Une intervention vigoureuse Emmanuel Charron
Président de la mission interministérielle aux Rapatriés.

au 32 è congrès cercle Algérianiste de Marseille

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Dans une intervention vigoureuse Emmanuel Charron retrace les efforts des deux dernières années du gouvernent Raffarin, journée nationale du 5 décembre des Rapatriés, journée des Harkis chaque 25 septembre, et la loi du 23 fevrier 2005..
Depuis le 20 avril 2005 monsieur M. Emmanuel CHARRON, ancien inspecteur général de la ville de Paris, est nommé président de la mission interministérielle aux Rapatriés.
Il succède à M. Marc Dubourdieu en place depuis septembre 2002 c’est-à-dire depuis la création de la mission. M. Charron était conseiller chargé des Rapatriés au Cabinet du Premier Ministre avant son passage à la mairie de Paris.
Devant une assistance septique il évoque le futur traité d’amitié entre la France et l’Algérie et il précise qu’aucune repentance n’est envisagée de la part de la France de n’importe qu’elle manière.

Ecoute du passage de l’intervention président de la mission interministérielle aux Rapatriés devant le 32ème congrès du Cercle Algérianiste du 12 novembre 2005 à Marseille.

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M. Emmanuel CHARRON
président de la mission interministérielle aux Rapatriés.

Réponse de Monsieur Emmanuel CHARRON, Président de la Mission Interministérielle aux Rapatriés
Au discours de M. Thierry Rolando président National du cercle Algérianiste


Madame le Maire, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

Je tiens tout d'abord à vous remercier, Monsieur ROLANDO Président du Cercle Algérianiste, à remercier les responsables du Cercle Algérianiste de Marseille, pour l'organisation de cette réunion, qui va me permettre effectivement de répondre à un certain nombres d'interrogations, et je vous remercie. Vous le savez, nous avons l'habitude de ces dialogues maintenant depuis un certain temps, de vous répondre très librement très simplement et très franchement.

Avant de le faire, je voudrais également féliciter très sincèrement les lauréats des prix du Cercle Algérianiste 2005, Mademoiselle Laure MAURICE, et j'étais heureux d'assister à la remise du prix qui lui a été remis en ce début d'après-midi, et Messieurs DIMECH, DEMARQUE et JARRIGE, qui ont reçu leur prix ce matin.

Depuis le début de cet après-midi, et puis durant les discussions que j'ai pu avoir en arrivant ce matin, je vous ai entendus exprimer de façon souvent très passionnée, et toujours évidemment passionnante, vos attentes, vos craintes et vos espoirs sur la façon dont notre société, dont les pouvoirs publics regardent aujourd'hui l'oeuvre accomplie par nos anciens et par vous mêmes outre-mer.

A bien des égards, je partage vos sentiments. Je les partage d'autant plus, et c'est peut-être un des sujets sur lequel je souhaite revenir précisément, que depuis trois ans, les pouvoirs publics ont eu à coeur de répondre à ces attentes. Quand le parlement, dès l'article premier de la loi du 23 février 2005 exprime la reconnaissance de la nation aux femmes et aux hommes qui ont participé à l'oeuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d'Algérie, au Maroc, en Tunisie, en Indochine, dans tous les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française, quand le parlement proclame solennellement cette reconnaissance pour la première fois au fronton de la République, qu'il apporte une première réponse, pas une réponse sur les « on-dit », mais une réponse concrète gravée au fronton de la République, une réponse concrète à ces attentes, à ces espoirs, j'allais dire qu'il pose la pierre angulaire de cette politique de mémoire, c'est sur les textes votés qu'il faut regarder les choses, c'est sur cet article premier de la loi du 23 février 2005 qu'il faut apprécier la volonté actuelle des pouvoirs publics.

Vous me permettrez d'ailleurs de rendre aujourd'hui, c'est une sorte de « Régional de l'étape » aussi, un hommage reconnaissant à Christian KERT, rapporteur de la loi MEKACHERA à l'Assemblée Nationale pour son rôle irremplaçable de défense de la mémoire et de l'honneur des Français d'Outre-Mer.

Oui, notre Pays est fier et doit être fier de l'oeuvre accomplie Outre-Mer. Le parlement, sur la proposition du gouvernement, l'a clairement, et sans aucune ambiguïté, proclamé et dit le 23 février dernier. Le texte est là, il est sans ambiguïté. Au-delà de cette pierre angulaire, que constitue la loi, plusieurs initiatives majeures ont été mises en oeuvre depuis trois ans. Je ne vais pas me livrer à un catalogue complet de toutes ces mesures, que nombre d'entre vous connaissent bien. Mais je veux tout de même rappeler que c'est le gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN qui a décidé d'officialiser la date du 5 décembre comme journée d'hommage aux soldats morts pour la France durant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de Tunisie, brisant net toute polémique sur ce sujet, et vous savez que les polémiques sur ce sujet existaient depuis longtemps.

