RETOUR DANS L’EMPIRE FRANCAIS

Récit véridique, édifiant et roboratif d’une expédition coloniale en pays madécasse, effectuée par d’audacieux explorateurs de la tribu des Pieds-noirs en l’an de disgrâce 2003.


Descendant sur Tananarive
Où je fus déjà maintes fois
Je me disais : eh bien, ma foi,
C’est un peu chez moi que j’arrive !

En arrivant à Majunga
Après une nuit de bivouac
Et de couchage dans un sac,
Nous nous retrouvâmes bien gaga !

(Là, se situe le point marrant :
Un capitaine de grand boutre
Nous aurait envoyé faire foutre :
Nous frétâmes un catamaran…)

En accostant à Nosy Bé-e
Tel le radeau de la méduse
Ayant asséché la cambuse
Nous en restâmes bouche bé-e !

En respirant l’Ylang-ylang
Bourrés de rhum et de quinine
Nous avions vraiment fière mine,
C’était le début du Big Bang !

En parvenant à Vohémar,
Le bout du monde au bout du quai,
Le moral était attaqué,
Chacun se disait j’en hé mar

En débarquant à Sambava
La pluie était au rendez-vous
D’aucuns étaient sur les genoux
C’est là vraiment qu’on en bava

(Nous étions partis cinq, mais sur un coup du sort,
Nous n’étions plus que trois en arrivant au port !)

Pénétrant jusqu’à Andapa,
Pays de brume et de bambous
Dans ce paysage un peu flou,
Je crapahutai pas à pas

Atterrissant à Maroansetre
Nous visitâmes Mangabé
Et, vîmes, pareils à des bébés
Les lémuriens nos ancêtres…

En rejoignant Sainte Marie
La bien nommée Ile aux pirates,
Et pour nous dilater la rate,
Nous allions plonger ; qu’on en rie !

Et de retour à Tamatave
Faisant le tour du grand bazar
Nous découvrîmes par hasard
La girofle et la betterave !

Au milieu de tous ces lascars
Attendant l’avion du retour,
Mon obsession se faisait jour :
Revenir à Madagascar !


Michel LAGROT
Grand Croix de l’Ordre Malagache des Traqueurs de Caméléons
Secrétaire officiel de l’expédition

APPENDICE en forme d’avertissement, sur la terrible aventure qui me survint dans la tribu des Betsileo, spécialistes du sciage en long des grumes de palissandre :

Au pays des scieurs de long
Z’ai voulu scier en travers…
Ze me suis trouvé Q à l’air,
Et desciré mes caleçons longs* !

*Mais qu’a le son long des violons de l’automne ?

