T6 apparaissent et survolent
puis brusquement piquent et mitraillent les Français d'Algérie.
 
     
T6 apparaissent et survolent Bab-el-Oued
Puis brusquement
piquent et mitraillent.


Par tous les moyens, il faut en finir. Alors que le soleil décline doucement, dans le halo de la brume et de la fumée où semblent se confondre et se mêler le ciel et la terre, deux patrouilles de T6 apparaissent et survolent Bab-el-Oued, puis brusquement piquent et mitraillent. Sur la terrasse de l'immeuble qui occupe l'angle de l'Avenue de la Marne et du Boulevard Guillemin, dans un abri fortifié une 12-7 répond. Mais rien n'y fait. Les T.6 tournent au-dessus du quartier, piquent toujours, mitraillent non seulement les terrasses mais la rue. Avenue de la Bouzaréa, rue Montaigne, des gens tombent.

 
Tandis que les commandos O.A.S., avec leur « matériel » quittent le quartier dans des ambulances, des véhicules de pompiers ou bien encore des voitures de dépannage de l'E.G.A., les blindés continuent de marquer de leur empreinte les façades des immeubles, et la population, seule désormais, résiste encore. Les chars lourds progressent rue Borélie-La Sapie près du cinéma « Majestic » et rue Eugène-Robes, à l'endroit même où s'est produit le premier incident de la journée. Les gendarmes mobiles prennent à leur tour position sur les terrasses et ouvrent le feu sur les maisons voisines. Des éléments de la Coloniale sont également en place sous les arcades de l'Avenue de la Marne, mais eux ne tirent pas. Des autos mitrailleuses et des half-tracks tiennent l'angle Guillemin-Avenue de la Marne, occupent le square et prennent en enfilade les deux grandes artères qui mènent aux Trois-Horloges.
La nuit commence à tomber. La résistance faiblit. Les rues sont totalement désertes. Sur quelques terrasses isolées des francs-tireurs continuent de tirailler vainement.
Bab-el-Oued, quartier de la couleur, de la lumière, de la joie de vivre, des rires et des chants, est plongé dans une obscurité totale. Les fils électriques pendent lamentablement, le téléphone est pratiquement coupé dans tout le secteur. Dans les rues où les poubelles n'ont pas été vidées depuis plusieurs jours, les ordures jonchent le sol à côté de voitures dont les vitres et les pare-brise ne sont plus qu'à l'état de souvenir, dont les carrosseries portent les marques de l'intensité de la fusillade. A l'angle de l'Avenue des Consulats et de la rue du Dauphiné, en face de l'Hôpital Maillot la carcasse calcinée d'une automitrailleuse de la gendarmerie mobile, touchée par un obus de bazooka et qui a flambé, alors qu'elle se dirigeait vers la Place du Tertre. Une pluie fine commence à tomber sur Alger.
A 20 h. 30, O.A.S. s'est encore fait entendre sur le canal son de la télévision. Pour la première fois depuis l'existence de Radio Algérie la Voix de la France c'est une femme qui parle : « Il faut détruire par tous les moyens à votre disposition les engins blindés, résister, résister encore, jusqu'au bout, juqu'à la fin ». Mais tout est bien fini. Bab-el-Oued est entièrement bouclé, des blindés en place à chaque carrefour, chaque îlot ceinturé de barbelés.
Durant toute la nuit, alors que les T.6 poursuivent leur ronde inlassable et obsédante, on entendra des fusillades isolées, certaines encore très violentes. Mais chacun maintenant doit penser à cacher ses armes et attendre. | Lire la suite |