Le 25 septembre, Monsieur le Président vous évoquiez la mémoire due aux harkis, le 25 septembre est devenue la journée d'hommage national aux anciens harkis et combattants des forces supplétives, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République. Cette mémoire est due à tous les combattants qui ont choisi la France, qui ont défendu notre drapeau, et cette mémoire, elle est désormais elle aussi gravée dans le marbre des textes républicains. Je reviendrai plus longuement dans un instant sur la participation de l'Etat au Mémorial National de la France d'Outre-Mer, et j'ai bien entendu ce que vous avez dit Madame, ce que vous avez dit Monsieur le Président. Je veux tout de suite effectivement, cela a été évoqué également dans le film que nous avons vu, rappeler que c'est un projet ancien, qui n'avait guère avancé depuis vingt ans, et que sa réalisation répond à une revendication maintes fois exprimée. Dans le domaine de la mémoire, nous attendons aussi beaucoup de la création de la fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie des combats du Maroc et de la Tunisie, dont la création a été voulue par les parlementaires, et qui elle aussi figure dans le texte de la loi du 23 février 2005.

Au total, si un bref instant je regarde dans le rétroviseur de l'action accomplie entre 2002 et 2005, et que je compare ce qui a été fait avec les engagements pris durant la campagne présidentielle, je constate que ces engagements ont tous été tenus et même au-delà. Et c'est une bonne chose qu'en trois ans ces engagements aient été tenus, car cela signifie que nous disposons maintenant d'une nouvelle période pour poursuivre le travail accompli et pour consolider et ouvrir de nouvelles perspectives. Aujourd'hui en effet, et je reprends ce qu'a dit le Président ROLANDO, nous sommes à la croisée des chemins, et l'actualité nous donne des exemples très précis des enjeux de la mémoire pour notre cohésion nationale.

Nos difficultés aujourd'hui, les difficultés de la France sont certes de natures économique et sociale, elles sont aussi et peut-être surtout liées aux difficultés qu'a notre creuset républicain à fonctionner comme il fonctionnait encore il y a quelques décennies. L'enjeu de la politique de mémoire est là : faire en sorte que la France, notre Pays, avec ses valeurs, avec ses atouts puisse continuer pour nos enfants et petits enfants d'être un modèle inépuisable de vie de bonheur et de fierté.

Je sais, je vous ai effectivement entendu vous exprimer sur le sujet à de nombreuses reprises Monsieur le Président, que des inquiétudes fortes s'expriment quand au projet de traité franco-algérien. Sous la présidence de Monsieur Alain GEHIN, nouveau président du Haut Conseil des Rapatriés dont je suis heureux de saluer la présence aujourd'hui à cette réunion, alors qu'il vient tout juste d'être nommé à la présidence de ce haut conseil, sous sa présidence donc, une délégation du HCR a été reçue très récemment, à ma demande, au ministère des affaires étrangères pour évoquer ces inquiétudes. Je veux vous redire aujourd'hui très précisément et très solennellement, ce que déclaraient avec l'autorité qui s'attache à leur fonction les diplomates lors de cette réunion, l'objet de ce traité est de créer un cadre institutionnel pour le développement des relations entre la France et l'Algérie. Le traité d'amitié ne sera en aucun cas un acte de repentance.

Nous veillerons à ce que ce traité se mette en place dans le cadre d'un équilibre, de la dignité, de l'ouverture, et du respect, du respect mutuel. Le travail de mémoire ne doit pas être pollué par des querelles sans fondement, ni par une propension à la repentance convulsive. C'est avec une mémoire lucide que nous devons certes reconnaître les parts d'ombre que la présence française en Algérie a pu avoir comme toute oeuvre humaine, mais aussi et avec fierté leur part de lumière. C'est le respect d'un passé commun assumé avec ses ombres et ses lumières qui peut et qui doit fonder durablement la relation avec l'Algérie. Pour cela, nous devons faire preuve d'une vraie vigilance.

