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POUR EN FINIR AVEC LA REPENTANCE COLONIALE

Daniel Lefeuvre

1.LA REPENTANCE.0’35
2.ALGERIE HASARD DE MES ETUDES.0’59
3.LES ARCHIVES.3’20
4.POUR EN FINIR AVEC LA REPENTANCE.2’53
5.LA CONQUETE DE L’ALGERIE.5’40
6.LES ENFUMADES.6’18
7.CORPS EXPEDITIONNAIRE.8’23
8.ALGERIE UNE BONNE AFFAIRE ? 9’38
9.ESCLAVAGE EN ALGERIE.3’46
10.LES TROUPES COLONIALES.7’54
11.IMMIGRATION ALGERIENNE EN FRANCE.6’58

Daniel Lefeuvre
           
 

1. LA REPENTANCE. "Prétendre que les Français doivent faire acte de repentance pour expier la page coloniale de leur histoire et réduire les fractures de la société française relève du « charlatanisme ou de l'aveuglement.". Le premier péché des Repentants, selon l'historien, est l'anachronisme : il consiste à juger les événements du passé selon notre propre grille de valeurs, indépendamment du contexte. « Comment ne pas s'inquiéter des dangers dont cette conception de l'Histoire est porteuse ? » note Daniel Lefeuvre. Daniel Lefeuvre veut surtout en découdre avec les associations obsédées par la repentance et des historiens comme Gilles Manceron Auteur de Marianne et les colonies. Une introduction à l'histoire coloniale de la France, La Découverte, et vice-président de la Ligue des droits l'homme. et Pascal Blanchard Auteur de la Fracture coloniale, La découverte, 2005, et président de l'Association pour connaissance de l'histoire de l'Afrique contemporaine (Achac, Paris)., sans parler d'Olivier Le Cour Grandmaison Auteur de Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l'Etat colonial, Fayard..

2. LE HASARD DE MES ETUDES M’AMENE À CHOISIR L’ALGERIE comme sujet de thèse (Daniel Lefeuvre) 

3. LES ARCHIVES D’ALGERIE se trouvent principalement au CAOM d’Aix-en-Provence, 90 % des archives sont restées en Algérie, et 10% en France elles sont ouvertes, pas comme en Algérie.

4. POUR EN FINIR AVEC LA REPENTANCE COLONIALE (Flammarion), naissance  après un déjeuner avec l’éditeur. Autre cible de choix pour l'auteur, Gilles Manceron, le rédacteur en chef de la revue de la Ligue des droits de l'homme ; à son adresse : "Entre leurs mains, l'histoire endosse une nouvelle mission : elle est chargée désormais de dire le bien et non le vrai, elle doit juger plutôt qu'inviter à connaître et à comprendre".

 

5. LA CONQUETE DE L’ALGERIE – La conquête de l'Algérie et des autres colonies ? Des guerres ni plus ni moins cruelles que les guerres européennes -  Daniel Lefeuvre rappelle la triviale réalité : après la prise d'Alger en 1830, les Français se cantonnent sur le littoral et concluent des traités avec les chefs de l'intérieur. Mais la guerre sainte lancée par Abd el-Kader en 1839 les entraîne dans une longue et difficile conquête.  Plus important encore, il rappelle, preuves à l'appui, que les horreurs de la conquête de l'Algérie (comme des autres guerres coloniales) n'avaient hélas rien d'exceptionnel. Le mépris de l'ennemi était au moins aussi grand dans les troupes républicaines qui combattaient les Vendéens en 1793 ou dans les armées de Napoléon engagées en Espagne en 1808...
Les guerres coloniales n'anticipent en rien la Shoah. Elles reflètent les moeurs de leur époque et c'est déjà bien assez.

