La solitude de la fleur blanche

 
 



 

La solitude de la fleur blanche

Annelise Roux

Sabine Wespieser

 
       
   

Nous venions de nulle part, d’un trou noir mental appelé Algérie, nous étions louches, sans le sou, dénués de qualification particulière, des prolétaires ayant été sans le moindre égard jetés dehors de ce qu’ils considéraient être chez eux, ficelés dans le silence… A. R. Habitée par un insoluble questionnement à propos des origines, née du mauvais côté de la barrière, dans le camp des « colonialistes » où les siens ont été assignés à résidence par une histoire sans nuances, la narratrice tente de s’ancrer dans le terroir bordelais où sa famille a échoué en 1962, quelques années avant sa naissance. Peine perdue, les sols caillouteux du vignoble la ramènent aux déserts qu’elle n’a pas connus, la méfiance des paysans à l’incontournable question : « Comment peut-on être pied-noir ? » Son enfance déclassée, la mort de son père fauché sur une route, semblent inscrire son destin dans la tragédie. Mais nulle résignation chez ce « rapporteur en couettes » qui tout enfant décide d’échapper par les mots, les siens et ceux des autres, à la malédiction des origines. Mémorialiste fantaisiste et narquoise des humiliations subies, elle se lance dans l’apprivoisement mélancolique des malheurs alentour. Au cimetière du village, son lieu de prédilection, chaque pierre tombale des familles « bien françaises » révèle des drames et des dommages qui lui permettront de renouer le fil de sa propre vie. Très tôt, elle comprend que seule l’écriture pourra la sauver : s’inventant des généalogies – Hemingway et Beckett en guise de grands-pères –, elle plonge à corps perdu dans le creuset de l’imaginaire pour en extraire un éblouissant roman de formation. Ici le lent et patient apprentissage d’une terre et le pouvoir rédempteur de la littérature interrogent et dissolvent peu à peu le désespoir de vivre et la culpabilité.

 

(© APERS 2009)


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Titre : La solitude de la fleur blanche
Auteur : Annelise Roux
Editeur : Sabine Wespieser
Collection : inconnue
Genre :
Pages : 232
Date de parution : 27 juillet 2009
ISBN : inconnu
EAN13 : inconnu
Code éditeur : inconnu

Prix : 20 €

 

A-t-on jamais aussi bien évoqué, à vous en serrer le coeur, la "Nostalgéria" qui a étreint ceux qui ont quitté la terre brûlante d'Algérie, au tournant des années 60, et qui broie encore leurs enfants ?
Amateurs de causes douteuses, passez votre chemin : la narratrice, qui n'a pas connu l'Algérie de ses parents et grands-parents, rapatriés avant sa naissance, ne mène là aucun combat suspect. Mais elle rend justice à ses ascendants ui quittèrent, vers 1870, l'Alsace, devenue allemande, pour cette Algérie âpre dont ils allaient s'éprendre.
Dans une langue magnifique qui fouille, qui creuse une vérité toujours plus lointaine, toujours plus enfouie, la narratrice part à la recherche de ce passé et de cette terre qu'elle n'a pas connue et qui lui manque. Et, surtout, à la recherche d'elle-même.

Car l'histoire reste à écrire, sans vindicte comme sans injustice : "le million de retoqués coloniaux vaporisés aux alentours de Marseille s'était évanoui dans la nature comme les fragments de la fusée, absorbé par des urgences médiatiques ayant meilleure allure". "Nous vivions communément sur des milliers d'hectares, étions des exploiteurs avides..."
"Comment se détacher de cette Algérie maudite, tant aimée ?" En écrivant ce livre qui ressuscite non seulement le Maghreb inconnu, mais le Médoc campagnardoù grandit la narratrice. Une enfant intelligente et douée, qui ressent comme une écorchée vive le dédain des maîtresses de maison qui refusent le bouquet de mimosa offert par sa mère, parce qu'enroulé dans du papier journal.
Si c'est "la nature même des récits figés que de faire tomber des couperets", l'anamnèse d'Annelise Roux,  ressuscite, elle, des êtres sensibles, humiliés, émouvants, et force l'empathie et la réflexion. Ecrit avec une des plumes les plus vibrantes et les plus fines de cette cette rentrée littéraire, cette "Solitude de la fleur blanche"se lit à l'oreille et résonne longtemps après. Quelle que soit la prochaine oeuvre d'Annelise Roux, elle nous trouvera fidèle au rendez-vous. F2

