du Maroc: «On est rentrés juste après le référendum, tout le gouvernement et les cabinets sont rentrés dans des avions», mais l’inquiétude était palpable, précise l’ancien cadre et négociateur d’Évian: «Le souci du GPRA était d’organiser les choses en amont, avant la catastrophe (coup d’État, NDLR)». Le président du GPRA, Benyoucef Benkhedda, qui a remplacé en 1961 Ferhat Abbes, craint la réaction de Boumediene, dont le bruit court qu’il souhaite effectuer un «redressement de la Révolution»: «D’autant plus qu’il y avait une rumeur qui circulait, les gars du FLN sont venus dire à Azzedine (chef de la wilaya 4 englobant Alger) que la casbah était minée, qu’on allait la faire sauter. C’était une guerre psychologique, et Azzedine a fini par céder. Il y avait un tas de choses qui n’étaient pas claires.»

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Des troupes de l'Armée nationale populaire algérienne (ANP), commandées par le colonel algérien Houari Boumediene arrivent à Alger, le 09 septembre 1962. Après deux mois de luttes de pouvoir et de combats sanglants qui ont suivi la proclamation de l'indépendance, Ben Bella et les partisans du Bureau politique du FLN, appuyés par l'armée des frontières commandée par le colonel Boumediene, réalisent un coup d'État. (Photo de Fernand Parizot/AFP)

Des youyous à Alger tandis que Boumediene lance son coup d’État depuis les frontières

Les idéaux de liberté et de justice, portés par des figures civiles, furent rapidement étouffés par les ambitions militaires. À Alger, on danse, on fait la fête, on se congratule pendant trois jours. Benyoucef Benkhedda, le président légitime de l’Algérie, visite les quartiers et se joint avec bonheur à la foule. Puis au quatrième jour, il décrète la fin des réjouissances et la reprise du travail. «Il faut que le pays continue de tourner», dit–il dans les haut–parleurs. Tous les Algériens l’ont écouté. Tous, femmes et hommes, se sont remis à l’ouvrage. Mais c’était sans compter sur Boumediene qui va prendre par la force, ce qu’il a été incapable de conquérir par la voie démocratique en Algérie. L’été 1962, marqué par l’euphorie de l’indépendance, fut également le théâtre d’une tragédie silencieuse qui allait sceller le destin de l’Algérie naissante.

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Des troupes de l'Armée nationale populaire algérienne (ANP), commandées par le colonel algérien Houari Boumediene arrivent à Alger, le 09 septembre 1962. Après deux mois de luttes de pouvoir et de combats sanglants qui ont suivi la proclamation de l'indépendance, Ben Bella et les partisans du Bureau politique du FLN, appuyés par l'armée des frontières commandée par le colonel Boumediene, réalisent un coup d'État. (Photo de Fernand Parizot/AFP)

Alors que le peuple célébrait la fin d’un siècle de colonisation, les ombres des armées des frontières, commandées par Boumediene, s’étendaient sur les territoires libérés. Parties des bases arrière établies au Maroc et en Tunisie, «ces forces, lourdement armées et disciplinées, n’avaient jamais combattu directement sur le sol algérien durant la guerre d’indépendance», dit ce témoin direct des événements. Leur entrée fut «brutale». Sous couvert de restaurer l’ordre, elles avancèrent sur les grandes villes du pays —Constantine, Oran et Alger— comme une marée implacable. Les colonnes de blindés et de camions transportant des hommes en uniformes kaki déferlèrent sur ces bastions urbains encore marqués par les stigmates de la guerre contre la France. Mais ce n’était pas la paix qu’elles apportaient: c’était la peur et la domination.

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Les combattants de l'Armée de libération nationale algérienne (ALN) fidèles à l'Armée des frontières de Houari Boumediene (casquettes) et ceux de la Wilaya 4 (bérets), fidèles au Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) se saluent le 30 août 1962 dans la casbah d'Alger, au lendemain d'une fusillade les opposant, après l'Indépendance de l'Algérie. Après deux mois de luttes de pouvoir et de combats sanglants, les partisans du Bureau politique du FLN, appuyés par l'armée des frontières commandée par le colonel Boumediene, affirment leur supériorité et un cessez–le–feu fragile est conclu, qui fait d'Alger une ville démilitarisée sous la responsabilité du Bureau politique du FLN

(FERNAND PARIZOT/AFP)

À Alger, «la Casbah, cœur palpitant de la résistance, fut encerclée». Les troupes de Boumediene s’emparèrent des «ministères et des bâtiments officiels sous la menace des armes». Les mitrailleuses montées sur les jeeps patrouillaient dans les rues étroites, imposant un climat de terreur.

Dans cette Algérie post–Indépendance, les armées des frontières ne venaient pas en libératrices. Elles venaient en conquérantes. Leur violence ne se limitait pas aux balles et aux baïonnettes; elle s’exerçait aussi à travers la propagande, les menaces voilées et la mise au pas des opposants. Houari Boumediene, en maître d’œuvre, imposa un régime de fer qui transforma l’idéal révolutionnaire en une dictature militaire. Ce fut là l’acte fondateur du «Système» où les armes priment sur les urnes. Une démocrature bâtarde. Les fusils de Boumediene n’ont pas seulement pris les villes; ils ont pris en otage l’espoir d’un peuple.

La dissolution du GPRA par Boumediene

Pour Boumediene, nouvel homme fort de l’Algérie, qui prend le pouvoir grâce à un coup d’État opéré dans le tumulte de l’indépendance, il s’agissait «d’abord d’une répression brutale, et ensuite la décapitation du principal mouvement révolutionnaire».

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Le colonel Houari Boumediene qui poursuit sa marche vers Alger à la tête de l'Armée de libération nationale (ALN), traverse la ville de Blida, le 09 septembre 1962, entouré des colonels Ahmed Bencherif (à sa droite) et Mohamed Chaâbani (à gauche de Boumediene, commandant de la 4e région militaire). Après deux mois de luttes de pouvoir et de combats sanglants qui ont suivi la proclamation de l'indépendance, Ben Bella et les partisans du Bureau politique du FLN, appuyés par l'armée des frontières commandée par le colonel Boumediene, réalisent un coup d'État et prennent le pouvoir en Algérie. (Photo Fernand Parizot/AFP)

Le président historique du GPRA, Benyoucef Benkhedda, est sommé de céder la présidence à Ahmed ben Bella soutenu par l’armée des frontières. Il se retire du pouvoir au profit de ce dernier pour éviter «un bain de sang fratricide», dira Benkhedda. Le 22 juillet, soit 17 jours après la proclamation de l’indépendance, Ben Bella installe un bureau politique provisoire, qu’il dirige, et se déclare en charge des affaires étatiques.

Ce bureau politique est dirigé en réalité par Boumediene: «Ce bureau politique d’Ahmed ben Bella a été créé par un coup de force, il était appuyé par l’état–major. Les militaires de l’état–major ont décrété qu’ils avaient le pouvoir, mais ils ne savaient pas, en vérité, le pouvoir était ailleurs, entre les mains de Houari Boumediene». Dès lors, le bureau politique va «éliminer tous ceux qui n’avaient pas pris position pour lui, comme moi personnellement», explique Mohammed Harbi dans ses mémoires, et «beaucoup de gens ont été éliminés définitivement, des ministres du GPRA, le président Benkhedda».

Boumediene, bien qu’acclamé pour sa rhétorique révolutionnaire, fut l’architecte tragique d’un État répressif. Sous son règne, les libertés civiles furent sacrifiées.

Les origines du «Système»

Le «Système», né des ambitions militaires de Boumediene, a depuis lors maintenu l’Algérie dans une impasse. L’armée, omniprésente, contrôle non seulement la politique, mais également l’économie et les institutions. Les révoltes populaires, comme celles du Hirak en 2019, rappellent l’aspiration persistante des Algériens à une véritable démocratie. Pourtant, chaque tentative de réforme se heurte à la même réalité: une caste militaire profondément enracinée, prête à tout pour préserver ses privilèges.

L’Algérie d’aujourd’hui est donc l’héritière de cette guerre larvée entre pouvoirs civil et militaire. Les rêves d’un pays démocratique promis lors de l’indépendance, semblent toujours hors d’atteinte. Tant que le «Système» ne tombe pas, tenant en otage les libertés civiles et les aspirations démocratiques, la guerre entre ces deux visions de l’Algérie restera une plaie ouverte, empêchant le pays de se relever.

Notes:

1– «Mohammed Harbi, Mémoires filmées», 23 émissions, réalisation Bernard Richard et Robi Morder, date d’édition: 2021.

Par Karim Serraj

Le 05/01/2025 à 11h58

https://www.lorientlejour.com/article/1442202/paris–a–des–doutes–sur–les–intentions–de–lalgerie–envers–la–france.html

Paris a des "doutes" sur les intentions de l'Algérie envers la France

AFP / le 05 janvier 2025 à 15h52

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François Zimeray, avocat de l'écrivain franco–algérien Boualem Sansal, tient une conférence de presse avec le président des Editions Gallimard Antoine Gallimard (D) aux Editions Gallimard à Paris le 11 décembre 2024, pour partager toutes les informations et analyses de la situation concernant l'emprisonnement de Boualem Sansal en Algérie. Photo AFP/GEOFFROY VAN DER HASSELT

Le chef de la diplomatie française Jean–Noël Barrot a émis dimanche des « doutes » sur la volonté d'Alger de respecter la feuille de route des relations bilatérales franco–algériennes, répétant aussi ses préoccupations concernant le cas de l'écrivain Boualem Sansal.

« Nous avons en 2022 (...) rédigé une feuille de route (...), nous tenons à ce (qu'elle) puisse être suivie », a déclaré le ministre des Affaires étrangères lors d'un entretien sur la radio privée RTL. « Mais nous observons des postures, des décisions de la part des autorités algériennes qui nous permettent de douter de l'intention des Algériens de se tenir à cette feuille de route. Parce que pour tenir la feuille de route, il faut être deux », a–t–il ajouté.

M. Barrot s'est déclaré « comme le président de la République, très préoccupé par le fait que la demande de libération adressée par Boualem Sansal et ses avocats a été rejetée ».

Critique du pouvoir algérien, Boualem Sansal, 75 ans, né d'un père d'origine marocaine et d'une mère algérienne, est incarcéré depuis la mi–novembre pour atteinte à la sûreté de l'Etat et se trouve dans une unité de soins depuis la mi–décembre. « Je suis préoccupé par son état de santé et (...) la France est très attachée à la liberté d'expression, la liberté d'opinion et considère que les raisons qui ont pu conduire les autorités algériennes à l'incarcérer ne sont pas valables », a relevé Jean–Noël Barrot.

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait évoqué pour la première fois dimanche dernier l'arrestation de l'écrivain à la mi–novembre à Alger, le qualifiant d' »imposteur » envoyé par la France.

L'auteur de « 2084: la fin du monde », naturalisé français en 2024, est poursuivi en vertu de l'article 87 bis du code pénal, qui sanctionne « comme acte terroriste ou subversif, tout acte visant la sûreté de l'Etat, l'intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions ». « Nous souhaitons entretenir les meilleures relations avec l'Algérie (...) mais ce n'est pas le cas aujourd'hui », a regretté le ministre français.

Alger a retiré son ambassadeur à Paris fin juillet quand le président français Emmanuel Macron a apporté un soutien appuyé aux propositions marocaines concernant le Sahara occidental, avant de se rendre à Rabat fin octobre.

https://www.lopinion.fr/politique/boualem–sansal–prisonnier–du–silence–50–jours–doubli–entre–paris–et–alger

Publié le 5 janvier 2025 à 11:54 – Maj 5 janvier 2025 à 12:25

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Boualem Sansal : prisonnier du silence, 50 jours d'oubli entre Paris et Alger – l'Opinion

Antoine Oberdorff

Son arrestation à l’aéroport d’Alger, le 16 novembre, avait suscité la réprobation immédiate du quai d’Orsay, puis de l’Elysée qui avait exprimé sa vive inquiétude pour « la liberté d’un grand écrivain ». Parmi les camarades de plume de Boualem Sansal, beaucoup s'étaient élevés contre l’arbitraire d’un régime algérien dont le président, Abdelmadjib Tebboune, justifie la détention d’opposants par une supposée « atteinte à la sûreté de l’Etat ».

Pourtant, il s’en est trouvé quelques–uns, en France, pour refuser à Boualem Sansal le statut de martyr au motif que ses écrits alimenteraient une rhétorique d’extrême droite sur l’islamisation. « Ce n’est pas un ange », avait cru bon de rappeler l’écologiste Sandrine Rousseau, voyant dans les mises en garde de l'écrivain sur la montée du fondamentalisme religieux une « forme de suprémacisme ».

« Nos intellectuels en chambre parisiens ne se rendent pas compte de ce qu’est la vie quotidienne d’un écrivain francophone en Algérie », soupire Xavier Driencourt, ex–ambassadeur de France à Alger. En agitant ainsi l'épouvantail Sansal pour flatter les élans nationalistes, le pouvoir algérien chercherait, selon lui, aussi à s’adresser à sa diaspora de l’autre côté de la Méditerranée. Une manière de sauvegarder la « rente mémorielle » que dénonçait Emmanuel Macron en 2021. « A force d’inoculer matin, midi et soir l’idée que les Français sont des salopards, d’éternels colonisateurs et des islamophobes finis, cela finit par entrer dans les esprits », note Xavier Driencourt.

« Imposteur ». Parce qu’il déchaîne les passions franco–algériennes liées à 132 ans de colonisation, faudrait–il donc lâcher l’auteur du Serment des barbares ? Le condamner à l’oubli, et donc à la mort, pour ne pas heurter des mémoires elles–mêmes meurtries ? Les membres du comité de soutien à Boualem Sansal, eux, se moquent bien de savoir si c’est Voltaire qu’on assassine et au nom de quelle idéologie. Ils exigent sa libération de l’hôpital Mustapha où il est incarcéré dans une unité de soins. L’état de l’homme de 75 ans, atteint d’un cancer, l’impose.

Bruno Retailleau est l’un des seuls qui envisage de durcir le ton vis–à–vis de l’Algérie pour obtenir une libération rapide

Tout juste nommé ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau s’était ému du sort de « son ami », invitant à la plus grande discrétion. Or, cette diplomatie de basse intensité qui consistait à « ne pas mettre d’huile sur le feu » avec Alger n’a permis, à ce jour, aucune avancée concrète : François Zimeray, l’avocat mandaté pour assurer la défense de Boualem Sansal, n’a toujours pas de visa et les demandes de protection consulaire faites par le quai d’Orsay sont restées sans réponse. Comme si la ligne Paris–Alger était définitivement rompue.

Dimanche dernier, l’allocution du président Tebboune a douché les espoirs des proches de Boualem Sansal. D’une rare violence, on y retrouve le concentré de nationalisme qui se déploie quotidiennement dans la presse d’Etat : d’une part, la dette coloniale des Français qui devraient « admettre qu’ils ont tué et massacré les Algériens », mais aussi un réquisitoire contre le virage pro–marocain d’Emmanuel Macron sur le Sahara occidental. Quant à Boualem Sansal, il serait un « imposteur » envoyé par l’Elysée. « Nous payons aujourd’hui, avec Boualem Sansal, sept ans de recul et de lâcheté, selon le diplomate Xavier Driencourt. On a courbé l’échine vis–à–vis d’Alger, fait de nombreux gestes mémoriels — mais pas seulement —, donc ils se disent qu’ils peuvent tirer un peu plus sur la corde ».

Enchères. Au fond, que cherche le président Tebboune, si ce n’est faire monter les enchères vis–à–vis de la France ? Mais, là encore, quelle en serait le prix ? Deux consulats supplémentaires ont été ouverts par Gérald Darmanin lorsqu’il était encore ministre de l’Intérieur. Que faut–il de plus ? Retirer le prix Goncourt à Kamel Daoud, l’autre bête noire du régime algérien ?

A la tête du comité de soutien, le politologue Arnaud Benedetti a bien conscience que « le risque, c’est que l’indifférence s’installe ». Bruno Retailleau est, selon lui, « l’un des seuls qui envisage de durcir le ton vis–à–vis de l’Algérie pour obtenir une libération rapide ».

De leur côté, les activistes mobilisés pour obtenir la libération de Boualem Sansal transfèrent leur combat au niveau européen afin de sortir du face–à–face mémoriel franco–algérien. Ils ont écrit à Ursula von der Leyen pour que l’accord d’association entre l’Union européenne (UE) et l’Algérie, qui doit être révisé en 2025, soit conditionné au respect des droits fondamentaux. Et donc, au respect des droits de la défense dans le dossier Boualem Sansal.

https://actu.fr/normandie/alencon_61001/a–travers–lhommage–a–alfred–locussol–a–alencon–un–appel–a–lutter–contre–lextreme–droite_62075972.html

A travers l'hommage à Alfred Locussol à Alençon, un appel à lutter contre l'extrême droite

L'hommage à Alfred Locuss

Par Karina Pujeolle Publié le 5 janv. 2025 à 9h39ol, victime de l'OAS, a été le cadre d'une succession de discours, samedi 4 janvier à Alençon, invitant à la lutte contre "l'idéologie de l'extrême droite"

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Chaque année depuis 2012, un hommage est rendu à Alfred Locussol début janvier, à Alençon, là où il a été assassiné par l’OAS. ©L’Orne hebdo

Par Karina Pujeolle Publié le 5 janv. 2025 à 9h39

Première victime de l’Organisation de l’armée secrète (OAS) en France, Alfred Locussol, militant communiste engagé pour l’indépendance de l’Algérie, a été tué à Alençon (Orne) le 3 janvier 1962. Employé dans la fonction publique, il occupait alors le poste de directeur de l’Enregistrement. Son assassinat, à son domicile de l’avenue Wilson, a été commandité depuis l’Algérie.

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L’hommage à Alfred Locussol a rassemblé une trentaine de personnes, samedi 4 janvier, sur le parvis des Résistantes à Alençon. ©L’Orne hebdo

« Dire non au fascisme, non au colonialisme »

« Les assassins condamnés pour ce meurtre ont été rapidement amnistiés et ce crime a, pour des années, fait l’objet d’un quasi–oubli. Heureusement la mémoire vigilante de quelques–uns a permis de sortir de cet oubli. Depuis plus de 10 ans, nous nous retrouvons ici, en ce début janvier, pour dire non au fascisme, non au colonialisme, non à la barbarie et pour rendre justice à la mémoire d’un homme engagé pour cette cause », a déclaré Simone Boisseau au nom de la Ligue des Droits de l’Homme à l’heure de l’hommage à Alfred Locussol, samedi 4 janvier 2025, devant la stèle érigée à sa mémoire sur le parvis des Résistantes dans le prolongement de l’avenue Wilson où il a été tué 63 ans plus tôt.

« Rendre hommage à Alfred Locussol en ce début 2025, c’est honorer sa mémoire mais aussi continuer un combat qui fut le sien et qui s’avère vital aujourd’hui, avec la montée des forces qui avaient armé et payé ses assassins en 1962. On a même entendu Bruno Retailleau, maintenant ministre, évoquer » les belles heures de la colonisation « ! N’oublions pas que l’OAS en était un fleuron comme le racisme et les haines, qui continuent », a prévenu Pierre Frénée, militant communiste.

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L’hommage à Alfred Locussol a rassemblé une trentaine de personnes, samedi 4 janvier, sur le parvis des Résistantes à Alençon. ©L’Orne hebdo

« C’était une conscience »

« Locussol faisait partie de ceux qui avaient lutté avant les autres pour la justice, la liberté, la paix, l’amitié entre les peuples. Tout ce que nous avons découvert sur son passé, depuis ses engagements de 1936 avec Albert Camus à Alger, jusqu’à ce fatal 2 janvier 1962 soit trois jours avant les accords d’Evian qui ont mis fin à la guerre d’Algérie, n’a fait que souligner sa valeur humaine : c’était une conscience », a poursuivi l’ancien élu municipal du haut de ses 91 ans tout en association Jean–François Gavoury à l’hommage.

Vidéos : en ce moment sur Actu

« Son père avait été assassiné par l’OAS à Alger quelques mois avant Locussol et nous avait apporté une aide précieuse jusqu’en 2023 ». Mais aussi « le souvenir des six membres des centres sociaux assassinés à Château Royal, trois jours avant les accords d’Evian, celui d’Alban Liechti, soldat du refus en 1956 contre la guerre d’Algérie, décédé en mars dernier et dont Alain Ruscio a écrit » qu’il était entré dans l’Histoire par la grande porte «. On peut en dire autant de Locussol mais il l’a payé de sa vie ».

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Jean–Philippe Aoudia, le président de l’association des Amis de Max Marchand et Mouloud Feraoun, a assisté à cet hommage Alençon. ©L’Orne hebdo

« L’oubli est un outil politique »

Jean–Philippe Aoudia, le président de l’Association des amis de Max marchand et Mouloud Feraoun, a assisté à cet hommage et a regretté qu’à ce jour, il n’y ait « eu qu’une seule intervention officielle sur 26 en faveur des victimes de l’OAS » par le Président de la République : « l’hommage rendu le 19 mars 2022 aux six dirigeants des centres sociaux éducatifs massacrés le 15 mars 1962 à Alger. La reconnaissance de la Nation à l’égard des victimes de l’OAS s’est arrêtée là. A ce jour, toutes les autres victimes de l’OAS, au nombre de 2545, (moins les six) sont « oubliées ». Cet « oubli » constitue une atteinte à la dignité des victimes, certaines ayant été le dernier rempart de la République face aux terroristes ».

Or, selon Jean–Philippe Aoudia, « l’oubli est un outil politique, il est l’opposé de la commémoration. Il vise à maintenir dans les ténèbres ce qui pourrait nuire à vos desseins personnels ». Et de conclure son propos en citant un écrit d’Emmanuel Macron selon qui « les victimes attachent un prix immense à ce que l’oubli n’efface pas le souvenir des tragédies qu’elles ont vécues […] Il faut s’opposer […] à la force mortifère de l’oubli […]»

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L’hommage à Alfred Locussol a rassemblé une trentaine de personnes, samedi 4 janvier, sur le parvis des Résistantes à Alençon. ©L’Orne hebdo

«Honorer les fondements de la démocratie »

Également présent à cet hommage, Joaquim Pueyo, le maire socialiste d’Alençon a insisté sur « le rôle fondamental » du devoir de mémoire « pour notre conscience collective et citoyenne ». « C’est notre rôle de mener ces actions du souvenir afin d’honorer les fondements de notre démocratie. C’est pourquoi nous avons érigé cette stèle en 2012 ».

Le maire a appelé à se réunir « autour des valeurs de la République, de la démocratie, de la fraternité, de la liberté, de la solidarité et de la paix. Nous devons lutter ensemble pour que, partout dans le monde, le dialogue soit le chemin emprunté, même s’il est plus difficile plus ardu que celui de la violence ».

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L’hommage à Alfred Locussol a rassemblé une trentaine de personnes, samedi 4 janvier, sur le parvis des Résistantes à Alençon. ©L’Orne hebdo

« Créer des relais d’opinion »

Chantal Jourdan, députée socialiste de l’Orne, a exprimé sa gratitude à l’endroit des bénévoles de ces associations « qui œuvrent pour ne pas oublier ces crimes et nous sensibiliser aux menaces qui pèsent dans le monde entier ».

La parlementaire a pointé du doigt « la résurgence des partis populistes, des partis d’extrême droite, et des autoritarismes » avant d’inviter à « ne rien lâcher ! » mais aussi « à dénoncer ce qu’est l’idéologie de l’extrême droite ».

La députée a confié « travailler dans un groupe, en ce moment à l’Assemblée nationale, sur la montée du vote d’extrême droite dans le milieu rural » et d’en conclure à « renforcer nos efforts en créant désormais des relais d’opinions à toutes les échelles. C’est ce que firent particulièrement les communistes en étant au plus près des forces populaires. Il nous faut y revenir. Nous connaissons notre boussole : les valeurs de la République, il nous faut l’incarner, il y a urgence ! »

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François Tollot et Pierre Frénée, deux anciens élus d’Alençon, œuvrent à la mémoire des victimes de l’OAS. ©L’Orne hebdo

« Éclairer le présent »

François Tollot a conclu cet hommage en soulignant que « la force de l’Histoire, c’est d’éclairer le présent » non sans mentionner que « l’arc politique qui a soutenu la colonisation de l’Algérie est le même que celui qui soutient la colonisation de la Palestine » avant d’inviter l’assemblée à une conférence sur ce sujet à Alençon le 21 janvier.

https://lesalonbeige.fr/un–3e–algerien–interpelle–a–montpellier/

Un 3e Algérien interpellé à Montpellier

Michel Janva

5 janvier 2025

“Doualemn” comptabilise plus de 138 000 abonnés sur TikTok. Dans une vidéo, il a appelé au meurtre des manifestants mobilisés le 1er janvier contre le régime algérien.

Les agents dormants de l’Algérie se réveillent. Ils forment l’armée de l’ombre de l’Algérie, une sorte de 5e colonne. Pour l’instant ils se contentent de menaces. Mais ils passeront à l’action si l’Algérie le demande. En accueillant des millions d’Algériens sur son sol, la France a perdu sa souveraineté diplomatique, car l’Algérie peut la déstabiliser à tout moment par des manifestations, des émeutes ou pire.

https://video.lefigaro.fr/figaro/video/relations–france–algerie–pour–tenir–la–feuille–de–route–il–faut–etre–deux–lance–le–ministre–des–affaires–etrangeres/

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Relations France–Algérie : «Pour tenir la feuille de route, il faut être deux», lance le ministre des Affaires étrangères

Le chef de la diplomatie française Jean–Noël Barrot a émis dimanche 5 janvier des «doutes» sur la volonté d'Alger de respecter la feuille de route des relations bilatérales franco–algériennes sur le plateau du Grand Jury RTL–Le Figaro–Public Sénat–M6. Il a répété ses préoccupations concernant le cas de l'écrivain Boualem Sansal.

Mis à jour le 5 janvier 2025, publié le 5 janvier 2025

https://chantiersdeculture.com/2025/01/05/albert–camus–morale–et–justice/

Albert Camus, morale et justice

5 janvier 2025

Le 4 janvier 1960, Albert Camus se tue en voiture. En cette année 2025 de tous les dangers, une œuvre à redécouvrir : le plus jeune Nobel français conjugua en permanence la révolte et le doute. Le regard d’Agnès Spiquel, universitaire et présidente de la Société des études camusiennes.

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Albert Camus, « l’homme révolté » et le penseur du doute, n’a jamais cessé d’alimenter débats et vaines polémiques ! Or, « Camus est une figure irrécupérable », affirme d’emblée Agnès Spiquel, l’une des exégètes du Prix Nobel de littérature en 1957 et présidente de la Société des études camusiennes, « son nom et son œuvre s’inscrivent dans la durée, contrairement à ceux qui tentent de se les approprier ». La formule « La parole et l’acte », dont usait avec justesse l’éminente et regrettée historienne Madeleine Rebérioux pour définir Jean Jaurès, le tribun du socialisme et fondateur de L’Humanité, s’accorde pleinement à « La pensée et l’action » de Camus, l’ancien journaliste d’Alger Républicain et de Combat, l’auteur de L’étranger et de L’homme révolté. Morale politique et justice sociale : tels furent les maîtres – mots jamais démentis du natif d’Algérie.