     

6. LES ENFUMADES (1845) Il s'agit pour Daniel Lefeuvre de revenir sur les "contrevérités"et le "bricolage" auxquels se livrent depuis quelques années un certain nombre d’idéologues, de "Repentants". Parmi ces Repentants, citons le très controversé Olivier Le Cour Grandmaison : celui-là même qui dans Coloniser, Exterminer, voyait dans les "enfumades" - pratiquées au dépens de quelques centaines de combattants de 1845 réfugiés dans des grottes - ni plus ni moins qu'une anticipation des chambres à gaz ! Rien que ça !
Que la France ait commis des atrocités en Algérie, c’est certain - ne s’est-on pas indigné à la Chambre des pairs en 1845 contre enfumade des grottes de Kabylie, qui se solda par plus de trois cents victimes ? Mais voir dans ces horreurs une sorte de préfiguration des crimes nazis, établir une filiation entre la conquête de l’Algérie et la Shoah, constitue « un parallèle ignominieux, qui ne repose sur un aucun fondement... ». « Il y a quelque chose de profondément malsain, dans cet acharnement à faire de la conquête coloniale un laboratoire du nazisme, contre toute vérité historique.»

         

7. CORPS EXPEDITIONNAIRE Daniel Lefeuvre n'a aucun mal à démontrer l'inanité de la distinction entre la «guerre conventionnelle» et «civilisée» que les «Blancs» se livreraient et celle, «brutale» ou «totale», qu'ils auraient inventée à l'usage exclusif des peuples coloniaux. Là, ignorance et anachronisme se conjuguent. Les populations massacrées du Palatinat dévasté par les troupes de Louis XIV seraient bien aise d'apprendre ainsi qu'elles furent les victimes d'une guerre «civilisée» et les descendants de Vercingétorix que nous sommes devraient sans doute protester de son exécution par César, en 46 avant J.-C., en infraction caractérisée de la convention de Genève de 1929 sur les prisonniers de guerre. Daniel Lefeuvre sait se moquer de ce qu'il désigne comme le «bric-à-brac intellectuel» des Repentants. Le  corps expéditionnaire de 1830 30000 soldats, Bugeaud qui était tout d’abord contre la conquête de l’Algérie il revient en Algérie après une guerre de « guérilla » dans l’armée de Napoléon contre les Espagnols. Il met en application son expérience de la campagne en Espagne, avec  une armée de colonnes de mobiles de 100000 hommes, contre l’armée Abd el-Kader qui est forte de  10000 hommes avec l’aide selon les alliances de tribus.

Thomas Bugeaud
           

8. ALGERIE UNE BONNE AFFAIRE ? L’idée reçue selon laquelle l'exploitation des colonies, en général, et celle de L’Algérie en particulier avaient été, pour la métropole, « une  bonne affaire ». De toute façon, en regard de ce que l'exploitation coloniale « rapporte », on doit aussi considérer ce  qu'elle coûte. Ainsi, de 1957 à 1961, la part du PNB français consacré à l'accroissement de la consommation et à l'équipement des colonies n'est jamais inférieure à 2%. « Un effort qui laisse rêveur, note Daniel Lefeuvre, quand on sait qu'aujourd'hui les pays développés sont très loin de consacrer 0,7% de leur revenu national brut aux pays en voie de développement comme ils s'y étaient engagés en 1970 à l'ONU.»! S'il n'y a donc pas à se repentir, ni du pillage des

         
           
