La stèle de l'ADIMAD du cimetière Saint pierre à nouveau jugée indésirable par la justice

 
 

La stèle de l'ADIMAD du cimetiere Saint Pierre de marignane à nouveau jugée indésirable par la justice


La cour administrative d'appel a confirmé l'annulation de l'arrêté autorisant la stèle



Sur l'ancien emplacement de la stèle, au cimetière St-Laurent, demeurent deux arbustes, quatre drapeaux, une croix avec un bout de tissu noir, des fleurs en plastique et un tableau effacé.
Sur l'ancien emplacement de la stèle, au cimetière St-Laurent, demeurent deux arbustes, quatre drapeaux, une croix avec un bout de tissu noir, des fleurs en plastique et un tableau effacé.
Photo M.S.

La stèle de l'Adimad (Amicale pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l'Algérie française) continue de faire parler d'elle. Et cela n'est pas prêt de s'arrêter puisque Jean-François Collin, le président de l'association, annonce, d'ores-et-déjà, un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat.
Car il se trouve que les décisions que vient de rendre la cour administrative d'appel de Marseille ne le satisfont pas.
La cour a en effet rejeté la requête de l'Adimad, qui demandait l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille avait annulé l'arrêté en date du 23 juin 2005 par lequel le maire de Marignane - Daniel Simonpiéri à l'époque - l'avait autorisée à occuper un emplacement du cimetière pour y ériger une stèle à la gloire de l'Organisation de l'Armée Secrète (OAS) pendant une durée de 15ans.


Un arrêté "entaché d'excés de pouvoir"



En effet, cet arrêté est, selon la cour, "entaché d'excès de pouvoir". Car il incombait "au maire de prendre les mesures qu'exige le respect de l'ordre public ; en l'espèce, compte tenu du contexte particulier de l'autorisation que le maire de Marignane envisageait d'accorder et du fait, notamment, qu'elle permettait l'installation de la stèle dans un cimetière, il devait, au préalable, apprécier la portée des effets qu'elle était susceptible d'induire ; il lui appartenait, dans ces conditions, de demander à l'association de lui présenter le projet exact du monument devant être installé et, en particulier, la mention de toutes les inscriptions qui y seraient portées afin de vérifier qu'elles n'étaient pas susceptibles d'être à l'origine de troubles à l'ordre public ; il ne ressort ni de la décision attaquée, ni d'aucune pièce du dossier que le maire s'est préoccupé des conséquences de sa décision".


La commune condamnée à payer 4 500 € à l'Adimad


Elle a aussi décidé que la commune de Marignane devait verser 3000€ à l'Adimad et 1500€, pour les frais de justice. Bien moins que la somme réclamée par l'Adimad: elle demandait en effet l'indemnisation du préjudice que lui avait causé "l'illégalité fautive de l'arrêté du maire en date du 23 juin 2005, l'autorisant à implanter une stèle dans l'enceinte du cimetière".
L'Adimad exposait un préjudice matériel d'un montant de 41647€, représentant la réalisation de la stèle, son installation, les frais liés à son inauguration et les frais de justice. Quant au préjudice moral, l'Adimad l'estimait à 60 000 €.
Mais le tribunal a considéré que seuls les frais relatifs aux travaux d'installation du monument pouvaient justifier une indemnisation. Et en a fixé le montant à 3000€. La cour a également décidé que l'Adimad devait verser 1500€ à Jean-François Gavoury, fils du commissaire central d'Alger poignardé à Alger, pour ses frais de justice.
Le tribunal a en effet estimé que la stèle, qui portait sur "sa partie droite, les dates de l'éxécution de personnes qui avaient été condamnées à mort pour les actes qu'ils avaient commis au cours de la période précédant l'indépendance de l'Algérie, que parmi ces dates figurait celle de l'éxecution des auteurs du meurtre du commissaire Gavoury. La circonstance que des témoins de cette période sont encore en vie et que les événements qui se sont déroulés sont toujours dans leurs mémoires ne permet pas encore à cette période de garder sa seule dimension historique qui aurait dépassionné l'installation de cette stèle ; dans ce contexte, M. Gavoury, fils du commissaire tué, conserve un intérêt moral et donc la qualité pour agir contre une décision administrative qui a pour effet de donner un caractère public à un hommage aux responsables de la mort de son père".


Que vont devenir le monument et la parcelle


La stèle est toujours conservée dans un local de la mairie de Marignane. "Deux mairies, mais je ne vous dirai pas lesquelles, et des propriétaires de terrains privés nous ont proposé de l'accueillir. Nous allons voir", explique Jean-François Collin.
Cela n'empêchera pas les membres de l'association de continuer à se recueillir sur la parcelle où - nous avons pu le constater hier - quatre drapeaux français et une croix ornée d'un bout de tissu noir ont été dressés, avec des fleurs en plastique . "Si le maire nous en empêchait, les votants ne seraient peut-être pas contents", laisse craindre Jean-François Collin, qui persiste: "Éric Le Dissès, avec qui j'avais déjeuné, aurait pu régulariser la situation en présentant une délibération à son conseil municipal. Il m'a répondu: "Ça, jamais car c'est la faute de mon prédécesseur". S'il avait tenté, on n'aurait rien pu lui dire. Il peut d'ailleurs toujours le faire".
Et pour le président de l'Adimad, il n'est toujours pas question de répondre positivement à la proposition du maire de faire ériger, en lieu et place de la stèle, un monument à la mémoire de tous les morts de la guerre d'Algérie: "Il n'en est pas question". Un monument auquel Jean-François Gavoury, lui, ne se serait pas opposé: "Cette idée-là m'allait bien". Et pour lui, "si l'essentiel est préservé car la stèle litigieuse a disparu", il estime "que le maire devrait veiller à ce que ne se reconstitue pas une stèle informelle, il y a quand même matière à faire usage de ses pouvoirs pour faire disparaître ces gerbes. Le maire serait bien avisé, pour éviter toute procédure en justice, que la stèle ne se reconstitue pas. L'arrêté ayant été annulé, l'emplacement est neutralisé, c'est une appropriation illégale du domaine communal par l'Adimad".
Envisage-t-il d'intenter une action en ce sens ? "Non, j'imagine déjà le maire accablé par cette procédure qui commence à coûter cher aux contribuables locaux, à cause des errements de Daniel Simonpiéri".
Emmanuelle ELBAZ (eelbaz@laprovence-presse.fr)