Enfant de la laïque

Camus ? Un enfant du peuple et de l’école républicaine, orphelin d’un père mort aux premières fureurs de la guerre de 14 et bambin aimant d’une femme de ménage, pauvre à défaut d’être miséreux… Face à la précocité de son élève, Louis Germain son instituteur n’hésitera pas à prendre en main le destin scolaire du petit Albert, lui donnant des cours particuliers le soir et le préparant à l’examen des bourses. Une affection envers son maître auquel Camus dédiera son discours de réception au Nobel… « Très tôt, Camus affiche son désir d’écriture », souligne d’ailleurs Agnès Spiquel, « dès l’âge de 17 ans, puisque « la littérature peut tout dire » écrit–il, il affirme qu’il veut devenir écrivain. Aussi, très vite il se mêle de tout ce qui bouillonne à Alger ». Le football bien sûr, sa grande passion, mais aussi le théâtre pour lequel il écrit et met en scène, la philosophie dont il prépare l’agrégation… Las, atteint de la tuberculose, il se voit sanctionné de la double peine : interdiction d’enseignement et de présentation aux concours universitaires !

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La déception évidemment, mais pas le découragement pour le jeune homme qui se lance déjà dans une intense activité sociale et culturelle. Mais aussi politique avec son adhésion en 1935 au PCA, le parti communiste algérien, qu’il quitte deux ans plus tard plus tard, ensuite journalistique avec son entrée en 1938 à la rédaction d’Alger Républicain où il publiera ses grands reportages «  Misère de la Kabylie », … « Des articles et des engagements qu’il payera cher », commente la professeur émérite à l’université de Valenciennes, « tant son vain soutien au projet de réforme Blum – Viollette sur le droit de vote des musulmans algériens que la censure qui frappe Soir Républicain : sans travail et sans argent, ayant commencé la rédaction de « L’étranger », il quitte Alger en 1940 pour gagner Paris occupé ».

Journaliste, écrivain

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Il rejoint alors les réseaux de la Résistance, puis le journal Combat clandestin avant d’en assumer la rédaction en chef et les éditoriaux à la Libération… En 1947, il quitte le journal alors qu’il a déjà publié L’étranger, Le mythe de Sisyphe et Caligula. Paraît bientôt La peste, son nouveau roman salué par Sartre. D’aucuns auraient pu déjà percevoir, dans son écriture, la haute conscience morale dont Camus charge l’engagement politique. Dès 1945, dans un concert de louanges international auquel se joint Mauriac, au lendemain de l’horreur atomique qui signe la capitulation du Japon, Albert Camus seul dénonce ouvertement dans Combat la barbarie humaine scientifiquement industrialisée : jamais la fin, même la signature d’un accord de paix, ne justifie les moyens !

Et l’auteur des Justes signe son arrêt de mort au peloton d’exécution de l’intelligentsia française, composé de Sartre et des membres de la revue des Temps Modernes, avec la publication en 1951 de L’Homme révolté. Une rupture philosophique, politique et humaine avec le chantre de l’existentialisme, une rupture surtout avec tous ceux qui justifient dans la marche de l’histoire les crimes commis en son nom. « Chez Camus, les idées sont enracinées dans la réalité concrète, les concepts naissent d’abord de l’expérience, tant politique que philosophique », commente Agnès Spiquel, « Camus est avant tout un homme de convictions, pas de certitudes ».

Ainsi s’expliquent son attitude et ses prises de position multiples au sujet de l’Algérie, le berceau de son cœur et le soleil de son enfance, la grande tragédie qui le réduira à terme au silence parce que jamais l’acte de terrorisme, quel qu’il soit et d’où qu’il vienne, ne trouvera grâce à ses yeux !

De l’absurde au doute

image44« L’étranger » d’Albert Camus, illustré par José Munoz

Camus s’empare très tôt de la « question algérienne », il suffit de relire ses étonnantes et passionnantes Chroniques algériennes d’une lucidité à toute épreuve. Sur l’incurie et l’aveuglement du pouvoir colonial, sur la misère et la révolte qui gronde de l’autre côté de la Méditerranée…

Jusqu’au bout, il plaidera la cause d’un chemin étroit à emprunter, « entre les deux abîmes de la démission et de l’injustice », pour essuyer au final les reproches et invectives tant à propos de ses paroles que de ses silences. « Pour Camus, oser proposer une troisième voie ne signifie aucunement qu’il se contente de la voie du juste milieu », précise Agnès Spiquel, « c’est encore une fois le moraliste qui pense et s’oppose de la même manière tant au fascisme qu’au stalinisme. La règle de conduite qu’il s’impose n’est jamais celle du repos. Chez Camus, il y a une justesse du mot qu’il faut entendre et reconnaître ».

D’autant que, si Camus a connu et connaît la dureté et l’absurdité de la vie pour en parler aussi bien dans son théâtre que dans ses romans, il en expérimente aussi, à cause de la maladie et de la mort qui rôde,  l’éventuelle brièveté et fragilité… D’où le doute, voire le désespoir, qui s’empare alors de ce croqueur impénitent de la vie devant l’incapacité qui le ronge progressivement à se faire comprendre, à parler et à écrire. Camus préfèrera toujours la terre et sa mère aux joutes intellectuelles, c’est un homme de corps et de cœur qui pense l’abstrait au pluriel dans la palette du concret. Une preuve ? « Les plus grands bonheurs de Camus : vivre la fraternité d’un collectif », constate l’universitaire, « la solidarité de l’équipe de football, la ferveur d’une compagnie de théâtre, la chaleur des ouvriers du Livre à l’heure du bouclage ».

Albert Camus ? Une œuvre et une pensée qui ravissent les jeunes générations, bien au–delà des frontières hexagonales. Propos recueillis par Yonnel Liégeois

Camus, citoyen du monde

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« Dans l’idée que le monde est une cité, l’album Albert Camus citoyen du monde veut montrer l’être–au–monde de Camus dans son rapport à la nature, à ses ami(e)s, à l’actualité, aux autres penseurs, à son siècle, à la tragédie humaine, au bonheur », commente Agnès Spiquel.

Pourquoi Camus parle autant aux hommes du XXIe siècle ? « Pour des raisons multiples », souligne l’universitaire. « C’était un esprit libre : il refusait les embrigadements, les étiquettes toutes faites, les solutions tranchées de manière simpliste au nom d’idéologies préexistantes. Il avait le sens de la nuance, une conscience aiguë de la tension – difficile mais féconde – entre des pôles opposés. Il défend  les principes éthiques, entre autres en politique : pour lui, la fin ne justifie jamais les moyens. Il ne se paie pas de mots, ne prostitue pas le langage mais recherche autant la justesse que la justice. Il est lucide sur le tragique de la condition humaine mais défend le droit au bonheur. Enfin, il écrit admirablement bien ! ». Y.L.

« Albert Camus, citoyen du monde », un magnifique album. Riche de nombreux documents, photographies et textes inédits (Gallimard, 208 p., 29€)

D’Hugo à Camus…

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Agnès Spiquel l’avoue, « je suis devenue une familière de Camus ». Plus fort encore pour la présidente de la Société des études camusiennes, « je me rappelle, jeune enseignante en littérature française, ma première inspection se déroula lors d’un cours sur Camus ». Et pourtant, le premier amour littéraire d’Agnès Spiquel ne se nomme pas Albert, mais Victor ! « J’ai fait ma thèse sur  l’œuvre de Victor Hugo. Au final, je trouve nombre de similitudes entre ces deux grands noms de la littérature, l’un et l’autre témoins et acteurs de l’Histoire : Hugo à l’heure du coup d’état de 1851, Camus dans la tourmente de ce qui deviendra la guerre d’Algérie ».

Que lire d’emblée pour entrer de plain–pied dans l’œuvre et la pensée de Camus ? Le Premier Homme, conseille sans hésiter Agnès Spiquel, « toute la vie et les convictions de Camus se retrouvent d’une page à l’autre ». Et de poursuivre la lecture, selon l’universitaire, avec les Chroniques algériennes et Camus à Combat. Journaliste, essayiste, romancier et dramaturge, le Nobel 1957 se révèle et s’impose vraiment comme une grande plume ! Y.L.

À lire : les quatre volumes des Œuvres complètes publiées dans la Pléiade chez Gallimard, sous la direction de Jacqueline Lévi–Valensi. Tous les titres sont disponibles aussi chez le même éditeur en Folio dont La mort heureuse présenté par Agnès Spiquel. Cahier Camus, dirigé par Raymond Gay–Crosier et Agnès Spiquel (Ed. de L’Herne, 376 pages, 39€). Œuvres d’Albert Camus, dans la collection Quarto Gallimard avec une préface de Raphaël Enthoven (1536 p., 29€). Le monde en partage, itinéraires d’Albert Camus, de Catherine Camus (Gallimard, 240 p., 35€)

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À découvrir : Dictionnaire Albert Camus, sous la direction de Jeanyves Guérin (Robert Laffont, collection Bouquins, 975 p., 30€). Dictionnaire amoureux d’Albert Camus, par Mohammed Aïssaoui avec la complicité de Catherine Camus (Plon, 528 p., 28€). Albert Camus/Maria Casarès, correspondance, présentation de Béatrice Vaillant et avant–propos de Catherine Camus (Folio, 1472 p., 15€90).

À écouter : La peste, lue par Christian Gonon, de la Comédie Française (CD Gallimard, 26€40, deux CD MP3 à 18€99).

À savourer : La postérité du soleil. Sous le regard de René Char, les textes de Camus et les photos d’Henriette Grindat (Gallimard, 80 p., 28€)). L’étranger, illustré par José Munoz (Futuropolis–Gallimard, 144 p., 24€). Avec Le premier homme (272 p., 30€), les deux volumes en coffret (416 p., 54€).

Hors sujet

https://charliehebdo.fr/2025/01/societe/increvable–et–universel/

6 janvier 2025 11h46

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Dix ans après, Charlie Hebdo est toujours là. Les causes du drame aussi. Ainsi que la détermination des membres du journal. La situation géopolitique a évolué, s’est même aggravée. Des régimes autoritaires comme la Russie ou la Chine ne cachent plus leurs ambitions de combattre les valeurs démocratiques avec le même fanatisme que des organisations terroristes islamistes comme Daech ou al–Qaida. La démocratie est une idée qui semble de plus en plus contestée par des forces hostiles de plus en plus actives.

Qu’est–ce qu’un hebdomadaire pouvait espérer faire, à son modeste niveau, pour combattre ces forces hostiles ? D’abord survivre. Au lendemain de l’attentat, nous nous sommes retrouvés au pied du mur : du statut de commentateur de l’actualité, Charlie Hebdo est brutalement passé à celui d’acteur politique. Si Charlie s’effondrait et disparaissait, les terroristes gagnaient. Si Charlie réussissait à se relever, les terroristes échouaient. Continuer le journal, c’était prouver que les idées pour lesquelles nous nous battions depuis des années, au moyen de textes et de dessins, n’avaient pas été que du bavardage, mais l’expression de nos convictions profondes. L’attentat fut un moment de vérité qui allait mettre à l’épreuve la solidité de nos idées, et ce malgré les souffrances et la difficulté de devoir reconstruire une rédaction toujours ciblée par des menaces et dénigrée par les critiques. Parce qu’une idée, c’est du réel, du vécu, pas seulement des belles paroles qu’on déclame ou qu’on gribouille dans un édito.

Ce qui nous a réconfortés durant ces dix années, ce sont les gens que nous croisions, en France ou à l’étranger, qui nous disaient : « Heureusement que vous êtes là. » On leur répondait : « Heureusement que vous êtes là, vous aussi. » En dix ans, Charlie Hebdo est devenu bien plus qu’un journal. Il suffit de lire ce que déclare cet Irakien, interrogé par Inna dans ce numéro : « Le courage affiché par Charlie Hebdo nous rappelle à tous ici le rôle essentiel de la laïcité, telle qu’incarnée par l’exemple français. » Ou ce Turc : « La résilience de Charlie Hebdo alimente notre lutte, en Turquie, où la censure d’Internet et la répression médiatique persistent. » Le combat que Charlie mène depuis 1970, depuis 1992 et depuis 2015, c’est celui de ceux qui, pour être libres, se battent contre toutes les formes d’asservissement, politique, religieux ou économique.

Universel et intemporel

Vaste programme, ironiseront certains. Mais à quoi bon faire un journal pour un autre objectif que celui–là ? C’est ce qu’avaient toujours désiré ceux qui l’ont fondé et l’ont fait vivre pendant des années, parmi lesquels plusieurs l’ont payé de leur vie. Aujourd’hui, les valeurs de Charlie Hebdo, comme l’humour, la satire, la liberté d’expression, l’écologie, la laïcité, le féminisme pour ne citer que celles–ci, n’ont jamais été autant remises en cause. Peut–être parce que c’est la démocratie elle–même qui se trouve menacée par des forces obscurantistes renouvelées. La satire possède une vertu qui nous a aidés à traverser ces années tragiques : l’optimisme. Si on a envie de rire, c’est qu’on a envie de vivre. Le rire, l’ironie, la caricature sont des manifestations d’optimisme. Quoi qu’il arrive, de dramatique ou d’heureux, l’envie de rire ne disparaîtra jamais.

À la fin de l’année qui vient de s’achever, Charlie Hebdo a réalisé, en collaboration avec la Région Grand–Est, un numéro entièrement écrit et dessiné par des lycéens. À la question « c’est quoi, l’esprit Charlie ? », nous pourrions répondre ceci : ça commence au collège ou au lycée, quand on a envie de caricaturer ses profs et d’exprimer des choses qui nous révoltent. L’esprit Charlie, ça débute à l’âge où on prend conscience qu’on fait partie du monde et qu’on a envie de le faire savoir, par des dessins provocateurs ou des textes enflammés. Ce désir est de tous les âges, de toutes les époques, de tous les continents, de toutes les cultures. Il est présent partout sur cette planète, en Iran, en Turquie, au Nigeria, aux États–Unis, au Mexique, comme dans votre lycée ou votre collège. Le concours de caricatures de Dieu auquel ont participé des dessinateurs de 28 nationalités différentes en est un bel exemple. Universel et intemporel, comme l’est le plaisir de rire et de réfléchir, c’est ça, Charlie, et rien de plus.

Riss Directeur de la rédaction

https://lematindalgerie.com/emmanuel–macron–lalgerie–se–deshonore–en–emprisonnant–boualem–sansal/

Emmanuel Macron : «L’Algérie se déshonore» en emprisonnant Boualem Sansal

La Rédaction

6 janvier 2025

Le président français Emmanuel Macron a estimé lundi 6 janvier que l’Algérie se «déshonore» en ne libérant pas l’écrivain Boualem Sansal, arrêté le 16 novembre à son arrivée Alger.

 «L’Algérie que nous aimons tant et avec laquelle nous partageons tant d’enfants et tant d’histoires entre dans une histoire qui la déshonore, à empêcher un homme gravement malade de se soigner. Ce n’est pas à la hauteur de ce qu’elle est», a–t–il dit devant les ambassadeurs français réunis à l’Élysée. «Et nous qui aimons le peuple algérien et son histoire, je demande instamment à son gouvernement de libérer Boualem Sansal», a–t–il ajouté.

La déclaration du président français est lourde. Elle est, semble–t–il, celle d’un homme qui perd sa patience surtout suite à la dernière déclaration au vitriol de Tebboune sur non seulement Boualem Sansal mais aussi la France. Le chef de l’Etat algérien a renvoyé le pays de Macron à son passé colonial comme pour l’intimider.

Critique du pouvoir algérien, Boualem Sansal, 75 ans, est incarcéré depuis le 16 novembre pour atteinte à la sûreté de l’État et se trouve dans une unité de soins depuis la mi–décembre. Eu égard à son état de santé, il est en detention dandine unite médicale de l’hôpital Mustapha Bacha. Abdelmadjid Tebboune a évoqué pour la première fois son arrestation le 29 décembre, le qualifiant d’«imposteur» envoyé par la France. Pire, Tebboune a soutenu que l’écrivain ne connaît pas son père.

L’auteur de 2084 : la fin du monde, naturalisé français en 2024, est poursuivi en vertu de l’article 87 bis du code pénal algérien, qui sanctionne «comme acte terroriste ou subversif, tout acte visant la sûreté de l’État, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions».

Son arrestation s’ajoute aux plus de 215 prisonniers d’opinion qui croupissent dans les prisons algériennes. Le placement en détention de Boualem Sansal arrive au moment de la nouvelle crise entre Paris et Alger, initiée en juillet par la décision d’Emmanuel Macron de reconnaître le Sahara occidental comme s’inscrivant dans le cadre de la souveraineté marocaine.

L’ex–colonie espagnole du Sahara occidental, considérée comme un «territoire non autonome» par l’ONU, oppose depuis un demi–siècle le Maroc aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par Alger.

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Suite aux dernières déclarations d’Abdelmadjid Tebboune concernant la France, Jean–Noël Barrot, le ministre français des Affaires étrangères, a répondu dimanche : « Les déclarations du président algérien lui appartiennent. La France est attachée  à sa relation avec l’Algérie à laquelle nous sommes unis par des liens humains denses et des intérêts partagés. La déclaration d’Alger d’août 2022 reste le cadre de notre relation. Elle est la feuille de route dont nous étions convenus avec les autorités algériennes. ».

Néanmoins il souligne : « Mais nous observons des postures, des décisions de la part des autorités algériennes qui nous permettent de douter de l’intention des Algériens de se tenir à cette feuille de route. Parce que pour tenir la feuille de route, il faut être deux ».

 Concernant l’écrivain Boualem Sansal, il ajoute : « Les services de l’Etat restent  pleinement mobilisés pour suivre la situation de notre compatriote et lui permettre de bénéficier de la protection consulaire au titre de sa nationalité française. »

La rédaction/AFP

https://lejournaldugers.fr/article/81200–en–memoire–des–harkis–des–voeux–et–une–infolettre

En mémoire des Harkis, des vœux et une infolettre

Le lundi 06 janvier 2025 à 19h39

                En ce début d’année, l’association mirandaise Harkis Occitanie Mémoires (H.O.M.) poursuit les démarches de communication sur ses actions mémorielles liées au camp des anciens Harkis accueillis à Mirande de 1962 à 1975. Et en premier lieu, elle présente aux lecteurs ses vœux pour une année 2025 douce et sereine, à partager avec leurs proches et leurs familles. Avec ses adhérent.e.s, elle sait pouvoir compter sur toujours autant d'enthousiasme et d'envie de travailler ensemble autour de la mémoire de ces anciens supplétifs de l’Armée française, qui ont vécu de bien difficiles années à Mirande et Berdoues.

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                Ce début de semestre, l’association publie sa 4ème Infolettre, élaborée par ses bénévoles, avec la volonté de mieux faire connaître ses activités. La structure de ce document de 4 pages ne change pas, et les lecteurs y retrouveront les rubriques habituelles : l’éditorial de la présidente (Fatma Adda), les actions de fin 2024 (les journées mémorielles et les cérémonies d’hommages, l’inauguration de la nouvelle exposition, un témoignage, le partenariat avec l’O.N.F., l’histoire de la forêt d’Armagnac, l’actualité nationale, les prochaines expositions, …). Un riche contenu pour cette originale publication associative.

Assemblée Générale le 8 février

                Dans les temps forts à venir, on notera la tenue de l’assemblée générale annuelle, le samedi 8 février, en matinée à Mirande, l’occasion de revenir sur l’année dernière (bilans d’activités et financier) et de débattre des projets 2025, notamment dans la perspective de la publication d’un livre en cours de rédaction. Renouvellement du conseil d’administration, appel à cotisations et questions diverses en compléteront l’ordre du jour.

* Contacts association H.O.M. :

                – courriel :   harkisoccitaniememoires32@gmail.com

https://ouillade.eu/agenda/perpignan–harkis/309783

Perpignan/ Commission extra–municipale de la Ville : “Reconnaissance des Harkis et le devoir mémoriel qui leur est dû”

par adminLuc le Jan 6, 2025 • 19 h 08 min

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Vendredi 3 janvier, la commission extra–municipale de la Ville de Perpignan s’est réunie, créée par le maire Louis Aliot, concernant la reconnaissance des Harkis et le devoir mémoriel qui leur est dû, à juste titre, en raison de leur engagement pour la France

 

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“C’est toujours un plaisir de rencontrer les représentants des associations harkis, qui œuvrent à cette reconnaissance, aussi bien au niveau financier que mémoriel”, a souligné la député de la IVe circonscription et élue de Perpignan, Michèle Martinez. “En tant que membre titulaire de la Commission nationale indépendante de justice et de réparation des préjudices subis par les Harkis, au sein de l’Assemblée nationale, je m’attacherai à mettre en exergue cette reconnaissance, et de promouvoir l’histoire des Harkis et leur combat pour la France. Je remercie à ce titre Monsieur le Directeur général des Services de la Ville de Perpignan, Philippe Mocellin, pour l’organisation de cette rencontre, Kathy Chevalier, directrice générale adjointe de la Ville de Perpignan, ainsi que MM Asni et Mimouni, représentants des associations harkis, pour les échanges et le travail effectué pour mener à bien cette reconnaissance”.

https://www.actionfrancaise.net/2025/01/06/la–droite–et–la–colonisation–la–restauration/

La droite et la colonisation : la Restauration

– Action française

Sylvain

6 janvier 2025

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À la suite de deux rubriques sur le monde berbère, le professeur Gourinard nous entraîne dans l’histoire des « royalistes et la colonisation ». Après avoir déminé deux erreurs, il nous présente la situation à la Restauration.

par Pierre Gourinard

Par les traités de 1814 et de 1815, la France recouvre la plus grande partie de ses possessions coloniales hormis l’Île de France dans l’Océan Indien, Tabago et Sainte–Lucie dans les Antilles, tandis que le projet de rétablissement de la souveraineté, dans la partie occidentale de Saint–Domingue demeure en suspens, en raison de l’opposition de l’Angleterre et des États–Unis.

Quant à l’article 8 du Traité de Paris de 1814, il ne règle pas pour autant la question d’un retour total à la souveraineté française. Pour les établissements du Sénégal, par exemple, la remise en possession est différée jusqu’en 1817. Pourtant, par le traité du 20 novembre 1815, qui complète celui du 30 mai 1814, la Grande–Bretagne prend des engagements.

« Restituer les Colonies, pêcheries, comptoirs et établissements de tous genres, que la France possédait au 1erjanvier 1792, dans les mers et sur les continents de l’Amérique, de l’Afrique et de l’Asie. »

Ce n’est qu’en 1818, et au prix de grandes difficultés, que la Restauration parvient à recouvrer ce que lui reconnaissaient les Traités de Paris de 1814 et 1815.

Devant de telles difficultés, les ministres de la Marine chargés de l’administration des Colonies, se consacrent à une œuvre de réorganisation autant que de restauration de la souveraineté française. Les difficultés sont sérieuses à Madagascar où l’Angleterre refuse de restituer les possessions françaises de Tamatave, Fort–Dauphin, Sainte–Luce et Sainte–Marie, considérées comme des dépendances de l’Île de France devenue Île Maurice, et restées sous la souveraineté britannique. Le Gouverneur de l’Île Bourbon, Bouvet de Lozier tient tête aux Anglais et impose la souveraineté française en 1818. Mais il est rappelé par le Ministère Decazesl’année suivante.

La reconstitution de l’Empire colonial est donc bien fragmentaire. Il faut attendre l’expédition d’Alger en 1830, pour voir s’ouvrir une nouvelle ère dans l’histoire de la colonisation française. Mais la Révolution de Juillet conduit les royalistes, maintenant légitimistes, à s’interroger sur l’attitude à adopter.

Comment voient–ils cette expansion outre–Mer, alors que la France semble embarrassée de sa conquête ? Pour eux, cette expansion constitue un moyen de ramener la France dans le concert des grandes nations et, donc, d’effacer toute séquelle fâcheuse des traités de 1815.

https://www.bvoltaire.fr/influenceurs–algeriens–la–haine–de–la–france–en–roue–libre–sur–tiktok/

Influenceurs algériens : la haine de la France en roue libre sur TikTok

– Boulevard Voltaire

Clémence de Longraye

06 janvier 2025

« On est les soldats de l’extérieur, on est les soldats dormants. » Ce 6 janvier, la préfète de la région Auvergne–Rhône–Alpes et du Rhône annonce avoir signalé aux autorités de nouveaux « influenceurs qui appellent à la haine et à la violence dans des vidéos publiées sur TikTok ». Trois influenceurs, résidant présumément dans la région lyonnaise, sont visés par cette démarche. Il s’agit de Sofia Benlemmane, suivie par plusieurs centaines de milliers d’abonnés, soupçonnée d’avoir proféré des insultes au cours d’un « live » en septembre ; d’Abdesslam, dit Bazooka, qui a, quant à lui, menacé d’égorger les opposants au régime algérien ; et enfin de Laksas06, qui a repris une bande–son dans l’une de ses vidéos dans laquelle il se présente comme un « soldat de l’extérieur » prêt au sacrifice pour l’Algérie.

Cette dernière vidéo a été visionnée plus d’un million de fois en trois semaines. Bien que signalés par la préfecture et sur la plate–forme Pharos, ces comptes et leur contenu étaient encore accessibles, ce 6 janvier. Cette démarche de signalement d’influenceurs algériens s’inscrit dans un mouvement national. Ces 3 et 5 janvier, trois autres influenceurs algériens, qui lançaient des appels à la violence en France, ont ainsi été signalés, interpellés et placés en garde à vue. Bruno Retailleau annonce ne « rien [vouloir] laisser passer ».

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« Ils ne s'intégreront jamais »

L’un d'eux, connu sous le pseudonyme « ImadTintin », qui appelait notamment à « brûler vif, tuer et violer sur le sol français », dans une vidéo exhumée par le lanceur d’alerte Chawki Benzehra, a été interpellé ce 3 janvier et présenté à un juge deux jours plus tard. Il comparaissait, ce lundi, pour « provocation directe à un acte de terrorisme ». Visé par une OQTF, il sera face au juge, mais son procès a été reporté au 5 mars. Comme lui, Youcef A., dit « Zazou Youcef », lançait des appels au meurtre sur TikTok. Dans l’une de ses vidéos, cet influenceur aux plus de 400.000 abonnés déclarait : « On va vous faire comme dans les années 1990. On va tirer sur vous […] Vous voulez sortir le 1er janvier ? Tirez sur eux [en parlant des opposants au régime algérien]. » Interpellé à Brest le 3 janvier, il a été placé en détention provisoire et sera jugé pour apologie du terrorisme, le 24 février prochain. Également visé par une OQTF, il encourt une peine de sept ans de prison et 100.000 euros d’amende. Reste Doualemn, interpellé ce 5 janvier en fin de journée pour avoir lancé des appels à la violence à l’encontre d’un opposant au régime algérien. Pour l’essayiste Driss Ghali, interrogé par BV, ces influenceurs algériens n’ont en réalité « jamais quitté leur pays d'origine, mentalement. Leurs cœurs et leurs esprits sont restés au sud de la Méditerranée, et ils y accèdent 24h/24 via WhatsApp et les réseaux sociaux. » Pour l'auteur de De la diversité au séparatisme, « ils ne s'intégreront jamais ».

Ces influenceurs sont loin d’être isolés. Ces derniers jours, à la suite de leurs interpellations respectives, ils ont bénéficié sur les réseaux sociaux d’une importante vague de soutien, signe que leur propos d’une rare violence rencontrent un certain écho, notamment en France. Un mot–dièse #Youcefestpasunterroriste a, ainsi, été créé en soutien à Zazou Youcef. Une page de supporters de football algérien lui a apporté publiquement son appui. Des comptes, plus ou moins suivis, arborent également le visage de l’influenceur sur leur profil. À cela s’ajoutent les nombreuses menaces envoyées à Chawki Benzehra, réfugié algérien en France et lanceur d’alerte dans cette affaire. Sur X, l’homme confie ainsi être victime d’un « torrent de menaces de mort ». Selon Driss Ghali, ces influenceurs et leurs abonnés ont été biberonnés par un discours victimaire. « C'est un syndrome de persécution injecté aux stéroïdes, car il trouve dans les réseaux sociaux des milliers de clients avides », explique–t–il.

