Réponse
de Monsieur Emmanuel CHARRON, Président
de la Mission Interministérielle aux Rapatriés
Au discours de M. Thierry Rolando président
National du cercle Algérianiste
Madame le Maire, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Je tiens tout d'abord à vous remercier,
Monsieur ROLANDO Président du Cercle Algérianiste,
à remercier les responsables du Cercle Algérianiste
de Marseille, pour l'organisation de cette réunion, qui va
me permettre effectivement de répondre à un certain
nombres d'interrogations, et je vous remercie. Vous le savez, nous
avons l'habitude de ces dialogues maintenant depuis un certain temps,
de vous répondre très librement très simplement
et très franchement.
Avant de le faire, je voudrais également
féliciter très sincèrement les lauréats
des prix du Cercle Algérianiste 2005, Mademoiselle Laure
MAURICE, et j'étais heureux d'assister à la remise
du prix qui lui a été remis en ce début d'après-midi,
et Messieurs DIMECH, DEMARQUE et JARRIGE, qui ont reçu leur
prix ce matin.
Depuis le début de cet après-midi,
et puis durant les discussions que j'ai pu avoir en arrivant ce
matin, je vous ai entendus exprimer de façon souvent très
passionnée, et toujours évidemment passionnante, vos
attentes, vos craintes et vos espoirs sur la façon dont notre
société, dont les pouvoirs publics regardent aujourd'hui
l'oeuvre accomplie par nos anciens et par vous mêmes outre-mer.
A bien des égards, je partage vos sentiments.
Je les partage d'autant plus, et c'est peut-être un des sujets
sur lequel je souhaite revenir précisément, que depuis
trois ans, les pouvoirs publics ont eu à coeur de répondre
à ces attentes. Quand le parlement, dès l'article
premier de la loi du 23 février 2005 exprime la reconnaissance
de la nation aux femmes et aux hommes qui ont participé à
l'oeuvre accomplie par la France dans les anciens départements
français d'Algérie, au Maroc, en Tunisie, en Indochine,
dans tous les territoires placés antérieurement sous
la souveraineté française, quand le parlement proclame
solennellement cette reconnaissance pour la première fois
au fronton de la République, qu'il apporte une première
réponse, pas une réponse sur les « on-dit »,
mais une réponse concrète gravée au fronton
de la République, une réponse concrète à
ces attentes, à ces espoirs, j'allais dire qu'il pose la
pierre angulaire de cette politique de mémoire, c'est sur
les textes votés qu'il faut regarder les choses, c'est sur
cet article premier de la loi du 23 février 2005 qu'il faut
apprécier la volonté actuelle des pouvoirs publics.
Vous me permettrez d'ailleurs de rendre aujourd'hui,
c'est une sorte de « Régional de l'étape »
aussi, un hommage reconnaissant à Christian KERT, rapporteur
de la loi MEKACHERA à l'Assemblée Nationale pour son
rôle irremplaçable de défense de la mémoire
et de l'honneur des Français d'Outre-Mer.
Oui, notre Pays est fier et doit être fier
de l'oeuvre accomplie Outre-Mer. Le parlement, sur la proposition
du gouvernement, l'a clairement, et sans aucune ambiguïté,
proclamé et dit le 23 février dernier. Le texte est
là, il est sans ambiguïté. Au-delà de
cette pierre angulaire, que constitue la loi, plusieurs initiatives
majeures ont été mises en oeuvre depuis trois ans.
Je ne vais pas me livrer à un catalogue complet de toutes
ces mesures, que nombre d'entre vous connaissent bien. Mais je veux
tout de même rappeler que c'est le gouvernement de Jean-Pierre
RAFFARIN qui a décidé d'officialiser la date du 5
décembre comme journée d'hommage aux soldats morts
pour la France durant la guerre d'Algérie et les combats
du Maroc et de Tunisie, brisant net toute polémique sur ce
sujet, et vous savez que les polémiques sur ce sujet existaient
depuis longtemps.
Le 25 septembre, Monsieur le Président vous
évoquiez la mémoire due aux harkis, le 25 septembre
est devenue la journée d'hommage national aux anciens harkis
et combattants des forces supplétives, conformément
à la volonté exprimée par le Président
de la République. Cette mémoire est due à tous
les combattants qui ont choisi la France, qui ont défendu
notre drapeau, et cette mémoire, elle est désormais
elle aussi gravée dans le marbre des textes républicains.