 
CARNET DE ROUTE A MADAGASCAR par Michel LAGROT

Madagascar, deux ans après les élections présidentielles qui ont bouleversé le paysage politique et amené au pouvoir par un coup d’état le président Ravalomanana, est encore en convalescence. Le dictateur marxiste Ratsiraka, après avoir ruiné son pays en 29 ans de pouvoir presque continu, s’est réfugié en France, bien sur : il avait expulsé tous les Français à sa prise de pouvoir en 1972, ce qui le désigne tout naturellement à la sympathie de nos gouvernants….il n’en néglige d’ailleurs pas pour autant les faveurs bancaires de la Suisse !
Politiquement, le pays se stabilise : une forte opposition subsiste seule dans le nord-est, fief des Betsimisaraka, ethnie du président déchu, tant il est vrai que dans la grande Ile, tout est affaire de clans et de tribus. L’ensemble de la population, affamée par 30 ans de régression, nourrit d’immenses espoirs : on perçoit ça et là, d’ailleurs, des signes de déception et d’impatience ; mais le nouveau président jouit de la confiance de l’étranger et il réintègre peu à peu le pays dans la communauté internationale. Il en a bien besoin : pendant presque 2 ans, l’économie s’est effondrée, les recettes fiscales ont chuté de 80 %, le tourisme a disparu, le chômage s’est vertigineusement accru, et le redressement ne peut venir que de l’extérieur…
Pourtant le règne a commencé par la commande, en toute priorité, d’un Boeing 737 à usage exclusif du président, dénommé, excusez du peu, « Force one », sur le budget public, ce qui augure mal de la suite…Il faut préciser que « Marc », comme on l’appelle familièrement, est un homme d’affaire avisé : multimilliardaire, il possède depuis longtemps le trust des produits laitiers, plus récemment celui des boissons non alcoolisées et des huiles alimentaires, et médite, dit-on, de mettre la main sur l’industrie de la canne à sucre. C’est au moins un bon gestionnaire de ses propres affaires, qui a su se faire aider par les américains, et dont il est l’homme lige : c’est pourquoi sa campagne électorale présidentielle, après qu’il eut conquis la mairie de Tananarive grâce à eux, a été axée en partie sur des attaques virulentes contre la France, téléguidées par les USA…
Or, qu’en est-il de l’influence française là-bas ? On est surpris de constater que, 43 ans après l’indépendance, le pays reste très francophile et aussi très francophone : quel plaisir d’entendre parler par un vieux pousse-pousse de Tamatave, formé « à l’ancienne » par un instituteur, un français qu’on aimerait entendre de la bouche d’un de nos baveux de la télé ! Et la France reste encore la référence pour tous, malgré les maladresses et les bourdes de nos politiques, telles par exemple que la reconnaissance tardive du nouveau régime par notre diplomatie, laquelle n’a pas compris que la francophobie affichée pendant la campagne n’était qu’un gage donné à l’Amérique…le catastrophique danseur mondain qui nous sert de ministre des affaires étrangères a encore sévi, sans doute fort de ses brillants résultats en Cote d’Ivoire !.. ; N’empêche, notre pays vient d’inaugurer un lycée français tout neuf à Tana, et pour une fois on pourra s’en réjouir, tant il surgit en terrain favorable…
Influence française, disais-je, mais aussi respect de cette France coloniale si vilipendée chez nous : partout les rues ont gardé les noms (et les vieilles plaques) des Joffre, Lyautey et surtout Gallieni, lequel est présenté dans nos manuels scolaires comme le « boucher de Madagascar » : c’est avec émotion qu’on découvre derrière les guichets de la Grande Poste de Tana un immense planisphère de l’Empire colonial français remontant aux années trente, scrupuleusement entretenu, avec toutes les routes maritimes de nos messageries, comme la marque d’une nostalgie entretenue des deux cotés, complices à travers une histoire occultée…émotion encore de savoir que le 14 juillet est célébré avec ferveur à Diégo Suarez, dans les pas de la Légion Etrangère, par les anciens combattants malgaches , fiers de leurs décorations pendantes !
Un signe discret et nouveau également : l’Ile Rouge avait été couverte, dans tous ses villages, de monuments célébrant la date du 29 mars, marquant le début de l’insurrection nationaliste anti-française de 1947, considérée comme l’acte fondateur de la République malgache ; or, on peut voir maintenant presque partout qu’un badigeon de chaux blanche sur ces dalles reçoit une nouvelle date, celle de la proclamation d’indépendance le 26 juin 1960.
Quelques indices d’un renouveau économique, résultat de la confiance dont jouit désormais le président à l’extérieur, après qu’il eut fait la manche dans nombre de capitales : des travaux routiers importants sont menés dans le nord par la Colas, et on peut même voir des ponts en cours de réfection. Il faut savoir que depuis le départ de la France en 1972, pas un coup de pinceau n’a été donné sur un ouvrage de génie civil ; que les ligne de chemin de fer joignant la capitale à Tamatave et Fianarantsoa, orgueil de la colonisation, indispensables à la vie du pays, sont devenues si dangereuses, faute d’entretien, que le trafic est suspendu sine die. J’ai pu voir à Andasibe, derrière une énorme gare de style normand ( !), la voie ferrée totalement obturée par un village qui, en quelques mois, s’est construit sur les rails…Les ponts Eiffel écroulés dans les rivières sont remplacés par des bacs de pirogues…Il faut 3 jours en 4x4 pour aller de Tana à Diégo, 450 Kms impraticables quand il pleut (200 jours par an).