ressources coloniales, ni des indécents profits qui en auraient été tirés, il y a maintenant près d'un demi-siècle que l'histoire en a été scrupuleusement faite par les grands historiens que furent Charles André Julien et Charles-albert Ageron. L'idée d'un crime en quelque sorte caché, dont l'aveu expiatoire serait l'indispensable préalable à un hypothétique pardon, est donc inepte. Daniel Lefeuvre est encore plus intéressant quand il démonte certaines idées reçues. Sait-on que « loin de remplir les caisses de l'Etat, les colonies se sont révélées un véritable tonneau des Danaïdes » ? Malgré la propagande distillée par les partis colonialistes de la fin du XIXe siècle à l'Exposition coloniale de 1931, les colonies se révèlent un gouffre économique, commercial et financier et il n'y a guère que quelques affairistes liés aux lobbies coloniaux pour en tirer profit.
A la suite de l'historien Jacques Marseille (Empire colonial et capitalisme français. Histoire d'un divorce), Daniel Lefeuvre montre que les colonies n'ont rien apporté à l'économie française et ont plutôt bridé son dynamisme. Tout juste ont-elles permis l'enrichissement de quelques sociétés et affairistes protégés par le gouvernement.
La principale exportation de l'Algérie était le vin, concurrent des vins métropolitains, déjà en surproduction. L'Afrique noire n'arrivait à exporter tant bien que mal qu'un peu de coton et de denrées tropicales, à des coûts bien plus élevés que sur les marchés mondiaux. Même le phosphate du Maroc coûtait plus cher à la France que celui disponible ailleurs.
Retenons le mot d'un économiste belge du XIXe siècle, Gustave de Molinari : « De toutes les entreprises de l'État, la colonisation est celle qui coûte le plus cher et qui rapporte le moins ».
             

9. ESCLAVAGE EN ALGERIE Dès le début des années 1840, dans les parties du territoire algérien qu´elle contrôle, la France s´est attachée à interdire l´acheminement et la vente publique d´esclaves ainsi que la possession et le commerce d´esclaves - du moins aux Européens et aux Juifs. Après 1848, la France s´est efforcée, avec plus ou moins de rigueur et de succès, compte tenu du poids des traditions locales, d´interdire l´esclavage dans ses colonies. Autrement dit, à partir des années 1840, la colonisation a été l´une des voies qui a contribué à lutter contre l´esclavagisme. Pourquoi ne s´intéresser qu´à la traite européenne ? Il s´agit pour certains d´assigner les Noirs de France dans une identité de "descendants d´esclaves". On construit donc, de manière artificielle une "mémoire victimaire" En second lieu, elle vise à expliquer que le racisme dont des Noirs - comme les Arabes - sont aujourd´hui souvent victimes - discrimination à l´embauche, au logement,... - trouverait ses origines et son explication dans une pseudo " fracture coloniale " que la France serait incapable de réduire. Ainsi, on évacue la dimension sociale de ces manifestations : importance du chômage qui frappe toutes les couches populaires ; absence d´une politique ambitieuse du logement social ; relégation des couches populaires, etc.

             
 
 
L'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises (27 Avril 1848).
             

10.  A PARTIR DE QUAND TROUVE-T-ON DES TROUPES COLONIALES ?
Dès la guerre franco-allemande de 1870. Antérieurement, il ne faut pas oublier le rôle des Algériens, les Zwava (ce qui a donné le mot zouave), recrutés par l'armée pour participer à la conquête de l'Algérie, dès l'été 1830. Mais c'est avec la guerre de 1914 que l'appel aux colonies a été le plus massif. Plus de 600 000 soldats coloniaux sont mobilisés. Il faut préciser que le service militaire obligatoire est étendu, en 1912, aux jeunes Algériens musulmans sans pour autant qu'ils obtiennent la citoyenneté. Des réformes partielles sont introduites en 1919, mais il n'y a pas d'extension à tous d'une pleine et entière citoyenneté. Après la guerre, on inaugure la Grande Mosquée de Paris. Au sens de l'assimilation, même si c'est une assimilation par la guerre, la France montre une sacrée confiance dans ses troupes coloniales pour en arrivera les mobiliser massivement, à les armer, à les instruire, sa¬chant qu'ensuite c'était des soldats aguerris que l'on allait renvoyer chez eux et non des paysans désarmés. Et, dernière marque de reconnaissance, les troupes coloniales sont les plus applaudies, avec la Légion, lors des défilés militaires de l'après-guerre de 1914. Elles sont ovationnées. Un signe de cette popularité vient de ce qu'une grande marque de petits déjeuners pour enfants change son image - c'était une Antillaise avec des bananes - pour adopter un tirailleur sénégalais.