Je reviendrai plus longuement dans un instant sur la participation
de l'Etat au Mémorial National de la France d'Outre-Mer,
et j'ai bien entendu ce que vous avez dit Madame, ce que vous avez
dit Monsieur le Président. Je veux tout de suite effectivement,
cela a été évoqué également dans
le film que nous avons vu, rappeler que c'est un projet ancien,
qui n'avait guère avancé depuis vingt ans, et que
sa réalisation répond à une revendication maintes
fois exprimée. Dans le domaine de la mémoire, nous
attendons aussi beaucoup de la création de la fondation pour
la mémoire de la guerre d'Algérie des combats du Maroc
et de la Tunisie, dont la création a été voulue
par les parlementaires, et qui elle aussi figure dans le texte de
la loi du 23 février 2005.
Au total, si un bref instant je regarde dans le
rétroviseur de l'action accomplie entre 2002 et 2005, et
que je compare ce qui a été fait avec les engagements
pris durant la campagne présidentielle, je constate que ces
engagements ont tous été tenus et même au-delà.
Et c'est une bonne chose qu'en trois ans ces engagements aient été
tenus, car cela signifie que nous disposons maintenant d'une nouvelle
période pour poursuivre le travail accompli et pour consolider
et ouvrir de nouvelles perspectives. Aujourd'hui en effet, et je
reprends ce qu'a dit le Président ROLANDO, nous sommes à
la croisée des chemins, et l'actualité nous donne
des exemples très précis des enjeux de la mémoire
pour notre cohésion nationale.
Nos difficultés aujourd'hui, les difficultés
de la France sont certes de natures économique et sociale,
elles sont aussi et peut-être surtout liées aux difficultés
qu'a notre creuset républicain à fonctionner comme
il fonctionnait encore il y a quelques décennies. L'enjeu
de la politique de mémoire est là : faire en sorte
que la France, notre Pays, avec ses valeurs, avec ses atouts puisse
continuer pour nos enfants et petits enfants d'être un modèle
inépuisable de vie de bonheur et de fierté.
Je sais, je vous ai effectivement entendu vous
exprimer sur le sujet à de nombreuses reprises Monsieur le
Président, que des inquiétudes fortes s'expriment
quand au projet de traité franco-algérien. Sous la
présidence de Monsieur Alain GEHIN, nouveau président
du Haut Conseil des Rapatriés dont je suis heureux de saluer
la présence aujourd'hui à cette réunion, alors
qu'il vient tout juste d'être nommé à la présidence
de ce haut conseil, sous sa présidence donc, une délégation
du HCR a été reçue très récemment,
à ma demande, au ministère des affaires étrangères
pour évoquer ces inquiétudes. Je veux vous redire
aujourd'hui très précisément et très
solennellement, ce que déclaraient avec l'autorité
qui s'attache à leur fonction les diplomates lors de cette
réunion, l'objet de ce traité est de créer
un cadre institutionnel pour le développement des relations
entre la France et l'Algérie. Le traité d'amitié
ne sera en aucun cas un acte de repentance.
Nous veillerons à ce que ce traité
se mette en place dans le cadre d'un équilibre, de la dignité,
de l'ouverture, et du respect, du respect mutuel. Le travail de
mémoire ne doit pas être pollué par des querelles
sans fondement, ni par une propension à la repentance convulsive.
C'est avec une mémoire lucide que nous devons certes reconnaître
les parts d'ombre que la présence française en Algérie
a pu avoir comme toute oeuvre humaine, mais aussi et avec fierté
leur part de lumière. C'est le respect d'un passé
commun assumé avec ses ombres et ses lumières qui
peut et qui doit fonder durablement la relation avec l'Algérie.
Pour cela, nous devons faire preuve d'une vraie vigilance.
Cette vigilance, nous l'avons déjà
assumée s'agissant du mémorial. Je le disais, ce projet
ancien n'a pu se mettre en place que grâce à la mairie
de Marseille et à son maire Jean-Claude GAUDIN. Cet après-midi,
j'ai entendu les inquiétudes que vous avez exprimées
sur les conditions dans lesquelles à un moment donné
le travail avait été effectué. Je peux vous
dire que sous l'impulsion du gouvernement et je rappelle que la
Mission Interministérielle aux rapatriés est rattachée
directement à Dominique DE VILLEPIN premier ministre qui
attache une importance majeure à ces questions.