Des « doutes » sur la relation avec Alger

L’affaire des influenceurs algériens s’inscrit dans un contexte plus large de tensions franco–algériennes. Ce 5 janvier, devant le Grand Jury de RTL, Jean–Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, a en effet émis des... « doutes » quant à la volonté d’Alger de respecter les différents accords. « Nous observons des postures, des décisions de la part des autorités algériennes qui nous permettent de douter de l'intention des Algériens de se tenir à cette feuille de route », a–t–il déclaré. Depuis le virage diplomatique de la France et la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, l’Algérie durcit le ton. Refus de délivrer des laissez–passer consulaires pour permettre l’expulsion de ses ressortissants, arrestation de Boualem Sansal, discours accusateur contre la France, rappel de l’ambassadeur : autant d’exemples qui illustrent ce refroidissement diplomatique.

Dans ce contexte, Driss Ghali appelle d’abord à punir les auteurs de ces délits afin de « faire comprendre à l’Algérie que la France n’est pas un pays conquis » et de mettre un terme au laxisme. Ensuite, sur le terrain diplomatique, il ajoute qu'il est nécessaire de montrer à Alger, via une médiation, que Paris « ne veut plus d’une relation spéciale » mais d’une « relation normale basée sur le respect mutuel ». Enfin, l’essayiste appelle à un sursaut et à une guerre de la communication : « Il faut placer dix influenceurs pro–France face à chaque influenceur algérien ou anti–français. »

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/01/06/paris–a–des–doutes–sur–les–intentions–de–l–algerie–envers–la–france_6484014_3212.html

L’Algérie se « déshonore » en ne libérant pas l’écrivain Boualem Sansal, estime Emmanuel Macron

Publié le 06 janvier 2025 à 10h48, modifié le 06 janvier 2025 à 15h42

Devant les ambassadeurs français réunis à l’Elysée, le chef de l’Etat a estimé que M. Sansal, incarcéré depuis la mi–novembre pour atteinte à la sûreté de l’Etat et actuellement dans une unité de soins, est « détenu de manière totalement arbitraire par les responsables algériens ».

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Le président Emmanuel Macron a estimé, lundi 6 janvier, que l’Algérie se « déshonore » en ne libérant pas l’écrivain franco–algérien Boualem Sansal, arrêté à la mi–novembre à Alger. « L’Algérie que nous aimons tant et avec laquelle nous partageons tant d’enfants et tant d’histoires entre dans une histoire qui la déshonore, à empêcher un homme gravement malade de se soigner. Ce n’est pas à la hauteur de ce qu’elle est », a–t–il asséné devant les ambassadeurs français réunis à l’Elysée.

« Et nous qui aimons le peuple algérien et son histoire, [nous] demand[ons] instamment à son gouvernement de libérer Boualem Sansal », a–t–il ajouté. Ce « combattant de la liberté » est « détenu de manière totalement arbitraire par les responsables algériens », a–t–il martelé.

Critique du pouvoir algérien, Boualem Sansal, 80 ans, est incarcéré depuis la mi–novembre pour atteinte à la sûreté de l’Etat et se trouve dans une unité de soins depuis la mi–décembre. Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a évoqué pour la première fois son arrestation le 29 décembre, le qualifiant d’« imposteur » envoyé par la France.

L’auteur de 2084 : la fin du monde, naturalisé français en 2024, est poursuivi en vertu de l’article 87 bis du code pénal algérien, qui sanctionne « comme acte terroriste ou subversif, tout acte visant la sûreté de l’Etat, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions ».

Dimanche, le chef de la diplomatie française, Jean–Noël Barrot, s’est déclaré « très préoccupé par le fait que la demande de libération adressée par Boualem Sansal et ses avocats a été rejetée », lors d’un entretien pour RTL, M6, Le Figaro et Public Sénat. « Je suis préoccupé par son état de santé et (…) la France est très attachée à la liberté d’expression, la liberté d’opinion et considère que les raisons qui ont pu conduire les autorités algériennes à l’incarcérer ne sont pas valables », a relevé M. Barrot.

Des « doutes » sur l’intention d’Alger

L’arrestation de M. Sansal s’ajoute à la nouvelle crise entre Paris et Alger, initiée en juillet par la décision d’Emmanuel Macron de reconnaître le Sahara occidental comme s’inscrivant dans le cadre de la souveraineté marocaine. L’ex–colonie espagnole du Sahara occidental, considérée comme un « territoire non autonome » par l’ONU, oppose depuis un demi–siècle le Maroc aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par Alger.

Jean–Noël Barrot a émis dimanche des « doutes » sur la volonté d’Alger de respecter la feuille de route des relations bilatérales franco–algériennes. En août 2022, Emmanuel Macron, en visite dans la capitale algérienne, avait signé une déclaration commune avec Abdelmadjid Tebboune, en acceptant d’assouplir la position française sur les visas dans le cadre d’une immigration choisie, tandis que l’Algérie s’engageait à lutter davantage contre l’immigration clandestine.

« Nous tenons à ce que [la feuille de route] puisse être suivie, a–t–il déclaré. Mais nous observons des postures, des décisions de la part des autorités algériennes qui nous permettent de douter de l’intention des Algériens de se tenir à cette feuille de route. Parce que pour tenir la feuille de route, il faut être deux. » « Nous souhaitons entretenir les meilleures relations avec l’Algérie (…) mais ce n’est pas le cas aujourd’hui », a regretté le ministre français.

https://www.lepoint.fr/societe/le–regime–algerien–tente–de–provoquer–des–troubles–en–france–06–01–2025–2579297_23.php#11

« Le régime algérien tente de provoquer des troubles en France »

Erwan Seznec

Publié le 06/01/2025 à 13h17

Ils se surnomment ZazouYoucef, ImadTintin, ou Doualemn. Algériens installés en France, ils ont appelé ces derniers jours à violer et tuer ceux qui oseraient manifester contre le pouvoir en place à Alger, à leur « arracher les ongles » avec des pinces, et à les enterrer « avec les Juifs ». Diffusés principalement sur TikTok et le plus souvent en arabe algérien, les messages ont soulevé beaucoup plus d'approbations que de critiques en ligne dans la communauté algérienne de France.

Chawki Benzehra fait partie des rares voix qui ont dénoncé ces appels à la violence. Traducteur indépendant, il est arrivé en France en 2012, pour ses études. Ferme soutien du mouvement algérien pour les droits civils Hirak (2019–2021), il est devenu indésirable dans son pays. La France lui a accordé le droit d'asile comme réfugié politique en décembre 2023.

Par rapport à l'immense majorité des journalistes et des commentateurs, Chawki Benzehra a un avantage considérable. Il comprend parfaitement ce qui se dit en arabe, y compris en argot, sur les réseaux sociaux. Il décrit une situation critique.

Le Point : l'influenceur ZazouYoucef, que vous avez dénoncé, a été arrêté à Brest (Finistère) et sera jugé en février. Imad Tintin, qui avait volé à son secours, passe ce lundi 6 janvier en comparution immédiate pour « provocation à un acte de terrorisme ». Qui sont–ils ?

Chawki Benzehra : ZazouYoucef, de Brest, a un profil de racaille, rien de plus. Cela s'entend immédiatement dans sa manière de parler quand on est Algérien. Il n'est pas crédible. D'ailleurs, il est peu suivi et encore moins respecté en Algérie. Côté français, en revanche, le soutien dont il bénéficie est terrifiant. Je ne pense pas qu'il soit manipulé directement par le pouvoir algérien. Le profil d'ImadTintin, qui vit à Échirolles (Isère), est plus préoccupant. C'est un ancien militaire des forces algériennes, comme son frère, également virulent sur les réseaux sociaux.

Les deux pourraient être toujours en contact avec des services algériens ?

C'est possible.

Vous dites que ZazouYoucef n'est pas directement manipulé, mais vous évoquez néanmoins une campagne d'appels à la haine orchestrée par Alger.

Oui, il n'y a aucun doute à ce sujet. Il suffit de lire les dépêches en français de l'agence Algérie presse service (APS) pour le comprendre. Elle parle désormais de la « France macronito–sioniste » ! La reconnaissance par Paris des revendications marocaines sur le Sahara occidental a été le déclencheur. Alger veut provoquer des troubles en France. On est à un niveau d'hostilité jamais vu.

Et le problème est que le pouvoir algérien a beaucoup de relais dans ce pays. Ils sont connus. La Grande Mosquée de Paris, proche d'Alger, reçoit régulièrement des influenceurs. Mehdi Ghezzar, ce chroniqueur que RMC a écarté cet été suite à des propos injurieux sur le Maroc, se présente lui–même comme un relais du pouvoir, à l'œuvre pour créer « un lobby algérien à l'étranger » ! Je suis certain également que Sofia Benlemmane a été recrutée par les services algériens.

Qui est–ce ?

Officiellement, juste une grande fan de l'équipe de foot nationale. Elle a été expulsée de Côte d'Ivoire pendant la Coupe d'Afrique des nations pour des propos insultants sur le pays organisateur. Récemment, elle s'en est prise à moi de manière très virulente sur les réseaux sociaux.

Et elle est suivie, en France ?

À un point que vous ne pouvez pas imaginer. On croit connaître l'Algérie en France, mais on en connait seulement une image. Derrière la barrière de la langue, il y a un autre monde, où les discours de haine et de violence, complotistes et antisémites, se diffusent de manière très inquiétante. C'est vrai dans la communauté arabe algérienne, beaucoup moins chez les Kabyles. Même des clandestins s'expriment aujourd'hui sans peur sur TikTok pour les propager ! Parce que je les dénonce, je me fais traiter de sioniste et de harki, je suis menacé de mort. Ma photo circule, avec des appels à me tuer.

Êtes–vous sous protection ?

Pas pour le moment, mais le risque est palpable.

Les services de renseignement pourraient utilement mener un travail global sur ces influenceurs. Dans l'immédiat, il faut interpeller davantage, comme cela a été fait pour ZazouYoucef, ImadTintin ou Doulaemn, à Montpellier (Hérault).

https://www.geo.fr/animaux/pourquoi–le–chardonneret–cet–oiseau–emblematique–en–algerie–risque–t–il–de–disparaitre–224004

Pourquoi le chardonneret, cet oiseau emblématique en Algérie, risque–t–il de disparaître?

GEO avec AFP

Originaire d'Europe occidentale et d'Afrique du Nord, le chardonneret est un petit oiseau au plumage distinctif, caractérisé par une tête aux couleurs blanche, rouge et noire et des ailes ornées de bandes jaunes.

Mais avec son chant harmonieux, la fascination qu'il exerce l'a exposé à être de plus en plus chassé et mis en captivité.

"Dès que ces oiseaux sauvages sont mis en cage, ils souffrent fréquemment de graves problèmes de santé, tels que des inflammations intestinales, en raison des changements brusques de leur régime alimentaire et de leur environnement", explique Zinelabidine Chibout, bénévole à l'Association pour la protection des oiseaux chanteurs sauvages à Sétif, ville située à quelque 300 kilomètres à l'est d'Alger.

Encourager l'élevage de chardonnerets

Des lois adoptées en 2012 ont classé cet oiseau, également connu localement sous le nom de "maknin", parmi les espèces protégées, interdisant la capture des oiseaux à l'état sauvage et sa vente.

Les 10 oiseaux qui ont changé le monde

Cependant, la protection reste insuffisante, et l'oiseau, auquel l'Algérie consacre même une journée spéciale chaque année le 1er mars, risquerait de disparaître à l'état sauvage en Algérie et en Afrique du Nord.

Selon une étude menée en 2021 par l'Université de Guelma, dans le nord–est du pays au moins six millions de chardonnerets sont retenus en captivité dans des cages par des amateurs et des commerçants.

Des chercheurs de l'université visitant des marchés ont documenté la vente de centaines de chardonnerets en une seule journée. Sur un marché à Annaba, dans le nord–est de l'Algérie, ils ont compté environ 300 oiseaux proposés à la vente.

Basée à Sétif, l'association de M. Chibout s'emploie également à inverser cette tendance en achetant des chardonnerets blessés ou négligés, qu'elle soigne avant de les relâcher dans la nature. "Nous les soignons dans de grandes cages, et une fois qu'ils se rétablissent et peuvent voler à nouveau, nous les relâchons dans la nature", explique M. Chibout.

Des associations de défense des animaux appellent également à privilégier l'élevage de cette espèce. Madjid Ben Daoud, éleveur passionné de chardonnerets et membre d’une association de protection de l’environnement à Alger, estime que cette approche pourrait protéger la population sauvage de l'oiseau et réduire la demande sur le marché.

"Notre objectif est d'encourager l'élevage des chardonnerets déjà en captivité, afin que les gens n'aient plus besoin de les capturer dans la nature", a–t–il déclaré.

Un symbole de liberté

Souhila Larkam, qui élève des chardonnerets chez elle, estime que les gens ne devraient en posséder un que s'ils peuvent s'assurer de sa reproduction.

L'association de M. Chibout mène des campagnes de sensibilisation auprès des jeunes générations.

Abderrahmane Abed, vice–président de l'Association pour la protection des oiseaux chanteurs sauvages de Sétif, a récemment emmené un groupe d'enfants en forêt pour leur parler du rôle de l'oiseau dans l’écosystème.

"Nous voulons leur inculquer l'idée que ces oiseaux sauvages méritent notre respect", explique–t–il. "Ils devraient être ni chassés ni maltraités."

En Algérie et dans d'autres régions d'Afrique du Nord, le chardonneret est aussi le symbole de la liberté. Il est souvent chanté dans des poèmes ou évoqué dans des contes comme un oiseau libre et fier.

Il fut notamment un symbole d’espoir au temps de la colonisation française, le militant indépendantiste Mohamed El Badji en ayant même fait une chanson qui deviendra célèbre, "El Meknine Ezzine".

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MORT de Jean–Marie Le Pen 20 juin 1928
“Le Menhir”

7 janvier 2025

À la fin de ses études universitaires, Jean–Marie Le Pen hésite entre une carrière d'avocat et une carrière militaire.

En 1944, à l’âge de 16 ans, il avait tenté de s’engager dans les Forces françaises de l'intérieur pour lutter contre les Allemands. Il endosse l’uniforme de parachutiste en novembre 1953. Après six mois passés à l'École d'application de l'infanterie de Saint–Maixent, il participe à la guerre d'Indochine. Il arrive en Indochine en 1954, peu après la chute de Diên Biên Phu qui marqua la fin de la guerre.

En Indochine, il sert comme sous–lieutenant dans le 1er bataillon étranger de parachutistes, sous les ordres de Hélie de Saint Marc, son commandant de compagnie. Il est, en fin de séjour, en 1955, journaliste à Caravelle, l'organe du corps expéditionnaire français. Lors de la guerre d'Indochine, il fait la connaissance d'Alain Delon, avec qui il se lie d'amitié.

En octobre 1956, il quitte pour six mois les bancs de l'Assemblée nationale pour s'engager dans son ancienne unité, devenue le 1er régiment étranger de parachutistes, avec lequel il participe comme chef de section au débarquement de vive force à Port–Fouad (Égypte) puis à la bataille d'Alger.

Il est remarqué par le général Massu pour avoir enterré des soldats de confession musulmane selon le rite de leur religion au lieu de les jeter à la mer. En 1970, le leader du FLN Krim Belkacem lui aurait confié que cette attention lui a évité d'être tué par la rébellion algérienne.

Il est décoré par Massu de la croix de la Valeur militaire.

https://www.rtl.fr/actu/politique/mort–de–jean–marie–le–pen–pourquoi–etait–il–surnomme–le–menhir–7900255678

Mort de Jean–Marie Le Pen : pourquoi était–il surnommé “Le Menhir” ?

Le fondateur du Front national était régulièrement affublé du surnom de "Menhir". Un clin d'œil à ses origines bretonnes.

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Jean–Marie Le Pen devant sa maison de La Trinité–sur–Mer.

Crédit : MARCEL MOCHET / AFP

MORT DE LE PEN – Un personnage provocateur, un héritage embarrassant

publié le 07/01/2025 à 16:05 – mis à jour le 07/01/2025 à 16:22

Jean–Marie Le Pen est décédé, ce mardi 7 janvier 2025, à l'âge de 96 ans. Figure historique de l'extrême droite, il a cofondé le Front national en 1972. Ce parti sera renommé Rassemblement national et refondé par Marine Le Pen en 2018, après l'échec lors de l'élection présidentielle de 2017.

Jean–Marie Le Pen était connu par un sobriquet pour le moins original. Celui qui fut candidat à l'élection présidentielle était surnommé "le Menhir", en référence à ses origines bretonnes. En effet, le fondateur du Front national est originaire de La Trinité–sur–Mer, un village portuaire du Morbihan situé à quelques kilomètres seulement de Carnac et de ses célèbres alignements. 

Un surnom qui renvoie bien sûr à sa figure de monument dans le paysage politique français, mais aussi à son tempérament de roc, "la droiture" dont il se vantait régulièrement et à sa longévité politique

En effet, le père de Marine Le Pen a été élu député de Paris pour la première fois en 1956, à 27 ans, et n'a quitté la vie politique qu'en 2015, à 87 ans, après avoir été exclu du Front national, le parti politique qu'il avait fondé en 1972. Il était depuis régulièrement consulté, malgré son grand âge. 

https://www.lindependant.fr/2025/01/07/deces–de–jean–marie–le–pen–quand–pierre–sergent–ancien–de–loas–implantait–le–front–national–a–perpignan–bien–avant–louis–aliot–12431305.php

Décès de Jean–Marie Le Pen : Quand Pierre Sergent, ancien de l’OAS, implantait le Front national à Perpignan

Thierry Bouldoire

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Louis Aliot n’est pas le pionnier du Front National à Perpignan, c’est Pierre Sergent, ancien de l’OAS, qui a été chargé par Jean–Marie Le Pen d’implanter le mouvement d’extrême droite dès 1985.

La nostalgie de l’Algérie française fut le ciment de la relation entre Jean–Marie Le Pen, décédé à 96 ans ce mardi 7 janvier, et Pierre Sergent.

Ce dernier est un des cadres de l’OAS, l’Organisation armée secrète, créée en 1961, un an avant l’indépendance de l’Algérie. L’OAS défendra armes à la main l’Algérie française, répondra aux attentats par des attentats, organisera des assassinats politiques, défiant même le Général de Gaulle à Alger, en participant au putsch des Généraux en 1961, mais aussi le visant directement lors de l’attentat du Petit–Clamart, le 22 août 1962. Jean–Marie Le Pen revendiqua lui, en 1962 dans le Journal Combat, l’usage de la torture en Algérie.

Ancien militaire, rejoignant la Résistance dans le maquis de Sologne, Pierre Sergent sera un soutien de Valéry Giscard d'Estaing lors de la présidentielle 1974. Proche de l’extrême–droite, il adhère au Front National en 1985, après avoir rejoint le Centre national des indépendants et paysans. Jean–Marie Le Pen lui confie la mission d’implanter le parti à Perpignan.

Elu député des P.–O. en 1986

https://www.lefigaro.fr/politique/jean–marie–le–pen–figure–majeure–et–controversee–de–la–ve–republique–est–mort–20250107

Jean–Marie Le Pen, figure majeure et controversée de la Ve République, est mort

Par Charles Sapin

7 janvier 2025

DISPARITION – Le cofondateur du Front national et finaliste de l’élection présidentielle de 2002 est décédé à 96 ans ce mardi 7 janvier à Garches (Hauts–de–Seine). «Entouré des siens», «il a été rappelé à Dieu», a indiqué sa famille dans un communiqué.

«Je ne partirai pas dans un fauteuil à égrener un chapelet.» Ces derniers mois, Jean–Marie Le Pen se sera plus d'une fois répété cette promesse, toujours plus bravache, comme pour conjurer le sort. Malgré les avertissements de son équipe médicale, qui le priait en 2018 de s'économiser, le «Menhir» avait refusé d'annuler la soirée donnée pour son 90e anniversaire, dans ses jardins de Montretout (Hauts–de–Seine)

Devant 300 convives, où se mêlaient compagnons de route, amis et membres de sa famille, l'homme affaibli avait lancé : «Nous avons marché tête haute et mains propres. Nous n'avons, en ce domaine, rien à nous reprocher (...) Le passé fut si beau en somme, qu'il ne faut blâmer le destin.» Des vers empruntés au Testament de Robert Brasillach, qui ne laissèrent aucun doute à l'assistance : il s'agissait bien là, si ce n'est d'adieux, du moins de son dernier raout public.

C'est finalement à 96 ans, ce mardi 7 janvier, que Jean–Marie Le Pen s'en est allé. «Il a été, entouré des siens, rappelé à Dieu» à Garches (Hauts–de–Seine), dans un établissement où il avait été admis il y a plusieurs semaines, a indiqué sa famille.

«Diable de la République»

C'est la figure politique contemporaine la plus controversée de France qui s'éteint. Celle du «diable de la République» qui trente ans durant aura imposé ses vues et provocations dans l'espace public, servant de chiffon rouge à la quasi–totalité de l'échiquier politique. Délaissé par la politique depuis 2015, date de son exclusion du Front national, le chantre d'une lutte radicale contre l'immigration n'aura jamais cessé de cliver. Perçu comme raciste, xénophobe ou antisémite par ses détracteurs, le collectionneur de condamnations judiciaires était un briseur de tabou et le tombeur d'une certaine «police de pensée» pour ses partisans. Les uns comme les autres se réconciliant sur le talent oratoire sans pareil, mêlant érudition et truculence, du quintuple candidat à la présidentielle. Qui, plusieurs décennies durant, aura autant ouvert les yeux des Français sur les maux que peut charrier la démographie, qu'interdit, par ses outrances, à toute âme modérée de s'associer à son combat premier contre l'immigration.

Rien ne prédestinait pourtant ce fils d'un marin pêcheur et d'une couturière, né en 1928 à la Trinité–sur–Mer (Morbihan), à embrasser tel destin. À la suite de la perte de son père dans l'explosion d'une mine allemande au large des côtes bretonnes, celui qui se nomme encore Jean Le Pen devient pupille de la Nation à l'âge de 14 ans : «Cela m'a profondément marqué, livre–t–il dans le premier tome de ses mémoires, publié aux Éditions Muller en mars 2018. Deux fois fils de France, je devais donc porter aux affaires de mon pays une attention redoublée.» L'éveil dans la violence d'une conscience politique, dont découlera un premier acte militant en 1945 : le placardage sur la mairie de son village de deux affiches, peintes à l'encre de chine, dénonçant les excès de zèle de certains résistants à la Libération, occupés à accuser de collaboration «qui bon leur semblait» et prenant plaisir à la tonte des femmes. De cette époque, l'homme disait avoir gardé l'habitude «d'aboyer contre la meute, plutôt qu'avec elle.»

Goût pour la contradiction et l’affrontement

Un goût pour la contradiction et l'affrontement – pas seulement verbal – qu'il cultivera lors de ses études de Droit à Paris. S'il vit grâce à de petits boulots tels que marin–pêcheur, mineur de fond ou métreur d'appartement, le jeune homme fédère autour de lui. Il prend les rênes de la «Corporation des étudiants de Droit». C'est pourtant sur le front, en tant qu'engagé volontaire, que le jeune sous–lieutenant du 1er bataillon étranger parachutiste – avec plus de 200 sauts à son actif – puisera l'essence et les réseaux de ses combats politiques futurs. En Indochine de 1953 à 1955, tout d'abord, où la chute de Dien Bien Phu lui laissera un goût amer à l'encontre des gouvernements de la IVe République. Lors de la bataille de Suez (1956) puis d'Alger (1957), ensuite. «L'armée sera la seule période de sa vie où il aura accepté de recevoir des ordres», note son dernier aide de camp, Lorrain de Saint–Affrique. L'annonce de l'«autodétermination» de l'Algérie, où il aura passé six mois sous les drapeaux, finira d'ancrer chez lui un anti–gaullisme doublé d'un anticommunisme aigu, qui irriguera chacun de ses combats politiques.

En l'homme du 18–Juin, chef de la «France libre», Jean–Marie Le Pen ne voit plus qu'un «faux grand homme dont le destin fût d'aider la France à devenir petite.» S'il refuse à plusieurs reprises de rejoindre l'Organisation de l'armée secrète (OAS), cela ne l'empêchera pas de fomenter en 1963, comme il le révélera au Figaro , un projet d'évasion par hélicoptère du lieutenant–colonel Jean Bastien–Thiry, condamné à mort pour avoir pensé, organisé et participé à l'attentat du petit Clamart, dont Charles de Gaulle ne réchappera que par miracle.

C'est sous la IVème République, en 1956, peu avant les évènements d'Algérie, que Jean–Marie Le Pen fait pour la première fois son entrée à l'Assemblée nationale. Soit au même moment que Valéry Giscard d'Estaing ou Roland Dumas. «C'était la première fois que je votais. Je votais pour moi, et j'étais élu», narrera–t–il bien des années plus tard. Contrairement à la légende entretenue par le patriarche, le néo parlementaire de 27 ans n'est alors pas tout à fait le benjamin de l'hémicycle. Le titre lui est ravi par un député communiste, André Chène, de six mois son cadet. Élu sous les couleurs du mouvement de Pierre Poujade, dont il dirige la branche jeunesse, le député du Quartier latin de Paris sera réélu en 1958 sous l'étiquette du Centre national des Indépendants. Avant d'être sèchement battu, comme nombre de partisans de l'Algérie française, lors des législatives de 1962. Le premier revers électoral d'une longue série.

Hubert Lambert a libéré Jean–Marie Le Pen des contraintes matérielles.

Sans Lambert, pas de Montretout. Sans Montretout, pas de FN. Il a trouvé en cette demeure un théâtre, un décor

Lorrain de Saint–Affrique

Dès l'année suivante, il devient le directeur de campagne de Jean–Louis Tixier–Vignancour, pour qui il va fédérer des «comités» dans toute la France en vue de la prochaine présidentielle. Si l'aventure électorale de l'avocat du général Salan tourne court (5,20% des voix en 1965), ses structures serviront de bases militantes au futur Front national. Repéré pour sa gouaille et son entregent dépassant les simples milieux nationalistes, les dirigeants du groupuscule néofasciste, Ordre nouveau, proposent en 1972 à Jean–Marie Le Pen la présidence d'un nouveau parti destiné à élargir leur audience : le Front national pour l'unité française (FNUF). La forte tête, alors âgée de 44 ans, accepte et délaisse sa maison de disques lancée dix ans plus tôt, la SERP. Il refusera pour autant d'obéir aux desiderata de ses commanditaires, accélérant un inéluctable divorce.

À la tête d'une coquille vide, Jean–Marie Le Pen manque cruellement de notoriété et d'argent. Le décès en 1976 d'un de ses riches partisans, Hubert Lambert, palliera cette dernière carence. Le descendant du cimentier avait, peu avant sa mort, fait du cofondateur du FN son exécuteur testamentaire et unique héritier. En plus d'une rondelette somme estimée à 30 millions de francs – soit 4,5 millions d'euros – Jean–Marie Le Pen héritera d'un sombre manoir à Saint–Cloud, dans le huppé domaine de Montretout, qui servira longtemps sa légende : «Hubert Lambert a libéré Jean–Marie Le Pen des contraintes matérielles. Sans Lambert, pas de Montretout. Sans Montretout, pas de FN. Il a trouvé en cette demeure un théâtre, un décor», lâche Lorrain de Saint–Affrique.