Cette vigilance, nous l'avons déjà assumée s'agissant du mémorial. Je le disais, ce projet ancien n'a pu se mettre en place que grâce à la mairie de Marseille et à son maire Jean-Claude GAUDIN. Cet après-midi, j'ai entendu les inquiétudes que vous avez exprimées sur les conditions dans lesquelles à un moment donné le travail avait été effectué. Je peux vous dire que sous l'impulsion du gouvernement et je rappelle que la Mission Interministérielle aux rapatriés est rattachée directement à Dominique DE VILLEPIN premier ministre qui attache une importance majeure à ces questions.

Sous l'impulsion du gouvernement donc, des historiens désignés par l'Etat participent désormais aux travaux du Conseil Scientifique. Ils y participent pour analyser, pour proposer, pour veiller à ce que la présentation des textes notamment ceux qui concernent l'Algérie ne comprennent pas de contre-vérités ou de termes ambigus. Et vous me permettrez de reprendre un exemple très concret puisque j'ai l'impression que vous avez du mal à être convaincus..., je suis heureux de voir que vous me suivez. Eh bien je vais vous donner un exemple concret qui a été cité par Madame JOYAUX tout à l'heure. L'exemple du terme « spoliation ». Effectivement, à un moment donné, certaines personnes du Conseil Scientifique ont souhaité que ce terme soit employé. Eh bien moi, je peux vous dire que le président de la Mission Interministérielle aux rapatriés, c'est à dire moi, a appelé le Maire de Marseille, et le Maire de Marseille a partagé évidemment la réaction que j'avais et je peux vous dire que sous l'impulsion de Madame MOLL sous l'impulsion de l'Etat et avec le Maire de Marseille, ce terme a été évidemment enlevé des textes concernant l'Algérie. Voilà un exemple concret. Moi, vous savez, je comprends parfaitement les inquiétudes telles qu'elles s'expriment, je les comprends, je les partage souvent, sachez que lorsque vous avez des inquiétudes, vous avez des relais qui peuvent les exprimer, nous les écoutons, nous faisons en sorte d'y répondre. Voilà un exemple concret, un exemple sur lequel je peux vous dire que la vigilance de l'Etat et de la Mairie de Marseille n'a pas été prise en défaut, parce que effectivement il y avait des choses qui n'étaient pas acceptables.

Doutes dans l'auditoire

Eh bien écoutez, si vous n'en croyez rien, moi que puis-je vous dire ? Même Saint THOMAS en voyant les plaies a vu et a cru, alors si quand on vous donne des exemples concrets vous n'y croyez pas, là effectivement c'est un peu compliqué. Donc la volonté de l'Etat, elle est partagée, elle est clairement affirmée. Elle est partagée par le Maire de Marseille et par son adjointe Madame Solange MOLL, qui le représente aujourd'hui et dont je salue la présence, ainsi que l'action efficace et vigilante en faveur des rapatriés. Pour ma part, vous pouvez compter sur ma ferme et tranquille détermination pour que à aucun moment la vérité historique ne soit occultée. La mémoire, je l'ai dit, est aujourd'hui un enjeu fondamental.

Avec la création du mémorial à Marseille, avec le projet de création d'une fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie du combat du Maroc et de Tunisie, avec les dispositions prises pour la mise en oeuvre de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, nous avons de nombreux et ambitieux chantiers à mettre en oeuvre. Pour reprendre une récente expression utilisée dans le Figaro Littéraire par Max GALLO, il nous appartient aujourd'hui de lutter contre les manipulateurs de la culpabilité collective, l'histoire n'a pas à opposer une mémoire à une autre, mais à les rassembler pour pouvoir appréhender une période donnée.

Question posée par l'auditoire : « Et les disparus ? »

Nous en parlerons si vous le souhaitez aussi.

Dans ce même article du Figaro Littéraire était citée une phrase de Camus qui était également citée dans le film : « Il me paraît dégoûtant de battre sa coulpe comme nos juges pénitents sur la poitrine d'autrui. Il est bon que notre nation soit assez forte de tradition et d'honneur pour trouver le courage de dénoncer ses propres erreurs. Mais elle ne doit pas oublier les raisons qu'elle a encore de s'estimer elle-même. Il est dangereux de lui demander de s'avouer seule coupable, et de la vouer à une repentance perpétuelle ».

Ce soir, je le sais ici, nous avons tous la même force de conviction. Celles de Français fiers de leur drapeau et de la République. Et eux-mêmes témoins acteurs bâtisseurs suffisamment forts pour avoir conscience que leur histoire collective n'est pas exempte de fautes mais suffisamment conscients de ce qu'ils doivent à leurs aïeux pour leurs rendre hommage et les donner en exemple à leurs enfants.

Je vous remercie.

32ème Congrès du Cercle Algérianiste Marseille, le 12 novembre 2005