Chroniques d'un monde défunt -
Un titre énigmatique. Un nom peu connu : Annelise Roux. Un quatrième roman pour cette Bordelaise, après trois polars publiés .

Dès les premières lignes, on se sent pris à la gorge, convaincu que ce livre, on le lira jusqu'au bout parce que sa poésie douloureuse s'est déjà insinuée dans nos veines.

Les critiques, par habitude, opinent du bonnet, toujours remplis d'admiration pour toutes les trouvailles des éditeurs. Chaque rentrée littéraire, ils découvrent un nouveau Flaubert, un nouveau Proust, mais la vérité est qu'on se trouve rarement en présence d'un talent neuf, original, c'est-à-dire d'un style, car comme le proclamait Céline : « Dame, tout le monde s'arrête devant un style ; le reste n'est que poncif et école. » Alors, osons l'écrire, nous tenons là un grand livre, qui s'affirme singulièrement fort dans un genre tout aussi singulier.
Qu'est-ce que c'est ? Une longue confession. Un défilé de souvenirs. Un voyage au passé dans un présent de résurrection. L'histoire d'une femme qui essaie de survivre, qui porte en elle l'exil de ceux qu'on appelait pieds-noirs, qui l'éprouve comme une commotion, qui l'éprouve au point de le faire sien, qui découvre dans cette terre inhospitalière du Médoc les cent mille blessures indistinctes, tues, étouffées : « Nous venions de nulle part, d'un trou noir appelé Algérie, nous étions louches, sans le sou, dénués de qualification particulière, des prolétaires ayant été sans le moindre égard jetés dehors de ce qu'ils considéraient être chez eux, ficelés dans le silence... »
Le début d'un exil, fût-il de pensée, est toujours la fin d'une illusion. Un deuil à perpétuité. Une hémorragie de la mort dans l'apparence de la vie. À ces éternels errants, on a demandé l'impossible : oublier les premières vibrations qui vous attachent durablement à un sol : « Rabat, d'une douceur flagrante, Tanger, qui, du Maroc, toise la Britannique Gibraltar par-dessus le détroit, Tipaza, Sidi-Bel-Abbès, au sud d'Oran et d'Arzew, ou Sfax, en Tunisie, qui regarde les petites îles devant elle sans condescendance. »

 
La littérature pour patrie
C'est cet impossible qu'Annelise Roux réécrit, page après page. Elle n'accumule péripéties, dialogues, personnages, paysages, que pour tenter d'entendre dans leurs interstices l'écho grandissant de sa propre disparition : « Cette mort-là est interminable. On la sent venir sans pour autant pouvoir s'y faire [...]. Devant moi, un avenir qui ne me tendait pas exactement les bras. Je n'épiloguais sur aucun retour possible. »
Cette chroniqueuse d'un monde défunt connaîtra d'autres tragédies : la mort de son père fauché sur une route, celle de sa grand-mère, celle de la petite Régine tuée accidentellement par son frère. Sur leur tombe, elle verra enfin se dévoiler le sens de sa vie. Elle sera écrivain pour fixer ce qui n'a d'essence que de s'en aller. La littérature sera sa seule patrie. Elle sait qu'elle aura auprès d'elle ces êtres frères, Hemingway, Beckett, Pavese, et tant d'autres que la vie a malmenés.
Sur l'édifice des mots, il peut éclore des fleurs dont la beauté vous laisse étourdis mais jamais seuls. Tel est le miracle de ce livre. Pour s'en convaincre, il suffit d'éprouver sa force, de descendre en soi-même, et de faire silence. - Isabelle Bunisset
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