L’invective et la provocation

Pour ce qui est de la conquête de l'opinion, le chef a en tête une stratégie toute à lui : l'invective et la provocation. Cette fameuse «diabolisation» dont tentera de se départir Marine Le Pen dès son accession à la tête du mouvement en 2011. L'ancien député poujadiste n'épargnera aucun coup de boutoir au «système», responsable selon lui d'une déliquescence de la France et de son identité, sacrifiées à ses yeux sur l'autel du multiculturalisme et d'une immigration non contrôlée. C'est dans ce registre singulier que les Français apprendront à connaître le «pirate de la République» qui, jusqu'au début des années 1980, arborera un bandeau sur l'œil gauche, après en avoir perdu l'usage lors du démontage d'un chapiteau durant la campagne présidentielle de 1965.

Au gré des provocations de son président distillées dans les médias, le Front national enregistre ses premiers scores à deux chiffres lors des cantonales de 1982, allant jusqu'à emporter, un an plus tard, la ville de Dreux (Eure–et–Loir). Un véritable «coup de tonnerre», rendu possible grâce à une alliance décriée avec la droite locale. Jean–Marie Le Pen se plaint cependant auprès de l'entourage de François Mitterrand puis, par écrit, au président de la République lui–même, de ne pas avoir accès à la «radiotélévision d'État». Non sans y déceler l'opportunité politique d'affaiblir la droite, le socialiste répond favorablement et le fait inviter au «20 Heures» de TF1, puis en 1984, à la grande messe politique de l'époque : «L'Heure de vérité» sur Antenne 2. Le futur eurodéputé y exige l'arrêt de l'immigration, réclame le rétablissement de la peine de mort, préconise la «préférence nationale», le référendum d'initiative populaire, et une politique protectionniste. L'audimat grimpe. Les partis de gauche s'indignent. SOS Racisme est créé avec le soutien de l'Élysée. L'engrenage est lancé.

Le FN réalise une percée spectaculaire lors des européennes suivantes, en juillet en 1984 (10,95%), faisant élire à Strasbourg dix parlementaires. Une progression ensuite confirmée lors des législatives de 1986, où 35 députés élus sous l'étiquette «Rassemblement national» font leur entrée à l'Assemblée nationale, proportionnelle intégrale aidant. Preuve que Jean–Marie Le Pen s'enracine dans le paysage politique, il rassemble désormais sur son nom plus de 4 millions de suffrages (14,38%) au premier tour de la présidentielle de 1988. Quelques mois plus tôt, en septembre 1987, l'homme avait pourtant poussé la provocation de trop. Invité du «Grand Jury» RTL–Le Monde, il avait qualifié les chambres à gaz de «point de détail de l'histoire de la Deuxième guerre mondiale» dont «des historiens débattent» de l'existence. Une sortie qui vaudra à son auteur une condamnation judiciaire – 1.200.000 francs de dommages et intérêts – comme politique, puisque lui sera désormais fermée à jamais la porte à tout accord électoral avec d'autres partis de droite, de l'UDF au RPR. «J'ai dérapé», reconnaîtra Jean–Marie Le Pen auprès d'un proche, juste après l'émission, dans la voiture le reconduisant chez lui. La seule et unique fois qu'il exprimera des regrets quant à ses mots.

D'acteur à témoin historique

Non seulement le tribun ne se repentira jamais publiquement de ses propos – encore répétés en 2015 –, mais il multipliera bien au contraire les outrances : de ce ministre de la Fonction publique de François Mitterrand, Michel Durafour, rebaptisé «Durafour crématoire», en passant par ses commentaires sur l'occupation Allemande «pas particulièrement inhumaine» en France, Jean–Marie Le Pen écopera de 28 condamnations, dont 7 pour ses propos répétés sur le «détail». Toutes marqueront l'opinion avec autant d'efficacité qu'ils éloigneront le FN du pouvoir. Mais Jean–Marie Le Pen en voulait–il vraiment ? L'homme restera sourd aux appels à la professionnalisation et à l'implantation locale de son second, Bruno Mégret, jusqu'à provoquer en 1998 une scission qui a bien failli être fatale au Front national.

Du séisme politique du 21 avril 2002, provoqué par sa qualification au second tour de la présidentielle, resteront ainsi ces images d'un Jean–Marie Le Pen presque hébété de surprise et de gravité. Des traits que beaucoup, jusque dans son entourage, ont lus comme une crainte devant la possible charge de devoir réellement diriger le pays. Laquelle sera bien vite dissipée par la réconciliation de l'unanimité de la classe politique contre lui, et les plus de 82% des voix rassemblés par Jacques Chirac au second tour. Cette historique mais fugace percée mise à part, le parti à la flamme ne connaît depuis les années 1990 qu'une progression timide, oscillant autour des 15%. Un poids moyen, certes, mais suffisant pour jouer les trublions et contraindre ses adversaires – de droite notamment – à se positionner sur ses thèmes de campagne.

Quand à 83 ans, en 2011, Jean–Marie Le Pen cède finalement les rênes du Front national à sa fille – au grand dam de son plus fidèle lieutenant Bruno Gollnisch – le «Menhir» est sacré «président d'honneur» du mouvement. Un costume honoraire cousu sur mesure, dans lequel le vieux chef se sentira pourtant rapidement à l'étroit. Multipliant les prises de paroles intempestives comme les remises en question des choix de la direction du FN, le patriarche fait face en 2015 à sa propre exclusion du parti qu'il a cofondé, après une énième provocation.

Alors que la politique le quitte malgré lui, cet éternel réfractaire à toute idée de retraite finit par se résoudre à muer d'acteur à observateur discret de la vie politique. «Les Le Pen occupent maintenant tout le spectre de la droite !», se félicitait–il encore en privé lors des dernières européennes. Ravi de voir concourir dans une même course sa petite fille, Marion Maréchal – à l’époque sous les couleurs zemmouristes de Reconquête –, et Jordan Bardella, dauphin de Marine Le Pen, désormais son lointain successeur en tant que président du parti à la flamme. Pourtant, même la très forte poussée nationaliste dans les urnes, dont l’ampleur a provoqué rien moins qu’une dissolution surprise de l’Assemblée et la convocation de législatives anticipées, n’aura pas permis à Jean–Marie Le Pen de voir ses héritiers accéder au pouvoir. Ce «front républicain», qu’il a tant honni en son temps, s’est reconstitué aussi rapidement et aussi massivement que par le passé. Poussant, encore une fois, une majorité de Français à refuser de confier les clés du pays au RN.

Avant que la maladie ne le coupe presque totalement du monde extérieur, Jean–Marie Le Pen s’est complu à coiffer une ultime casquette. Celle de témoin historique, en s'attelant à l'écriture de ses mémoires. «Cela fait des années qu'on le tanne pour qu'il les finisse. Je crois qu'il ne le souhaitait pas, car écrire ses Mémoires, c'est être commentateur de sa propre vie. Or il avait le souhait d'en rester acteur le plus longtemps possible. Le souhait et le caractère», analysait Marine Le Pen à l'été 2018. Avec plus de 80.000 exemplaires vendus, Fils de la Nation rencontrera un retentissant succès en librairie. Suivi de celui, moindre, du second et dernier tome paru en octobre 2019 : Tribun de la Nation. Une dernière bravade, dans laquelle ses partisans ont pu trouver, en guise d'épilogue, une maxime longtemps hissée au rang de mantra par le colosse : «La vie commence toujours demain.»

https://npa–lanticapitaliste.org/communique/la–bete–immonde–nest–pas–morte

La bête immonde n’est pas morte !

7 janvier 2025

Il est peut–être la seule personne de qui on ne dira pas qu’elle « a passé l’arme à gauche ». Ce serait nous faire offense. Même dans la mort, Jean–Marie Le Pen ne peut incarner autre chose que le racisme, le colonialisme, l’antisémitisme, l’homophobie et la misogynie.

Il a résumé à lui seul l’extrême droite française pendant des décennies : des nostalgiques de l’OAS et de l’Algérie française jusqu’aux idéologues nazis et antisémites, en passant par le racisme et le machisme le plus ordinaire… et horripilant.

Nos premières pensées vont à ses victimes directes, les AlgérienNEs tués et torturés pendant la guerre d’indépendance. Et à ses victimes indirectes, à toutes les personnes qui ont eu à subir le racisme, les discriminations, les injustices voire les injures et les coups. Et elles sont nombreuses, ses victimes, tant il a contribué à décomplexer le racisme, à venir le remettre sans cesse au cœur du débat politique… jusqu’à se hisser au second tour de l’élection présidentielle en 2002.

Jean–Marie Le Pen mort, cela devait arriver un jour. En revanche, ses idées sont bien vivantes. Il n’est qu’à lire l’hommage d’Éric Ciotti pour se convaincre de son héritage empoisonné : « il a été un lanceur d’alerte précurseur sur l’immigration de masse et ses ravages ». Confirmé par Éric Zemmour.

Aujourd’hui, sa fille, près de 15 ans après avoir pris les rênes du parti que Le Pen père avait fondé, est aux portes du pouvoir. Ce sont 89 députés du RN qui sont entrés à l’Assemblée nationale en 2022, et 130 en 2024. Et, ils font la pluie et le beau de temps de gouvernements qui hier chassaient les voix du FN et du RN, de Balladur à Sarkozy, et aujourd’hui votent les lois avec eux, de Borne à Barnier. Et, qui sait, demain Bayrou…

Le nouveau Premier ministre voit d’ailleurs en Le Pen « une figure de la vie politique française » avant d’ajouter « On savait, en le combattant, quel combattant il était », quand l’Élysée se retranche derrière un communiqué en appelant au jugement de l’histoire.

Notre jugement est fait. Marine Le Pen a fait mine de remiser l’antisémitisme de son père, qui en 1987 pour un clin d’œil à ses camarades négationnistes et nazis avait présenté les chambres à gaz comme « un point de détail de la Seconde Guerre mondiale », pour le remplacer par une nouvelle islamophobie, permettant par ce lifting de mettre le racisme au goût du jour. Elle a rendu le racisme acceptable pour la bourgeoisie et son personnel politique.

Jean–Marie Le Pen est mort, mais la bête immonde est bien vivante. Nous avons combattu le père et ses amiEs pendant des décennies, nous continuerons de combattre ses héritierEs.

Montreuil, le 7 janvier 2025

https://www.lefigaro.fr/actualite–france/qui–est–philippe–laguerie–le–pretre–controverse–qui–a–donne–l–extreme–onction–a–jean–marie–le–pen–20250108

Qui est Philippe Laguérie, le prêtre controversé qui a donné l’extrême–onction à Jean–Marie Le Pen ?

Par E.P.

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L’abbé traditionaliste, ancien curé de Saint–Nicolas–du–Chardonnet, a notamment présidé le baptême de la fille de l’humoriste Dieudonné.

Qui a accompagné Jean–Marie Le Pen dans ses derniers moments ?

Malgré son lien complexe avec la religion catholique, cette figure de la Ve République, tant décrié par ses détracteurs et tant pleuré par ses partisans, est mort le 7 janvier en ayant reçu les derniers sacrements. Après son enterrement samedi à La Trinité–sur–Mer, dans le Morbihan, dans l’intimité familiale, c’est aussi par une célébration religieuse que ses proches et partisans lui rendront un dernier hommage, dans l’église Notre–Dame du Val–de–Grâce, le 16 janvier à 11 heures.

Le 14 novembre dernier, c’est une figure bien connue du milieu intégriste, l’abbé Philippe Laguérie, qui s’était rendu auprès du fondateur du Front national pour lui donner l’extrême–onction, la communion et le sacrement de la confession. Ce dernier aurait, selon Le Parisien, «croisé» les filles du mourant, dont Yann Le Pen, «avec qui ils ont eu une altercation», raconte un ancien proche du «Menhir». «Ses filles font barrage en invoquant des raisons de santé. Je leur laisse cette appréciation», a répondu Philippe Laguérie interrogé par le quotidien.

Est–ce le curriculum de ce prêtre au fort tempérament qui suscite la défiance de la famille Le Pen ? Philippe Laguérie, qui a été 13 ans curé de l’église Saint–Nicolas–du–Chardonnet à Paris 1984 à 1997, a plusieurs faits marquants à son actif. Comme d’avoir baptisé en 2023 le quatrième enfant de l’humoriste Dieudonné – dont Jean–Marie Le Pen était le parrain. C’est lui aussi qui maria religieusement Jean–Marie et sa seconde femme Jany, en toute discrétion, à leur domicile de Rueil–Malmaison en 2021. Chaque 23 juillet, il célèbre une messe de requiem pour le maréchal Pétain, raconte Olivier Landron dans son livre À la droite du Christ (Cerf, 2015). 

Prêtre militant

Cette forte personnalité fut l’un des premiers prêtres à être ordonnés au sein de la Fraternité sacerdotale Saint–Pie–X par Mgr Marcel Lefebvre, un dissident de l’Église, opposé aux réformes post–concile Vatican II. «Il est issu de cette génération de prêtres très jeunes, hyperactifs, très sûrs d’eux», témoigne l’un de ses anciens paroissiens, qui le dit également «très dévoué à sa mission». «Il passait ses journées entières dans son église». S’il ne s’est jamais déclaré publiquement pro–FN, les fidèles occupant les bancs de Saint–Nicolas–du–Chardonnet étaient nombreux à appartenir à l’extrême droite de l’échiquier politique. «À la sortie de ses messes, on retrouvait le milieu du FN et de l’Action française», raconte encore ce paroissien, évoquant la présence fréquente de Marie–Caroline Le Pen, aînée de la fratrie et aujourd’hui déléguée départementale du Rassemblement national en Sarthe, ou encore du Tarbais Bernard Antony, à l’époque député européen du Front national.

C’est justement aux côtés de Bernard Anthony que Philippe Laguérie, très militant, appelle à manifester en 1988 contre la sortie du film de Martin Scorsese, La Dernière Tentation du Christ, jugé «blasphématoire». En 1993, il tente aussi, avec l’aide de quatre cents fidèles, d’occuper l’église Saint–Germain–l’Auxerrois, dans le 1er arrondissement parisien, en s’y introduisant plusieurs jours durant. Avant d’en être chassés par la police. Quinze ans auparavant, c’est par la même méthode que les Lefebvristes avaient pris possession de Saint–Nicolas–du–Chardonnet.

Dans les années 2000, le prêtre prend ses distances avec la fraternité sacerdotale Saint–Pie X, dont il est finalement exclu. En septembre 2006, à la faveur d’un climat favorable du pape Benoît XVI envers les adeptes de la liturgie tridentine autour du motu proprio «Summorum Pontificum», l’abbé Laguérie est nommé supérieur d’un nouvel Institut, le Bon–Pasteur. Il réintègre donc l’Église catholique, et fera deux mandats à la tête de cet institut.

La contradiction dans l’ADN

Est–ce son côté disruptif qui plaît à Jean–Marie Le Pen, lui qui avait pris ses distances avec l’Église catholique depuis l’âge de 16 ans ? «Ce sont des personnalités proches dans le combat, ils ont tous deux l’opposition et la contradiction dans l’ADN. Peut–être Le Pen s’est–il reconnu dans cet état d’esprit militant», suggère le paroissien.

En 1987, quand Jean–Marie Le Pen suscite un scandale par des propos négationnistes sur les chambres à gaz nazies, l’abbé est invité à débattre sur la 5 à la télévision française. il prend alors la défense du président du Front national. «Tout le flot de haine qui est dirigé contre Jean–Marie Le Pen, affirme–t–il, est suscité, organisé, par la grande banque juive qui tient la France en dictature depuis quarante–cinq ans», estime–t–il, précisant par ailleurs que «les thèses des professeurs Roques et Faurisson sont parfaitement scientifiques». En 2009, il s’opposera pourtant à un évêque révisionniste, Mgr Richard Williamson, qui affirmait qu’il «n’y a pas eu de chambres à gaz». Philippe Laguérie jugera ces déclarations «scandaleuses et inadmissibles».

Celui qui présida, en juillet 1996, la messe d’obsèques de Paul Touvier, ancien chef de la Milice lyonnaise sous l’Occupation allemande et condamné pour crimes contre l’humanité pour l’exécution de sept Juifs, sera–t–il aussi sollicité pour celles de Jean–Marie Le Pen ? Pour l’heure, le nom du prêtre qui présidera la cérémonie n’a pas été ébruité.

https://www.laprovence.com/article/region/1871023518602815/a–arles–la–visite–controversee–de–jean–marie–le–pen–au–cimetiere–de–mas–thibert–en–2011

À Arles, la visite controversée de Jean–Marie Le Pen au cimetière de Mas–Thibert en 2011

La Provence

Publié le 07/01/25 à 20:37

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Lors de la cérémonie officielle de la journée des Harkis à Mas–Thibert. Jean Marie LE PEN , élu régional FN. V.F.

C'est en toute quiétude, presque dans l'indifférence même, comme nous le relations le 26 septembre 2011 au lendemain de l'événement, que Jean–Marie Le Pen, alors conseiller régional de Paca, avait participé au 10e anniversaire de la journée d'hommage aux Harkis, célébrée au cimetière de Mas–Thibert à Arles.

Quelques jours plus tôt, Lahcène Boualam, fils de Saïd Boualam, Bachaga (haut dignitaire) et député de 1958 à 1962, avait fait part de son malaise face à cette venue annoncée de l'homme politique d'extrême droite. Lahcène Boualam avait d'ailleurs préféré annuler le dépôt de gerbe sur la tombe de son père.

"Manipulation politique"

"C'était un ami. Je suis en colère face à la manipulation politique qui est faite", affirmait alors le cofondateur et ex–leader du Front national. Pour Hervé Schiavetti, alors maire d'Arles, "Jean–Marie Le Pen considérait que le Bachaga était un héros parce qu'il avait défendu sa terre jusqu'au bout contre l'État français et contre De Gaulle".

Dans son parcours politique en région Paca, Jean–Marie Le Pen a plusieurs fois arpenté le pays d'Arles, comme en septembre 2003 puis 2006 pour les journées tricolores organisées à la manade Lescot, à Saint–Martin–de–Crau.

https://www.lexpress.fr/societe/jean–marie–le–pen–batisseur–de–lextreme–droite–francaise–moderne–est–mort–XNIHRBJ4SNAK5IEV5HMEQWW7IA/

Jean–Marie Le Pen, bâtisseur de l'extrême droite française moderne, est mort

L’Express 7 janvier 2025

Paris – Jean–Marie Le Pen, figure de l'extrême droite française et finaliste de la présidentielle de 2002, est mort mardi à l'âge de 96 ans à Garches (Hauts–de–Seine), dans un établissement où il avait été admis il y a plusieurs semaines.

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Jean–Marie Le Pen pose le 14 janvier 2021 dans sa maison à Saint–Cloud, en région parisienne

Jean–Marie Le Pen, entouré des siens, a été rappelé à Dieu ce mardi à 12H00, a indiqué sa famille dans un communiqué transmis à l'AFP.

Engagé sous l'uniforme de l'armée française en Indochine et en Algérie, tribun du peuple à l'Assemblée nationale et au Parlement européen, il a toujours servi la France, défendu son identité et sa souveraineté, a salué sur X le président du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella.

Marine Le Pen, qui se trouvait lors de l'annonce de la mort de son père dans un avion qui la ramenait en métropole de Mayotte où elle s'était rendue après le passage dévastateur du cyclone Chido, a atterri à Paris peu après 23H00.

A l'aéroport Charles–de–Gaulle, l'un de ses conseillers a indiqué à des journalistes qui attendaient la leader d'extrême droite qu'elle avait déjà quitté les lieux, sans avoir été aperçue.

Sa sœur, Marie–Caroline Le Pen, candidate malheureuse aux législatives de juillet, et épouse de Philippe Olivier, l'un des principaux conseillers politiques de Marine Le Pen, a pour sa part réagi sur X : De ce chagrin, tu ne pourras pas me consoler. À Dieu Papa.

Marion Maréchal, petite–fille de Jean–Marie Le Pen, a aussi publié un long message dans lequel elle assure qu'elle n'abandonnera pas la mission. Tu as suscité, tout au long de ta vie, des centaines de milliers de vocations, a poursuivi l'eurodéputée.

Mardi soir, plusieurs centaines d'opposants se sont rassemblés dans certaines villes de France pour célébrer, avec chants, fumigènes et feux d'artifice, le décès de cette figure historique de l'extrême droite.

La jeunesse emmerde le Front national, ont scandé des manifestants Place de la République à Paris.

A Marseille, où entre 200 à 300 personnes se sont retrouvées sur le Vieux Port, l'ambiance était festive, entre bouteilles de champagne, petits chapeaux de fête et cette pancarte: Enfin.

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a condamné sur X des scènes de liesse honteuses, relevant que la mort d'un homme, fût–il un adversaire politique, ne devrait inspirer que de la retenue et de la dignité et non qu'on danse sur un cadavre.

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Manifestation le 7 janvier 2025 place de la République à Paris pour célébrer le décès de Jean–Marie Le Pen

© / afp.com/Dimitar DILKOFF

Celui qui était le plus jeune député lors de son élection en 1956 à l'Assemblée nationale –il était le dernier député de la IVe République encore en vie– doit, selon ses volontés, être inhumé à La Trinité–sur–Mer (Morbihan), où reposent ses parents.

Sa mort a été annoncée alors qu'une partie de la classe politique était réunie à Paris devant l'Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, dix ans après les attentats de janvier 2015.

– Multiples condamnations –

L'Elysée a estimé dans un communiqué que Jean–Marie Le Pen était une figure historique de l'extrême droite française dont le rôle dans la vie publique de notre pays pendant près de soixante–dix ans (...) relève désormais du jugement de l'Histoire.

Le Premier ministre, François Bayrou, a reconnu une figure de la vie politique française, au–delà des polémiques qui étaient son arme préférée et des affrontements nécessaires sur le fond.

Des propos jugés trop laudatifs par plusieurs responsables de gauche.

C'était un raciste. Un antisémite. Un colonialiste. Un nostalgique du régime de Vichy. Un antiféministe… Un multirécidiviste qui a fondé le FN avec des SS. Pas une figure de la vie politique française, a commenté le secrétaire général du Parti socialiste Pierre Jouvet.

Jean–Marie Le Pen a en effet multiplié tout au long de sa carrière les déclarations sulfureuses et provocations verbales. Il a été plusieurs fois condamné, notamment pour contestation de crime contre l'humanité.

La fin de la vie de Jean–Marie Le Pen ne doit pas marquer le début de sa réhabilitation, a commenté Yonathan Arfi, président du Crif.

Le fondateur du Front national, devenu Rassemblement national, s'était peu à peu retiré de la vie politique à partir de 2011, lorsque sa fille Marine avait repris la présidence du parti.

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Le caveau de la famille Le Pen dans le cimetière de La Trinité–sur–Mer, dans le Morbihan, le 7 janvier 2025

© / afp.com/Loic VENANCE

Affaibli par plusieurs accidents de santé, une expertise médicale avait constaté en juin une profonde détérioration de son état physique et psychique, estimant qu'il n'était pas en mesure ni d'être présent, ni de préparer sa défense au procès des assistants des eurodéputés FN qui s'est tenu cet automne à Paris.

Mi–novembre, il avait été hospitalisé puis admis dans une structure à Garches, non loin de son domicile de Rueil–Malmaison.

Fidèle compagnon de route, Bruno Gollnisch, ex–député FN, a indiqué à l'AFP qu'il lui avait rendu visite il y a une dizaine de jours. Nous avions plaisanté, il avait toute sa tête et récitait du Victor Hugo. Mais la communication n'était pas toujours très facile, il voyait et entendait de plus en plus difficilement.

– Front républicain –

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Jean–Marie Le Pen prononce un discours, le 3 février 1973

© / afp.com/–

Tribun hors–pair, provocateur sulfureux obsédé par l'immigration et les juifs, patriarche contrarié par les siens, le Breton qui aimait à être surnommé le menhir avait sorti l'extrême droite française de sa marginalité au cours d'une carrière politique qui a marqué la Ve République.

Le plus emblématique de ses succès restera inachevé. Le 21 avril 2002, à 73 ans et pour sa quatrième candidature à l'Élysée, il crée la surprise en se qualifiant pour le second tour de l'élection présidentielle.

Le triomphe a son revers: pendant quinze jours, des millions de personnes défilent contre le racisme et son incarnation politique. Surtout, Jean–Marie Le Pen permet la réélection facile de son ennemi juré, Jacques Chirac.

Vingt–deux ans plus tard, alors que le RN venait de triompher aux élections européennes, une providentielle dissolution décidée par Emmanuel Macron laissait entrevoir la possibilité que Marine Le Pen emmène l'extrême droite au pouvoir, un rêve auquel il s'était finalement mis à croire mais qui s'est encore fracassé sur un front républicain.

Jean–Marie Le Pen, après avoir été marié avec Pierrette Lalanne, la mère de ses filles Marie–Caroline, Yann (elle–même mère de l'eurodéputée Marion Maréchal) et Marine, avait épousé en secondes noces Jany Paschos.

Dans un communiqué, le RN a évoqué la mémoire de celui qui, dans les tempêtes, tint entre ses mains la petite flamme vacillante de la nation française.

Le leader de La France insoumise (LFI) Jean–Luc Mélenchon a pour sa part estimé que le combat contre l'homme est fini mais celui contre la haine, le racisme, l'islamophobie et l'antisémitisme qu'il a répandus, continue. Plusieurs responsables de gauche ont aussi appelé à poursuivre sans relâche la lutte contre l'extrême droite.

https://rassemblementnational.fr/communiques/le–rassemblement–national–rend–hommage–a–jean–marie–le–pen

Le Rassemblement National rend hommage à Jean–Marie Le Pen

Rassemblement National

Communiqué

07 janvier 2025

Jean Marie Le Pen nous a quittés.

Avec lui se tourne une page de l’histoire politique française et, compte tenu de l’impulsion continentale qu’il donna au combat pour les Nations, de l’histoire politique européenne.

Privé de père par la Guerre, il est resté toute sa vie un enfant du peuple, ce peuple de la terre et de la mer de sa Bretagne natale, ce peuple français oublié et parfois méprisé, dont il fut avec une éloquence reconnue et une culture immense, le tribun.

Avec lui s’éteint l’un des derniers députés de la IVe République, un combattant d’Indochine et d’Algérie qui défendit, de toute son âme et au risque de sa vie, l’idée de la grandeur française. Un parlementaire certes indocile et parfois turbulent mais toujours respectueux des institutions républicaines.

Fondateur du Front National en 1972, il avait hissé, dans l’adversité et l’opprobre, ce petit parti patriote sans moyens ni avenir, au rang des formations politiques qui comptent et, c’est incontestable, ne laissait personne indifférent. Son audience auprès des Français l’avait conduit au second tour de l’élection présidentielle.

Au cours de six décennies de combat politique actif, il s’est avéré être un visionnaire, imposant dans le débat public les grands sujets qui structurent aujourd’hui la vie politique comme la démographie et son corollaire l’immigration, la mondialisation et le déclassement de la France, la souveraineté nationale et le risque de dilution dans l’Union européenne.

Pour le Rassemblement National, il restera celui qui, dans les tempêtes, tint entre ses mains la petite flamme vacillante de la Nation française et qui, par une volonté et une ténacité sans limite, fit du mouvement national une famille politique autonome, puissante et libre.

Pour les Français, celui que les gens de la rue appelaient volontiers Jean–Marie, incarnera l’homme politique courageux et talentueux, qui eut à cœur, tout au long de sa vie, de servir sa Patrie sans défaillir et d’être, sans relâche, la voix puissante et chaude des « sans voix ». Certains verront aussi en lui, cette stature taillée dans le granit, un « Menhir », qui se plaisait parfois à être polémique.

Pour les générations attachées au pays, d’aujourd’hui et de demain, il restera dans les mémoires comme un combattant intrépide et indomptable au service d’une vision fière et conquérante de la France ; pour les patriotes des Nations de tous les continents dont il a défendu sans relâche la dignité, il restera un emblématique défenseur des peuples.