Dans ces conditions, l’Ile, en voie de sous développement, contrairement à la terminologie correcte, depuis 30 ans, ne peut qu’espérer. La population des campagnes s’est spontanément repliée sur une économie rurale qui n’avait pas disparu et personne ne meurt de faim, sauf dans les quartiers pauvres de Tana où certains déshérités ont un sort véritablement tragique. La situation sanitaire n’est pas brillante, surtout chez les côtiers où les CSB (centres sanitaires de base) sont inefficaces, bien qu’approvisionnés en quinine et en médicaments, à cause de l’inaptitude des populations à appliquer un programme de soins ne cadrant nullement avec les pratiques du sorcier traditionnel !
Il faut constater par ailleurs que Madagascar, exportatrice de riz à l’époque française, ne nourrit plus sa population ; il s’ensuit un déboisement par le feu qui est la plaie du pays, causant d’immenses dégâts totalement irréversibles. On estime que la grande forêt primaire, une des merveilles écologiques de la planète, une précieuse ressource en bois exotiques de grande valeur également, a disparu à plus de 75 %...malgré l’action de l’ANGAP, un organisme de gestion écologique créé et financé par les américains, qui a le mérite d’avoir créé des parcs naturels protégés, nombreux et très visités. Cet organisme, d’ailleurs, n’échappe pas à la corruption ambiante, et les Malgaches ont astucieusement évincé les fondateurs de sa gestion pour se livrer à cette occasion à des pratiques douteuses… lesquelles ne se limitent pas à ce domaine, mais se développent parfois dans des structures maffieuses telles que celles qui prolifèrent autour de l’exportation de la vanille, l’or parfumé de la côte Est : il faut avoir vu les gousses transportées par avion dans des caisses scellées, de crainte des attaques sur la route, s’être trouvé arrêté à l’entrée des villages producteurs par des hommes qui fouillent les voitures à la recherche de la vanille volée, savoir que ce trafic sert à des Chinois au blanchiment d’un argent venu d’ailleurs, pour comprendre que rien n’est simple dans ces contrées au visage innocent.
Par ailleurs, sur les hauts plateaux où les vols de bétail par l’ethnie des Baras sont traditionnels et confinaient au folklore, ils relèvent maintenant du grand banditisme : l’opinion s’est émue récemment de l’attaque d’un village par une bande, armée de kalachnikov, qui a brûlé vive une famille de 7 paysans enfermés dans leur grenier à riz, pour lui voler son troupeau. Et puis les récentes « ruées vers le saphir » dans les régions centrales, avec la création de cités bidonvilles en pleine nature, sont contrôlées de près par les maffias thaïlandaises…
Sur ce terreau fleurit une autre plaie, je veux parler des ONG, organismes « caritatifs », défenseurs du pauvre et de l’orphelin, qu’on voit partout se pavaner en 4X4 de luxe et fréquenter les hôtels à journalistes plus que les villages Sakalaves... pire encore, servant parfois de couverture à des activités pédophiles financées par l’argent de la charité européenne ; exception pourtant, des missions religieuses installées et respectées depuis longtemps et poursuivant en silence une œuvre admirable. A ne pas confondre avec certaines missions religieuses ou scientifiques, récentes et provisoires, qui ne sont en réalité que des organismes de renseignement ou de pénétration politique étrangère ; les universités américaines sont puissantes et actives !
Ces constats pessimistes peuvent être faits peu ou prou dans toute l’Afrique noire, mais Madagascar possède un énorme atout : son insularité l’a mise à l’abri de la contamination africaine, lui épargnant les horreurs des guerres tribales et des désordres endémiques du continent. Le voyageur aventureux qui craint le tourisme de masse (pas demain la veille !) et se régale des petits hôtels «coloniaux » ou des descentes en pirogue a encore de belles virées devant lui : avis ! Et puis pour l’avenir du pays, une certitude, hélas : quel que puisse être son développement, il est par avance absorbé par la folle démographie de l’Ile. Nul besoin de statistiques pour s’en convaincre, le sympathique et terrifiant spectacle de la sortie des écoles dans n’importe quel village de la brousse suffit…. Michel Lagrot

 
         
 
Association pour la mémoire de l'Empire français (AMEF) L'association a pour objet de maintenir le souvenir de l'épopée et de l'oeuvre française outre-mer. Elle défend également la mémoire de tous ceux qui ont fait tant de sacrifices pour le rayonnement de la France à travers le monde.