Le premier « capteur » de chiens de la ville d’ALGER entra dans la légende et donna même son nom, déformé par le langage populaire, à tous ses futurs confrères d’ALGÉRIE. D’origine espagnole, GARUFA, tout de suite appelé GALOUFA, habitait le quartier de BAB EL OUED  
         
GALOUFA

Un arrêté du Directeur de l’Intérieur réglementant la divagation des chiens errants fut pris dès le 13 décembre 1842 pour la ville d’ALGER. Les dispositions du Lieutenant général BUGEAUD, Gouverneur Général de l’ALGÉRIE, furent ensuite étendues à l’ensemble du territoire. Pourtant un siècle de civilisation plus tard, l’ALGÉRIE était encore entachée de la rage. La raison en était simple, nette : contrairement à la métropole la rage y sévissait toujours parce que trop de personnes n’obéissaient pas aux recommandations édictées par l’Administration.
De ce fait, la vaccination après morsure comme la vaccination des chiens avant morsure n’étaient que des palliatifs. Les vaccins inventés et préparés par l’Institut Pasteur d’ALGÉRIE, les appels par tracts et par presse du Docteur Edmond SERGENT ne parvenaient pas à extirper ce fléau. L’unique et seul moyen radical était la suppression du réservoir de virus constitué par les chiens errants. Le virus rabique ayant la particularité de développer chez les chiens infectés deux instincts irrépressibles : le besoin de mordre et la tendance au vagabondage.

 
 
     
           
   
             

L’Institut Pasteur traita 515 personnes pendant
l’année 1930 et, sur 1305 animaux capturés, 30
chiens furent reconnus « enragés.

Les grandes cités d’ALGÉRIE, comme toutes
les grandes villes du monde avaient à cette
époque leurs chenils spécialisés : des fourrières
municipales chargées de recueillir les chiens
divaguants ou abandonnés, susceptibles d’être
porteurs du virus.

 
   
Le premier « capteur » de chiens de la ville d’ALGER entra dans la légende et donna même son nom, déformé
par le langage populaire, à tous ses futurs confrères d’ALGÉRIE. D’origine espagnole, GARUFA, tout de suite
appelé GALOUFA, habitait le quartier de BAB EL OUED. Les jeunes enfants désobéissants allaient tout
autant le craindre que les chiens en vadrouille. Devenu croque-mitaine malgré lui, il sillonnait inlassablement les
artères de la villes à la recherche de ses proies. Tirant sa charrette-cage à bout de bras, GALOUFA ne passait pas
inaperçu. Ses longues moustaches lustrées, sa salopette délavée et son grand chapeau de feutre firent beaucoup
pour sa popularité. Les joyeuses ribambelles d’adolescents chahuteurs qui se formaient derrière lui, impatientes du
spectacle de la capture, n’étaient pas faites pour lui faciliter la besogne. GALOUFA qui était payé « à la tête », une
prise : une prime, avait pourtant tout intérêt à se concilier les faveurs de sa bruyante suite ; désignés ou rabattus par
des gamins complices, de pauvres roquets inoffensifs amélioraient son bilan quotidien mais on imagine les difficultés
de sa tâche dans un environnement hostile. Sa proie repérée, GALOUFA pouvait alors déployer son long fouet-
lasso pour des tentatives pas toujours réussies mais qui pimentaient le spectacle. Le personnage inspira dès son
apparition, une foule de chansons et d’histoires drôles plus ou moins vécues. Sujet de reportages ou d échos parus
dans les nombreuses publications de l’époque, GALOUFA fut caricaturé par BROUTY, DRACK-OUB, Hans
KLEISS, AGIUS etc…ce qui ajouta encore à sa célébrité. Après des années de labeur et des milliers de chiens
capturés, GALOUFA vit arriver le progrès et l’amélioration de ses conditions de travail. Sa charrette fut remplacée
par une voiture à cheval conduite par un cocher. Il marchait en tête accompagné de 2 agents de police et disposait
de douze cages pour loger ses prises.
 
Ses successeurs furent des fonctionnaires désignés par les services municipaux et
plus tard une camionnette automobile fut utilisée. Le spectacle perdit en
pittoresque.
En 1933, la ville d’ALGER fut la première en France à pouvoir disposer d’une
fourrière spacieuse, moderne, et équipée d’une cage d’électrocution à basse
tension. Les locaux, au Ravin de la Femme Sauvage, permettaient d’isoler les
chiens entre eux. Dans des cellules quotidiennement désinfectées les chiens
identifiés par leurs colliers étaient gardés pendant 10 jours. Les bêtes contaminées, non identifiées ou réclamées après 3 jours étaient éliminées dans la
cage électrique. La ville d’ORAN eut deux GALOUFA dont les vieux oranais se
souviennent encore : Gaston DUPUY, dit LATIGO MORO, garde du corps de
l’Abbé LAMBERT fut souvent impliqué dans les aventures tragi-comiques du
maire d’ORAN et « sorcier de l’eau. Le second était un musulman qui prenait de
fréquentes libertés avec les préceptes de MAHOMET concernant les boissons
spiritueuses. Découvert, cuvant un trop plein d’anisette ou de « MASCARA »,
par une nuit de couvre-feu, il fut brancardé au commissariat le plus proche. Le
réveil de l’invétéré buveur fut très agité ; dans la rixe qui s ‘ensuivit deux agents
furent sévèrement mordus. Quand sa qualité professionnelle fut enfin reconnue,
l’image effrayante de la rage s’imposa à tous les policiers.
   
   
Garufa par Brouty
 
     

Il fallait agir au plus vite. Escorté par trois gendarmes, l’ « enragé » et ses victimes prirent le premier train en
partance pour ALGER ; direction : l’Institut Pasteur. Ce voyage fut plutôt mouvementé ; bien que menotté,
« GALOUFA », encore mal remis de ses libations, parvint à mordre les trois représentants de la maréchaussée
incapables de le calmer. Arrivés en gare d’ALGER avec leur dangereux délinquant les « mordus » maintenant
au nombre de cinq, et qui n’en menaient pas large, avaient hâte d’être pris en main par les spécialistes de
l’Institut Pasteur. La prise de sang effectuée sur le suspect effaça heureusement et rapidement toutes les
appréhensions. Vérifications faites, la petite troupe rassurée et réconciliée fut autorisée à prendre le chemin du
retour. Raillée et injustement méprisée, la tâche des capteurs de chiens se révéla pourtant décisive dans la lutte
contre la rage, ce bienfait constaté cliniquement se vérifia au fil du temps.

Dans les dernières années de l’ALGÉRIE française, la situation rabique satisfaisante atteinte en métropole était
en passe d’être atteinte.
John Franklin

Bibliographie

Annuaire Gomot de l’Algérie. – 1843
Cahiers algériens de la santé, n°5. – Mars 1956.
Reportage de Jean Hubert Poggi dans l’.Echo d’Alger du 15 mars 1961.
Griesinger, Charles. – Galoufa in Revue l’Algérianiste, n°51, septembre 1990
L’œuvre municipale de la ville d’Alger. Service de l’hygiène, 1929-1935
Pouget, Marcel ( Docteur). – Le Galoufa d’Oran in Pieds Noirs d’Hier et d’Aujourd’hui, n°90.
Revue Enfances, n°100. - Alger : juin-juillet 1955.