Le Bureau exécutif et les instances du Rassemblement National adressent à sa famille et notamment à ses filles, Marine, Marie–Caroline et Yann, à ses petits–enfants et arrières–petits enfants, ses condoléances les plus sincères.

https://www.leparisien.fr/politique/mort–de–jean–marie–le–pen–comment–le–petit–legionnaire–a–rassemble–toute–lextreme–droite–07–01–2025–YKBJP3W5QVAT3PVDSYP57O63JM.php

Mort de Jean–Marie Le Pen : comment le petit légionnaire a rassemblé toute l’extrême droite

Par Didier Micoine Le 7 janvier 2025 à 18h10

Jean–Marie Le Pen, mort à 96 ans ce mardi, rêvait de jouer les baroudeurs en Indochine. Au début des années 1950, dans le quartier Latin, où le jeune étudiant préside la Corpo de droit, il fait volontiers le coup de poing contre les communistes. Mais il veut aller plus loin et s’engager dans l’armée. En 1953, il intègre l’École d’application de l’infanterie de Saint–Maixent (Deux–Sèvres). Il en sort aspirant de réserve au 1er régiment étranger de parachutistes (REP).

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Il embarque avec la Légion étrangère pour l’Indochine où il arrive en juillet 1954… Deux mois après la chute de Diên Biên Phu. Pour le jeune aspirant qui voulait combattre, c’est raté. Alors que sont signés les accords de Genève qui mettent un terme à la guerre d’Indochine, Le Pen est à Saïgon où il est chargé de « la Caravelle », l’hebdomadaire du corps expéditionnaire.

Il s’y fait remarquer dans quelques bagarres et, selon lui, c’est à ce moment–là qu’il décide de faire de la politique. « J’ai compris qu’il fallait autre chose que des soldats et du courage pour gagner les guerres, expliquera–t–il. Que celles–ci se perdaient ailleurs que sur les champs de bataille. »

Sur le canal de Suez, il enterre les Égyptiens selon le rite musulman

De retour à Paris, Le Pen rencontre Pierre Poujade, le président de l’Union de défense des commerçants et artisans (UDCA). Le papetier de Saint–Céré (Lot), qui livre alors bataille contre l’État et le fisc, cherche des candidats pour les législatives. En janvier 1956, grâce à la vague populiste, Le Pen est élu député de la Seine. À 27 ans, il devient le benjamin de l’Assemblée nationale. Mais, il se brouille rapidement avec Poujade, dont il refuse de suivre les consignes et à qui il commence à faire de l’ombre.

En septembre, alors que la guerre fait rage en Algérie, le député Le Pen, qui s’est mis en congé du Parlement, retrouve l’uniforme de la Légion. Il a pris un engagement volontaire de six mois au sein du 1er REP. Le lieutenant Le Pen est envoyé en Égypte dans le cadre de l’expédition de Suez. Mais il arrive quelques heures avant le cessez–le–feu. Il sera chargé d’inhumer les cadavres égyptiens, leur assurant un enterrement conforme au rite musulman, le visage en direction de La Mecque.

Le crépuscule de Jean–Marie Le Pen

Le Pen part ensuite à Alger où il exerce la fonction d’officier de renseignement. Il y restera trois mois, jusqu’en mars 1957, participant aux arrestations. Et aux interrogatoires ? Il sera en tout cas accusé d’avoir torturé. Ce qu’il a toujours nié, tout en justifiant l’utilisation de la torture en cas de guerre.

De retour à l’Assemblée, Le Pen siège parmi les non–inscrits. Il est réélu député de la Seine en 1958 avec l’appui du Centre national des indépendants et paysans (CNIP). Résolument pour l’Algérie française, il soutient la semaine des barricades en janvier 1960 à Alger. Il défend le non au référendum sur la politique d’autodétermination en Algérie le 8 janvier 1961. Mais il se tient à l’écart du putsch des généraux à Alger en avril 1961. Il ne participera pas non plus aux actions de l’OAS, qui frappe désormais en métropole.

Vigoureusement opposé à la politique de De Gaulle et à l’indépendance de l’Algérie, proclamée le 3 juillet 1962, Le Pen est battu aux législatives de novembre. Il entame alors une longue traversée du désert et ne retrouvera les bancs de l’Assemblée nationale qu’en 1986.

Au début des années 1970 en effet, Jean–Marie Le Pen a déjà tout d’un retraité de la politique. L’ex–plus jeune député de France est considéré comme un homme de la IVe République. Il a renoncé à se présenter à la présidentielle de 1965, soutenant Jean–Louis Tixier–Vignancour dont il a animé la campagne. Résultat : 5,27 % des voix. Après cet échec, Le Pen a décidé de tourner la page politique.

Sa petite entreprise avec un ex–Waffen SS

Il gère sa petite société d’édition, la SERP, spécialisée dans les documents sonores historiques, créée au début des années 1960 avec Léon Gaultier, ancien responsable du Parti populaire français (PPF) de Doriot et ex–Waffen SS. Mais il regrette toujours de ne pas avoir réussi à créer un rassemblement pour défendre les idées nationales. Ce « front national », c’est le groupuscule néofasciste Ordre nouveau qui va le créer.

Le mouvement, dont les membres manient volontiers la barre de fer contre les communistes et l’extrême gauche, veut casser son image de violence et élargir son audience. Il envisage de présenter des candidats aux législatives de 1973 et a besoin d’un profil plus rassurant aux yeux de l’opinion.

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Après avoir été propulsé à la tête du Front national par les dirigeants d’Ordre nouveau, ses créateurs, Jean–Marie Le Pen va manœuvrer habilement pour s’approprier le parti. Roger–Viollet/.​ Jacques Cuinières

Pour représenter ce « front national », les dirigeants d’Ordre nouveau pensent d’abord à Dominique Venner, ancien activiste devenu intellectuel en prison où il se trouve pour son soutien à l’OAS. Figure de l’extrême droite, Venner, qui s’est retiré du militantisme, décline l’offre. Il poursuivra une carrière d’idéologue et écrivain, et finira par se suicider de façon spectaculaire en se tirant une balle dans la bouche à Notre–Dame de Paris en 2013.

En 1972, c’est à Le Pen qu’Ordre nouveau offre la présidence du Front national avec l’idée d’utiliser l’ancien député comme une vitrine présentable. Le Front national pour l’unité française, créé le 5 octobre 1972, est disparate, mais fait la part belle aux anciens de la Collaboration. Le trésorier, Pierre Bousquet, est un ex–de la division SS Charlemagne, le vice–président, François Brigneau, est un ancien milicien.

Il rassemble collabos, négationnistes, néonazis et catholiques traditionalistes

Parmi les fondateurs du FN, se trouvent aussi André Dufraisse, ex de la Légion des volontaires français (LVF), ou Roland Gaucher, ancien dirigeant des Jeunesses nationales populaires de Maurice Déat. Le Pen va manœuvrer et devenir le maître d’œuvre du parti, écartant les militants d’Ordre nouveau dont le mouvement est dissous en juin 1973 après de violents affrontements avec la Ligue communiste.

Sous la houlette de Le Pen, le FN va rassembler les différentes familles de l’extrême droite, y compris les plus radicales, avec les nationalistes révolutionnaires de l’historien négationniste François Duprat, les néonazis de la Fédération d’action nationale européenne de Mark Fredriksen, le Mouvement nationaliste révolutionnaire de Jean–Gilles Malliarakis, puis les catholiques traditionalistes de Bernard Antony… Mais le parti restera groupusculaire jusqu’au milieu des années 1980.

https://www.lesechos.fr/politique–societe/politique/mort–de–jean–marie–le–pen–une–vie–a–lextreme–droite–2140916

Mort de Jean–Marie Le Pen : une vie à l'extrême droite

Yann Verdo, Jacques Paugam

7 janvier 2024

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Jean–Marie Le Pen, homme politique sulfureux et figure majeure de l'extrême droite en France, s'est éteint ce mardi à l'âge de 96 ans à Garches (Hauts–de–Seine), dans un établissement où il avait été admis il y a plusieurs semaines. « Jean–Marie Le Pen, entouré des siens, a été rappelé à Dieu ce mardi à 12 heures », a indiqué sa famille dans un communiqué transmis à l'AFP.

Il meurt après avoir occupé pendant près d'un demi–siècle la scène politique nationale. Quadruple candidat à l'élection présidentielle, il a présidé aux destinées du Front national de sa naissance à ses premières percées électorales dans les années 1980, avant d'en être définitivement écarté par sa propre fille et héritière politique, Marine Le Pen, en 2017 après qu'elle en a pris la présidence en janvier 2011.

L'onde de choc provoquée par sa qualification au second tour de l'élection présidentielle en 2002 face à Jacques Chirac, avec 16,86 % des voix, reste son principal succès, provoquant une vague de mobilisation partout en France. La consécration pour un parti longtemps tenu en marge de la vie politique mais aussi le début de la fin pour le « Menhir » qui, ce jour–là, peine à masquer le vertige qui le saisit devant les marches du pouvoir.

2007, la présidentielle de trop

Ses invectives, entre faux dérapages et vraies provocations, ponctuées de harangues et de procès en diffamation auront marqué près d'un demi–siècle de vie politique. Un demi–siècle de montée continue dans les urnes, jusqu'au reflux observé à la présidentielle de 2007 – celle de trop, selon beaucoup de ses lieutenants et de ses électeurs – qui le vit perdre près de 1 million de voix par rapport au niveau atteint en 2002, et rétrograder de la deuxième à la quatrième place.

Une contre–performance dont n'aurait toutefois pas osé rêver l'homme au bandeau noir de 1974, celui qui, parachuté deux ans plus tôt à la tête d'un embryon de parti politique fondé par d'anciens activistes d'Ordre nouveau, mouvance d'extrême droite, récolta dans l'indifférence générale un piètre score de 0,75 % à l'issue de sa première candidature à la magistrature suprême.

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Jean–Marie Le Pen, le 1er mai 2002.Jerome Delay/AP/SIPA

Le président du tout jeune Front national n'était pourtant pas un inconnu en ce début des années 1970. Sa campagne moderne, à l'américaine, avait fait la part belle à ses racines bretonnes et populaires, jetant ainsi les bases d'une geste dont les principaux éléments nous sont aujourd'hui familiers : sa naissance à La Trinité–sur–Mer, le 20 juin 1928, dans une humble longère de deux pièces au sol de terre battue, sans électricité ni eau courante ; sa mère Anne–Marie, couturière et fille de paysans catholiques du Kerdaniel ; son père Jean, patron pêcheur, qui ramassa une mine allemande dans ses filets le 21 août 1942 et le laissa pupille de la Nation.

Des origines modestes que le futur ténor de l'extrême droite française saura habilement exploiter pour rallier sous sa bannière les obscurs, les sans–grade, les oubliés de la croissance et de la mondialisation – et faire du FN, devenu RN, le premier parti ouvrier de France.

Des rêves de gloire militaire

Comme son père, « Jeanjean » est une forte tête. Un castagneur, jouant de son mètre quatre–vingt–quatre et de sa force physique afin de prendre l'ascendant sur les autres et se forger une aura et une âme de chef. Renvoyé d'une demi–douzaine d'établissements pour indiscipline, vaguement inscrit à la faculté de droit, l'étudiant bagarreur du Quartier latin s'impose ainsi dès 1949 à la tête de la « Corpo », l'Association corporative des étudiants en droit, qu'il qualifie d'« association aconfessionnelle et apolitique d'extrême droite » dans le premier tome de ses « Mémoires », publié début 2018.

Fricotant avec l'Action française, toujours prêt à en découdre avec ces « cocos » qu'il exècre – un legs paternel – il troquera quelques années plus tard sa faluche contre le béret vert des paras. Sans réaliser ses rêves de gloire militaire : s'étant porté volontaire pour aller combattre en Indochine les rouges du Viêt Minh, il arrive sur place deux mois après la chute de Diên Biên Phu.

Même déconvenue en Egypte, deux ans plus tard, lors de la crise de Suez. Il n'y a qu'en Algérie, où il débarque durant l'automne 1956 pour y démanteler les réseaux du FLN, que son rôle aura été réel. Mais quel rôle ? Soupçonné d'avoir pratiqué la torture, Jean–Marie Le Pen a toujours nié. D'innombrables procès n'ont pas permis d'apporter de preuves définitives dans un sens ou dans l'autre.

Le benjamin de l'Assemblée nationale

Entre–temps, le para faluchard s'est fait connaître des Français en devenant, en janvier 1956, le benjamin de l'Assemblée nationale, où l'a porté la vague poujadiste. Les relations entre le papetier de Saint–Céré et son bouillant lieutenant ne resteront pas au beau fixe très longtemps. Pierre Poujade était « un homme providentiel qui ne croyait pas en la Providence », lancera, plus tard Jean–Marie Le Pen. Ayant vite senti, grâce à cet exceptionnel flair politique qui était le sien, que ce mentor trop timoré ne le mènerait jamais bien loin, le jeune député ne tardera guère à prendre ses distances.

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En octobre 1956, Jean–Marie le Pen, alors benjamin de l'Assemblée nationale.Keystone–France

Mais l'idylle poujadiste n'aura pas été vaine pour autant. Car, sur les bancs du Palais–Bourbon, il aura appris à manier l'arme la plus efficace dans tout combat politique : la langue. Orateur hors pair, capable d'enchaîner les imparfaits du subjonctif et les citations latines sans lasser son auditoire, le président du FN était aussi un maître du dérapage contrôlé : du tristement célèbre « point de détail de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale » – ainsi parla–t–il à deux reprises de la Shoah, en 1987 et en 1997 – au nauséabond « Durafour–crématoire », en passant par son horrible suggestion de créer des « sidatoriums », on ne compte plus ces pseudo–sorties de route, savamment calculées pour exciter les plus bas instincts d'une partie au moins de son électorat.

Un électorat extrêmement hétérogène, ne se retrouvant que sur un seul point : une même exécration du « système », concept fourre–tout englobant la « bande des quatre » (PS, PC, RPR, UDF), devenue plus tard l'« UMPS », et les représentants de « l'établissement », francisation lepenienne de l'establishment.

Car, pour le reste, la grande famille des militants et des sympathisants du FN a toujours eu un petit air d'auberge espagnole. Nostalgiques de Vichy, héritiers du poujadisme, inconsolables de l'Algérie française, doctrinaires du Grece ou du Club de l'Horloge, déçus du communisme, catholiques traditionalistes de Bernard Antony, ouvriers sans usines, agriculteurs sans avenir.

Animal politique

Ce fut tout l'art du président du FN d'avoir su fédérer autour de sa personne ces diverses composantes de l'extrême droite française.

Et d'être parvenu à se poser à chaque présidentielle en seul vrai candidat « antisystème », ne manquant jamais une occasion de dénoncer sa prétendue sous–représentation dans les médias – il se comparait volontiers à Zorro, le « vengeur masqué » – ou de mettre en scène ses difficultés à obtenir les 500 parrainages d'élus nécessaires pour se présenter à l'Elysée.

Des difficultés bien réelles, au demeurant, puisqu'elles l'empêchèrent de se présenter en 1981, et qu'elles faillirent à nouveau lui barrer la route en 2002, l'année de son triomphe.

A ses talents de tribun, Jean–Marie Le Pen ajoutait donc, c'est un fait, un réel charisme comme chef de bande et une non moins réelle intuition comme animal politique. Des qualités qui expliquent en partie l'émergence du Front national à partir de 1983, année qui vit la cheville ouvrière du parti, Jean–Pierre Stirbois, réaliser une percée aux municipales de Dreux.

Ce premier succès du FN, confirmé l'année suivante aux européennes, met fin pour son président à vingt et une longues années de traversée du désert. Non réélu à l'Assemblée nationale au lendemain des accords d'Evian, il avait ensuite petitement vécu des revenus de la SERP, la maison de disques qu'il avait fondée avec l'ancien Waffen–SS Léon Gaultier, jusqu'à ce que l'héritage d'un cimentier fortuné, Hubert Lambert, décédé en 1976, ne fasse de lui un millionnaire.

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Jean–Marie Le Pen en famille chez lui dans sa propriété de Montretout à Saint–Cloud, en juin 1984. (De gauche à droite : Marine le Pen, Yann Le Pen, Jean–Marie Le Pen, Pierrette Le Pen, et Marie–Caroline Le Pen).Chance/SIPA

Dès lors, installé avec les siens – sa première femme, Pierrette, ses trois filles Marie–Caroline, Marine et Yann – dans son hôtel particulier de Montretout, sur les hauteurs de Saint–Cloud, le « Menhir » et son clan menèrent une existence de nouveaux riches, ponctuée de fêtes ostentatoires et de déchirures familiales. Le divorce d'avec Pierrette, partie refaire sa vie (et poser au passage dans « Playboy ») avec l'hagiographe de son époux, le remariage avec Jany, la valse des gendres, le cancer à la prostate détecté en pleine campagne présidentielle de 2002 et soigneusement caché aux électeurs : la saga Le Pen est riche en rebondissements.

Le « pu–putsch » mégrétiste

Le plus douloureux reste l'anathème qui a frappé l'aînée des filles, Marie–Caroline, fin 1998, lors de la scission de Bruno Mégret – le « félon » – aussitôt affublé du surnom cruel de « Naboléon ». Mariée en secondes noces à Philippe Olivier, l'un des lieutenants de l'ex–numéro deux du Front national devenu bras droit de l'autre fille Le Pen – Marine – Marie–Caroline Le Pen sait mieux que personne combien son père pouvait avoir la rancune tenace. Même avec ceux de son sang.

Bien que moqué, le « pu–putsch » mégrétiste, qui vit le FN se vider de la grande majorité des cadres et de ses élus locaux, a fortement ébranlé et le parti et son président. En 2011, le « Menhir » a laissé les clés du FN à sa fille Marine, la soutenant face à son lieutenant Bruno Gollnisch. Mais les relations entre le père et la fille vont se dégrader, l'emprise de Florian Philippot, transfuge du chevènementisme, sur Marine Le Pen précipitant les choses. La dédiabolisation du parti destinée à élargir la base électorale est en marche, et elle exige d'expurger tous les signes de l'idéologie d'extrême droite historique, son fondateur en premier lieu. C'est fait en 2015 .

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Jean–Marie Le Pen et Marine Le Pen, le 1er mai 2015.Kenzo Tribouillard/AFP

Même si la justice le reconnaît toujours comme président d'honneur du FN, sa fille lui interdit de venir au bureau politique du mouvement en juin 2017. Alors que le score de la candidate FN au second tour de l'élection présidentielle 2017 est historique, la rupture est complète. Ultime affront, Marine Le Pen a même changé le nom du parti le 1er juin 2018 et avec lui ses statuts, effaçant la présidence d'honneur occupée par son père qui évoque un « jour de deuil ».

Jamais avare de critiques envers celle qu'il souhaite alors ne plus voir arborer son nom, il quitte son mandat de député européen en 2019. Jean–Marie Le Pen est mis en examen la même année dans l'affaire des assistants parlementaires européens pour « détournement de fonds publics ». S'il n'en est pas à sa première mise en cause, son retrait progressif des affaires publiques et une santé déclinante signent la normalisation discrète des relations avec celle qui lui succède dans la course à l'Elysée.

En 2021, alors qu'Eric Zemmour fait émerger une dangereuse concurrence à l'extrême droite pour l'élection présidentielle, il ne résiste pourtant pas à l'envie d'égratigner une ultime fois la candidature de Marine Le Pen, à qui il reprochera toujours son entreprise de dédiabolisation. Alors que celle–ci est en perte de vitesse, au coude–à–coude avec le polémiste, le patriarche n'exclut pas de soutenir « Eric » si ce dernier est « mieux placé ». L'histoire lui donnera tort.

Accident vasculaire cérébral et malaise cardiaque

En février 2022, il souffre d'un léger accident vasculaire cérébral qui provoque une première hospitalisation. Nouvelle alerte en avril de l'année suivante lorsqu'un malaise cardiaque, cette fois, l'amène de nouveau à être admis à l'hôpital. Le patriarche est finalement placé en février dernier, à l'âge de 95 ans, sous un régime de protection juridique s'apparentant à une tutelle et revenant à la charge de ses trois filles, dont Marine Le Pen.

L'altération progressive de son jugement, constatée médicalement, le place dans l'incapacité d'assister aux audiences dans l'affaire des assistants européens, ouvertes en septembre dernier, et au cours desquelles sa propre fille joue très gros. Quelques jours auparavant, il apparaît dans une vidéo révélée par Mediapart où il chantonne aux côtés de membres d'un groupe de rock identitaire et néonazi dans sa propriété de Rueil–Malmaison. Marine Le Pen annonce porter plainte pour abus de faiblesse.

Chantre du roman national et de ses pages les plus sombres, Jean–Marie Le Pen aura marqué de ses excès un demi–siècle de l'histoire politique. La disparition du « diable de la Ve République », à l'âge de 96 ans, signe la fin d'une époque.

Les dates clés de Jean–Marie Le Pen

20 juin 1928 : naissance à La Trinité–sur–Mer de Jean, Louis, Marine Le Pen, qui ne se fera appeler Jean–Marie que beaucoup plus tard.

1956 : élu à 27 ans député de Paris sous les couleurs de l'Union et fraternité française (UFF), le groupe parlementaire de Pierre Poujade.

1972 : appelé à présider le Front national, parti politique fondé la même année par d'anciens activistes d'Ordre nouveau.

1974 : avec seulement 0,75 % des voix, sa première candidature à une élection présidentielle est un échec cinglant.

1984 : les élections européennes de juin marquent la percée du Front national, qui obtient près de 11 % des suffrages.

1998 : scission du numéro deux Bruno Mégret, qui part fonder le Mouvement national républicain avec une bonne partie des cadres et des conseillers régionaux.

2002 : accède au second tour de l'élection présidentielle avec 16,86 % des voix.

Gauchosphère

https://legrandcontinent.eu/fr/2025/01/07/jean–marie–le–pen–1928–2025–lombre–de–la–republique/

Jean–Marie Le Pen (1928–2025) : l’ombre de la République

Études In Memoriam

Jean–Marie Le Pen vient de mourir à Garches, dans les Hauts–de–Seine.

Âgé de presque cent ans, avec lui disparaît le dernier député de la IVe République et une figure clef de la Ve République.

Étudier son profil revient à parcourir la part d’ombre de l’histoire de la France contemporaine : les accusations de torture pendant la guerre d'Algérie, celles d'antisémitisme — la centralité de la Shoah niée, réduite à « un point de détail de l'histoire ».

C’est aussi saisir, dans le génie de son extrême fluidité tactique, la contemporanéité d’une idée fixe : l’union des droites extrêmes n’était que le préalable à une union plus large qui passerait nécessairement par la liquidation de l’héritage gaulliste et la construction d’un nouveau bloc de droite.

Baptiste Roger–Lacan

L'ombre de Jean–Marie Le Pen lors d'un meeting de soutien à Alain Jamet à Palavas–les–Flots le 5 mars 2004. © Virginie Clavières/SIPA

Date 7 janvier 2025

Cela faisait plus d’un an que Jean–Marie Le Pen se taisait. Retranché dans sa résidence de Rueil–Malmaison, il continuait de recevoir quelques visiteurs  : sa famille et ses derniers fidèles. Cependant, il avait cessé de prendre la parole publiquement. Le dernier épisode de son journal de bord — ces vidéos qu’il publiait en ligne pour livrer ses analyses de l’actualité, souvent émaillées de propos aux relents racistes ou antisémites — remontait au 28 juin 2023 1.

Affaibli et vieillissant, le président historique du Front national s’était réconcilié avec sa fille Marine, elle qui l’avait exclu du parti en 2015 après une nouvelle sortie négationniste. Ce rapprochement laissait penser qu’il avait choisi de ne plus se mettre en travers des ambitions de son héritière en rappelant crûment quel avait été le creuset idéologique du Rassemblement national. 

Pourtant, le 28 septembre 2024, un peu plus de trois mois avant sa mort, il était filmé en compagnie de membres de Blood and Honour, un réseau européen de promotion de musique néo–nazi. Vêtu d’un col–roulé rouge, le vieil homme chante une chanson paillarde, hilare, avant d’écouter une ode à sa gloire composée par certains des skinheads. Et qu’importe que ses avocats l’aient dit trop malade pour comparaître au procès qui lui était intenté, ainsi qu’à un grand nombre de cadres du RN, dans l’affaire des assistants parlementaires du Front national au Parlement européen  ! Quels que soient les risques pour lui, sa famille ou sa formation politique, Jean–Marie Le Pen était incapable de garder le silence. Jusqu’au bout, il a voulu faire entendre sa voix et montrer qu’il était le grand homme de l’extrême droite — de toutes les extrêmes droites. 

Au moment de sa mort, cette constance militante, qui couvre presque trois quarts de siècle, est saillante. Elle est l’essence de Jean–Marie Le Pen. Si l’homme a toujours été d’extrême droite, il n’a jamais été un doctrinaire. Il ne laisse pas derrière lui un legs théorique cohérent ou structuré. Loin d’être une faiblesse, sa plasticité idéologique lui a permis de durer, et, progressivement, de dominer sa famille politique : il a su, tout au long de sa carrière, naviguer parmi les nombreuses tendances qui ont constitué, des années 1950 à aujourd’hui, la nébuleuse de l’extrême droite. Identitaires, nationalistes, catholiques traditionalistes, néopaïens, nostalgiques de l’Algérie française, ou fascistes, Jean–Marie Le Pen s’est adressé à tous ces courants, sans jamais se laisser enfermer par l’un d’entre eux — convaincu qu’il était la seule incarnation de ce qu’il appelait le « camp national ». De ce point de vue, il est un véritable carrefour des anti–Lumières, qui n’ont pas désarmé au XXe siècle 2. Mais l’histoire d’un mouvement politique ne se réduit jamais à un seul homme. Pourtant, sa figure n’en demeure pas moins incontournable pour comprendre le phénomène, tant il a marqué de son empreinte l’évolution de l’extrême droite en France.

La constance définit sa vie politique, tout comme sa violence. Qu’elle soit verbale ou physique, celle–ci fut omniprésente dans la carrière d’un homme qui la considérait comme un outil légitime pour s’imposer, marquer les esprits ou jeter ses adversaires à la vindicte. Au moment de sa mort, il faudra prendre garde à ne pas se laisser avoir par le folklore du « Menhir », le surnom que lui donnent ses soutiens, ses adversaires et certains commentateurs. Le souvenir de sa gouaille ou de sa manière de transformer la politique en spectacle pourraient finir par construire une image rétrospective qui occulterait la brutalité de ses idées et de ses méthodes. Au moment où le Rassemblement national est aux portes du pouvoir, certains seront peut–être tentés de dédiaboliser la mémoire de celui qui a dirigé le parti pendant près de quarante ans. Il ne faudra jamais oublier que, chez lui, la violence n’était pas seulement un effet de style mais un principe d’action. 

Mais Jean–Marie Le Pen ne fut pas seulement une brute. Il était aussi un stratège redoutable, un ambitieux impitoyable qui a su devenir le chef du premier parti d’extrême droite à s’imposer durablement en France, après la Seconde Guerre mondiale. 