Sous l'impulsion du gouvernement donc, des historiens
désignés par l'Etat participent désormais aux
travaux du Conseil Scientifique. Ils y participent pour analyser,
pour proposer, pour veiller à ce que la présentation
des textes notamment ceux qui concernent l'Algérie ne comprennent
pas de contre-vérités ou de termes ambigus. Et vous
me permettrez de reprendre un exemple très concret puisque
j'ai l'impression que vous avez du mal à être convaincus...,
je suis heureux de voir que vous me suivez. Eh bien je vais vous
donner un exemple concret qui a été cité par
Madame JOYAUX tout à l'heure. L'exemple du terme «
spoliation ». Effectivement, à un moment donné,
certaines personnes du Conseil Scientifique ont souhaité
que ce terme soit employé. Eh bien moi, je peux vous dire
que le président de la Mission Interministérielle
aux rapatriés, c'est à dire moi, a appelé le
Maire de Marseille, et le Maire de Marseille a partagé évidemment
la réaction que j'avais et je peux vous dire que sous l'impulsion
de Madame MOLL sous l'impulsion de l'Etat et avec le Maire de Marseille,
ce terme a été évidemment enlevé des
textes concernant l'Algérie. Voilà un exemple concret.
Moi, vous savez, je comprends parfaitement les inquiétudes
telles qu'elles s'expriment, je les comprends, je les partage souvent,
sachez que lorsque vous avez des inquiétudes, vous avez des
relais qui peuvent les exprimer, nous les écoutons, nous
faisons en sorte d'y répondre. Voilà un exemple concret,
un exemple sur lequel je peux vous dire que la vigilance de l'Etat
et de la Mairie de Marseille n'a pas été prise en
défaut, parce que effectivement il y avait des choses qui
n'étaient pas acceptables.
Doutes dans l'auditoire
Eh bien écoutez, si vous n'en croyez rien,
moi que puis-je vous dire ? Même Saint THOMAS en voyant les
plaies a vu et a cru, alors si quand on vous donne des exemples
concrets vous n'y croyez pas, là effectivement c'est un peu
compliqué. Donc la volonté de l'Etat, elle est partagée,
elle est clairement affirmée. Elle est partagée par
le Maire de Marseille et par son adjointe Madame Solange MOLL, qui
le représente aujourd'hui et dont je salue la présence,
ainsi que l'action efficace et vigilante en faveur des rapatriés.
Pour ma part, vous pouvez compter sur ma ferme et tranquille détermination
pour que à aucun moment la vérité historique
ne soit occultée. La mémoire, je l'ai dit, est aujourd'hui
un enjeu fondamental.
Avec la création du mémorial à
Marseille, avec le projet de création d'une fondation pour
la mémoire de la guerre d'Algérie du combat du Maroc
et de Tunisie, avec les dispositions prises pour la mise en oeuvre
de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la
Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés,
nous avons de nombreux et ambitieux chantiers à mettre en
oeuvre. Pour reprendre une récente expression utilisée
dans le Figaro Littéraire par Max GALLO, il nous appartient
aujourd'hui de lutter contre les manipulateurs de la culpabilité
collective, l'histoire n'a pas à opposer une mémoire
à une autre, mais à les rassembler pour pouvoir appréhender
une période donnée.
Question posée par l'auditoire : «
Et les disparus ? »
Nous en parlerons si vous le souhaitez aussi.
Dans ce même article du Figaro Littéraire
était citée une phrase de Camus qui était également
citée dans le film : « Il me paraît dégoûtant
de battre sa coulpe comme nos juges pénitents sur la poitrine
d'autrui. Il est bon que notre nation soit assez forte de tradition
et d'honneur pour trouver le courage de dénoncer ses propres
erreurs. Mais elle ne doit pas oublier les raisons qu'elle a encore
de s'estimer elle-même. Il est dangereux de lui demander de
s'avouer seule coupable, et de la vouer à une repentance
perpétuelle ».
Ce soir, je le sais ici, nous avons tous la même
force de conviction. Celles de Français fiers de leur drapeau
et de la République. Et eux-mêmes témoins acteurs
bâtisseurs suffisamment forts pour avoir conscience que leur
histoire collective n'est pas exempte de fautes mais suffisamment
conscients de ce qu'ils doivent à leurs aïeux pour leurs
rendre hommage et les donner en exemple à leurs enfants.
Je vous remercie.
32ème Congrès du Cercle Algérianiste Marseille,
le 12 novembre 2005
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