     
     
 
Aujourd'hui, on voit dans Banania un stéréotype raciste; dans l'esprit de l'époque, c'était l'inverse. On n'aurait pas vendu un petit déjeuner pour enfants avec une image répulsive.
Comment évaluer le sacrifice des troupes « indigènes » entre 1942 et 1945 ?
Il faut rappeler qu'il y a 176000 Français, Européens d'Afrique du Nord, engagés sous les armes; ce qui représente environ 45% d'une classe d'âge mobilisée. C'est énorme ! Puis on compte 253 000 soldats pour toute l'Afrique du Nord et l'Afrique noire réunies. Ces derniers forment une armée de fantassins. Mais il y a des lieutenants et des capitaines musulmans. Avant la guerre, on remarquait déjà un colonel algérien musulman, polytechnicien.
Quel est l’état réel de leurs pertes ?
Parmi les 253 000 soldats nord-africains, au moment de la capitulation, on compte un peu moins de 2000 tués et de 40000 blessés. Soit un taux de mortalité de 5 %. Pour les 100000 soldats d'Afrique noire, 4500 tués, c'est-à-dire un taux de mortalité de 5 %. Au sein des troupes françaises d'origine européenne, il y a 40 000 tués, soit un peu moins de 6 % de pertes. Enfin, parmi les176000 pieds-noirs, on  dénombre 14000 tués, ce qui équivaut à un taux record de 8 %.
                                     
 

11. IMMIGRATION ALGERIENNE EN FRANCE. A la fin de 1918 l’immigration est renvoyée en Algérie. A la suite de l’augmentation de la population musulmane en Algérie, l’immigration reprend en 1920 environ 100000 algériens soit 1% de la population active, pour la même période  8% d’étrangers Européens  (Polonais et Espagnols). C’est la même chose en 1945. Pour les communautaristes  Daniel Lefeuvre ne veut pas reconnaître que, contrairement à une légende tenace, le métro de Paris a été beaucoup moins construit par les Kabyles que par des ouvriers venus des quatre coins de France ? Dans cette période les Algériens en France ils sont 200000 pour une population de 19.000.000 d’habitants c'est-à-dire 1% de la population française et il ne faut pas négliger le taux de chômage qui atteint cette population, qui est délaissée par le patronat français au profit des Espagnols et des Italiens.

 
Usine Renault
Sait-on enfin que les immigrés n'ont joué après 1945 qu'un rôle mineur dans le relèvement national, contrairement à ce qui s'était passé au cours de la Première Guerre mondiale ?  « Ils ont fait le sale boulot »  En fait 95% sont OS et manœuvres, pour la même époque  la répartition des OS et manœuvres  (80% Français, 15% Européens (Italiens & Espagnols), 5 % Algériens). Une étude permet de mesurer l’impact des travailleurs Algériens dans l’atelier de Fonderie du constructeur automobile Renault, qui constitue le plus fort contingent d’Algériens de cette période 15%. En 1947 l’immigration augmente à cause du chômage en Algérie, ils viennent comme citoyens français avec une loi de préférence nationale. Non, la France n’a jamais invité les ouvriers algériens à émigrer en masse pour les rejeter ensuite. Non, ils n’ont pas été plus mal accueillis que les autres immigrés. Non, il n’y a pas eu d’islamo phobie dominante en France. En conséquence : « Prétendre que les Français doivent faire acte de repentance pour expier la page coloniale de leur histoire (…) relève du charlatanisme ou de l’aveuglement. »
Toutes ces données feront frémir les sociologues de la « fracture coloniale ». Elles les embarrasseront d'autant plus que Lefeuvre ne part pas de quelque « enquête » en banlieue. C'est un travail historique, chiffré, sans faux-semblant. Il faut saluer le courage d'un historien qui ne se contente pas de s'enfermer dans des colloques de spécialistes ou des articles publiés dans des revues« scientifiques » que personne ne lit, comme tant de ses confrères qui font leur petite carrière en laissant la voie libre aux bonimenteurs médiatiques.