Avec lui meurt le dernier député de la IVe République. Mais c’est surtout un antimonument de la Ve République qui s’éteint. Antimonument, car sa longévité lui donne une place à part dans l’histoire d’un régime où il s’est toujours défini par ses refus et par ses haines. Refus du général de Gaulle, qu’il voyait comme un traître à tous les idéaux qu’il prétendait défendre. Refus de toute idée de progrès démocratique ou social. Refus du libéralisme politique, auquel il préférait un populisme charismatique qui aurait fait de lui la seule voix de la nation. Haine des étrangers, des juifs, des élites, des gauches, toujours ramenées au spectre communiste, mais aussi de la construction européenne. Autour de ces refus et de ces haines s’est fédéré un militantisme nostalgique — celui de l’Empire colonial, dont il n’a jamais accepté la fin  ; de Vichy qu’il n’a jamais cessé de réhabiliter, tout en ne cessant de s’entourer d’hommes qui avaient dédié leur vie à ce régime et à sa mémoire  ; enfin, d’une France au passé idéalisé, blanche, catholique, et patriarcale. 

Il a aussi été l’homme d’une conviction obsessionnelle  : l’union des extrêmes droites n’était que le préalable à une union large des droites, qui passerait nécessairement par la liquidation de l’héritage gaulliste. Pour y parvenir, il a multiplié les provocations brutales, les revirements, nombreux en matière économique notamment. Mais si le Front national a connu une immense progression sous sa houlette — des marges absolues de la vie politique française au second tour de l’élection présidentielle — il n’avait pas atteint cet objectif au moment de passer la main à sa fille Marine. 

Au moment de sa disparition se pose la question de son héritage politique. Alors que le parti a obtenu plus de dix millions de voix lors des deux tours des élections législatives de 2024. En saisir les contours, c’est raconter une part importante de l’histoire de l’extrême droite en France, mais aussi en Europe de l’Ouest. Mais après sa mort, Jean–Marie Le Pen est–il toujours une part de son avenir  ?

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Album de famille de Jean–Marie Le Pen. © SIPA

Jean–Marie Le Pen à un meeting de Pierre Lagaillarde en faveur de l’Algérie française. Mai 1960. © Delmas/SIPA

De la Bretagne à Assas  : mythes et réalités d’une éducation nationaliste

« Mon père était marin–pêcheur et mon grand–père aussi, qui avait fait, à vingt ans, dans l’océan Indien, la campagne de Madagascar. Quand je fus assez grand pour attraper un livre sur la plus haute étagère du buffet qui servait à mon père de bibliothèque, je lus Pêcheur d’Islande. Loti y voisinait avec Hugo et Alexandre Dumas, les romanciers du peuple. » 3

Dans tous ses textes autobiographiques, mais aussi dans ses entretiens, Jean–Marie Le Pen rappelle inlassablement cette ascendance. Il s’agissait, bien sûr, de se présenter comme un fils du peuple, un héritier des traditions populaires et des métiers rudes. Le titre du premier tome de ses mémoires, Fils de la nation, en est une illustration directe, insistant sur la dureté des conditions de vie des marins–pêcheurs et, par extension, sur sa filiation avec la France laborieuse. 

En vérité, Jean Le Pen (1901–1942) était un petit patron, propriétaire de son chalutier. Il était également conseiller municipal, et président de la section locale de l’UNC, une association d’anciens combattants plutôt ancrée à droite. La famille appartient à la petite classe moyenne et Jean–Marie Le Pen se voit encourager à poursuivre son parcours académique jusqu’au baccalauréat. 

Mais l’évocation de cette ascendance a aussi une fonction politique, enraciner son histoire personnelle dans un territoire : la Bretagne. Dans ses mémoires, son enfance est indissociable de cette région, de l’océan, où son père a trouvé la mort en 1942, lorsqu’il remonte une mine allemande dans l’un de ses filets de pêche, mais aussi d’une éducation encadrée par deux pôles  : l’église et l’école 4. La Bretagne qu’il décrit n’est pas seulement un lieu, mais un symbole : celui d’un monde ancien, préservé de ce que la modernité peut avoir de délétère, où la hiérarchie sociale, le labeur, et les valeurs conservatrices tenaient encore leur place. 

Jean–Marie Le Pen a quatorze ans à la disparition de son père. Les circonstances de sa mort font de lui un « pupille de la nation ». Si la situation économique de la famille est dégradée, ce statut garantit que les frais de base de ses études seront payés. En matière d’éducation, et quoique la famille soit catholique, il n’y a pas de ligne claire entre enseignement laïc et religieux  : Jean–Marie Le Pen a fréquenté l’école communale, le collège (jésuite) Saint–François–Xavier de Vannes, puis plusieurs lycées en Bretagne et à Saint–Germain–en–Laye où il passe son baccalauréat en 1947. Il a plusieurs fois décrit les lectures qui avaient été les siennes pendant ces années d’enfance et d’adolescence. Ce sont les classiques qui, sous la Troisième République, sont largement diffusés auprès du lectorat bourgeois  : les poètes romantiques, des romanciers comme Balzac et Stendhal et « surtout Alexandre Dumas » 5. Il dit aussi avoir aimé les récits qui mettent en scène l’aventure coloniale ou aéronautique  : Mermoz ou Brazza font partie de son panthéon, et l’idée d’un empire français semble l’avoir séduit très tôt. De ces lectures de jeunesse, il paraît donc avoir été marqué par les ouvrages qui mettent en scène l’archétype du héros charismatique né dans la littérature populaire du milieu du XIXe siècle  : c’est parce que le lecteur ne ressemble pas aux protagonistes dont il découvre les péripéties qu’il est enthousiasmé 6. Finalement, il ne fait pas de référence à la littérature contre–révolutionnaire, abondante dans les bibliothèques paroissiales et celles des écoles libres à l’époque, ou à l’historiographie capétienne, ce courant proche de l’Action française qui triomphe aux éditions Fayard dans l’entre–deux–guerres. Si l’on excepte une remarque sur le débarquement de l’armée des émigrés à Quiberon, en 1795, qui se solda par l’exécution des prisonniers, Le Pen n’a pas vraiment été marqué par la culture contre–révolutionnaire de l’Ouest.

À la fin de la guerre, Jean–Marie Le Pen semble avoir voulu s’engager dans les Forces françaises de l’intérieur, mais il en est écarté en raison de son jeune âge. S’il est difficile de savoir comment il a réellement vécu la fin du conflit, ce moment devient dans ses mémoires l’occasion d’une longue digression. Il y dénonce avec véhémence l’épuration, selon lui uniquement menée par les communistes, avec la complicité des gaullistes, et il se livre à un vibrant apologue de la politique du maréchal Pétain. Selon lui, le régime de Vichy, légal et légitime, aurait agi comme un « bouclier » pour protéger la communauté nationale. Il accuse de Gaulle d’avoir orchestré l’humiliation de Pétain après la guerre pour mieux asseoir sa propre grandeur. Ce révisionnisme pétainiste, combiné à un antigaullisme obsessionnel, illustre comment Le Pen, en mémorialiste, reste fidèle aux combats idéologiques de toute sa vie. Pourtant, il est peu probable que ses positions politiques aient été aussi claires à l’époque, à seulement 16 ans. Il admet d’ailleurs lui–même avoir brièvement envisagé d’adhérer au Parti communiste.. 

En 1948, il s’inscrit à la faculté de droit à Paris. Pour compléter sa bourse, il doit faire de petits boulots, qui nourriront sa légende d’authentique tribun du peuple — le titre du second tome de ses Mémoires. Jean–Marie Le Pen trouve surtout un exutoire et une véritable vocation dans les activités para–universitaires 7. En 1949, il devient président de l’Association corporative des étudiants en droit (la « Corpo » de droit), destinée à soutenir et représenter les étudiants de la discipline. Politiquement, cette organisation n’est pas neutre. Elle a été fondée en 1909 après une importante mobilisation des étudiants de droit contre Charles Lyon–Caen, doyen de la Faculté. Très vite, ce mouvement avait été capté et animé par l’Action française, qui hait le « doyen juif » 8. La Corpo est marquée par cet engagement initial et reste proche du mouvement royaliste jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Quelques années après la fin du conflit, cet héritage y reste bien vivant. C’est là que s’affirme l’anticommunisme de Jean–Marie Le Pen, l’un des traits les plus marqués de son profil politique. C’est aussi par ce groupe qu’il commence à fréquenter des étudiants maurrassiens — sans jamais adhérer au royalisme 9. Deux choses sont néanmoins marquantes dans ses premières sociabilités politiques. D’une part, alors même que la droite est très affaiblie dans la jeune Quatrième République, Jean–Marie Le Pen s’oriente très tôt vers ses marges les plus radicales. D’autre part, il comprend tôt que l’anticommunisme est un point d’accord idéologique pour toutes les droites — un moyen possible de sortir ses franges les plus extrêmes de l’isolement où l’ont plongé l’effondrement du régime de Vichy et l’épuration.

Mais la Corpo n’est pas seulement un lieu de formation politique. À travers cet engagement, il se découvre et développe des forces. Si Le Pen échoue à devenir avocat, la Corpo lui offre une première scène pour affirmer son goût pour la prise de parole publique et de la provocation. Dans cet environnement, il apprend à réunir, contrôler et mobiliser des groupes, à se poser en porte–parole, et à donner une portée collective à ses ambitions personnelles. En somme, la Corpo est la première expérience militante de Jean–Marie Le Pen. C’est aussi pour cela qu’elle a acquis une telle importance rétrospective dans ses récits autobiographiques. 

En 1953, il obtient finalement sa licence en droit, après avoir redoublé plusieurs années. Quelques semaines plus tard, il s’engage dans les parachutistes. 

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Jean–Marie Le Pen après la conférence de presse du Général Salan à l’approche du procès Lagaillarde. 20 octobre 1960 © Dalmas/SIPA

Jean–Marie Le Pen lors de la campagne présidentielle de 1974. 19 avril 1974 © Universal Photos/SIPA

Une entrée dans le monde  : l’Empire et la politique

Toute sa carrière, Jean–Marie Le Pen s’est posé en défenseur acharné de l’Empire français, exaltant sa prétendue mission civilisatrice et dénonçant avec virulence ceux qu’il considérait comme responsables de son abandon : les communistes, les socialistes et les gaullistes. Ce discours, omniprésent dans sa rhétorique, trouve ses racines dans une fascination profonde pour la grandeur passée de la France coloniale. Après ses études, alors que la guerre d’Indochine est présentée comme un rempart contre l’expansion du communisme, il décide de s’engager dans les parachutistes, un choix qui mêle patriotisme revendiqué et goût pour l’aventure militaire. En 1954, il s’embarque pour l’Asie mais arrive trop tard pour participer aux combats décisifs, notamment à Dien Bien Phû. Jean–Marie Le Pen en Indochine, c’est un peu Fabrice à Waterloo  : il est le spectateur impuissant d’un Empire vacillant. 

Pourtant, ces quelques mois en contact avec l’Indochine et ce qu’il reste de l’Empire français le fascinent. Il y découvre un monde qui incarne pour lui la grandeur et l’ordre colonial qu’il vénère, tout en étant convaincu d’avoir saisi les causes de son effondrement qu’il attribue à la contagion des idées communistes et aux renoncements d’une métropole indifférente. La chute de l’Indochine, qu’il vit comme une humiliation personnelle, le marque durablement. Elle renforce sa conviction que toute nouvelle reculade, où qu’elle soit, doit être combattue avec la dernière énergie. Préserver ce qu’il reste de l’Empire passera autant par la guerre que par la politique. 

De retour en France, il se rapproche d’abord du Centre national des indépendants et paysans (CNIP) — le point de rencontre des droites non–gaullistes sous la Quatrième République — avant de rejoindre le mouvement poujadiste, alors en pleine expansion. Ce courant politique a émergé en juillet 1953 à Saint–Céré, dans le Lot, à partir de la révolte de commerçants et artisans contre les contrôles fiscaux. Initié par Pierre Poujade, un papetier–libraire, le mouvement s’organise rapidement autour de l’Union de défense des commerçants et artisans (UDCA), un syndicat créé en novembre 1953. D’abord circonscrit au Sud–Ouest, il s’étend progressivement à une vingtaine de départements en 1954, puis à l’ensemble du territoire français en 1955. À travers des oppositions spectaculaires à des contrôles fiscaux et une organisation méthodique par comités locaux, cantonaux et départementaux, l’UDCA fédère un large réseau militant, atteignant près de 360 000 adhérents en 1955 10. Le poujadisme s’appuie sur un programme antifiscal et corporatiste, qui mobilise principalement les petits commerçants et artisans ressentant un déclassement économique et social dans l’après–guerre. S’inscrivant dans la continuité des droites contestataires de la Troisième République, il exprime la nostalgie pour une France traditionnelle et rurale, ainsi que le rejet des élites corrompues. 

Poujade est devenu une figure nationale lorsque Le Pen, alors âgé de 27 ans, le rencontre. Son profil d’ancien parachutiste apporte une caution nationaliste et patriote au mouvement, en lui permettant d’élargir sa plateforme politique à la défense de l’Empire. Les élections législatives de janvier 1956, convoquées après la dissolution de l’Assemblée, donnent un débouché inattendu à cette rencontre. Lors de sa campagne, Le Pen adopte un ton martial, et se présente en nationaliste enragé, comme en témoigne le plus vieil enregistrement disponible de sa carrière politique : « Français et Françaises de moins de 30 ans, c’est à vous que je m’adresse. (…) Par l’union, nous pouvons chasser tous les dirigeants corrompus et incapables. Fraternellement unis, votez tous, Français, le 2 janvier, pour les listes présentées par le mouvement Poujade. » 11 En janvier 1956, Jean–Marie Le Pen est élu député, l’un des plus jeunes de la législature. Il s’est aussi imposé comme l’une des personnalités du mouvement, ayant soutenu nombre de candidats en province. 

Quelques semaines après son élection, le 6 février, Guy Mollet, le nouveau Président du Conseil, est très mal accueilli par la population européenne d’Alger. Alors que le conflit algérien s’intensifie, il continue d’éprouver ses capacités d’orateur en défendant inlassablement la cause de l’empire. Il reprend à son compte la rhétorique antisémite et complotiste de Poujade, qui, depuis ses débuts, dénonce des élites politiques soumises à la finance internationale et aux intérêts apatrides. Celles–ci sont désormais aussi accusées de brader les colonies 12. Pierre Mendès France, qui a mis fin à la guerre d’Indochine, est, par exemple, sans cesse ramené à ses origines juives  :  à Marseille, le 26 juin 1956, Le Pen proclame : « Le mot empire a encore une signification pour les braves gens et je dis à Mendès France qu’il ne faut pas brader un pays comme on vend des tapis. » Ce discours, qui associe l’abandon de l’Empire à une trahison nationale orchestrée par des élites cosmopolites, devient l’un des piliers de son discours. 

Cependant le passage de Jean–Marie Le Pen au sein du mouvement poujadiste est de courte durée. Il commence rapidement à s’éloigner du fondateur, jusqu’à rompre en 1957 pour se rapprocher à nouveau du CNIP. Et surtout, en octobre 1956, Le Pen obtient l’autorisation de quitter l’Assemblée pour six mois afin de rejoindre son unité en Algérie  : le premier régiment étranger de parachutistes (REP) où il sert en tant que lieutenant. Avec son unité, il participe à l’intervention conjointe de la France, de la Grande–Bretagne et d’Israël à Suez. La décision des dirigeants franco–britanniques d’abandonner leurs positions sous la pression des États–Unis et de l’Union soviétique lui apparaît comme un nouveau renoncement. Il arrive ensuite à Alger où son régiment est déployé dans le cadre de l’immense opération de répression qu’y dirige le général Massu. Cette période marque un véritable basculement dans l’usage de la torture en Algérie. Si le phénomène avait toujours été une composante de l’ordre colonial, l’intensification de la lutte contre le FLN et l’extension croissante des pouvoirs de l’armée font qu’il est désormais érigé en système 13

Officier de renseignements, Jean–Marie Le Pen a torturé en Algérie. Dès 1962, l’historien Pierre Vidal–Naquet, qui s’appuie sur des rapports de police, établit que Le Pen a personnellement participé à des actes de torture 14. Ces accusations sont initialement confirmées par Le Pen lui–même. Dans un entretien à Combat, en novembre 1962, il déclare ouvertement  : « Nous avons torturé parce qu’il fallait le faire ». Il accuse même ceux qui s’y refusent d’être responsables des morts qu’ils auraient pu empêcher. Toutefois, avec le temps, il revient sur ses propos, niant que les méthodes utilisées dans les unités qu’il dirigeait puissent être assimilées à de la torture et prétendant avoir dit « nous » pour s’exprimer au nom de l’armée française. Au fil des années, alors que des témoignages de victimes et de témoins s’accumulent, Le Pen change de stratégie et dénonce un complot politique, qualifiant ces accusations de manœuvres orchestrées par ses adversaires 15

À son retour en métropole, Jean–Marie Le Pen retrouve son siège à l’Assemblée nationale où il soutient absolument la répression en Algérie. En 1957, il cofonde le Front national des combattants (FNC) — imposant ce nom de « Front national » — et adopte un emblème inspiré du premier REP. Il acquiert une certaine notoriété grâce à son retour dans l’armée, son intransigeance nationaliste et son sens de l’insulte et de la provocation. Le 11 février 1958, au cours d’un débat sur le bombardement de Sakiet Sidi Youssef, un village tunisien présenté comme un camp d’entraînement du FLN, il s’en prend à nouveau Pierre Mendès–France  : « Monsieur Mendès France, vous cristallisez sur votre personnage un certain nombre de répulsions patriotiques, presque physiques ». Depuis la campagne législative de 1956, Jean–Marie Le Pen maîtrise parfaitement les codes de la rhétorique antisémite. 

Alors que la guerre d’Algérie menace de s’étendre en métropole, la Quatrième République s’effondre 16. Initialement prudent, il s’abstient de voter les pleins pouvoirs à de Gaulle et adopte une position attentiste. Le poujadisme s’étant effondré, il est réélu député de Paris en 1958, en tant qu’apparenté au CNIP. L’évolution du général de Gaulle vers la politique d’autodétermination pour l’Algérie provoque son basculement. Jean–Marie Le Pen est alors l’un des plus ardents défenseurs de l’Algérie française à l’Assemblée nationale. Il prend publiquement parti pour l’OAS, et soutient des figures comme Pierre Lagaillarde, instigateur de la « semaine des barricades ». Il ne bascule pas lui–même dans l’illégalité — une singularité de son parcours à une époque où nombre de groupuscules d’extrême droite finissent par favoriser la lutte violente et clandestine. 

La défense radicale de l’Algérie française et son corollaire, l’antigaullisme, laissent une trace indélébile dans les engagements politiques ultérieurs de Jean–Marie Le Pen, constituant l’une de ses principales boussoles — auxquelles s’ajoute bientôt l’apologie du pétainisme. Cette stratégie lui coûte électoralement. En 1962, après la dissolution décidée par de Gaulle, il est battu à Paris, par un gaulliste, René Capitant. Plus généralement, le combat pour l’Algérie française, marqué par la stratégie de terreur déployée par l’OAS, marginalise les mouvements et les figures d’extrême droite qui se sont engagés à plein dans ce combat. Chez les gaullistes, elle réactive la mémoire de la Seconde Guerre mondiale pour isoler politiquement les nostalgiques de Vichy et de l’Empire. Ce sont eux que Jean–Marie Le Pen s’emploiera à réunir à partir des années 1970.

Dans l’immediat, s’il ne renonce en rien à la politique, il diversifie ses activités et fonde la Société d’études et de relations publiques (Serp), présentée comme « une maison d’édition de disques pédagogiques ». Parmi ses associés, on trouve notamment l’ancien Waffen SS Léon Gaultier. Le catalogue, qui contient notamment des chants du Troisième Reich, lui vaut quelques condamnations, notamment pour la publication de disques reproduisant une déclaration de Jean–Marie Bastien–Thiry, exécuté en 1963 pour avoir tenté d’assassiner de Gaulle au Petit Clamart, ou faisant l’éloge du maréchal Pétain. En 1962 paraît aussi un enregistrement de la plaidoirie pour la défense du général Salan 17 qu’avait prononcée Jean–Louis Tixier–Vignancour 18

Député sous la Troisième République, ce dernier avait voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, avant de devenir secrétaire général adjoint à l’Information de l’État français de son gouvernement jusqu’au printemps 1941. Après avoir été arrêté par les autorités de Vichy, puis par les Allemands, il rejoint Alger et s’engage dans le corps expéditionnaire français en Italie, d’où il est rappelé par le Comité français de la Libération nationale avant d’être incarcéré. Après la guerre, il est frappé d’inéligibilité pour ses actions au début de l’Occupation. Avocat, il défend Céline, dont il obtient l’amnistie en 1951, avant de revenir en politique. Comme Jean–Marie Le Pen, il est élu en 1956, mais siège parmi les non–inscrits. Battu en 1958, il fonde deux ans plus tard le Front national pour l’Algérie française avec Jean–Marie Le Pen — un mouvement dissous par le Conseil des ministres en décembre 1960. 

Le combat acharné pour la défense de l’Empire rapproche donc les deux hommes et, en 1964, Jean–Marie Le Pen prend la tête des Comités Tixier–Vignancour dont l’ambition est de fédérer toutes les droites antigaullistes. Les anciens poujadistes et les partisans de l’Algérie française forment les gros bataillons de ce mouvement dans lequel il occupe une position centrale. En mars 1965, les listes parrainées par Tixier–Vignancour obtiennent près de 9 % des voix à Paris, ce qui est interprété comme le signe d’une demande politique. À l’automne, Le Pen devient son directeur de campagne pendant l’élection présidentielle. C’est une expérience marquante, mais frustrante car sa candidature n’obtient qu’une quatrième place et un score décevant au regard des ambitions qu’il affichait  : 5,2 % des suffrages exprimés. Il est particulièrement performant à Paris, où existe une tradition nationaliste qui remonte à la crise boulangiste et à l’affaire Dreyfus, et surtout dans le Sud–Est de la France où vivent une grande majorité des rapatriés d’Algérie 19. Si la capitale cesse d’être un territoire important dans les années 1980, lorsque commence à décliner la part du vote bourgeois pour le FN, le Sud est resté un bastion qui s’adapte aux évolutions du parti, tout en permettant de mesurer la persistance des motivations xénophobes dans les déterminants du vote des électeurs du parti d’extrême droite 20

Le choix de Jean–Louis Tixier–Vignancour d’appeler à voter François Mitterrand au second tour de l’élection de 1965 est vécu comme une trahison par Jean–Marie Le Pen, par ailleurs convaincu qu’il aurait fait un meilleur score s’il avait été le candidat. Cette première expérience nationale reste néanmoins marquante dans sa carrière. En plus de lui avoir permis d’éprouver ses compétences d’organisateur à grande échelle, elle lui a aussi permis de réunir un important fichier de 100 000 à 200 000 noms, constitué de sympathisants des Comités Tixier. 

Au lendemain de la campagne, Jean–Marie Le Pen est plus que jamais convaincu qu’il faut fonder un grand mouvement capable d’unifier toutes les tendances de l’extrême droite, et dont il prendrait la tête. Paradoxalement, ce n’est pas lui qui initie le projet qui, en 1972, aboutit à la fondation d’un petit parti  : le Front national. 

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Jean–Marie Le Pen lors d’un meeting du Front National le 7 novembre 1972 à la Maison de la Mutualité à Paris. © Cotte/SIPA

Fonder un parti

Depuis la Troisième République, aucun mouvement ou parti n’avait réussi à s’inscrire durablement à l’extrême droite du champ politique français. Les légitimistes, qui représentaient près d’un tiers des députés à l’Assemblée nationale de 1871, s’étiolèrent rapidement, incapables de maintenir une influence significative. Les ligues des années 1930, bien que spectaculaires, s’effondrèrent sous le poids de leurs divisions et des répressions gouvernementales. Même l’Action française, qui demeure l’un des principaux repères idéologiques de l’extrême droite, a presque toujours refusé de briguer les suffrages, à l’exception des élections de 1920 et 1924, et se cantonne à un rôle doctrinaire. En revanche, avec le Front national, Jean–Marie Le Pen réalise un exploit inédit dans l’histoire de l’extrême droite française : durer. 

Cela n’avait rien d’une évidence. Dans les années 1950, tandis que Jean–Marie Le Pen commence sa carrière politique au Parlement, évoluant aux confins de la droite et de l’extrême droite, plusieurs groupuscules d’extrême droite se tiennent éloignés de l’arène parlementaire. Ces nationalistes révolutionnaires défendent l’héritage du fascisme, mais la violence de ces groupes et les querelles idéologiques entre ces membres rend cette nébuleuse extrêmement instable. 

En 1969 est fondé le plus important de ces groupes néofascistes, Ordre nouveau (ON) qui amorce une importante mue stratégique  : sans abandonner les principes du nationalisme révolutionnaire, il s’agit désormais de trouver une large audience dans la société française en faisant notamment fond sur l’anticommunisme et la lutte contre les organisations « gauchistes » 21. Soucieux de se doter d’une vitrine électorale respectable, les cadres d’ON décident de créer une organisation distincte, destinée à porter leurs revendications dans les urnes. Pour présider ce nouveau parti, leur choix se porte sur Jean–Marie Le Pen, non sans hésitations ni tensions. Initialement, la présidence est proposée à Dominique Venner, qui décline l’offre. C’est François Brigneau, ancien milicien proche de Le Pen, qui avance son nom, convaincu que son expérience politique et son image modérée pourraient être des atouts. Pourtant, les cadres d’Ordre nouveau, sceptiques, jugent Le Pen dépassé, trop réactionnaire et enfermé dans la nostalgie de l’Algérie française. Mais finalement, les arguments de Brigneau font mouche  : son profil et son expérience politiques, combinés à son respect des institutions et sa méfiance envers l’illégalité, pourraient servir la stratégie d’un parti « attrape–tout », capable de ratisser large parmi les électeurs désabusés des droites traditionnelles 22

Dès sa fondation, le Front national est marqué par de fortes tensions internes. Les membres d’ON, bien qu’intégrés en nombre dans la nouvelle structure, ne parviennent pas à imposer leurs idées révolutionnaires face à la ligne de Le Pen, qui veut orienter le parti vers un programme populiste et nationaliste, qui mêlerait conservatisme social, anticommunisme et anti–élitisme. Le Front national s’engage aussi prudemment sur le terrain de l’immigration, un thème cher à ON mais encore marginal dans le débat politique de l’époque. Les élections législatives de 1973 constituent un premier test électoral. Malgré la mobilisation de ses militants, le parti ne parvient qu’à des résultats dérisoires, avec seulement 1,32 % des voix au niveau national. Cette déroute électorale exacerbe les divisions internes. Les militants d’ON, frustrés par l’échec et le contrôle exercé par Le Pen, organisent un meeting virulent contre l’immigration en juin 1973. Cet événement, marqué par des affrontements violents avec l’extrême gauche, entraîne la dissolution d’Ordre nouveau par le gouvernement. Jean–Marie Le Pen émerge comme l’unique tête de proue du Front national, mais cette victoire a coûté cher  : il est à la tête d’un parti qui a tout d’une coquille vide. Une fois de plus, les forces d’extrême droite ont échoué à s’unir. 

Tandis que les anciens d’ON, réunis dans le Parti des forces nouvelles, apportent leur soutien militant à la campagne de Valéry Giscard d’Estaing, ce qui, dans l’immédiat, leur apporte des subsides importants, Jean–Marie Le Pen s’emploie à reconstruire le Front national, une phase décisive dans l’imaginaire du parti et la constitution d’une identité presque totale entre celui–ci et son président. À l’échelon national, le Front national pose les bases de son organisation future. Victor Barthélemy, ancien lieutenant de Jacques Doriot et homme d’appareil chevronné, joue un rôle central dans cette transformation. Apportant son expérience tirée de ses engagements antérieurs au sein du Parti communiste (PCF) et du Parti populaire français — un parti fasciste dirigé par Jacques Doriot actif à la fin des années 1930 et pendant la Seconde Guerre mondiale — il conçoit une structure pyramidale et hiérarchisée, inspirée des méthodes du PCF. Il met en place des fédérations départementales, des sections locales, et des commissions, tout en initiant des associations qui préfigurent des cercles professionnels et renforcent le maillage territorial du FN. Malgré le faible nombre de participants aux réunions locales au printemps 1974, ce travail de fond permet d’attirer des sympathisants et de poser les bases d’une implantation durable. Dans le même temps, Jean–Marie Le Pen cherche à nouer des relations avec des partis nationalistes étrangers, notamment le MSI en Italie et des mouvements en Belgique, renforçant l’ambition internationale du parti 23.

Dans ce contexte de réorganisation interne, la candidature de Jean–Marie Le Pen à l’élection présidentielle de 1974 représente un défi de taille. Le parti, encore fragile, n’est pas prêt pour un scrutin d’une telle envergure, mais Le Pen perçoit dans cette échéance une opportunité capitale pour accroître la visibilité de son parti. Malgré des moyens financiers limités, une équipe réduite et le soutien militant d’organisations extérieures comme Militant, Le Pen lance sa campagne avec une double priorité : se faire connaître et récolter des fonds. C’est à cette époque qu’il commence à marquer l’opinion avec un objet qu’il arbore jusque dans les années 1980  : son bandeau sur l’œil gauche 24. Alors qu’il l’avait perdu à cause d’une cataracte traumatique, cet artefact est l’objet de nombreuses légendes frontistes  : Jean–Marie Le Pen prétend l’avoir perdu dans une bagarre à la fin des années 1950, accréditant l’image du chef dur, toujours prêt à faire le coup de poing — écho des chahuts étudiants constitutifs de l’imaginaire militant à l’extrême droite. 

L’élection présidentielle se solde par un échec cuisant. Avec seulement 0,74 % des suffrages exprimés, il termine en septième position, loin derrière les principaux candidats, mais aussi des figures émergentes comme Arlette Laguiller ou René Dumont. Le contexte électoral, marqué par une forte polarisation entre François Mitterrand et les représentants de la majorité sortante, a marginalisé les « petits candidats ». Le Pen, malgré une campagne menée avec des moyens financiers limités et un réseau militant réduit, espérait toutefois dépasser le seuil des 5 %, nécessaire pour assurer le remboursement des frais de campagne et donner de la visibilité à son parti. Mais sa stratégie, basée sur la dénonciation du système et une rhétorique populiste, échoue à mobiliser un électorat de droite dispersé entre Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chaban–Delmas et Jean Royer, qui capte la majeure partie des voix conservatrices et catholiques traditionalistes. Malgré tout, cette campagne marque un jalon important dans l’évolution politique de Jean–Marie Le Pen. Elle lui permet d’acquérir une première visibilité sur la scène nationale et de poser les bases d’une stratégie de long terme pour ancrer son parti dans le paysage politique. Malgré l’échec immédiat, il s’affirme comme le visage de l’extrême droite française, alors que le PFN paye très vite son défaut d’incarnation 25

Avec cette première expérience à la présidentielle, Jean–Marie Le Pen est devenu incontournable au sein du parti, mais il est loin d’être seuls. Dans la longue histoire des « numéros deux » qui ont fait l’histoire du mouvement, Victor Barthélemy, François Duprat, et Jean–François Chiappe, parfois surnommés les « mousquetaires » du FN, jouent un rôle essentiel 26. Le premier continue son travail d’organisation, tandis que Duprat, un idéologue graphomane qui fait partie des premiers à diffuser les théories négationnistes, élabore la synthèse entre les différentes sensibilités nationalistes, qui devient la caractéristique du parti 27. Enfin, Jean–François Chiappe, monarchiste et proche des milieux conservateurs, s’efforce de donner une façade respectable au parti, en insistant notamment sur son anticommunisme. Parallèlement, le Front national s’efforce d’intégrer divers courants d’extrême droite, y compris des éléments controversés comme les nationalistes–révolutionnaires ou les solidaristes — qui disent rejeter autant le communisme que le capitalisme —, pour pallier la faiblesse numérique et financière du parti. Parmi eux se trouve notamment Jean–Pierre Stirbois, passé par le solidarisme, qui devient secrétaire–général du parti en 1981, dont il accompagne les premiers succès électoraux. 

Alors même que les caisses du parti sont vides, Jean–Marie Le Pen reçoit un important héritage en 1976  : Hubert Lambert, un militant d’extrême droite d’une famille d’industriels, fait de lui son légataire universel. Il reçoit une fortune estimée à 30 millions de francs, ainsi que des biens immobiliers prestigieux, dont un hôtel particulier à Saint–Cloud, le domaine de Montretout, qui deviendra à la fois sa résidence familiale et le quartier général du parti.

L’héritage Lambert devient rapidement un sujet de tensions au sein du Front national. Certains militants estiment que ce legs, considérable, aurait dû bénéficier directement au parti. Jean–Marie Le Pen, au contraire, affirme que cet héritage était personnel, le résultat d’un lien de confiance et d’amitié entre Lambert et lui. C’est aussi le signe que, pour Le Pen, le parti est une extension de sa personne. Quoi qu’il en soit, celui–ci est désormais un homme riche, ce qui lui confère une liberté nouvelle dans ses activités politiques. 

Quelques mois après ce legs, l’attentat à la bombe qui souffle l’appartement de Le Pen dans la nuit du 30 octobre 1976 est probablement lié à cet héritage.

Bien qu’un comité antifasciste inconnu ait revendiqué l’acte, il est probable qu’un cousin d’Hubert Lambert l’ait organisé. Survenu le soir même du quatrième congrès du Front national, cet événement provoque une onde de choc médiatique qui place pour la première fois le parti et son président sous les projecteurs. Bien que l’attentat ne fasse aucune victime, il attire l’attention sur Jean–Marie Le Pen et son mouvement qui exploitent ce coup de projecteur pour renforcer leur légitimité, en dénonçant un climat de violence politique et cherchant à rallier une droite conservatrice inquiète des débordements gauchistes. Deux ans plus tard, François Duprat meurt dans l’explosion de sa voiture.  Cette affaire encore irrésolue donne un premier martyr au parti d’extrême droite  : chaque année, Jean–Marie Le Pen vient rendre hommage le 18 mars à cette figure du Front national des débuts. 

Avec la disparition de Duprat, c’est Jean–Pierre Stirbois qui va progressivement s’imposer comme numéro deux du parti, déterminé à donner au Front national une véritable assise populaire.

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Jean–Marie Le Pen à la « Fête Bleu Blanc Rouge » le 17 septembre 1994. © Roussier/SIPA

Jean–Marie Le Pen sur RTL le 13 septembre 1987. © Alix Pascal/SIPA

Des « détails » qui n’en sont pas

Les années 1980 sont paradoxales pour Jean–Marie Le Pen. D’un côté, le Front national connaît ses premiers succès électoraux, validant les choix stratégiques opérés depuis les années 1970. De l’autre, la radicalité du parti et de son dirigeant éclate au grand jour. Autrement dit, la résurrection médiatique et politique de l’extrême droite en France s’accompagne d’un isolement politique total. 

Le contexte politique des années 1980 joue un rôle décisif dans l’ascension du parti d’extrême droite. L’élection de François Mitterrand en 1981, suivie de la formation d’un gouvernement incluant des ministres communistes, polarise fortement le débat public. En réaction, Jean–Marie Le Pen positionne le Front national comme un parti de « résistance » face à la gauche. En plus de l’anticommunisme, il exploite des thématiques comme l’immigration, présentée comme une menace pour l’identité nationale, et l’insécurité, qui devient un cheval de bataille électoral.

Les divisions au sein de la droite classique, exacerbées par la rivalité entre Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac, ouvrent également un espace politique pour le FN. Ces tensions empêchent la formation d’un front uni contre l’extrême droite et offrent à Le Pen l’opportunité de capter une partie de l’électorat déçu par la droite traditionnelle. Au début de la décennie, le président du Front national et son entourage estiment également que la présidence de François Mitterrand est une occasion de lancer une dynamique commune aux oppositions, prélude à une forme d’union des droites. En juillet 1982, il écrit ainsi à Jacques Chirac et Jean Lecanuet pour leur proposer une alliance. 

Cette tentative de dédiabolisation — une stratégie consubstantielle à la création d’un parti d’extrême droite, dont l’objectif est d’exister électoralement 28 — a été rendue possible par l’activité de Jean–Pierre Stirbois, devenu « numéro deux » du parti après la mort de François Duprat en 1978. Avec lui, le Front national amorce une transformation cruciale. Il entreprend notamment d’écarter les éléments les plus radicaux, les nationalistes–révolutionnaires et les néo–nazis, qu’il considère nuisibles à la crédibilité du parti 29. Cette purge, réalisée entre 1981 et 1988, permet au mouvement de se repositionner comme une organisation politique capable de concourir sérieusement à des élections. 

Alors qu’après avoir échoué à obtenir les cinq cents parrainages nécessaires, Jean–Marie Le Pen n’avait pas réussi à se présenter à l’élection présidentielle de 1981, et que le parti avait obtenu des résultats très faibles aux élections législatives qui avaient suivi, les cantonales de l’année suivante sont l’occasion de présenter de nombreuses candidatures et de renforcer les fédérations locales à un moment où le parti ne dispose que de 1500 militants 30. Mais ce sont les municipales de Dreux en 1983 qui constituent le véritable tournant politique, tout en donnant une première exposition médiatique importante au Front national : avec plus de 16 % des voix, la liste menée par Jean–Pierre Stirbois fusionne avec celle du RPR et de l’UDF, obtenant ainsi une victoire symbolique. Cette alliance est bien accueillie par les dirigeants des deux grands partis de droite qui y voient un moyen d’arracher la ville à la gauche. 

Ce succès participe de l’émergence publique du parti et de son président. En 1982, Jean–Marie Le Pen, qui s’était plaint dans une lettre à François Mitterrand que le Front national ne recevait aucune couverture médiatique, est plus suivi par les journalistes 31. Pour accompagner ce mouvement, il s’emploie à transformer son apparence. L’une des premières étapes de cette métamorphose est l’abandon de son emblématique bandeau noir, qui, bien que médiatiquement identifiable, entretenait l’image d’un politicien marginal et nostalgique de la vieille droite factieuse. Symbole de cette mue, il commande une hagiographie intitulée Le Pen sans bandeau, écrite par Jean Marcilly, pour renforcer cette nouvelle image. À partir de 1984, il est rejoint par Lorrain de Saint–Affrique, un ancien membre du service de presse de Valéry Giscard d’Estaing lorsqu’il était à l’Élysée, qui devient son conseiller en communication. 

Le 13 février 1984, Jean–Marie Le Pen connaît son premier triomphe médiatique. Après un long débat interne, l’émission politique L’Heure de vérité, diffusée sur Antenne 2, s’est résolue à inviter le président du Front national 32. Malgré l’hostilité manifeste des journalistes, il exploite parfaitement le format de l’émission pour se positionner comme le meilleur rempart contre un gouvernement qu’il qualifie de « destructeur de la nation ». Face aux critiques des journalistes sur ses positions radicales, il se présente en défenseur du « bon sens » avec une phrase restée célèbre  : « J’aime mieux ma fille que ma nièce, ma nièce que ma cousine, ma cousine que ma voisine. ». Face à la dérive marxiste de la gauche, il revendique un attachement aux valeurs traditionnelles. Surtout, il se présente comme le seul homme politique assumant une politique réellement de droite, accusant notamment Valéry Giscard d’Estaing d’avoir conduit une politique socialiste. Il n’hésite pas à recourir à des provocations maîtrisées pour polariser l’audience, en parlant par exemple de la dénatalité comme conséquence de « l’immigration de remplacement ». 

Ce soir–là, Le Pen réussit un coup de maître : il transforme les critiques et les attaques en un argument de légitimité, tout en se présentant comme le représentant de toutes les traditions d’extrême droite — c’est–à–dire la droite authentique à ses yeux —, de Vichy à l’OAS en passant par les collaborationnistes. Lorsqu’on lui reproche la présence d’anciens SS ou collaborateurs parmi les rangs du FN, il défend la liberté intellectuelle qu’il laisse aux militants de son parti tout en se déclarant partisan de la « réconciliation nationale ». Accusé d’avoir torturé en Algérie, il ne nie rien et dit en substance avoir obéi aux ordres. Le point culminant de l’émission intervient lorsqu’il se lève pour observer une minute de silence « en mémoire des millions de morts du Goulag », un geste préparé à l’avance avec ses conseillers en communication. Cette provocation sert à consolider son image de seul véritable opposant de la gauche.  

Cette émission change tout. Dès le lendemain, les permanences du Front national sont submergées par des sympathisants souhaitant adhérer au parti. Cette vague d’enthousiasme, amplifiée par la couverture médiatique massive qui suit l’émission, marque un tournant dans l’histoire du Front national. L’opération médiatique contribue à structurer le parti, attirant non seulement des militants mais aussi des cadres issus de la droite classique, déçus par leurs propres formations politiques et séduits par le style de Jean–Marie Le Pen, qui conjugue revendications anti–élitistes, provocations et intransigeance anticommuniste. 

Cette percée est confirmée lors des élections européennes de 1984, où le FN recueille 11 % des suffrages sous l’intitulé de « Front d’opposition nationale pour l’Europe des patries ». Ce succès valide une stratégie consistant à ratisser large tout en brouillant la marque FN, perçue comme trop sulfureuse, pour attirer un électorat plus diversifié. Aux élections législatives de 1986, le Front national réalise une avancée spectaculaire avec l’élection de 35 députés, en profitant de l’introduction du scrutin proportionnel par départements. Jean–Marie Le Pen est élu à Paris. Autour de lui l’immense majorité du groupe, qui ne compte qu’une femme, Yann Piat, est composée de députés d’Île–de–France et du Sud–Est. La liste des élus confirme la stratégie d’ouverture du parti, puisqu’un tiers d’entre eux sont des recrues très récentes, souvent issues de la droite traditionnelle, ce qui n’est pas sans susciter des tensions à l’intérieur du Front national, certains militants historiques estimant que le parti a manqué de reconnaissance 33. Pendant la législature, le groupe va être pris entre des aspirations contraires. D’un côté, il faut marquer la singularité du parti par des provocations et profiter de la cohabitation pour dénoncer une collusion entre la gauche et la droite de gouvernement : c’est ce que fait Jean–Marie Le Pen lorsqu’il défend l’isolement des séropositifs, qu’il qualifie de « sidaïques ». De l’autre, il s’agit de continuer la dédiabolisation du parti. 

Les succès du Front national et la surface médiatique nouvelle de Jean–Marie Le Pen favorise aussi un rapprochement avec le club de l’Horloge, fondé en 1974. D’abord partie prenante de la nébuleuse de la Nouvelle Droite, qui entend refonder les droites radicales européennes sur des notions comme l’ethno–différentialisme ou la critique de l’universalisme, il s’en est progressivement éloigné pour se rapprocher des droites de gouvernement auprès desquelles il défend une forme de nationalisme–libéral, marqué par un anticommunisme virulent et l’affirmation de la supériorité culturelle de l’Occident. Longtemps convaincus que le Front national n’était qu’un « feu de paille électoral », les membres du Club se rapprochent du parti à partir de 1984. Ce sont eux qui, dès 1985, contribuent à introduire l’un des principaux axes programmatiques du Front national : la préférence nationale 34. C’est aussi le Club de l’Horloge qui contribue à faire émerger un pôle national–libéral au sein du parti 35. Celui–ci pousse Jean–Marie Le Pen à se présenter comme le « Reagan français », faisant converger l’anticommunisme qui le définit depuis les années 1950 avec une ligne favorable aux entreprises et aux classes moyennes. 

Le Front national échoue néanmoins à complètement se normaliser. En premier lieu, la vie privée de Jean–Marie Le Pen constitue un obstacle à l’image de respectabilité qu’il cherche à projeter. En 1984, sa femme, Pierrette Le Pen, le quitte pour Jean Marcilly, son propre biographe. Trois ans plus tard, au terme d’un conflit sur sa pension alimentaire — que Le Pen avait refusé de payer avant de conseiller à son ex–femme de « faire des ménages » —, celle–ci provoque un scandale retentissant en posant dans Playboy déguisée en soubrette tout en l’accusant dans d’autres entretiens de détenir des comptes en Suisse… 36

Mais ce vaudeville n’est rien comparé à la tempête que Jean–Marie Le Pen soulève lorsque le 13 septembre 1987, il qualifie les chambres à gaz de la Seconde Guerre mondiale de « point de détail de l’histoire » lors d’une interview au Grand Jury RTL–Le Monde. Quelques mois après la conclusion du procès de Klaus Barbie, cette sortie provoque immédiatement un tollé. Dans l’immédiat, elle obère toute possibilité d’union des droites. Mais surtout elle expose au grand public l’enracinement de l’antisémitisme dans la culture du Front national. De fait, à la fin des années 1980, le négationnisme est devenu un des piliers idéologiques du parti 37. Dans les années 1970, François Duprat avait joué un rôle essentiel dans la diffusion de ces idées au sein d’un parti où l’antisémitisme était monnaie courante. Une décennie avant l’affaire du « détail » les obsèques de Duprat, véritable hommage idéologique organisé sous la houlette de Jean–Marie Le Pen, révèlent la profondeur de l’orientation négationniste du parti. Dans Le National, le journal officiel du parti, un hommage anonyme magnifie son rôle de « passeur de vérité historique », dénonçant les « mensonges nourriciers » de l’histoire officielle et fustigeant un « lobby » accusé de chercher à étouffer cette « Vérité » 38.

Dans les années 1980, l’antisémitisme s’inscrit également dans la stratégie de communication du parti et ses thématiques de campagne. Des figures comme l’essayiste Bernard Antony, qui incarne la ligne catholique traditionaliste, amplifient le thème du « complot juif » dans des médias d’extrême droite comme Présent. Il accuse les Juifs de contrôler les institutions médiatiques et politiques françaises, tout en réhabilitant le régime de Vichy et Xavier Vallat, qui occupa le poste de commissaire général aux questions juives entre 1941 et 1942. Et comme ce dernier, l’antisémitisme du parti ne l’empêche pas de se présenter en défenseur des droits de l’État d’Israël, notamment au Parlement européen où le Front national est entré en 1984 39

La réhabilitation de Vallat s’accompagne d’une rhétorique inversant les rôles entre victimes et bourreaux : ainsi, Simone Veil, ancienne déportée et ministre à l’origine de la loi sur l’IVG, est présentée comme l’instigatrice d’un « génocide » contre le peuple français, comparé à la Solution finale. La banalisation de la Collaboration se manifeste également dans des événements publics organisés par le parti. En 1982, dès la deuxième édition de la fête des Bleu–Blanc–Rouge, créée en 1981 pour faire pièce à la fête de l’Humanité, l’allée centrale est nommée en l’honneur du maréchal Pétain, tandis que des ouvrages négationnistes sont proposés à la vente 40 : antigaullisme, antisémitisme et nostalgie vichyste sont plus que jamais au cœur de la culture frontiste. Loin de s’en distancier, Jean–Marie Le Pen, interrogé sur ces pratiques, se contente de déclarer qu’il n’est « ni fasciste, ni raciste, ni d’extrême droite », tout en s’abstenant de condamner ces manifestations explicites de l’idéologie antisémite. En somme, l’épisode du « détail » n’est pas une erreur de communication — un « dérapage » —, mais bien le signe que l’antisémitisme est un marqueur identitaire du Front national et de son président. Il est parfois suggéré que cette déclaration sur le « détail » aurait été un acte délibéré de Jean–Marie Le Pen qui souhaitait conforter l’image diabolisée du Front national — l’idée sous–jacente étant qu’il ne désirait pas le pouvoir. C’est absurde. 

Le propos sur le « détail » n’est pas un sabordage volontaire, mais bien le révélateur d’une contradiction profonde chez Jean–Marie Le Pen. D’un côté, son ascension repose sur des alliances tactiques avec les droites traditionnelles ; de l’autre, il demeure attaché à une identité politique fondée sur la radicalité de ses idées, héritières des extrêmes droites françaises, et sur une inclination assumée pour la provocation.

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Discours de Jean–Marie Le Pen au Congrès national du Front National à Tours en 2011. © Chamussy/SIPA

Du troisième homme au second tour

Dans les années 1990, le Front national de Jean–Marie Le Pen s’impose comme la troisième force du paysage politique français, malgré un isolement persistant sur la scène institutionnelle. Ce succès repose sur une stratégie habile de radicalisation idéologique et de modernisation organisationnelle, qui permet au parti de capter un électorat croissant. Tout en consolidant une base militante fidèle grâce à des thématiques identitaires et souverainistes, Jean–Marie Le Pen module son discours pour séduire des segments plus larges de la population dans le but de s’imposer comme le troisième homme de la vie politique française. Mais cet anticommuniste de toujours doit aussi composer avec la chute de l’Union soviétique qui l’oblige à adapter un certain nombre d’axes programmatiques — transformant en partie la vision du monde et de l’Europe que projette le Front national. L’antisémitisme et le nationalisme intransigeant demeurent néanmoins des piliers idéologiques du mouvement. 

De fait, la déclaration sur le détail est loin d’être un épisode isolé. Dans les mois qui suivent, Jean–Marie Le Pen et son entourage multiplient les déclarations antisémites, au point de dénoncer une « internationale juive » en 1989. Le but poursuivi par le Front national est clair  : « bouleverser la mémoire collective et réhabiliter le nationalisme français et ses valeurs » 41

Cette stratégie isole le parti, mais elle n’empêche pas Jean–Marie Le Pen d’atteindre une quatrième position à l’élection présidentielle de 1988 en obtenant 14,39 % des voix — loin devant le PCF, cinquième, dont le déclin électoral est un fait marquant de l’élection. Quelques jours après le premier tour, le 1er mai, il organise un rassemblement place de l’Opéra à Paris pour fêter Jeanne d’Arc, qui réunit près de trente mille personnes 42. La mémoire johannique, qui fait notamment partie de la culture politique des royalistes et des catholiques intégristes, a été récupérée par le Front national depuis 1979, c’est en 1988 qu’est fixé le rendez–vous du 1er mai qui devient une célébration annuelle pour le parti — une manière de refuser la fête du Travail. 

Avant que Jean–Marie Le Pen ne s’exprime le 1er mai, l’entre–deux–tours avait été marqué par sa rencontre secrète avec Jacques Chirac. L’entourage de ce dernier, conscient qu’il n’avait aucune chance de l’emporter face à Mitterrand sans un report massif des votes du Front national sur sa candidature, avait accepté le principe de ce rendez–vous, proposé par Charles Pasqua. Cette entrevue aurait vu un Chirac nerveux demander à Le Pen un soutien implicite, sans toutefois accorder la moindre concession politique — ce qui complique toute discussion. La question du soutien divise les dirigeants du parti  : Jean–Pierre Stirbois et un certain nombre de solidaristes sont en effet favorables à un appel au vote Mitterrand. C’est un véritable revirement de la part de l’homme qui avait toujours défendu des alliances avec l’UDF et le RPR, reçu comme un signe de contestation de la part du numéro deux du parti 43

Finalement, le 1er mai, Jean–Marie Le Pen lance un appel à ses électeurs : « Non, non, non, pas une voix pour François Mitterrand », tout en invitant ceux qui voulaient éviter le socialisme à soutenir le « candidat résiduel » si celui–ci faisait un geste vers eux. Cette déclaration n’empêcha pas la défaite de Jacques Chirac. Les législatives qui suivent les présidentielles de 1988 marquent un retour au scrutin majoritaire, mettant fin à la proportionnelle. Face aux triangulaires impliquant des candidats du Front national, les droites traditionnelles adoptent des attitudes divergentes. L’UDF se divise : d’un côté, Jean–Claude Gaudin conclut des accords de désistement locaux avec le FN, tandis que Simone Veil affirme sans ambiguïté qu’« entre un Front national et un socialiste, [elle votera] pour un socialiste ». Au RPR, Charles Pasqua justifie ces rapprochements en soulignant des « préoccupations » et des « valeurs » communes entre la droite et l’extrême droite. Le second tour ne représente pas moins une débâcle pour le Front national, réduisant sa représentation parlementaire à un seul député, inaugurant une longue tradition d’échec aux élections législatives. 

Les tentatives de Jean–Pierre Stirbois de rallier le bureau politique à un soutien à la candidature Mitterrand marquaient une dégradation de ses relations avec Le Pen. De fait, sa position était menacée depuis quelque temps par l’ascension de Bruno Mégret. Venu du Club de l’Horloge, celui–ci avait été élu député de l’Isère en 1986 avec le soutien du Front national où il s’impose vite comme un organisateur hors pair. En octobre 1988, il est nommé délégué général du parti où il est chargé de la formation, de la communication, des études, et des manifestations. Le mois suivant, la mort accidentelle de Stirbois, qui se tue en voiture, lui ouvre la voie pour devenir numéro deux du parti. 

Bruno Mégret engage une professionnalisation du mouvement tout en lançant une rénovation doctrinale ambitieuse. Son objectif est de transformer le Front national en un mouvement structuré et idéologiquement modernisé, capable de séduire un électorat plus large tout en préparant le terrain à une possible participation au pouvoir. Il s’entoure notamment de cadres et d’intellectuels proches de la Nouvelle droite, tels que Jean–Yves Le Gallou, Yvan Blot ou Pierre Vial, confirmant la montée en puissance de cette tendance depuis le milieu des années 1980. Ces figures, issues d’une mouvance élitiste articulée autour de l’ethno–différentialisme, apportent une expertise et un vocabulaire technocratique. Sous leur impulsion, des publications comme Identité, lancée par Mégret un mois après la chute du mur de Berlin, diffusent un discours rénové où les concepts de la Nouvelle droite trouvent une place importante. Désormais, la ligne idéologique frontiste oppose les partisans de « l’identité » à ceux du « nouvel ordre mondial », un « mondialisme » vu comme synonyme de « cosmopolitisme » 44. La « préférence nationale », théorisée par Le Gallou en 1985, devient une pierre angulaire du programme, bien qu’elle soit euphémisée pour gagner en acceptabilité politique 45.

La fin de la Guerre froide joue ici un rôle central. L’anticommunisme, qui avait structuré une grande partie des discours du FN et de ses prédécesseurs, perd de sa pertinence après la chute du mur de Berlin. Dans ce contexte, Mégret et ses alliés cherchent à redéfinir une ligne de fracture plus actuelle : celle entre les défenseurs de l’« identité » et les promoteurs d’un « mondialisme » qu’ils associent au capitalisme globalisé et au cosmopolitisme. Cette nouvelle division donne au Front national un vocabulaire idéologique renouvelé, qui serait adapté à un monde unipolaire où l’affrontement Est–Ouest entre mondes communiste et capitaliste laisserait place à une opposition Nord–Sud et à des fractures civilisationnelles. Elle justifie certains retournements idéologiques  : en 1990, Jean–Marie Le Pen dénonce l’intervention de la coalition menée par les États–Unis pour défendre le Koweït attaqué par l’Irak, défendant une solution arabe, qui exclurait toute intervention occidentale. Ce faisant, il rompt consciemment avec l’atlantisme qui était celui du parti pendant la Guerre froide, mais aussi avec la logique de défense absolue d’Israël qui avait notamment prévalu au Parlement européen dans les années 1980. Les États–Unis et l’État hébreu sont désormais présentés comme des agents du mondialisme qui menace les identités nationales. 

Justement, aux élections européennes de 1989, le Front national confirme ses bons résultats de 1984 en se classant en troisième position. Et, de fait, avec la présidentielle, les scrutins continentaux deviennent ceux où Jean–Marie Le Pen et son parti obtiennent les meilleurs scores. C’est tout à fait paradoxal si l’on considère l’évolution de la doctrine européenne du parti. D’une posture initialement favorable à une intégration européenne modérée et confédérale dans les années 1980, le FN opère un tournant radical pour devenir l’un des principaux adversaires du projet européen dans les années 1990.

Lors de sa première participation aux élections européennes en 1984, le Front national adopte une position encore largement favorable à une certaine forme de construction européenne. Les discours mettent en avant le besoin de solidarité entre les nations européennes face aux menaces extérieures, notamment soviétiques, et évoquent des projets d’une défense commune, d’une monnaie unique et d’un contrôle renforcé des frontières. L’Europe est alors conçue comme un espace de civilisation unie par son identité chrétienne et son opposition au communisme, dans une vision atlantiste et confédérale.

Cependant, cette vision se transforme rapidement. Entre 1984 et 1989, le FN amorce une inflexion doctrinale majeure, passant d’un soutien prudent à une opposition croissante à l’intégration européenne. Cette évolution est liée à plusieurs facteurs : l’approfondissement du processus d’intégration, notamment avec l’Acte unique européen et les prémices du traité de Maastricht, ainsi que l’arrivée de cadres, qui poussent une critique souverainiste et anti–bruxelloise. Dans cette nouvelle phase, la critique frontiste de l’Europe prend appui sur des thématiques souverainistes et identitaires. Les institutions européennes, perçues comme bureaucratiques et technocratiques, sont comparées à l’URSS, dans un écho aux dénonciations de la centralisation autoritaire soviétique — annonçant la rhétorique de Viktor Orbán dans les années 2010. Ce parallèle est amplifié dans le contexte de la lutte contre le traité de Maastricht pendant la campagne du référendum de 1992, qualifié de « suicide organisé » des États–nations. Jean–Marie Le Pen utilise alors un langage provocateur, dénonçant une Europe des « fédérastes » et des « Maastricheurs », tout en insistant sur le rôle des « banquiers apatrides » dans la promotion de cette intégration 46. En dénonçant l’Union européenne comme un agent de la destruction économique — le marché unique faisant augmenter le chômage — et identitaire — elle favoriserait l’immigration de masse — de la France, Jean–Marie Le Pen cherche aussi à se positionner dans l’espace politique national comme une alternative au consensus pro–européen dominant au sein des grandes formations, notamment le RPR et le PS 47.

Cette stratégie n’est néanmoins pas suffisante. En premier lieu, le Front national n’est pas le seul parti à porter un discours europhobe : aux élections européennes de 1994, la liste menée par Philippe de Villiers se place par exemple en troisième position, devant celle que conduisait Jean–Marie Le Pen. Surtout, le Front national ne profite pas de la progression continentale de l’extrême droite : en Italie en 1994 ou en Autriche en 2000 des partis appartenant à cette nébuleuse participent à des coalitions de gouvernement. À l’inverse, le Front national reste un « important paria politique » 48 : il pèse lourd, mais reste complètement marginalisé par les autres formations. C’est ce à quoi ne se résout pas Bruno Mégret — jusqu’à contester directement l’autorité de Jean–Marie Le Pen. 

Lors de l’élection présidentielle, Jean–Marie Le Pen obtient 15,3 % des suffrages, un score en légère progression par rapport à 1988 mais bien en deçà de ses attentes. Pour la première fois, il arrive en tête parmi les ouvriers et les chômeurs, alors que Robert Hue, candidat du parti communiste n’atteint pas 9 % des suffrages. Ce vote ouvriéro–lepéniste, selon l’expression de Nonna Mayer, traduit une rupture sociale et un rejet croissant des partis traditionnels au sein des franges les plus fragilisées économiquement de la classe ouvrière 49. Par contre, Jean–Marie Le Pen ne parvient pas à attirer une portion suffisante de l’électorat de droite pour franchir un nouveau palier. En somme, en dépit d’une campagne de grande ampleur, marquée par une caravane impressionnante et des meetings spectaculaires, Jean–Marie Le Pen plafonne, d’autant qu’il paraît s’éloigner des militants d’un parti qui a été considérablement réorganisé par Bruno Mégret. 

Ce hiatus entre le Front national et son président se manifeste pendant les élections municipales de 1995 qui sont un véritable succès. Avec plus de 2000 élus locaux, le parti triple ses résultats de 1989 et conquiert trois villes majeures : Toulon, Orange et Marignane. Ces victoires symboliques permettent au FN d’asseoir son image d’un parti capable de gouverner et de mettre en œuvre ses idées à l’échelle locale. La gestion des municipalités devient alors une vitrine de la doctrine frontiste, mêlant baisses d’impôts, sécurisation accrue et promotion de la « préférence nationale ». Ce premier « frontisme municipal » 50, qui annonce celui des années 2010, est marqué par plusieurs scandales, notamment à Vitrolles où Catherine Mégret remporte la mairie en 1997. 

Ces succès locaux soulignent un décalage entre les aspirations du parti et la stratégie de Jean–Marie Le Pen. Alors que les cadres et les élus municipaux voient dans ces victoires une étape décisive pour la « conquête des responsabilités gouvernementales », le président du parti semble minimiser leur importance. Certains témoins évoquent même son hostilité à l’égard des réussites locales, perçues comme un pouvoir qui lui échappe 51. Les tensions entre Jean–Marie Le Pen et Bruno Mégret s’exacerbent. Ce dernier défend une logique d’appareil visant à consolider l’implantation locale et à élargir les alliances, y compris au prix d’une certaine autonomie pour les élus et cadres locaux. En revanche, Jean–Marie Le Pen, fidèle à sa vision centralisatrice et charismatique du pouvoir, craint de perdre le contrôle face à la montée en puissance des notables du parti. La nomination de Bruno Gollnisch comme secrétaire général en octobre 1995, doit faire contrepoids à l’influence de Mégret, mais l’influence de Jean–Marie Le Pen vacille. 

Celui–ci paraît s’opposer à toute la stratégie conduite par Bruno Mégret depuis la fin des années 1980. Il refuse notamment toute forme d’euphémisation, assumant une ligne et une rhétorique radicales, comme pour mieux rappeler les racines idéologiques du Front national, en réaffirmant qu’il était le seul à en fixer l’orientation politique. Le 1er mai 1996, il prophétise une « guerre civile » provoquée par « l’immigration massive » en France. En septembre de la même année, à l’université d’été du Front national, on lui demande de réagir à une déclaration de Bruno Mégret parlant de la « supériorité de la civilisation française et européenne ». Jean–Marie Le Pen dit alors  : « Je crois à l’inégalité des races, oui bien sûr, toute l’histoire le démontre, elles n’ont pas la même capacité ni le même niveau d’évolution historique. » 52 Cette sortie, digne des groupuscules d’extrême droite les plus radicaux, déclenche un scandale, tandis que Le Pen reçoit un satisfecit de Pierre Sidos, ancien milicien et fondateur de l’Œuvre française, un mouvement néofasciste connu pour sa violence. 

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Jean–Marie Le Pen rendant hommage à Jeanne d’Arc le 1er mai 2017. © Nicolas Messyasz/SIPA

L’année suivante, la brutalité de Jean–Marie Le Pen offre un prétexte à Bruno Mégret pour précipiter l’épreuve de force. Alors que le président du parti vient soutenir sa fille Marie–Caroline, en campagne à Mantes–la–Jolie, va affronter physiquement les membres d’un rassemblement anti–FN, dans lequel se trouve notamment la mairesse de Mantes–la–Ville. S’il se montre enchanté — la vidéo de la bagarre le montre s’exclamant  : « Ah  ! Ça me rajeunit  ! » 53 —, les autres cadres du parti sont atterrés. Alors que le Front national cherche à se normaliser depuis presque une décennie, son président se comporte toujours comme s’il participait à un chahut à la tête de la Corpo de droit… Mais ce sont les suites de l’événement qui mettent le feu aux poudres. Alors que la violence de Jean–Marie Le Pen le menace d’inéligibilité, ce qui l’empêcherait de conduire la liste Front national aux élections européennes, il propose que son épouse, Jany Le Pen, le remplace, ce qui est logiquement perçu par Bruno Mégret comme une humiliation publique. 

Les deux hommes sont à couteaux tirés en 1998. En septembre, un bureau politique confirme à Jean–Marie Le Pen qu’une grande partie des responsables du Front national sont favorables à Bruno Mégret lorsqu’il se rend compte qu’il n’a pas la majorité pour l’exclure. L’automne est marqué par un affrontement interne qui débouche le 11 décembre sur la suspension du délégué général et de ses proches, Jean–Yves Le Gallou, Philippe Olivier, Franck Timmermans et Serge Martinez, comparés à une « poignée de lieutenants et de quartiers–maîtres félons » dans une allocution restée célèbre à Metz. En précipitant l’affrontement, Jean–Marie Le Pen pousse ses adversaires à répliquer : ils organisent un conseil national extraordinaire, réunissant plus de la moitié des délégués, qui décident l’organisation d’un congrès extraordinaire. Cette décision est soutenue par 62 fédérations sur 95, 150 conseillers régionaux sur 280 et plus de 17 300 adhérents. Plus d’un tiers des militants et deux tiers des cadres rejoignent les partisans de Bruno Mégret 54. À tous les échelons, le parti est désorganisé : les sections locales se divisent, tandis que la famille Le Pen se déchire, Marie–Caroline, l’aînée des filles, soutenant les adversaires de son père. Et puis la scission constitue une véritable catastrophe financière pour le parti. Nombre de militants ne choisissent pas entre les deux camps et abandonnent les deux partis : Valérie Igounet donne ainsi l’exemple de la section de la 15e circonscription des Bouches–du–Rhône qui comptait 203 adhérents avant la scission, 112 quelques mois plus tard et seulement 35 en 2000 55

La justice reconnaît néanmoins la propriété du titre, du logo et du sigle du Front national à Jean–Marie Le Pen, qui conserve donc la main sur les symboles du parti d’extrême droite qui a le plus durablement marqué la vie politique française après 1945. L’heure n’en est pas moins grave. Les élections européennes du printemps 1999 sont un désastre  : la liste conduite par Jean–Marie Le Pen se classe en huitième position. Deux listes souverainistes se classent devant lui  : celles de Charles Pasqua et de Jean Saint–Josse, qui dirige Chasse, pêche, nature et traditions. Une seule consolation pour Jean–Marie Le Pen, il arrive devant Bruno Mégret, qui ne passe pas le seuil des 5 % nécessaire pour obtenir des députés. 

La route vers la présidentielle de 2002 agit comme un moteur essentiel pour la reconstruction d’un Front national désormais indissociable de la figure de son leader. La préparation à la présidentielle, avec sa quête éprouvante pour réunir les parrainages nécessaires, permet de mobiliser les militants et de recréer une dynamique interne. Ce processus met en lumière l’importance de la « démégrétisation » du FN, visible à travers la centralité de Marine Le Pen et de ses proches dans la communication et l’image de campagne. Après la radicalisation rhétorique et idéologique de Le Pen au milieu des années 1990, qui visait à contrer Mégret, il s’emploie désormais à présenter une image modérée, rappelant par exemple ses engagements de jeunesse au CNIP, ironisant sur « le dangereux terroriste » qu’était Antoine Pinay 56. Ces initiatives ne visent pas seulement à attirer de nouveaux électeurs, mais également à réaffirmer l’existence du FN sur l’échiquier politique après la marginalisation politique qui a suivi la crise. 

Le 21 avril 2002 au soir, Jean–Marie Le Pen accède au second tour, provoquant l’un des plus gros séismes de l’histoire de la Ve République. Grâce à une bonne campagne, le président du Front national obtient trois cent mille voix de plus qu’en 1995, mais il profite surtout de l’abstention très élevée et du grand nombre de candidats (seize au total) et, notamment, de la division des voix de gauche entre huit candidats. À l’exception de Bruno Mégret, qui se rallie à son ancien ennemi, et d’Arlette Laguiller, qui refuse de donner des consignes, tous les candidats battus appellent très vite à voter Jacques Chirac au second tour, cette qualification ébranle la société française. Les manifestations contre l’extrême droite se multiplient dans l’entre–deux–tours pendant que nombre de personnalités médiatiques prennent publiquement position contre Jean–Marie Le Pen. Contre les usages, Jacques Chirac refuse de débattre avec son adversaire. Et puis, alors que sa campagne du premier tour avait tenté de projeter une image de modération, celle du second tour le voit revenir aux grandes lignes programmatiques du Front national  : il promet cinq référendums sur l’immigration, la peine de mort, la fiscalité, le statut de la famille et la défense de la vie. Il veut aussi inscrire la préférence nationale dans la Constitution. 

Le 5 mai 2002, Jean–Marie Le Pen augmente légèrement son score du premier tour, passant le cap des cinq millions de voix, mais il est écrasé par Jacques Chirac. Ce résultat se lit à trois niveaux. D’abord, il marque la marginalisation persistante du Front national, signe que le parti d’extrême droite et son président se heurtent encore à la mémoire de Vichy qui s’est construite à partir des années 1970 57. Malgré tout, pour la première fois, les militants frontistes prennent conscience qu’ils pourraient un jour accéder au pouvoir  : ce n’est pas sans importance dans l’histoire du Front national au XXIe siècle. Finalement, la campagne d’entre–deux–tours de Le Pen est jugée calamiteuse par ses fidèles. Au sein du parti, c’est sa fille, Marine, qui a impressionné par sa pugnacité sur les plateaux télévisés 58.

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Jean–Marie Le Pen dans son bureau, devant le livre « Rêves d’Orient » de Serge Moati. Domaine de Montretout. Saint–Cloud, le 12 octobre 2017. © Sarah Alcalay/SIPA

Jean–Marie Le Pen dans son bureau, montre une photo de lui et ses chiens Gaulois et Gitane prise par Helmut Newton. Domaine de Montretout. Saint–Cloud, le 12 octobre 2017. © Sarah Alcalay/SIPA

Le crépuscule du diable

L’arrivée au second tour de Jean–Marie Le Pen a longtemps pu passer pour un triomphe sans lendemain. Les années 2000 sont d’autant plus difficiles pour le Front national que la question de la succession de Jean–Marie Le Pen commence à se poser, faisant apparaître de véritables désaccords stratégiques.

Aux élections législatives qui suivent l’élection présidentielle de 2002, le Front National ne réunit qu’un peu moins de 3 millions de voix au premier tour. Ce résultat illustre les limites persistantes du Front national, qui ne parvient à obtenir des résultats importants que dans quelques élections. Dans les années qui suivent, Jean–Marie Le Pen a du mal à adopter une stratégie claire alors que Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, investit des thématiques qui séduisent l’électorat frontiste : la lutte contre la délinquance, l’affirmation d’une identité nationale forte, le respect de l’autorité de l’État. En novembre 2023, le débat qui oppose les deux hommes lors de l’émission 100 minutes pour convaincre est symptomatique des difficultés nouvelles de Jean–Marie Le Pen qui peine face au style offensif de Nicolas Sarkozy. 

Les élections régionales de 2004 illustrent ces difficultés nouvelles. Avec 14,7 % des voix au premier tour, le FN améliore ses scores dans certaines régions, mais recule dans d’autres bastions comme la région PACA. À Paris, Marine Le Pen, à la tête d’une liste en Île–de–France, obtient un score modeste, en recul par rapport aux élections de 1998. Sur le plan européen, le FN parvient à maintenir une représentation avec 7 parlementaires élus, mais son ancrage local reste fragile : aucune mairie de plus de 3500 habitants n’est conquise, et les conseillers généraux se font rares.

Quelques semaines après le second tour de l’élection présidentielle de 2002, Jean–Marie Le Pen fête son soixante–quatorzième anniversaire. La question de la succession devient de plus en plus pressante. Deux figures émergent : Marine Le Pen et Bruno Gollnisch. Les divergences internes se cristallisent à partir de 2005, notamment autour de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, et du négationnisme des cadres historiques. En janvier, Jean–Marie Le Pen déclenche un scandale avec une interview accordée à l’hebdomadaire Rivarol, bastion négationniste et pétainiste, dans laquelle il minimise les horreurs de l’Occupation allemande — des propos pour lesquels il est condamné, en 2009, à trois mois d’emprisonnement avec sursis et à 10 000 € d’amende pour contestation de crime contre l’humanité. Quelques mois plus tôt, Bruno Gollnisch avait tenu des propos négationnistes, ce qui avait conduit à sa suspension universitaire. Ces deux affaires provoquent une crise au sein du parti. Marine Le Pen et son entourage considèrent ces prises de position comme un camouflet, qui vient ruiner ses efforts de normalisation du parti. La mémoire de la collaboration et l’antirépublicanisme de l’extrême droite traditionnelle lui apparaissent comme des freins à la progression électorale du Front national.

En 2006, le congrès du FN, initialement attendu pour désigner un successeur, est reporté — un échec pour Bruno Gollnisch qui s’attendait à être présenté comme le successeur de Jean–Marie Le Pen. À la surprise générale, ce dernier annonce sa candidature pour l’élection présidentielle de 2007, avec Marine Le Pen comme directrice de campagne. Bruno Gollnisch devient le dernier en date des « numéros deux » du parti à être marginalisé par Jean–Marie Le Pen. Celui–ci écarte d’autres historiques du parti, comme Jacques Bompard, exclu du bureau politique en 2005, qui quitte le Front national en décembre. 

La campagne présidentielle de 2007 s’ouvre par un discours inattendu : Jean–Marie Le Pen choisit Valmy pour lancer sa candidature, le 20 septembre 2006, jour anniversaire de la bataille. Sous l’œil des caméras, il se réclame des valeurs républicaines et tend la main aux Français d’origine étrangère. Cette posture, inédite pour le Front national, porte la marque de Marine Le Pen. C’est le symptôme d’un nouvel effort de dédiabolisation, axé sur l’assimilation et le patriotisme républicain. Ce choix suscite immédiatement des tensions internes : les cadres historiques, comme Carl Lang ou Bruno Gollnisch, considèrent qu’exalter une bataille symbolique de la mémoire républicaine est contraire à toute l’histoire du parti, qui est notamment l’héritier de tous les mouvements qui, au XIXe et au XXe siècles, ont combattu la Révolution française et ses héritiers. 

La suite de la campagne accentue ces tensions. Marine Le Pen fait évoluer le programme sur des marqueurs historiques du parti comme l’avortement. Cependant, ces tentatives de modernisation s’accompagnent d’initiatives chaotiques et souvent contradictoires, qui illustrent l’absence de stratégie cohérente. L’arrivée d’Alain Soral au comité central, et son influence sur le discours social et républicain, brouillent davantage les lignes. Celui–ci pousse notamment à un rapprochement avec les jeunes issus de l’immigration, une orientation clivante pour l’électorat traditionnel du FN. 

Deux épisodes marquent la campagne. La visite de Dieudonné à la fête des Bleu–Blanc–Rouge en novembre 2006 provoque une controverse retentissante. L’humoriste, qui, en 2005, avait notamment qualifié la Shoah de « pornographie mémorielle », est salué par Le Pen devant les caméras. Marine Le Pen, fervente opposante à cette visite, se cache pour éviter d’être associée à l’événement. Mais le moment le plus déroutant de la campagne, au regard de l’histoire de Jean–Marie Le Pen, survient début avril 2007, lorsque celui–ci visite la dalle d’Argenteuil, un quartier symbolique des banlieues françaises où il prononce un discours assimilationniste inattendu, qualifiant les enfants d’immigrés de « branches de l’arbre France ». Cette initiative, orchestrée sans consultation de Marine Le Pen, scandalise les militants traditionnels. Comme l’invitation de Dieudonné, elle donne aussi l’impression que cette dernière a complètement perdu la main sur la campagne de son père. 

La confusion apparente de Jean–Marie Le Pen ouvre un boulevard à Nicolas Sarkozy. Le candidat de l’UMP est conseillé par Patrick Buisson, qui est convaincu que l’union des droites — qui irait jusqu’à l’extrême droite — ne peut être portée que par la droite traditionnelle. Sarkozy capte les thèmes qui, depuis les années 1980, ont été incarnés par Jean–Marie Le Pen : l’ordre, l’identité nationale, le travail. Tandis que Le Pen tente un recentrage maladroit, Sarkozy incarne une droite ferme mais respectable. Cette stratégie, doublée d’une campagne efficace, réduit considérablement l’espace politique du FN. Le 22 avril 2007, Jean–Marie Le Pen obtient 10,44 % des voix, soit près d’un million de suffrages de moins qu’en 2002. Les législatives qui suivent, avec un résultat de 4,3 % au premier tour, aggravent la crise en privant le parti de ressources financières vitales.

Au milieu de ce désastre, Marine Le Pen parvient à limiter la casse. Dans le Pas–de–Calais, à Hénin–Beaumont, elle est la seule candidate du parti à se qualifier pour le second tour des législatives. Bien que battue, elle attire l’attention des médias. En 2009, aux élections européennes, c’est à nouveau elle qui obtient le meilleur résultat du Front national dans la circonscription du Nord–Ouest. 

Deux ans plus tard, Marine Le Pen succède à son père au XIVe congrès du Front national à Tours. Celui–ci est nommé président d’honneur. Ce passage de relais intervient après des années de rivalité avec Bruno Gollnisch, partisan de la ligne historique, qui prônait un retour aux fondamentaux idéologiques du mouvement. Si Marine Le Pen se positionne comme l’incarnation du renouvellement et de la dédiabolisation, sa victoire résulte d’une préparation méthodique. Depuis le congrès de Bordeaux en 2007, où elle avait consolidé son emprise sur l’appareil du parti, Marine n’a cessé d’accroître son influence, évinçant progressivement ses adversaires internes. Lors de ce congrès de Tours, elle s’impose largement, bénéficiant du soutien d’une majorité d’adhérents et de l’appareil réorganisé à son avantage. Alors même que la victoire de sa fille est interprétée comme le signe d’une rupture avec l’antisémitisme du parti, Jean–Marie Le Pen ne peut s’empêcher une ultime provocation. La veille, un journaliste a été expulsé d’une soirée réservée aux délégués, une péripétie sur laquelle le nouveau président d’honneur ironise devant la presse  : « Le personnage en question a cru pouvoir dire que c’est parce qu’il était juif qu’il avait été expulsé, sourit Le Pen. Ça ne se voyait pas ni sur sa carte, ni sur son nez, si j’ose dire. »

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Jean–Marie Le Pen photographié chez lui le 13 décembre 2019. © Lionel Guericolas/MPP/SIPA

Le renouveau que Marine Le Pen entend incarner est avant tout une question d’affichage. Si elle reste entourée de figures controversées venues de la droite radicale, comme Frédéric Chatillon ou Philippe Péninque, la nouvelle présidente impose désormais la discrétion à ses troupes. Quelques mois après sa nomination, Alexandre Gabriac, un conseiller régional de Rhône–Alpes, également membre de l’Œuvre française, est exclu du parti après qu’une photo de lui faisant un salut hitlérien devant un drapeau à croix gammée est diffusée dans la presse. Au moment de son passage devant la commission de discipline, Jean–Marie Le Pen prône l’indulgence. 

La réalité est que la stratégie de dédiabolisation prônée par Marine Le Pen — qui consiste avant tout à éviter le scandale — se heurte bientôt aux obsessions de son père. Le 2 avril 2015, après une série de sorties polémiques, Jean–Marie Le Pen réaffirme que les chambres à gaz sont un « détail de l’histoire » et refuse de condamner le maréchal Pétain. Ces déclarations poussent Marine Le Pen à engager une procédure disciplinaire. Suspendu de sa qualité d’adhérent en mai 2015, Jean–Marie Le Pen est convoqué en août devant le bureau exécutif du parti, qui acte son exclusion à la majorité. En 2018, la présidence d’honneur est supprimée. La même année, le parti change de nom et devient le Rassemblement national. En 2019, il quitte le Parlement européen — non sans avoir laissé quelques affaires judiciaires derrière lui. C’est la fin de la carrière politique de Jean–Marie Le Pen, les Comités Jeanne, le parti créé en 2016 n’ayant aucune influence réelle. 

Difficile de ne pas se sentir épuisé, au terme de cette odyssée dans l’histoire de l’extrême droite française, des années 1950 à nos jours. Autour de Jean–Marie Le Pen se déploie une galerie de portraits — miliciens, SS, nostalgiques de l’ordre colonial — qui racontent la litanie des défaites de l’extrême droite au XXe siècle. Mais cette histoire est aussi celle de la conviction fermement enracinée que ses combats ont toujours un avenir s’ils savent s’adapter aux inquiétudes de l’époque, comme l’illustrent les nombreux revirements et les changements de tendance qui ont marqué sa vie publique. 

Au moment de la mort de Jean–Marie Le Pen se pose forcément la question de ce qu’il reste de cette très longue carrière politique. Avec l’avènement de Marine Le Pen et, avec cette dernière, de Jordan Bardella, son style belliqueux et ses références obsessionnelles à la Collaboration et à la guerre d’Algérie paraissent désormais dépassées, même si leur empreinte se fait toujours sentir dans la culture contemporaine des extrêmes droites : en 2022, Éric Zemmour n’a eu de cesse de réhabiliter la politique du gouvernement de Vichy ; en 2024, certains candidats investis par le Rassemblement national pour la campagne des élections législatives se sont illustrés par des déclarations antisémites. 

L’héritage de Jean–Marie Le Pen est double.

D’un côté, il pèse lourd dans l’incapacité du Rassemblement national à accéder au pouvoir, alors même que l’extrême droite est arrivée au gouvernement, seule ou en coalition, dans de très nombreux pays d’Europe. Qu’il soit en progression constante ne change rien à l’affaire : le parti peine à tisser de véritables alliances et, surtout, il suscite encore le rejet d’une part importante de la population, comme l’illustre le second tour des élections législatives de 2024. Mais Jean–Marie Le Pen a aussi trouvé de véritables successeurs politiques en Marine Le Pen et Jordan Bardella.

On retrouve chez eux la même souplesse idéologique, qui les rend capables de naviguer entre toutes les tendances de l’extrême droite. Toutefois, s’ils ont hérité d’un ancrage et d’une étiquette politique — auxquels il faut ajouter un nom de famille qui pèse lourd à l’extrême droite pour Marine Le Pen —, leur vacuité les distingue du premier président du Front national. La force de Jordan Bardella vient précisément de ce défaut qui lui a valu d’être raillé lors de la parution de son autobiographie 59. Là où Jean–Marie Le Pen incarnait une extrême droite saturée de mythes et de haines — des rêves impériaux aux chimères vichystes, en passant par une fixation morbide sur la Seconde Guerre mondiale —, Marine Le Pen et son bras droit s’en délestent, consciemment ou non. À l’exception d’une xénophobie qu’ils reconfigurent au gré des campagnes, ils sont vides de toutes références. C’est sans doute pour cette raison qu’ils sont devenus un écran sur lequel une majorité de Français pourrait finir par projeter ses aspirations — mais aussi ses rejets.

C’est ce jour–là que les héritiers de Jean–Marie Le Pen parviendront au pouvoir.  

Sources

Jean–Marie Le Pen annonce se mettre en retrait de la vie publique https://www.valeursactuelles.com/no_rubrique/jean–marie–le–pen–annonce–se–mettre–en–retrait–de–la–vie–publique

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Raoul Salan (1899–1984) est un militaire français. C’est lui qui dirige les troupes françaises en Algérie de 1956 et 1958. En 1961, il prend la tête du putsch des généraux qui vise à empêcher de Gaulle d’accorder l’autodétermination à l’Algérie. Après l’échec de cette tentative, il dirige l’Organisation armée secrète. En 1962, il est condamné à la prison à vie. Il est gracié en 1968.

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Pour approfondir

Publié par Groupe d'Études Géopolitiques.

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